Contrat de travail oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 8 mars 2017

N° de pourvoi : 15-87422

ECLI:FR:CCASS:2017:CR00300

Publié au bulletin

Cassation partielle

M. Guérin (président), président

Me Bouthors, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" M. Marc X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle, en date du 6 novembre 2014, qui l’a condamné, pour infraction au code de l’urbanisme, à 5 000 euros d’amende et pour travail dissimulé et blanchiment, à dix-huit mois d’emprisonnement, 150 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction de gérer, et a ordonné une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 18 janvier 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, M. d’Huy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CHAUCHIS, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite du contrôle d’un chantier de construction situé sur la propriété de M. X... et au terme des investigations menées par les services de la gendarmerie, celui-ci a été cité devant le tribunal correctionnel aux fins de répondre de faits d’infraction au code de l’urbanisme, recours aux services de personnes exerçant un travail dissimulé et blanchiment ; que le tribunal l’a déclaré coupable par un jugement dont il a fait appel ainsi que le ministère public ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-5 du code pénal, L. 421-1, R. 421-1, R. 421-14, L. 480-4, L. 480-5, et L. 480-7 du code de l’urbanisme, de l’article préliminaire et des articles 386, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a pénalement condamné le requérant du chef de construction sans permis ;
” aux motifs qu’informés de l’existence d’une construction éventuellement illégale, les gendarmes se rendaient le 24 mars 2009 sur un terrain appartenant au prévenu au François où se trouvait une villa existante et un bâtiment en extension ; que la construction en extension n’avait fait l’objet d’aucune déclaration, ni demande ou délivrance d’un permis de construire ; que les gendarmes remarquaient également la présence de trois ouvriers d’origine portugaise qui reconnaissaient travailler pour le compte du prévenu sans pour autant percevoir de salaire, mais être en revanche hébergés et nourris ; que le prévenu admettait avoir eu recours aux services de ces trois personnes après les avoir fait venir par avion pour qu’ils réalisent les travaux de charpente de couverture, ne leur verser aucun salaire, juste leur remettre de temps en temps un peu d’argent pour faire les courses ; qu’en parallèle la police municipale du François adressait aux gendarmes un rapport d’infraction datée du 25 mars 2009 relevant que l’ensemble des travaux d’extension s’effectuait sur une surface de 200 m ², sans aucun permis de construire ; que les enquêteurs s’intéressaient également aux sources de revenus du prévenu lequel expliquait en décembre 2009 que ses revenus étaient exclusivement composés de loyers tirés de la location de logements soit environ 7 000 euros par mois ; qu’or ces revenus étaient absorbés dans leur quasi-totalité par les remboursements de prêts à la consommation et n’étaient pas déclarés fiscalement dans leur totalité ; que la même enquête après étude de documents saisis au cours de perquisitions permettait de démontrer que le prévenu avait déduit des revenus déclarés aux services fiscaux le montant de travaux soi-disant réalisés dans les logements loués, alors qu’en réalité les travaux avaient été réalisés pour son propre compte sur sa propriété, pour son extension estimée par le prévenu lui-même à 40 ou 50 000 euros ; qu’enfin le prévenu reconnaissait qu’il gérait de fait une discothèque ; que, sur la culpabilité, les premiers juges ont justement retenu le prévenu dans les liens de la prévention, par des motifs pertinents que la cour adopte ; qu’en effet la construction litigieuse a commencé en mars 2009 sans demande de permis de construire, la régularisation intervenue a posteriori ne faisant nullement disparaître le fait délictueux, ce d’autant que cette régularisation a été obtenue en fournissant de fausses informations sur la surface couverte (…) ;
” et aux motifs adoptés, sur le défaut de permis de construire, que l’alinéa 1 de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme dispose : “ les constructions, même ne comportant pas de fondation, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire “ ; qu’il n’est pas contesté qu’en l’espèce la construction litigieuse a vu le jour en mars 2009 sans qu’aucun permis de construire ait été sollicité et en conséquence délivré auparavant ; que M. Marc-André X..., absent à l’audience, a toutefois fait plaider la relaxe sur ce chef d’infraction en faisant valoir :

"-" que l’infraction reprochée n’était pas constituée faute d’une information préalable du maire quant aux mérites de la poursuite ;

"-" qu’en tout état de cause, une régularisation est intervenue du fait de la signature de l’arrêté du permis de construire N PC 972210, en date du 4 septembre 2009, adressé à la sous-préfecture du Marin le 14 septembre 2009 devenu exécutoire puisque n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle ; que c’est oublier en l’espèce le rapport d’infraction du 23 mars 2009 dressé par la police municipale du François d’une part, et qui implique à tout le moins une information préalable des services de la commune, donc du maire, ceci à supposer que ce soit un préalable aux poursuites, ce que ne prévoit pas le texte d’incrimination ; que c’est méconnaître les dispositions de l’article 111-5 du code pénal aux termes duquel, le tribunal correctionnel peut toujours interpréter un acte administratif pour en apprécier la régularité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis ; qu’or, en l’espèce, le courrier de la direction départementale de l’équipement daté du 12 juillet 2010 au procureur de la République expose les raisons pour lesquelles l’arrêté dit de régularisation du 4 septembre 2009 doit être considéré comme irrégulier ; que cet arrêté intervenant en contradiction avec les règles de l’urbanisme applicable précisément sur la commune du François, notamment, avec l’article 4 du plan d’urbanisme local ; que cet article 4 prévoit que, conformément à l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, “ les dispositions des articles 3 à 13 du règlement de chacune des zones ne peuvent faire l’objet que d’adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles pour leur caractère des constructions avoisinantes “ ; que le plan local d’urbanisme classe la parcelle AL 154 sur laquelle est implantée la villa du prévenu et son extension en zone U4 ; qu’il s’agit d’un habitat récent, pavillonnaire peu dense principalement développé sous forme de lotissement ; que l’article 7 impose un recul de la construction par rapport aux limites séparatives de 4 mètres minimum ; que l’article 9 prévoit une emprise au sol des constructions limitées à 50 % de la surface au sol ; qu’or l’arrêté de régularisation accordé à M. X... autorise une dérogation à l’article 7 s’agissant du prospect de 4 mètres et, est rendu sur la base d’une surface hors oeuvre nette de 29, 66 m ² alors même que la surface couverte déjà construite en limite de propriété de la parcelle est d’au minimum 150 m ² ; qu’il n’y pas là d’adaptation mineure ; que, de plus la religion de la mairie est trompée sur la surface en cause ; que cet arrêté est manifestement illégal de sorte que M. X... est retenu dans les liens de la prévention et en répression, s’agissant de cette seule infraction, condamné au paiement d’une amende de 5 000 euros ;
” alors que le juge correctionnel, qui se propose d’interpréter ou d’apprécier la légalité d’un acte administratif individuel invoqué pour sa défense par la personne poursuivie, ne peut exercer cette compétence qu’après avoir recueilli l’avis de l’auteur de l’acte administratif dont s’agit, sauf à priver le prévenu d’une garantie essentielle pour sa défense sur un élément de nature à priver la poursuite de tout fondement ; qu’en se bornant à relever que l’arrêté de régularisation du 4 septembre 2009 était apparu irrégulier à la DDE pour les raisons indiquées dans sa lettre du 12 juillet 2010 au procureur de la République, sans solliciter l’avis de l’auteur de l’arrêté, la cour a violé les textes et principes susvisés et n’a pas assuré au prévenu un procès équitable “ ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu du chef de construction sans permis, alors que ce dernier se prévalait de l’intervention d’un arrêté de régularisation a posteriori, l’arrêt retient qu’une telle régularisation ne fait nullement disparaître le fait délictueux, alors qu’au surplus elle a été obtenue en fournissant de fausses informations ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-4 du code pénal, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, 1779-3° et 1787 et s. du code civil, de l’article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt confirmatif a pénalement condamné le requérant du chef de travail dissimulé ;
” aux motifs propres que les gendarmes remarquaient également la présence de trois ouvriers d’origine portugaise qui reconnaissaient travailler pour le compte du prévenu sans pour autant percevoir de salaires, mais être en revanche hébergés et nourris ; que le prévenu admettait avoir eu recours au service de ces trois personnes après les avoir fait venir par avion pour qu’ils réalisent les travaux de charpente, de couverture, ne leur versait aucun salaire, juste leur remettre de temps en temps un peu d’argent pour faire des courses ; qu’aux motifs adoptés que la constitution de ces infractions ne fait aucun doute ; qu’elles sont établies par les constats des enquêteurs le 24 mars à leur arrivée sur les lieux (pièce n° 5) et par les déclarations des deux prévenus et celles de leurs victimes ; qu’avec le concours de M. Jaime Y...qui, a assuré leur recrutement au Portugal au sein même de sa famille, M. X... a fait venir en Martinique MM. Sergio Z..., Carlos et Armindo A... sous couvert d’un visa de tourisme de trois mois aux fins de leur faire édifier l’annexe à sa villa, bien que n’ayant pas de projet particulier quant à son utilisation à venir (cf notamment, pièce n° 53 de la procédure) ; que MM. X... et Y... sont déclarés coupables des faits reprochés sur ces chefs ;
” 1°) alors que le délit de travail dissimulé exige la conclusion préalable d’un contrat d’entreprise ou d’un contrat de prestation de service au sens des articles 1779-3° et 1787 et s. du code civil ; qu’en s’abstenant de qualifier un contrat entrant dans les prévisions de l’article L. 8221-1-3° du code du travail, la cour a violé les textes susvisés ;
” 2°) alors que la cour n’a pas davantage caractérisé un travail dissimulé au regard des obligations déclaratives du donneur d’ordre qu’il lui appartenait d’établir objectivement, sauf à priver son arrêt de toute base légale “ ;
Attendu que, pour condamner le prévenu du chef de travail dissimulé, l’arrêt, par motifs adoptés, retient qu’il résulte des constats effectués par les enquêteurs à leur arrivée sur les lieux et des déclarations recueillies au dossier qu’avec le concours de M. Jaime Y..., M. X... a fait venir en Martinique trois ouvriers recrutés au Portugal aux fins de leur faire édifier l’annexe à sa villa, sans leur remettre de salaire mais en leur fournissant l’hébergement et la nourriture ;
Attendu qu’en se déterminant par ces motifs, exempts d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit de travail dissimulé et, ainsi, justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite convention, 111-4, 131-21, 324-1 alinéa 2, et 3, 324-3, 324-7 et 324-8 du code pénal, de l’article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a pénalement condamné le requérant du chef de blanchiment de fraude fiscale et a ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation de son bien immobilier ;
” aux motifs propres que les enquêteurs s’intéressaient également aux sources de revenus du prévenu, lequel expliquait en décembre 2009 que ses revenus étaient exclusivement composés de loyers, de la location de logements, soit environ 7 000 euros par mois ; que ces revenus étaient absorbés dans leur quasi-totalité par les remboursements de prêts à la consommation et n’étaient pas déclarés fiscalement dans leur totalité ; que la même enquête, après étude de documents saisis au cours de perquisitions permettaient de démontrer que le prévenu avait déduit des revenus déclarés aux services fiscaux le montant de travaux soi-disant réalisés dans les logements loués, alors qu’en réalité les travaux avaient été réalisés pour son propre compte sur sa propriété, pour son extension estimée par le prévenu lui-même à 40 ou 50 000 euros (…) ; qu’en minorant ses déclarations de revenus provenant de ses loyers et en déduisant des charges le montant des travaux réalisés dans son habitation et non dans ses locations, le prévenu, comme l’ont relevé les premiers juges, a bien commis l’infraction de blanchiment ;
” et aux motifs des premiers juges que l’article 324-1 du code pénal définit l’infraction par “ le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ; que constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit » ; qu’en l’espèce, la prévention vise la dissimulation de revenus par la réalisation de la fraude fiscale pour avoir minoré les déclarations de revenus tirés par le prévenu des loyers perçus, en ajoutant aux charges de ses déclarations d’impôts le montant de travaux réalisés à son domicile, et en réinvestissant ces sommes échappant au fisc pour les travaux d’entretien de son patrimoine personnel, ainsi que pour la construction d’une discothèque ; que sans remettre en cause sérieusement la matérialité des faits reprochés, matérialité affirmée par les documents dans ses résidences, le prévenu fait valoir que l’infraction de blanchiment ne serait pas constituée, faute de poursuite de l’infraction originelle, soir la fraude fiscale ; que les arrêts de la chambre criminelle de la cour de cassation des 25 juin 2003 et 3 décembre 2003, notes 1 et 2 sous l’article 324-1 du code pénal édition 2013- établissent sans équivoque le caractère autonome du délit de blanchiment à charge toutefois pour le juge du fond de démontrer, en cas de condamnation la réalité de la fraude fiscale lorsqu’elle est l’infraction permettant la mise en oeuvre de celle de blanchiment ; que les documents saisis par le GIR font la preuve en l’espèce de la dissimilations par le prévenu à l’administration fiscale d’une partie de ses revenus locatifs, soit la fraude fiscale, sans laquelle les montants ainsi épargnés n’auraient pas permis à M. X... de mettre en oeuvre la construction de son annexe dont la structure, cf les photos et les dépositions des “ salariés “ accréditent la thèse de la construction d’une discothèque ; qu’il est incontestable que M. X... retire également des revenus occultes de l’exploitation de la discothèque “ le Negresco “ ; qu’en conséquence, M. X... est déclaré coupable du chef de blanchiment ; qu’au regard de ses antécédents il est condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement qui réprime également le délit de recours au travail dissimulé ; qu’en application de l’article 324-7-12 du code pénal, la présente juridiction prononce également la confiscation de la propriété cadastrée AL 154 pour une superficie de 892 m ², sol plus bâtiments construits ; que le tribunal enfin prononce à l’encontre du prévenu une interdiction d’exercer pendant cinq ans une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ceci en application de l’article 324-7 1 du code pénal ;
” 1°) alors qu’est privé de motifs l’arrêt qui se fonde sur des considérations hypothétiques ; qu’en se bornant à déclarer que le prévenu n’aurait pu mettre en oeuvre la construction litigieuse sans les sommes dissimulées à l’administration fiscale, la cour s’est déterminée par un motif hypothétique et a privé sa décision de motifs ;
” 2°) alors que le délit de blanchiment s’entend non pas du placement, de la dissimulation ou de la conversion de biens obtenus illicitement mais du fait d’apporter son concours à une opération de cette nature ; que ce délit ne peut être réputé commis par l’auteur présumé d’une fraude fiscale au demeurant non poursuivie par l’administration compétente ; qu’en se bornant à déclarer que sans les sommes qu’il aurait dissimulées à l’administration fiscale, le requérant n’aurait pu mettre en oeuvre la construction litigieuse, la cour n’a constaté aucun fait propre à caractériser le délit de blanchiment reproché au requérant ;
” 3°) alors que le blanchiment exige le remploi d’un produit illicite matérialisé par un placement, une dissimulation ou une conversion du produit d’une infraction originaire ; qu’en se bornant à dire que les revenus locatifs du requérant n’étaient pas fiscalement déclarés dans leur totalité et que des travaux réalisés pour son propre compte sur sa propriété avaient fait l’objet de déductions indues à titre de charges, sans autrement préciser le volume des sommes soustraites à l’impôt ni circonstancier les conditions d’un remploi de celles-ci par « placement, dissimulation ou conversion », la cour a derechef violé les textes cités au moyen ;
” 4°) alors en tout état de cause que la confiscation d’une parcelle d’une superficie de 892 m ² et des bâtiments construits est illégale et d’ailleurs disproportionnée en ce qu’elle tend à sanctionner le financement et les travaux d’extension d’une construction existante sur une surface de 200 m ², dès lors que la cour ne constate pas que le fonds lui-même, dans son ensemble ou en partie, eut été acquis au moyen de fonds illicites “ ;
Sur le moyen pris en ses trois premières branches :
Attendu que, pour condamner le prévenu du chef de blanchiment de fraude fiscale, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les documents saisis font la preuve de la fraude fiscale du fait de la dissimulation par celui-ci, à l’administration fiscale, d’une partie de ses revenus locatifs et de la déduction des charges afférentes du montant des travaux réalisés dans son habitation et non dans ses locations ; que les juges ajoutent que, sans les sommes ainsi soustraites à l’impôt, il n’aurait pas été en mesure de construire son annexe ; que M. X... retire également des revenus occultes de l’exploitation d’une discothèque ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, relevant de son appréciation souveraine, dont il résulte que le prévenu a procédé à la dissimulation du produit direct ou indirect du délit de fraude fiscale dont elle a caractérisé l’existence, la cour d’appel, qui ne s’est nullement prononcée par des motifs hypothétiques, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 131-21 alinéa 6 du code pénal, 485 du code de procédure pénale, ensemble l’article 132-1 du code pénal ;
Attendu que le juge qui prononce une mesure de confiscation de tout ou partie d’un patrimoine doit motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, et apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé ;
Attendu que, pour ordonner, à titre de peine complémentaire, la confiscation de la propriété du prévenu, cadastrée AL 154 d’une superficie de 892 mètres carrés, l’arrêt retient que cette peine est adaptée à la nature des faits délictueux commis ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes et le principe susvisés ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 111-4, 132-3, 132-19 et 132-24, 324-1 à 324-8 du code pénal, de l’article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a condamné le requérant à une peine d’emprisonnement ferme de dix-huit mois et à une amende de 150 000 euros des chefs de travail dissimulé et de blanchiment, outre une amende délictuelle de 5 000 euros du chef de construction sans permis, ainsi qu’aux peines complémentaires de confiscation et d’interdiction de gérer ;
” aux motifs qu’au regard de ses antécédents il est condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement qui réprime également le délit de recours au travail dissimulé ; qu’en application de l’article 324-7-12 du code pénal, la présente juridiction prononce également la confiscation de la propriété cadastrée AL 154 pour une superficie de 892 m ², sol plus bâtiments construits ; que le tribunal enfin prononce à l’encontre du prévenu une interdiction d’exercer pendant cinq ans une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ceci en application de l’article 324-7 1 du code pénal ;
” 1°) alors qu’il appartient au juge du fond de motiver le choix d’une peine ferme en considération tant de la gravité des faits et de la personnalité de l’auteur que de l’adéquation de la peine elle-même au regard des peines alternatives susceptibles d’être prononcées ; qu’en ne s’expliquant nullement sur l’éviction d’une peine alternative, la cour a violé les textes cités au moyen ;
” 2°) alors que lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ; qu’en prononçant contre le requérant deux amendes distinctes en répression d’infractions comprises dans une même poursuite, la cour a violé le principe du non cumul des peines “ ;
Vu l’article 132-3 du code pénal ;
Attendu qu’aux termes de ce texte, lorsque, à l’occasion d’une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée ; que, toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ;
Attendu qu’après avoir déclaré le prévenu coupable de l’ensemble des faits reprochés, la cour d’appel le condamne à deux amendes distinctes, l’une en répression de l’infraction au code de l’urbanisme, l’autre en répression des délits de recours aux services de personnes exerçant un travail dissimulé et blanchiment ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’une seule peine d’amende devait être prononcée pour les délits dont le prévenu était déclaré coupable, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est à nouveau encourue ; qu’elle sera limitée aux peines dès lors que la déclaration de culpabilité n’encourt pas la censure ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l’encontre de M. X..., l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Fort-de-France, en date du 6 novembre 2014, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Fort-de-France autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Fort-de-France, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Fort-de-France , du 6 novembre 2014