Fille père - kinésitérapeute - entraide non

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 octobre 2002

N° de pourvoi : 02-80384

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Sylvie, épouse Y...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 27 novembre 2001, qui, pour exécution d’un travail dissimulé et publicité de nature à induire en erreur, l’a condamnée à 30 000 francs d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 320 du Code du travail, L. 362-3 de ce Code, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Sylvie X... épouse Y... coupable de travail dissimulé, et l’a condamnée de ce chef ;

”aux motifs que Sylvie Y... a reconnu que son père, kinésithérapeute à la retraite, l’aidait dans son activité bénévolement et de façon non régulière, et qu’il la remplaçait à l’occasion, et assurait des massages ; que, le 21 février 2000, à 10h45, les services de police ont constaté que le Centre de soins était ouvert, que Louis X... remplaçait sa fille et qu’il précisait que ce Centre proposait à la clientèle des massages et des drainages ; qu’ainsi l’activité de Louis X... est permanente, le Centre de soins effectuant des actes réservés aux masseurs-kinésithérapeutes, et ne pouvant, dès lors, fonctionner sans lui ; que son activité génère des profits, et qu’il en retire ainsi que sa fille un profit financier certain ; qu’il ne s’agit donc pas d’un bénévolat ; qu’il s’ensuit que son activité est constitutive d’un emploi salarié ; que la dissimulation de cet emploi salarié, par Sylvie Y..., par défaut de déclaration préalable à l’embauche, constitue le délit spécifié à la prévention ; que l’intention frauduleuse de Sylvie Y... est établie dès lors qu’elle s’est, en connaissance de cause, soustraite volontairement aux obligations du Code du travail ;

”alors, d’une part, que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, qui suppose l’existence d’un lien de subordination, et implique qu’une rémunération soit versée au travailleur, ne saurait être constitué dans le cas d’une aide bénévole ; que Sylvie Y... a toujours précisé que son père l’aidait dans son activité sans percevoir la moindre rémunération et qu’il l’aidait même financièrement, élément qui était confirmé par l’ensemble des personnes entendues par les enquêteurs, et qui avait été retenu par le tribunal ; qu’en se bornant à affirmer que le fait qu’aucune rémunération n’était versée à Louis X... était “une affirmation non fondée des premiers juges dès lors qu’il en retire comme sa fille un profit financier certain”, sans caractériser par le moindre élément l’existence d’un lien de subordination et la réalité d’un emploi rémunéré, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

”alors, d’autre part, que le délit de travail dissimulé n’est constitué que si l’inobservation des formalités énumérées à l’article L. 324-10 du Code du travail est intentionnelle ; qu’en l’espèce la cour d’appel relève que Sylvie Y... a déclaré que son père l’aidait dans son activité bénévolement, ce qui implique qu’elle pensait, en toute bonne foi, ne pas être tenue à la formalité de déclaration préalable à l’embauche ; qu’en affirmant, néanmoins, que la prévenue s’était, en connaissance de cause, soustraite volontairement aux obligations du Code du travail, sans relever des éléments permettant de retenir que Sylvie Y... aurait eu conscience d’employer son père dans le cadre d’un contrat de travail, et, partant, d’écarter la mauvaise foi de l’intéressée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale” ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de consommation, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Sylvie X..., épouse Y... coupable de publicité de nature à induire en erreur, et l’a condamnée de ce chef ;

”aux motifs que Sylvie X... épouse Y... a reconnu s’occuper également de l’équilibre alimentaire de ses clients ; que ses prospectus publicitaires mentionnent : “Equilibre alimentaire, diète protéinique (perte de poids rapide)”, ce qui suppose un suivi ou des conseils médicaux ; qu’ils mentionnent également : “Diététique (...) conseils diététiques”, alors que Sylvie Y... n’a aucune formation sérieuse en diététique, et que l’emploi de ce terme, accolé aux termes “conseils”, perte de poids rapide”, est de nature à créer pour un public normalement avisé une confusion avec l’activité de diététicien, l’erreur ainsi créée portant sur la nature et les qualités substantielles du service proposé ; que Sylvie Y... a donc commis le délit qui lui est reproché, lequel est caractérisé par une simple faute d’imprudence ou de négligence, commise en l’espèce ;

”alors, d’une part, que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis ; que Sylvie Y... n’était poursuivie ni pour exercice illégal de la médecine, ni pour usurpation du titre de diététicienne, mais du chef de publicité de nature à induire en erreur ; qu’en entrant en voie de condamnation aux motifs inopérants que les conseils d’hygiène alimentaire donnés par la prévenue à ses clients supposaient “un suivi ou des conseils médicaux” et qu’elle n’avait “aucune formation sérieuse en diététique”, au lieu de caractériser les éléments constitutifs du délit poursuivi, la cour d’appel a excédé da saisine et violé 388 du Code de procédure pénale ;

”alors, d’autre part, que le caractère trompeur d’une publicité s’apprécie au regard du discernement d’un consommateur moyen normalement avisé, lequel est réputé lire le message publicitaire dans son intégralité, en le situant dans son contexte ;

qu’en l’espèce le message publicitaire émanant d’un professeur diplômé de danse exploitant un Centre de mise en forme, ne faisant absolument pas usage du titre de diététicienne, mais se bornant à proposer à la clientèle suivant des cours de danse ou de gymnastique un équilibrage alimentaire en fonction des activités des clients, était sans ambiguïté pour un consommateur normalement avisé qui ne pouvait ignorer qu’il ne recevait pas des conseils émanant d’une diététicienne ou nutritionniste diplômée ; que la cour d’appel, en affirmant le contraire, a dénaturé le sens des messages publicitaires visés par elle, et violé les textes susvisés ;

”alors, de troisième part, que, pour écarter le délit de publicité de nature à enduire en erreur, le tribunal avait relevé que la prévenue justifiait avoir mis en place une structure, notamment logicielle, de nature à lui permettre de fournir le service proposé, de sorte qu’il n’existait aucune discordance entre la publicité et le service offert ; qu’en se bornant à retenir l’existence d’une publicité trompeuse, sans s’expliquer sur la motivation contraire des premiers juges dont elle infirme la décision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

”alors, enfin, que le délit de publicité mensongère nécessite un élément intentionnel ; que, si les juges peuvent déduire l’élément moral du fait que le prévenu n’a pas pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la véracité du message publicitaire incriminé, l’élément intentionnel fait nécessairement défaut lorsque l’intéressé n’avait pu, même après vérification de la publicité, déceler le caractère éventuellement trompeur de celle-ci ;

qu’en se bornant à affirmer que Sylvie Y... avait commis le délit reproché, “lequel est caractérisé par une simple faute d’imprudence ou de négligence, commise en l’espèce”, sans préciser en quoi consistait la prétendue faute d’imprudence ou de négligence commise, et sans rechercher si l’intéressée, en employant le terme générique de “diététique”, était à même de déceler le caractère éventuellement trompeur de son message publicitaire, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément intentionnel de l’infraction” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Beyer conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Montpellier chambre correctionnelle , du 27 novembre 2001