Entraide familiale non

Le : 29/12/2017

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 13 novembre 2007

N° de pourvoi : 06-89016

Non publié au bulletin

Rejet

M. Cotte (président), président

SCP Gatineau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-"

X... François,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 19 octobre 2006, qui, pour infraction au code de l’urbanisme et travail dissimulé , l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 422-1, L. 422-2, L. 480-4, R. 422-2, du code de l’urbanisme, 121-3 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré François X... coupable d’exécution irrégulière de travaux non soumis à l’obtention d’un permis de construire ;

”aux motifs que les faits de construction sans permis sont constants ; que la réalisation de travaux du bâtiment d’importance et sur une longue période en faisant appel à des personnes travaillant pendant le week-end et les congés, dont l’un au moins, Didier Y... est maçon de profession, rémunérés en espèces, auxquels François X... procure des matériaux nécessaires, caractérise l’emploi, par ce dernier, de travailleurs non déclarés, alors et surtout qu’aucune des trois personnes n’a allégué, dans ses déclarations tant la participation effective de François X... aux travaux, que la transmission par ce dernier de directives précises à exécuter, François X... ayant au demeurant admis lors de l’enquête préliminaire n’avoir pas les compétences requises ; que s’agissant de Thierry Z..., la cour relève que si ce dernier est sorti, ainsi qu’il le déclare lui-même, avec la fille de François X..., il ne vivait pas en concubinage avec elle et percevait comme les 2 autres travailleurs une rémunération en liquide de 200 ou 400 francs par jour pendant les week-end en fonction de la durée du travail effectué ; que ces éléments ne sauraient s’analyser en une entraide familiale ; qu’ainsi que l’avait souligné le premier juge, François X... ne pouvait, au regard de son activité professionnelle, ignorer la réglementation en vigueur, tant au niveau de la déclaration de travaux que des lois sociales ; que dès lors, c’est en parfaite connaissance de cause que, sur la période retenue à la prévention, François X... a fait procéder à des travaux sans respecter les prescriptions applicables ; que partant, les faits ci-dessus rapportés caractérisent en tous les éléments constitutifs, les délits visés à la prévention ;

”alors, d’une part, que les constatations des juges du fond ne sont souveraines qu’à condition qu’elles ne soient pas contradictoires ; qu’après avoir constaté que François X... était poursuivi pour exécution irrégulière de travaux non soumis à l’obtention d’un permis de construire, la cour d’appel ne pouvait déclarer dans son dispositif ce dernier coupable de l’infraction reprochée, au seul motif que les faits de construction sans permis étaient constants ; que, dès lors qu’il résulte de ses propres constatations que les travaux reprochés n’étaient pas soumis à l’obtention d’un permis de construire, la cour d’appel ne pouvait justifier la condamnation en invoquant le défaut d’obtention de permis de construire, sans entacher son arrêt d’une contradiction entre le motif et le dispositif ;

”alors, d’autre part, que les délits en matière d’urbanisme nécessitent la constatation d’une intention coupable, caractérisée par la violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale ou réglementaire ; qu’en se bornant à déduire cette intention de la seule activité professionnelle du prévenu, sans s’expliquer sur les déclarations réitérées de ce dernier invoquant son ignorance de ces dispositions très spécifiques, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que François X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, à l’initiative du ministère public, pour avoir entrepris, à Bruailles (Saône-et-Loire), sans déclaration préalable, la rénovation d’un bâtiment à usage de remise et de garage ;

Attendu que, si la cour d’appel a énoncé, à tort, dans un premier temps, que les travaux étaient soumis à la délivrance d’un permis de construire, alors qu’ils en étaient exemptés, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors que les juges se sont référés, par la suite, aux règles relatives à la déclaration de travaux et qu’ils ont déclaré le prévenu coupable des faits visés à la prévention ;

Attendu que, par ailleurs, en considérant que François X..., en sa qualité de notaire, ne pouvait ignorer la réglementation applicable, et dès lors que la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur une intention coupable, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 143-3, L. 320, L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 du code du travail et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, et manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré François X... coupable du délit de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé ;

”aux motifs que la réalisation de travaux du bâtiment d’importance et sur une longue période en faisant appel à des personnes travaillant pendant le week-end et les congés, dont l’un au moins, Didier Y... est maçon de profession, rémunérés en espèces, auxquels François X... procure des matériaux nécessaires, caractérise l’emploi, par ce dernier, de travailleurs non déclarés, alors et surtout qu’aucune des 3 personnes n’a allégué, dans ses déclarations, tant la participation effective de François X... aux travaux, que la transmission par ce dernier de directives précises à exécuter, François X... ayant au demeurant admis, lors de l’enquête préliminaire, n’avoir pas les compétences requises ; que s’agissant de Thierry Z..., la cour relève que si ce dernier est sorti, ainsi qu’il le déclare lui-même, avec la fille de François X..., il ne vivait pas en concubinage avec elle et percevait comme les deux autres travailleurs une rémunération en liquide de 200 ou 400 francs par jour pendant les week-end en fonction de la durée du travail effectué ; que ces éléments ne sauraient s’analyser en une entraide familiale ; qu’ainsi que l’avait souligné le premier juge, François X... ne pouvait, au regard de son activité professionnelle, ignorer la réglementation en vigueur, tant au niveau de la déclaration de travaux que des lois sociales ; que, dès lors, c’est en parfaite connaissance de cause que sur la période retenue à la prévention, François X... a fait procéder à des travaux, sans respecter les prescriptions applicables ; que, partant, les faits ci-dessus rapportés caractérisent en tous les éléments constitutifs, les délits visés à la prévention ;

”alors, d’une part, que l’existence d’un contrat de travail mettant à la charge de l’employeur diverses obligations déclaratives ne saurait résulter du seul accomplissement de prestations occasionnelles moyennant indemnisations en numéraire, mais suppose que soit établie la réalité d’un lien de subordination juridique ; qu’en se bornant à fonder la déclaration de culpabilité de François X... sur son absence de participation effective aux travaux, ainsi que son absence de transmission de directives précises à exécuter, la cour d’appel n’a non seulement pas établi que Didier Y..., M. A... et Thierry Z... se soient trouvés dans un lien de subordination juridique vis-à-vis de François X..., mais elle a même, au contraire, démontré l’inexistence d’un tel lien ; qu’en statuant par ces motifs, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et privé sa décision de base légale ;

”alors, d’autre part, que l’exécution de travaux dans le cadre d’un service d’entraide familiale n’entre pas dans la définition des activités réprimées au titre du travail dissimulé ; qu’après avoir constaté que Thierry Z... était sorti avec la fille de François X..., la cour d’appel ne pouvait exclure le caractère d’entraide familiale au motif inopérant qu’il ne vivait pas en concubinage avec cette dernière ; que, dès lors que le prévenu faisait valoir que Thierry Z... avait vécu chez lui avec sa fille de juillet 2001 à août 2002, en étant nourri, blanchi et logé, et en recevant de l’argent de poche au même titre que sa fille, la cour d’appel ne pouvait se contenter de rejeter le caractère d’entraide familiale sans pour autant démontrer en quoi Thierry Z... était uni à François X... par un lien de subordination juridique ; qu’en s’abstenant de caractériser un tel lien, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de François X... du chef de travail dissimulé, l’arrêt relève qu’il a employé, sans contrat de travail et sans les avoir déclarées auprès des organismes de protection sociale, trois personnes, dont Thierry Z..., à qui il a confié la tâche de réaliser des travaux importants de restauration et de construction au sein de sa propriété, pendant les fins de semaines et les vacances, sur une longue période, en les rémunérant en espèces en fonction de la durée du travail effectué ; que les juges ajoutent qu’il ne peut être déduit de la seule existence de relations amicales entre la fille du prévenu et Thierry Z..., le fait que celui-ci ait agi au titre de l’entraide familiale ;

Attendu qu’en l’état de ces seules énonciations qui relèvent de son appréciation souveraine, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Dijon , du 19 octobre 2006