Association humanitaire - salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 26 octobre 1999

N° de pourvoi : 97-41169

Publié au bulletin

Cassation.

Président : M. Gélineau-Larrivet ., président

Rapporteur : M. Brissier., conseiller apporteur

Avocat général : M. Lyon-Caen., avocat général

Avocats : la SCP Guiguet, Bachellier et de la Varde, la SCP Defrénois et Levis., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1, 3, 4, 5 et 6 du décret n° 86-489 du 15 mars 1986 relatif aux associations de volontariat et aux volontaires pour le développement ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que les associations de volontariat pour le développement, reconnues par le ministre chargé de la Coopération et du Développement, peuvent conclure des contrats avec des “ volontaires “ qui s’engagent à remplir, dans un pays en développement, une mission d’intérêt général d’une durée minimale de deux ans, moyennant le paiement de diverses indemnités ;

Attendu que Mme X... a conclu le 10 septembre 1993 un “ contrat d’engagement volontaire “ avec l’association Médecins du Monde pour participer à une mission d’assistance humanitaire au Nicaragua en qualité d’infirmière ; qu’en sus du paiement, d’un “ per-diem “ d’un “ pécule de reclassement “ en fin de mission, de la prise en charge des frais de voyage et de rapatriement et du bénéfice d’une couverture sociale, le contrat prévoyait le versement d’un “ pécule “ mensuel ; que l’association Médecins du Monde a mis fin au contrat le 9 février 1994 ; que soutenant avoir la qualité de salarié de l’association, Mme X... a saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes ; que l’Association a décliné la compétence de la juridiction prud’homale ;

Attendu que pour déclarer la juridiction prud’homale compétente, l’arrêt attaqué énonce que le décret du 15 mars 1986, qui règle les relations entre l’association de volontariat et les personnes qui lui apportent leur concours, auxquelles elle est liée par contrat, dispose que les conventions conclues doivent, pour permettre le conventionnement prévu à l’article 3, assurer aux volontaires : une indemnité de subsistance et des avantages en nature susceptibles de leur assurer des conditions de vie décentes, une indemnité d’équipement, la prise en charge des frais de voyage et de rapatriement, une prime forfaitaire de réinsertion à leur retour de mission, lorsqu’ils sont inscrits comme demandeurs d’emploi ; que l’allocation mensuelle, prévue par le contrat, de la somme de 4 000 francs nets payable en France, appelée “ pécule “ ou “ ex-défraiement “, ne correspond à aucune des indemnités, prime ou avantages, que le décret du 15 mars 1986 impose aux associations de développement pour défrayer leurs volontaires et assurer leur réinsertion ; qu’à tort, le premier juge a retenu que ce pécule était destiné à permettre à Mme X... d’assurer le paiement de ses charges fixes en France pendant la durée de sa mission, alors qu’il n’est justifié d’aucune circonstance particulière accréditant l’existence de frais constants auxquels l’intéressée aurait été assujettie ; qu’en réalité, par son caractère forfaitaire, la régularité de son versement et son montant déterminé non négligeable, le pécule versé à Mme X... s’analyse en un élément de rémunération indépendant des débours éventuellement exposés par elle ; qu’il s’agit de la part la plus importante de la rémunération attachée à son emploi ; que son contrat prévoyait d’ailleurs en son article 5 une période de bénévolat limitée à deux mois, puis, passé ce délai, une rémunération totale qui, per diem, pécules et avantages en nature compris, dépassait la valeur nette du SMIC pour 169 heures de travail mensuelles ; qu’il s’ensuit que les parties se sont ainsi placées hors des dispositions du décret du 15 mars 1986 applicable aux cas où l’Association fait appel au concours bénévole de volontaires et que le pécule versé à Mme X... présente les caractères d’un salaire dû par l’association Médecins du Monde en contrepartie de la prestation de travail accomplie par l’intéressée sous la subordination juridique de l’association qui était son employeur ; que les parties étaient donc liées par un contrat de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’énumération de l’article 4 du décret du 15 mars 1986 n’est pas limitative et que le “ pécule “ prévu à l’article 7 a du contrat ne pouvait avoir pour effet de retirer à Mme X... la qualité de volontaire de l’association, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 janvier 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles.

Publication : Bulletin 1999 V N° 406 p. 298

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 23 janvier 1997