Présomptions oui - réparation automobile

Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 octobre 1999, 98-87.593, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 98-87.593
Publié au bulletin
Solution : Cassation

Audience publique du mardi 05 octobre 1999
Décision attaquée : Cour d’appel de Riom (chambre d’accusation), 1998-09-08, du 08 septembre 1998

Président
Président : M. Gomez
Rapporteur
Rapporteur : M. Desportes.
Avocat général
Avocat général : M. Lucas.
Avocat(s)
Avocat : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION sur le pourvoi formé par :

 X... Betty, épouse Y..., partie intervenante,

contre l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Riom, en date du 8 septembre 1998, qui, dans l’information suivie contre personne non dénommée pour travail dissimulé et emploi d’étrangers démunis de titre de travail, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction rejetant sa demande de restitution.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 97, 99, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux articulations essentielles du mémoire, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction refusant la restitution à Betty Jane X... de son véhicule automobile et de sa caravane ;

" aux motifs que l’information récemment ouverte permet de présumer fortement, au vu de l’audition de Z..., que le mari de la requérante a participé aux infractions objet de ladite information et que cette dernière n’était pas, comme elle le prétend, uniquement présente en France pour des raisons de vacances ; que la saisie du véhicule doit permettre de garantir la représentation des intéressés devant la justice française et ainsi concourir à la manifestation de la vérité, aucun renseignement précis n’étant en l’état connu sur le mari de Betty Y... qui, apparemment, n’est plus en France ; que cette saisie doit permettre également de garantir éventuellement les droits des victimes des infractions objet de l’information ; qu’enfin, la requérante ne justifie pas suffisamment que la caravane qu’elle réclame est son domicile principal ;

" alors que, d’une part, doit être considéré comme un domicile, dont le respect est garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tout lieu où une personne a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation ou l’affectation donnée aux locaux, de sorte que la chambre d’accusation qui, sans contester que l’ensemble caravanier saisi servait de résidence en France à Betty Jane X... et son fils, a ainsi considéré que cette dernière ne justifiait pas suffisamment de ce que cette caravane ait été son domicile principal pour s’abstenir de rechercher si la mesure de saisie ne constituait pas en l’espèce une atteinte disproportionnée à ce droit fondamental, a d’ores et déjà privé sa décision de toute base légale ;

" alors que, d’autre part, la chambre d’accusation, qui a refusé de faire droit à la demande de restitution en se fondant exclusivement sur un ensemble de considérations tenant à la personne n’étant pas, comme elle l’a affirmé par erreur, le mari de la requérante mais son ex-époux divorcé, et en y voyant ainsi un moyen d’obtenir la représentation de celui-ci en France, ne saurait, par cet abus de droit manifeste, être considérée comme ayant légalement justifié sa décision ;

" et alors qu’enfin, l’article 99, 4e alinéa, du Code de procédure pénale prévoyant limitativement les cas pour lesquels peut être refusée une demande de restitution parmi lesquels l’intérêt de la manifestation de la vérité ou la sauvegarde des droits des parties, laquelle suppose l’existence d’une contestation sérieuse quant aux droits invoqués par le requérant et aucunement une mesure destinée à garantir le cas échéant les droits des victimes des infractions, la chambre d’accusation, qui, sans répondre à l’articulation péremptoire du mémoire de Betty Jane X... faisant valoir qu’elle avait toujours déféré aux convocations des enquêteurs, a refusé la restitution réclamée en se fondant sur le fait que cette saisie serait destinée à garantir éventuellement les droits des victimes des infractions objet de l’information dans laquelle la requérante n’est pas mise en examen, a violé le texte précité " ;

Vu l’article 99 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’au cours de l’information, la juridiction d’instruction ne peut refuser de restituer un objet placé sous main de justice que pour l’un des motifs prévus à l’article susvisé ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, dans une information suivie contre personne non dénommée pour travail dissimulé et emploi d’étrangers démunis de titre de travail, les gendarmes ont saisi un véhicule automobile et une caravane appartenant à Betty Y..., de nationalité britannique ; que celle-ci en a sollicité la restitution en qualité de partie intervenante ; que, le juge d’instruction ayant rejeté sa requête, elle a interjeté appel de cette décision, soutenant que le refus de restitution n’était pas justifié au regard de l’article 99 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation et confirmer l’ordonnance entreprise, la chambre d’accusation énonce que " l’information permet de présumer fortement " que la requérante n’était pas en France uniquement " pour des raisons de vacances " ; que les juges ajoutent que le maintien du véhicule sous la main de la justice " doit permettre de garantir la représentation " de l’intéressée et de son époux " devant la justice française " ainsi que " les droits des victimes des infractions " ; qu’ils relèvent enfin que " la requérante ne justifie pas suffisamment que la caravane est son domicile principal " ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher, conformément à l’article susvisé, si la restitution était de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties ou si la confiscation des objets saisis était possible en application de l’article L. 362-4. 3°, du Code du travail, la chambre d’accusation n’a pas donné de base légale à sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Riom, en date du 8 septembre 1998 et pour qu’il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Lyon.