Professeur tennis - salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 février 2013

N° de pourvoi : 11-26982

ECLI:FR:CCASS:2013:SO00348

Non publié au bulletin

Cassation

M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer un écrit, ensemble l’article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, statuant sur contredit, que M. X..., professeur de tennis, a dispensé ses cours auprès de l’association SMEC Tennis dans le cadre d’un contrat dénommé “ Convention de Partenariat “ conclu le 02 juillet 2007 pour un an et qui n’a pas été renouvelé ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de cette convention en un contrat de travail ; que l’association a été mise en liquidation judiciaire, la société Y...- H...- I..., prise en la personne de M. Y... étant désignée en qualité de mandataire judiciaire ;

Attendu que les juges du fond ne peuvent interpréter les conventions que si celles-ci sont obscures ou ambiguës ;

Attendu que pour écarter l’existence d’un contrat de travail et renvoyer l’affaire devant le tribunal de grande instance de Metz, l’arrêt retient, d’une part, “ qu’aucune indication n’était portée dans la convention quant aux honoraires de l’appelant “, et d’autre part, que “ les termes du contrat ne présentaient pas le caractère impératif revendiqué “, alors qu’en son article 3, cette convention stipulait expressément : “ les prestations de service en tant que professeur principal seront facturées au tarif de 25 € HT de l’heure “, et qu’en son article 7 il était stipulé : “ il participera obligatoirement à toutes les compétitions officielles en qualité de joueur ou de capitaine. Il est autorisé à accompagner sur les tournois et compétitions de haut niveau, les joueurs classés et ceci après accord de la commission sportive..... Cette autorisation est subordonnée à la participation impérative de l’accompagnant et l’accompagné au match de championnats pour le compte de l’Association “ ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, a violé le principe et le texte susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 septembre 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;

Condamne M. Y... ès qualités de mandataire liquidateur de l’association SMEC Tennis aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... ès qualités de mandataire liquidateur de l’association SMEC Tennis à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR, statuant sur contredit, déclaré la juridiction prud’homale incompétente pour connaître de la rupture de la relation de travail ayant existé entre Monsieur Virgile X... et l’Association SMEC Tennis ;

AUX MOTIFS QUE “ En date du 02 juillet 2007, l’association SMEC Tennis a conclu un contrat intitulé “ convention de partenariat “ avec la SARL Teloon cogérée par Monsieur Virgile X... et Monsieur Dimitri Z... ; qu’il y est notamment mentionné que l’association SMEC Tennis souhaite engager en qualité de prestataire de services la Société Teloon France SARL qui déléguera exclusivement pour cette mission Monsieur Virgile X... en qualité de professeur principal de tennis dont les prestations seront facturées par la société à l’association ; qu’il est également précisé que les deux parties conviennent qu’il ne s’agit en aucun cas d’un contrat de travail ;

QUE Monsieur Virgile X... soutient que le statut de prestataire de services libéral ne correspondait pas à la réalité et qu’il était dans un état de subordination vis-à-vis de l’association ; que pour établir sa subordination, l’appelant soutient tout d’abord que ses fonctions étaient décrites de façon très précise et sur un mode impératif dans le contrat ; qu’il fait expressément référence aux articles 6, 7 et 8 du contrat, ainsi rédigés :

” Mission encadrement de l’école de tennis :

Monsieur Virgile X... assurera le fonctionnement de l’école de tennis.

Il assurera la formation des éducateurs et de son adjoint mis à sa disposition par le Club...

Il assurera le suivi des élèves...

Il assurera en outre l’animation extra sportive, l’administration sportive de l’école, les relations avec les parents en collaboration d’un membre de la commission sportive.

Mission école de compétition :

Monsieur Virgile X... sélectionnera les élèves retenus.

Il proposera un programme d’entraînement à la commission sportive pour les élèves retenus.

Mission entraînement des équipes :

Monsieur Virgile X... assurera l’entraînement des équipes hommes et femmes.

Il proposera un programme d’entraînement à la commission sportive pour ces équipes.

Mission participation aux compétitions officielles :

Monsieur Virgile X... participera obligatoirement à toutes les compétitions officielles en qualité de joueur ou de capitaine.

Il est autorisé à accompagner sur les tournois et compétitions de haut niveau, les joueurs classés et ceci après accord de la commission sportive.

Il devra en outre prévenir son adjoint afin d’être remplacé...

Cette autorisation est subordonnée à la participation impérative de l’accompagnant et l’accompagné aux matchs de championnat pour le compte de l’Association... “ ;

QUE cependant les missions ainsi énumérées ne correspondent qu’aux fonctions habituelles de l’encadrant professionnel d’un club de sport, les spécificités ne portant que sur l’objet du sport concerné à savoir le tennis, chacune des missions citées n’étant, en elle-même, définie que de façon très générale voire générique ; qu’ainsi et notamment, aucune indication n’est portée dans la convention quant aux honoraires de l’appelant, au nombre d’élèves par cours, aux modalités de sélection des compétiteurs... ; qu’en contradiction, le CGEA-AGS produit le projet sportif élaboré par M. Virgile X... ; que celui-ci constitue, au contraire, un véritable programme de développement du club mais surtout d’organisation du fonctionnement du club avec indication de la durée des cours de tennis, fixation du nombre d’élèves par cours, coût de l’heure de cours, élaboration précise d’un calendrier de programme de préparation physique des membres... ; que dans l’attestation que l’appelant a lui-même fournie, Monsieur Serge A... écrit que “ dès le mois d’août 2007 Monsieur Virgile X... a mis en place une nouvelle organisation de l’école de tennis : composition des groupes, pédagogie de l’enseignement, passage de 1 heure à 1 heure 30 pour la durée d’un cours, encadrement du groupe d’initiateurs fédéraux et des bénévoles chargés de l’aider sur les cours... “ ;

QUE l’appelant soutient par ailleurs qu’au-delà des termes mêmes du contrat, dont il a été constaté ci-dessus qu’ils ne présentaient pas le caractère impératif revendiqué, il était, dans la réalité quotidienne, soumis aux ordres et directives de l’association SMEC qui se comportait comme son employeur ; qu’il verse aux débats un certain nombre d’attestations émanant de Mademoiselle Céline B..., Madame Pascale C..., Monsieur Serge A..., Madame Monique D..., Monsieur Philippe E... ; que celles-ci relatent, en substance, que Monsieur Virgile X... recevait des directives sur la façon dont il devait gérer et exécuter son travail, qu’il était contrôlé, qu’il devait appliquer ce qu’on lui demandait et que de façon générale il était considéré par le Président, Monsieur F..., comme un salarié du club ;

QUE cependant ces attestations ne contiennent que des affirmations d’ordre général ; qu’elles ne font pas état de faits précis et circonstanciés ; que seule est particulièrement mentionnée la perte de la responsabilité de l’école de tennis ; (mais) que Monsieur Virgile X... devait, contractuellement, n’en assurer que le fonctionnement, lequel, essentiellement sportif peut s’envisager distinctement de sa direction ; qu’elles n’établissent en rien alors qu’elles ne sont corroborées par aucun document, notes internes, affichages, dont il résulterait que la direction de l’association ait effectivement imposé ou modifié les conditions d’intervention de l’appelant, que ce dernier exerçait son activité dans un cadre organisé par l’association SMEC Tennis ; qu’elles sont au demeurant contredites par les attestations fournies par le CGEA-AGS émanant de différents membres du comité directeur de la section tennis de l’association SMEC qui déclarent que l’appelant n’a jamais été considéré comme un salarié du club mais comme prestataire de services qui fixait lui-même les modalités de fonctionnement de sa prestation (Monsieur Ingo G...) et les facturait, par le biais de la société commerciale Teloon dont il était le cogérant pour des montant variables chaque mois ; qu’en conséquence et en l’absence de tout autre élément probant, elles ne sont pas suffisantes à elles seules à rapporter la preuve de ce que l’appelant a accompli un travail dans un lien de subordination avec l’association intimée et selon les conditions alléguées par lui ;

QUE par ailleurs, il est constant que l’appelant était cogérant de la société SARL Teloon qui, outre les prestations fournies à l’association SMEC Tennis qu’elle facturait en y incluant le TVA, organisait des stages de tennis et proposait à la vente du matériel concernant cette activité sportive dont l’achat représentait la part déterminante du compte de résultat ainsi qu’il résulte du bilan fourni par l’appelant lui-même ; qu’il ressort de l’ensemble de ces énonciations que Monsieur Virgile X... ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail l’ayant lié à l’association SMEC Tennis ; que dans ces conditions, c’est exactement que les premiers juges ont conclu à l’inexistence d’un contrat de travail et en conséquence se sont déclarés matériellement incompétents (…) “ ;

1°) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail salariée est caractérisée, nonobstant l’interposition d’une personne morale, dès lors que les clauses des contrats organisant l’activité de cette personne morale révèlent un lien direct entre l’employeur recherché et la personne physique exécutant la prestation convenue ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’aux termes de la “ convention de partenariat “ qu’elle avait conclue avec l’Association SMEC Tennis, la Société Teloon France SARL s’était engagée à “ … déléguer exclusivement pour cette mission M. Virgile X... en qualité de professeur principal de tennis “ ; que cette convention, qui définissait ensuite “ les missions de Monsieur Virgile X... au sein de l’Association SMEC Tennis “, stipulait par ailleurs : “ L’Association SMEC Tennis engage par la présente Monsieur Virgile X... en qualité de professeur principal de tennis … Si Monsieur Virgile X... devait quitter ses fonctions au sein de la Société Teloon France, le présent contrat serait de facto annulé … “ ; qu’en refusant de retenir l’existence d’une relation de travail salariée entre l’Association SMEC Tennis et Monsieur X..., ainsi désigné par la convention de partenariat comme exécutant exclusif des prestations convenues aux termes de motifs, inopérants, pris de l’interposition d’une personne morale et des activités annexes déployées par celle-ci la Cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 1221-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QU’en retenant à l’appui de sa décision “ qu’aucune indication n’était portée dans la convention quant aux honoraires de l’appelant “, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte qui, en son article 3, stipulait expressément : “ les prestations de service en tant que professeur principal seront facturées au tarif de 25 € HT de l’heure … il est convenu qu’en sa qualité de professeur principal, il effectuera une moyenne de 25 heures par semaine “ ;

3°) ALORS QUE constitue une relation de travail salariée l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la convention de partenariat, dont nul n’a contesté qu’elle avait été exécutée, plaçait M. X..., pour chaque prestation mise à sa charge, sous le contrôle direct d’un organe associatif : Commission Sportive ou Comité Directeur de l’Association ; qu’ainsi, elle stipulait liminairement que son activité devait s’exercer “ dans le cadre de la politique sportive décidée par le Comité directeur et la Commission sportive de l’association “ ; que Monsieur X... devait encore “ … assumer l’animation extra sportive, l’administration sportive de l’école, les relations avec les parents en collaboration avec un membre de la commission sportive … “ (” mission encadrement de l’école de tennis “), “ … proposer un programme d’entraînement à la commission sportive pour les élèves retenus … “ (” mission école de compétition “), “ … sous la direction du comité et de la commission sportive, … participer à l’organisation des grandes manifestations de l’association et des compétitions officielles “ (” mission organisation sportive en général “) ; que Monsieur X... était “ … autorisé à accompagner sur les tournois … les joueurs classés après accord de la commission sportive “, autorisation “ subordonnée à la participation impérative de l’accompagnant et de l’accompagnateur aux matches de championnat pour le compte de l’association … “ ; qu’il était encore en charge d’établir et de “ présenter par écrit … un projet pédagogique … (tenant) compte d’un cahier des charges des objectifs sportifs ou autres établi par le comité directeur qui lui sera (it) préalablement notifié “ (article 8 : “ objectif, projet pédagogique “) ; qu’en refusant la qualification de contrat de travail au motif que le contrat ne présentait pas un caractère impératif caractérisant l’existence d’un lien de subordination alors que Monsieur X... était manifestement placé sous la subordination étroite et constante d’un organe associatif, la Cour d’appel a méconnu l’interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et violé ainsi l’article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE constitue une relation de travail salariée l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la convention de partenariat confiait à Monsieur X... plus d’une dizaine de tâches techniques, précisément définies d’enseignement sportif, de formation et d’encadrement d’une équipe d’enseignants, d’animation, de relation avec les usagers et avec les fédérations, de participation aux compétitions, toutes missions stipulées, parfois expressément, comme obligatoires, s’exerçant selon les directives, sous le contrôle voire, avec l’autorisation expresse des organes associatifs ; que Monsieur X... n’était libre ni de sa pédagogie, ni du choix de ses adjoints, eux-mêmes salariés de l’Association, ni de la sélection de ses équipes ou des joueurs qu’il accompagnait, ni même des compétitions sportives auxquelles il devait personnellement participer à des dates et en des lieux qu’il ne fixait pas ; qu’il n’était non plus libre de choisir sa clientèle, y compris pour les heures d’enseignement qu’il dispensait à titre libéral aux seuls membres de l’Association ; qu’il devait enfin assurer son remplacement lors de ses absences, elles-mêmes soumises à autorisation ; que ces fonctions s’exerçaient dans les locaux et avec les moyens fournis par l’Association, pour une durée du travail déterminée, et moyennant une rémunération horaire ; qu’en écartant néanmoins la qualification de contrat de travail, la cour d’appel a dénaturé la convention litigieuse, violant ainsi le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause et l’article 1134 du code civil,

5°) ALORS enfin QUE Monsieur X... avait fait valoir et démontré s’appuyant sur les comptes rendus de réunions de l’association des 27 septembre 2007, 20 novembre 2007 et 15 janvier 2008, que la direction de l’école de tennis, dont il était le “ principal responsable “ selon les propres énonciations de l’Association (compte rendu rectificatif du 20 novembre 2007), lui avait été “ retirée pour son manque d’organisation “ par le Comité directeur le 15 janvier 2008 ; que cette réduction importante de ses responsabilités unilatéralement décidée par l’employeur à titre de sanction de ce qu’il considérait comme une exécution défectueuse de sa mission, caractérisait l’existence d’un véritable pouvoir disciplinaire ; qu’en refusant la requalification sollicitée aux motifs, inintelligibles et inopérants, que “ … Monsieur Virgile X... devait, contractuellement, n’en assurer que le fonctionnement, lequel, essentiellement sportif peut s’envisager distinctement de sa direction (…) “, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz , du 27 septembre 2011