Enfants dans commerce - bénévoles non

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 24 mai 2017

N° de pourvoi : 15-27112

ECLI:FR:CCASS:2017:C200748

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Flise (président), président

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches, du pourvoi qui est recevable :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 12 novembre 2014), qu’à la suite d’un contrôle du commerce exploité par M. X... survenu le 10 juin 2010, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Bretagne (l’URSSAF) a notifié un redressement en raison du travail dissimulé de trois salariés ; que l’intéressé a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de rejeter ce dernier, alors, selon le moyen :

1°/ que le lien de subordination, sans lequel il n’est point de contrat de travail, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; qu’en condamnant M. X... à payer à l’URSSAF de Bretagne une somme de 12 247 euros au titre des cotisations et majorations de retard initiales, au motif que M. Y... et les deux enfants de M. X... auraient participé à des remplacements de ce dernier dans le magasin, sans aucunement caractériser l’existence d’un lien de subordination entre ceux-ci et M. X..., la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à caractériser l’existence d’un lien de subordination entre M. X... et les personnes au titre desquels lui a été imputé un travail dissimulé, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 241-1-2 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ qu’il appartient à la partie qui invoque l’existence d’une relation salariale d’apporter la preuve du contrat de travail ; que l’assujettissement au titre des rémunérations versées au régime général de la sécurité sociale est subordonné à la preuve d’un contrat de travail caractérisé par l’existence d’un lien de subordination juridique ; qu’en considérant, pour condamner M. X... à payer à l’URSSAF de Bretagne une somme de 12 247 euros, que l’URSSAF de Bretagne rapportait la preuve qui lui incombait par la production d’un procès-verbal d’audition de M. X... sur lequel il avait apposé sa signature, et indiquant qu’il avait confirmé que son fils Abdulraman et sa fille Salma participaient à des remplacements, lorsque lui-même était occupé à aider son épouse dans le commerce exploité par cette dernière place Sainte-Anne à Rennes, sans expliquer en quoi ce procès-verbal, révélant tout au plus une aide familiale, pouvait en soi démontrer l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail, L. 311-2 du code de la sécurité sociale et 1315 du code civil ;

3°/ que l’entraide familiale se caractérise par une aide ou une assistance apportée à une personne proche de manière occasionnelle et spontanée, et en dehors de toute rémunération et de toute contrainte ; que pour qu’un lien salarial soit, au contraire, caractérisé entre les membres d’une même famille, il y a lieu d’établir, outre l’existence d’un lien de subordination, le versement d’une rémunération ; qu’en estimant, tant par motifs propres que par motifs adoptés, qu’en raison du caractère nécessaire des remplacements pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise de M. X..., les interventions de ses enfants ne pouvaient relever de la simple entraide familiale, mais s’inséraient dans un ensemble organisé caractéristique d’une relation salariale, sans toutefois rechercher si les enfants de M. X... percevaient une rémunération au titre de ces remplacements, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu que l’arrêt constate que la personne présente lors du contrôle maîtrisait le logiciel comptable de l’entreprise et reconnaissait remplacer l’exploitant du fonds de commerce, régulièrement, en alternance avec deux autres personnes et retient que ces remplacements, qui avaient un caractère nécessaire pour assurer le fonctionnement de l’entreprise, s’inséraient dans un ensemble organisé ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits devant elle, faisant ressortir l’exercice au sein du commerce de M. X... par les personnes intéressées d’une activité dans des conditions caractérisant l’existence d’un lien de subordination juridique, la cour d’appel en a exactement déduit que ce dernier, en qualité d’employeur, était tenu au paiement des cotisations et contributions sociales litigieuses ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivé sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à l’URSSAF de Bretagne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt (partiellement) infirmatif attaqué d’AVOIR validé le redressement dans son intégralité et d’AVOIR, en conséquence, condamné M. Mohamad X... à payer à l’Urssaf de Bretagne une somme de 12 247 euros, sans préjudice des majorations de retard complémentaires ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’étant rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale que les procès-verbaux de contrôle dressés par les inspecteurs du recouvrement des Urssaf font foi jusqu’à preuve contraire, c’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont constaté que M. Y..., ainsi qu’il ressort du procès-verbal de contrôle du 30 juillet 2010, a été surpris en situation de travail dissimulé dans le magasin exploité par M. Mohamad X..., maîtrisant manifestement le logiciel comptable de l’entreprise, et ayant déclaré remplacer régulièrement le chef d’entreprise lors de ses absences, en alternance avec les deux enfants de M. X... ; qu’entendu le 15 juin 2010, suivant procès-verbal d’audition sur lequel il a apposé sa signature, M. Mohamad X... a confirmé que son fils Abdulraman et sa fille Salma participaient à de tels remplacements, lorsque lui-même était occupé à aider son épouse dans le commerce exploité par cette dernière place Sainte Anne à Rennes ; que c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu’en raison du caractère nécessaire de ces remplacements pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise de M. X..., les interventions de M. Y... et des deux enfants de l’exploitant ne pouvaient relever de la simple entraide familiale ou amicale, mais s’inséraient dans un ensemble organisé caractéristique d’une relation salariale ; que selon l’article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations versées ou dues à un salarié en contrepartie d’un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale prévue par la loi ; que pour faire obstacle à l’application de l’évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l’employeur doit apporter la preuve, non seulement de la durée réelle d’emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période ; que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’en raison de l’impossibilité de déterminer la durée de l’emploi dissimulé et le montant des salaires versés, les dispositions de l’article L. 242-1-2 susvisées devaient recevoir application ; que c’est par contre à tort, alors qu’ils ont constaté que l’ensemble organisé nécessaire au bon fonctionnement du commerce de M. X... était constitué de trois personnes, en plus du chef d’entreprise, que les premiers juges n’ont cependant calculé le redressement que sur la base de deux emplois dissimulés ; que le jugement sera donc réformé pour faire droit à l’appel incident de l’Urssaf ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il résulte suffisamment des éléments du dossier que M. Y... a été surpris en situation de travail dissimulé au sein du magasin exploité par M. X... ; qu’en effet, le requérant ne saurait sérieusement soutenir que ce n’est que par l’effet d’une simple coïncidence que l’intéressé se trouvait présent dans ledit magasin au moment du passage des inspecteurs de l’Urssaf, alors qu’il est établi qu’il procédait à des encaissements et maîtrisait parfaitement le fonctionnement du logiciel comptable de l’entreprise, ce qui témoigne pour le moins d’une certaine habitude ; que par ailleurs, M. X... a lui-même reconnu qu’il travaillait régulièrement au sein du magasin de son épouse, ce qui explique qu’il ne pouvait être présent simultanément dans les deux établissements et qu’il ait donc pris l’habitude de se faire remplacer ; que dès lors que ce remplacement était habituel et indispensable au fonctionnement normal de l’entreprise, le requérant ne saurait utilement invoquer la notion d’entraide familiale ou amicale ; qu’il convient en effet d’observer que les deux établissements du couple étaient ouverts sur des plages horaires quasi-identiques et simultanées (l’un de 11 heures à 1 heure, l’autre de 12 heures à 23 heures), et ce 7 jours sur 7 pour une durée totale hebdomadaire de 175 heures, impossible à assumer par les seuls époux X..., même assistés d’un salarié (en l’occurrence Awad X..., régulièrement déclaré par Mme X... elle-même) ; qu’ainsi, M. X... ayant eu recours à une main d’oeuvre non déclarée, le redressement est justifié dans son principe ; […] ; qu’une telle appréciation est confortée par l’examen de la situation personnelle des trois personnes concernées (Monsieur Y... étant un militaire marocain en stage à l’école des transmissions de Cesson-Sévigné, Abdulraman et Salma X... étant quant à eux étudiants à l’INSA), toutes situations incompatibles avec l’exercice d’une activité à plein temps au sein du magasin de la rue du Bourbonnais ;

1) ALORS QUE le lien de subordination, sans lequel il n’est point de contrat de travail, est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ; qu’en condamnant M. Mohamad X... à payer à l’Urssaf de Bretagne une somme de 12 247 euros au titre des cotisations et majorations de retard initiales, au motif que M. Y... et les deux enfants de M. X... auraient participé à des remplacements de ce dernier dans le magasin, sans aucunement caractériser l’existence d’un lien de subordination entre ceux-ci et M. X..., la cour d’appel s’est prononcée par des motifs impropres à caractériser l’existence d’un lien de subordination entre M. X... et les personnes au titre desquels lui a été imputé un travail dissimulé, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 241-1-2 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2) ALORS QU’il appartient à la partie qui invoque l’existence d’une relation salariale d’apporter la preuve du contrat de travail ; que l’assujettissement au titre des rémunérations versées au régime général de la sécurité sociale est subordonné à la preuve d’un contrat de travail caractérisé par l’existence d’un lien de subordination juridique ; qu’en considérant, pour condamner M. Mohamad X... à payer à l’Urssaf de Bretagne une somme de 12 247 euros, que l’Urssaf de Bretagne rapportait la preuve qui lui incombait par la production d’un procès-verbal d’audition de M. X... sur lequel il avait apposé sa signature, et indiquant qu’il avait confirmé que son fils Abdulraman et sa fille Salma participaient à des remplacements, lorsque lui-même était occupé à aider son épouse dans le commerce exploité par cette dernière place Sainte Anne à Rennes, sans expliquer en quoi ce procès-verbal, révélant tout au plus une aide familiale, pouvait en soi démontrer l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail, L. 311-2 du code de la sécurité sociale et1315 du code civil ;

3) ALORS QUE l’entraide familiale se caractérise par une aide ou une assistance apportée à une personne proche de manière occasionnelle et spontanée, et en dehors de toute rémunération et de toute contrainte ; que pour qu’un lien salarial soit, au contraire, caractérisé entre les membres d’une même famille, il y a lieu d’établir, outre l’existence d’un lien de subordination, le versement d’une rémunération ; qu’en estimant, tant par motifs propres que par motifs adoptés, qu’en raison du caractère nécessaire des remplacements pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise de M. X..., les interventions de ses enfants ne pouvaient relever de la simple entraide familiale, mais s’inséraient dans un ensemble organisé caractéristique d’une relation salariale, sans toutefois rechercher si les enfants de M. X... percevaient une rémunération au titre de ces remplacements, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4) ALORS QUE l’entraide amicale se caractérise par une absence de lien de subordination ainsi que par l’absence de toute rémunération ; qu’en estimant qu’en raison du caractère nécessaire des remplacements pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise de M. X..., les interventions de M. Y... ne pouvaient relever de la simple entraide amicale, mais s’inséraient dans un ensemble organisé caractéristique d’une relation salariale, sans toutefois rechercher si M. Y... percevait une rémunération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, et de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

5) ALORS QUE lorsque l’activité exercée ne poursuit pas un but lucratif mais constitue une aide amicale et temporaire, l’infraction de travail dissimulé n’est pas constituée ; qu’en estimant qu’en raison du caractère nécessaire des remplacements pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise de M. X..., les interventions de M. Y... ne pouvaient relever de la simple entraide amicale, mais s’inséraient dans un ensemble organisé caractéristique d’une relation salariale, quand elle avait constaté, par motifs expressément adoptés des premiers juges, que M. Y... était militaire marocain en stage à l’école des transmission de Cesson-Sévigné, situation dont elle aurait dû déduire l’incompatibilité avec l’exercice d’une activité à temps plein au sein du magasin de M. X..., la cour d’appel a violé les articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, et l’article L. 1221-1 du code du travail ;

6) ALORS QUE l’entraide familiale se caractérise par une aide ou une assistance apportée à une personne proche de manière occasionnelle et spontanée, et en dehors de toute rémunération et de toute contrainte ; qu’en considérant qu’en raison du caractère nécessaire de ces remplacements pour assurer le fonctionnement et la pérennité de l’entreprise de M. X..., les interventions des deux enfants de l’exploitant ne pouvaient relever de la simple entraide familiale, mais s’inséraient dans un ensemble organisé caractéristique d’une relation salariale, sans même rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la circonstance, établie et non contestée, que les deux enfants de M. X... aient été étudiants en école de commerce, n’était pas de nature à exclure, compte tenu de leur temps d’étude, qu’ils puissent être employés régulièrement dans le commerce de leur père, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale, et l’article L. 1221-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes , du 12 novembre 2014