Transport - entraide oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 12 février 2014

N° de pourvoi : 12-18423

ECLI:FR:CCASS:2014:SO00345

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. X... de ce qu’il reprend l’instance en qualité de liquidateur judiciaire de M. Y... ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux première branches :

Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Z... a entretenu, à partir du mois de mars 2006, une relation personnelle avec M. Y..., exploitant à titre individuel une entreprise de transport sous l’enseigne Entreprise Y... service distribution, puis sous le nom commercial Machecoul Achecoul-Courses.Com ; qu’elle a signé avec lui, pour la période du 26 mai 2008 au 30 juin 2008, un contrat de travail à durée déterminée qui n’a pas été renouvelé à la suite de la séparation du couple ; que Mme Z..., revendiquant l’existence d’un contrat de travail verbal à temps plein à compter de mars 2006, a saisi la juridiction prud’homale le 4 août 2009 de demandes relatives à l’exécution de son contrat de travail ; que M. Y... ayant été placé en liquidation judiciaire par jugement du 13 février 2013, M. X..., mandataire judiciaire, a repris l’instance ;

Attendu que pour retenir l’existence d’un contrat de travail entre les parties au cours de la période litigieuse, et accueillir en conséquence les demandes en paiement de diverses sommes au titre de la rupture de ce contrat et d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt retient que les attestations versées aux débats, les lettres de voiture revêtues de la signature de Mme Z..., ses feuilles de route ainsi qu’un relevé récapitulatif des transports réalisés de 2006 à 2008 à partir de ses agendas personnels montrent l’existence d’un contrat de travail entre les parties entre le 19 mai 2006 et le 26 mai 2008 dans la mesure où l’intéressée accomplissait un travail à temps plein pour le compte de M. Y... qui lui donnait à cet effet les instructions nécessaires, ce qui caractérise un lien de subordination et ce indépendamment de leur situation personnelle de concubins ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser les contraintes qui s’imposaient à l’intéressée ni constater l’existence de directives s’adressant à elle, d’un contrôle de leur exécution et d’un pouvoir de sanction à son égard, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un lien de subordination juridique entre les parties, a privé sa décision de base légale ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne celle des deux autres moyens ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. Y... à payer à Mme Z... des sommes à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, d’indemnité pour travail dissimulé, d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, et d’indemnité conventionnelle de licenciement, l’arrêt rendu le 2 mars 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit que Mireille Z... et l’entreprise Y... avaient été liées par un contrat de travail à durée indéterminée pour la période du 19 mai 2006 au 26 mai 2008, et d’avoir condamné M. Y... au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail et d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE les attestations versées aux débats et notamment celles de la gérante de la société France Europe express, les lettres de voiture revêtues de la signature de madame Z..., ses feuilles de route ainsi qu’un relevé récapitulatif des transports réalisés de 2006 à 2008 à partir de ces agendas personnels montrent l’existence d’un contrat de travail entre les parties entre le 19 mai 2006 et le 26 mai 2008 dans la mesure où cette dernière accomplissait un travail à temps plein pour le compte de monsieur Y... qui lui donnait à cet effet les instructions nécessaires, ce qui caractérise un lien de subordination et ce indépendamment de leur situation personnelle de concubins ; qu’il n’est pas justifié par monsieur Y... qu’il aurait effectué des versements à Mme Z... à divers titres, de sorte qu’il convient au vu des décomptes fournis par la salariée et en l’absence d’éléments contraires de l’employeur de retenir un rappel de salaire, congés payés inclus, d’un montant de 39 802,55 euros brut duquel il convient de déduire la somme de 10 000 euros ;

1) ALORS QUE le lien de subordination suppose que le salarié soit à la disposition de l’employeur, que son activité lui soit imposée par ce dernier en contrepartie d’une rémunération , que cet employeur lui donne des ordres de manière régulière, en contrôle l’exécution et en sanctionne les manquements ; qu’en l’espèce, il résulte des conclusions de Mme Z... elle-même que les attestations versées tendent seulement à établir que celle-ci a bien effectué des prestations de transport durant la période considérée ; qu’en en déduisant l’existence d’un contrat de travail à temps plein sans indiquer sur quels éléments précis elle se fondait pour constater que cette prestation était effectuée en situation de subordination juridique et sans préciser en particulier en quoi les « instructions » données par monsieur Y... dépassaient celles qui auraient pu être données dans le cadre d’une entraide bénévole ou d’une association de fait entre concubins pour caractériser un véritable lien de subordination juridique, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L1221-1 du code du travail ;

2) ALORS QU’il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en établir l’existence ; qu’à cet effet, il ne suffit pas d’établir l’existence de prestations de services effectuées pour le compte d’une entreprise ; que la cour d’appel a retenu la seule preuve de l’existence de prestations de service au profit de clients déterminés, sans préciser sur quels éléments elle avait pu se fonder pour constater que ces prestations étaient des prestations salariées ; qu’ainsi la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1315 du code civil ;

3) ALORS QUE monsieur Y... invoquait dans ses conclusions le fait que Mireille Z... avait continué, pendant toute la période de du 19 mai 2006 au 26 mai 2008, à se prévaloir de sa qualité de demandeur d’emploi pour bénéficier des allocations chômage et des aides sociales dont les salariés sont normalement privés ; qu’en retenant néanmoins l’existence d’un contrat de travail durant cette période sans répondre sur ce point aux conclusions de monsieur Y... et sans effectuer les recherches que ces conclusions commandaient quant à la nature exacte de la situation sociale de madame Z... et à l’incompatibilité des qualités de salariée et de demandeur d’emploi dont elle s’était simultanément prévalu, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L1221-1 du code du travail, ensemble, le principe d’interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné monsieur Y... au versement d’un rappel de salaires, congés payés inclus, d’un montant de 39 802,55 euros, déduction faite de la somme de 10.000 euros et de dommages et intérêts pour rupture abusive et pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE les attestations versées aux débats et notamment celles de la gérante de la société France Europe express, les lettres de voiture revêtues de la signature de madame Z..., ses feuilles de route ainsi qu’un relevé récapitulatif des transports réalisés de 2006 à 2008 à partir de ces agendas personnels montrent l’existence d’un contrat de travail entre les parties entre le 19 mai 2006 et le 26 mai 2008 dans la mesure où cette dernière accomplissait un travail à temps plein pour le compte de monsieur Y... qui lui donnait à cet effet les instructions nécessaires, ce qui caractérise un lien de subordination et ce indépendamment de leur situation personnelle de concubins ; qu’il n’est pas justifié par Monsieur Y... qu’il aurait effectué des versements à Mme Z... à divers titres de sorte qu’il convient au vu des décomptes fournis par la salariée et en l’absence d’éléments contraires de l’employeur de retenir un rappel de salaire, congés payés inclus, d’un montant de 39 802,55 euros brut duquel il convient de déduire la somme de 10 000 euros ;

ALORS QUE si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve produits par chacune des deux parties, ils n’en sont pas moins tenus de motiver leur décision en rendant compte de l’examen effectué sur l’ensemble des éléments de preuve produits par chacune des deux parties et en indiquant succinctement les raisons pour lesquelles seules les preuves produites par l’une des parties ont été retenues ; qu’en ayant retenu les seuls décomptes fournis par madame Z... sans s’expliquer en aucune manière sur l’analyse des éléments de preuve fournis par monsieur Y... relatifs notamment au versements effectués et avantages attribués à madame Z..., la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné monsieur Y... à verser à madame Z... une indemnité pour travail dissimulé d’un montant de 1531,07 euros brut ;

AUX MOTIFS QUE l’absence de paiement du salaire, de remise de bulletin de paie et de déclaration préalable à l’embauche caractérise la dissimulation volontaire et donc intentionnelle de cette relation de travail comme l’a retenu le conseil de prud’hommes dont le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à Mme Z... une indemnité pour travail dissimulé qui sera néanmoins limitée à la somme de 1531,07 euros bruts ;

1) ALORS QUE le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule méconnaissance de prescriptions légales pas plus que de la qualification erronée donnée à la relation de travail ; qu’en statuant comme elle l’a fait sans caractériser le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi, la cour d’appel a violé les articles L8221-5 et L8223-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes , du 2 mars 2012