Complicité emploi faux stagiaire par le sous-traitant

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 13 février 2001

N° de pourvoi : 00-83920

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize février deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

"-" X... Alain,

"-" X... Gérard,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 10 mai 2000, qui les a condamnés, le premier, pour recours aux services d’un entrepreneur clandestin et exécution d’un travail dissimulé, à 1 an d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 18 mois et à 100 000 francs d’amende et, le second, pour complicité des délits précités, à 1 an d’emprisonnement avec sursis et à 100 000 francs d’amende ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, la SCI HAD ayant confié, le 7 février 1997, à la société Eurobat, qui employait irrégulièrement des salariés, la réalisation de travaux de construction, Alain X..., gérant de la société HAD et Gérard X..., associé de cette société, ont été cités devant le tribunal correctionnel pour, le premier, recours aux services d’un entrepreneur clandestin et, le second, complicité de ce délit ; qu’Alain X... a été en outre poursuivi, d’une part, du chef de complicité d’exécution d’un travail dissimulé pour l’emploi, en juin 1997, comme salariés, par la société Eurobat, de personnes en stage dans cette société et, d’autre part, du chef d’exécution d’un travail dissimulé pour l’emploi irrégulier d’un salarié par la SCI Le Mistral dont il était le gérant ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Alain X... et pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, violation des articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, violation de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a déclaré Alain X... complice du délit de recours aux services d’une personne exerçant un travail clandestin ;

” aux motifs que cependant que l’article L. 324-14 du Code du travail dispose que toute personne qui ne s’est pas assurée, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à vingt mille francs en vue de l’exécution du travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard de l’article L. 324-10 du même Code, ou de l’une d’entre elles seulement, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants, sera tenue solidairement avec celui qui exerce un travail dissimulé au paiement de diverses sommes ; qu’il ressort de la combinaison de ce texte et des articles L. 324-9 et L. 324-10 du même Code qu’il appartient à celui qui conclut un contrat visé par le texte précité de s’assurer que son cocontractant s’acquitte des obligations qui sont légalement mises à sa charge ; que la signature du contrat concernant le chantier de Rochefort-en-Yvelines est intervenue le 7 février 1997 ; que durant la période considérée il appartenait à Alain X... de vérifier les conditions d’emploi des salariés engagés par M. E... ; qu’Alain X... avait déjà connaissance de la façon particulière dont fonctionnait l’entreprise de M. E... , qui ne disposait ni du matériel, ni des matériaux suffisants pour exécuter le chantier ; que le prévenu, qui s’est abstenu de procéder aux vérifications de la loi, alors qu’il avait parfaitement connaissance du fait que M. E... consentait des réductions substantielles de prix pour remporter le marché ; que c’est donc en parfaite connaissance de cause qu’Alain X... a recouru aux services d’une personne exécutant un travail irrégulier au regard des prescriptions de l’article L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, dans leur rédaction applicable au moment des faits en cause ;

” 1) alors que, l’obligation pour une personne de s’assurer que son cocontractant exécute son obligation de déclaration aux organismes sociaux n’est imposée par l’article L. 324-14 du Code du travail que dans le seul cadre de contrats conclus par des particuliers pour leur usage personnel ou celui de leur conjoint, ascendant ou descendant ; qu’en l’espèce le contrat conclu entre le demandeur et la société de M. E... , société Eurobat, était un contrat d’entreprise ; qu’en mettant à la charge du demandeur une obligation de vérification requise dans les seules contrats conclus par des particuliers pour leur usage personnel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” 2) alors que, le délit de recours aux service d’une personne exerçant un travail clandestin est constitué lorsque le contractant a volontairement conclu la convention avec une personne dont il savait qu’elle ne déclarait pas ses salariés aux organismes sociaux ; qu’en l’espèce, pour déclarer le demandeur coupable du délit susvisé, la cour d’appel s’est bornée à énoncer que le contrat d’entreprise avait été conclu alors que la société Eurobat ne disposait pas d’un matériel suffisant et qu’Alain X... savait que M. E..., dirigeant d’Eurobat, consentait des réductions de prix substantielles pour obtenir le marché ; qu’en statuant par ces seuls motifs inopérants, sans relever la connaissance par Alain X... de ce que M. E... ne déclarait pas ses salaires et sans davantage constater que c’est pour cette raison qu’Alain X... avait entendu contracter, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;

” 3) alors que, subsidiairement, le délit de banqueroute par aide à l’emploi de moyens ruineux est constitué lorsque l’entrepreneur accepte l’exécution du chantier à un prix si bas qu’il rend impossible toute marge bénéficiaire, attestant ainsi du caractère fictif du marché obtenu dans le seul but de se procurer des fonds ponctuels ; qu’en l’espèce la cour d’appel a relaxé le demandeur de la prévention de complicité de banqueroute par fourniture de moyens ruineux ; que, par là-même, la cour d’appel considère que le prix du marché en cause n’était pas dérisoire et que le chantier n’était pas fictif ; qu’en énonçant pourtant que l’entreprise de M. E... ne possédait pas un matériel suffisant pour exécuter les travaux et que M. E... avait consenti des réductions substantielles pour obtenir le marché, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs “ ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Gérard X... et pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, violation des articles L. 121-1, L. 320, L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, violation de l’article 121-7 du Code pénal, violation de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a déclaré Gérard X... complice du délit de recours aux services d’une personne exerçant un travail clandestin ;

” aux motifs que cependant que l’article L. 324-14 du Code du travail dispose que toute personne qui ne s’est pas assurée, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à vingt mille francs en vue de l’exécution du travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard de l’article L. 324-10 du même Code, ou de l’une d’entre elles seulement, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants, sera tenue solidairement avec celui qui exerce un travail dissimulé au paiement de diverses sommes ; qu’il ressort de la combinaison de ce texte et des articles L. 324-9 et L. 324-10 du même Code qu’il appartient à celui qui conclut un contrat visé par le texte précité de s’assurer que son cocontractant s’acquitte des obligations qui sont légalement mises à sa charge ; que la signature du contrat concernant le chantier de Rochefort-en-Yvelines est intervenue le 7 février 1997 ; que durant la période considérée il appartenait à Alain X... de vérifier les conditions d’emploi des salariés engagés par M. E... ; qu’Alain X... avait déjà connaissance de la façon particulière dont fonctionnait l’entreprise de M. E... , qui ne disposait ni du matériel, ni des matériaux suffisants pour exécuter le chantier ; que le prévenu, qui s’est abstenu de procéder aux vérifications de la loi, alors qu’il avait parfaitement connaissance du fait que M. E... consentait des réductions substantielles de prix pour remporter le marché ; que c’est donc en parfaite connaissance de cause qu’Alain X... a recouru aux services d’une personne exécutant un travail irrégulier au regard des prescriptions de l’article L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail, dans leur rédaction applicable au moment des faits en cause ; que Gérard X..., qui apportait son aide, ses conseils financiers et administratifs à Alain X..., en pleine connaissance de cause, doit être retenu complice de ce délit pour aide et assistance ;

” 1) alors que, l’obligation pour une personne de s’assurer que son cocontractant exécute son obligation de déclaration aux organismes sociaux n’est imposée par l’article L. 324-14 du Code du travail que dans le seul cadre de contrats conclus par des particuliers pour leur usage personnel ou celui de leur conjoint, ascendant ou descendant ; qu’en l’espèce le contrat conclu entre le demandeur et la société de M. E... , société Eurobat, était un contrat d’entreprise ; qu’en mettant à la charge du demandeur une obligation de vérification requise dans les seules contrats conclus par des particuliers pour leur usage personnel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” 2) alors que, le délit de recours aux service d’une personne exerçant un travail clandestin est constitué lorsque le contractant a volontairement conclu la convention avec une personne dont il savait qu’elle ne déclarait pas ses salariés aux organismes sociaux ; qu’en l’espèce, pour déclarer le demandeur coupable du délit susvisé, la cour d’appel s’est bornée à énoncer que le contrat d’entreprise avait été conclu alors que la société Eurobat ne disposait pas d’un matériel suffisant et qu’Alain X... savait que M. E..., dirigeant d’Eurobat, consentait des réductions de prix substantielles pour obtenir le marché ; qu’en statuant, par ces seuls motifs inopérants, sans relever la connaissance par Alain X... de ce que M. E... ne déclarait pas ses salaires et sans davantage constater que c’est pour cette raison qu’Alain X... avait entendu contracter, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés ;

” 3) alors que, subsidiairement, le délit de banqueroute par aide à l’emploi de moyens ruineux est constitué lorsque l’entrepreneur accepte l’exécution du chantier à un prix si bas qu’il rend impossible toute marge bénéficiaire, attestant ainsi du caractère fictif du marché obtenu dans le seul but de se procurer des fonds ponctuels ; qu’en l’espèce la cour d’appel a relaxé le demandeur de la prévention de complicité de banqueroute par fourniture de moyens ruineux ; que, par là-même, la cour d’appel considère que le prix du marché en cause n’était pas dérisoire et que le chantier n’était pas fictif ; qu’en énonçant pourtant que l’entreprise de M. E... ne possédait pas un matériel suffisant pour exécuter les travaux et que M. E... avait consenti des réductions substantielles pour obtenir le marché, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs ;

” 4) alors qu’en tout état de cause, le fait que Gérard X... ait apporté son aide et ses conseils financiers et administratifs à Alain X..., ne signifiait pas que Gérard X... ait conseillé à Alain X... d’avoir recours à l’entreprise Eurobat et à M. E... ; qu’en statuant par ces seuls motifs, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs “ ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Alain X... coupable de recours aux services d’un entrepreneur clandestin et Gérard X..., complice de ce délit, pour la période du 7 février 1997 au 27 mars suivant, la cour d’appel se prononce par les motifs reproduits aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, d’où il résulte que les prévenus savaient qu’en raison de ses faibles moyens et des conditions du marché, la société Eurobat ne pouvait réaliser les travaux demandés sans avoir recours à des salariés dissimulés et dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, les dispositions de l’article L. 324-14 du Code du travail ne s’appliquent pas uniquement aux contrats conclus par des particuliers pour leur usage personnel, la cour d’appel a justifié sa décision au regard des articles L. 324-9 et L. 324-10 du Code précité tant dans leur rédaction issue de la loi du 11 mars 1997 que dans leur rédaction antérieure ;

D’où il suit que les moyens, inopérants en leur troisième branche, doivent être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Alain X... et pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 121-1, L. 320, L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a déclaré Alain X... complice du délit d’exécution d’un travail dissimulé ;

” aux motifs que, selon Gérard X... lui-même, Alain X... était présent sur le chantier de façon quotidienne et avait installé un bureau sur place ; qu’en réalité, Alain X... avait trouvé un moyen commode d’assurer la direction du chantier tout en faisant supporter les risques inhérents à l’emploi irrégulier de salariés par M. E... ; que cette mainmise sur l’entreprise s’est traduite sur le plan financier et celui de la direction des travaux ;

qu’un employeur s’est soustrait aux obligations de déclarations aux organismes sociaux ;

” 1) alors que le délit d’exécution d’un travail dissimulé est constitué par le fait qu’un employeur s’est soustrait aux obligations de déclarations aux organismes sociaux lui incombant en vertu des articles L. 320 et L. 324-10 du Code du travail ; que la caractérisation du délit suppose l’existence d’un contrat de travail et d’un lien de subordination qui fondent l’obligation de l’employeur ;

qu’en l’espèce il est constant que les salariés en cause ont été embauchés par l’entreprise de M. E... et qu’ils sont liés à ce dernier par un contrat de travail et qu’un lien de subordination existe seul entre ces salariés et M. E... ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré le délit susvisé constitué à l’égard du demandeur, motif pris de ce que ce dernier, maître de l’ouvrage, non lié aux salariés par un contrat de travail, aurait été présent sur le chantier en faisant pression sur les salariés et prenant la direction des travaux ; qu’en statuant ainsi, alors qu’aucun contrat de travail et qu’aucun lien de subordination n’existaient entre le demandeur et les salariés, la cour d’appel a créé un délit inexistant, en méconnaissance du principe de légalité des peines et des délits et en violation des articles susvisés du Code du travail ;

” 2) alors que, subsidiairement, l’immixtion du maître de l’ouvrage dans le chantier n’est caractérisée qu’en raison de faits positifs du maître de l’ouvrage et au regard de la compétence notoire de ce dernier ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que le demandeur, maître de l’ouvrage, avait pris la direction des travaux sans pour autant relever un quelconque acte positif d’immixtion d’où il résulterait que le demandeur, notoirement compétent, aurait assumé le rôle du maître d’oeuvre ; d’où il suit que l’arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles susvisés “ ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Gérard X... et pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 122-1, L. 320, L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, de l’article 121-7 du Code pénal, et de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a déclaré Gérard X... complice du délit d’exécution d’un travail dissimulé ;

” aux motifs que, selon Gérard X... lui-même, Alain X... était présent sur le chantier de façon quotidienne et avait installé un bureau sur place ; qu’en réalité, Alain X... avait trouvé un moyen commode d’assurer la direction du chantier tout en faisant supporter les risques inhérents à l’emploi irrégulier de salariés par M. E... ; que cette mainmise sur l’entreprise s’est traduite sur le plan financier et celui de la direction des travaux ; que Gérard X... est complice de ce délit par aide et assistance ayant, de son propre aveu, pris part aux conditions de passation du marché avec Eurobat puis à l’élaboration du protocole litigieux, veillant à ce que soit ajouter une clause dégageant la responsabilité de la SCI HAD vis-à-vis de l’Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales et surveillé la comptabilité du chantier ;

” 1) alors que le délit d’exécution d’un travail dissimulé est constitué par le fait qu’un employeur s’est soustrait aux obligations de déclarations aux organismes sociaux lui incombant en vertu des articles L. 320 et L. 324-10 du Code du travail ; que la caractérisation du délit suppose l’existence d’un contrat de travail qui fonde l’obligation de l’employeur ; qu’en l’espèce il est constant que les salariés en cause ont été embauchés par l’entreprise de M. E... et qu’ils sont liés à ce dernier par un contrat de travail ;

qu’en considérant le délit d’exécution d’un travail dissimulé constitué à l’encontre du demandeur, alors qu’aucun contrat de travail ne liait Gérard X... aux salariés, la cour d’appel a violé les articles susvisés ;

” 2) alors que dans ses conclusions d’appel, Gérard X... précisait qu’il avait participé à l’élaboration du protocole litigieux, aux termes duquel la SCI HAD s’engageait au règlement des factures de matériaux et de certains salaires et qu’il avait été insérée une clause précisant que les cotisations patronales et financières seraient à la charge de la société Eurobat qui avait reçu un acompte afin de les acquitter (cf. conclusions d’appel p. 3) ; qu’en énonçant que Gérard X... aurait reconnu avoir veillé à ce que soit ajoutée une clause dégageant la responsabilité de la SCI HAD envers les organismes sociaux, alors que la clause en question mettait à la charge de l’employeur des obligations lui incombant et pour lesquelles il avait reçu paiement, la cour d’appel a dénaturé les conclusions du demandeur ;

” 3) alors que, en toute hypothèse, le fait de prendre part à la conclusion d’un contrat d’entreprise, en veillant à ce que soit insérée une clause dégageant la responsabilité du maître de l’ouvrage vis-à-vis de l’Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, ne constitue pas un élément constitutif du délit de travail dissimulé ; qu’il n’en était autrement que si la cour d’appel relevait que Gérard X... avait poussé à la conclusion du contrat en sachant que M. E... ne déclarerait pas ses salariés ; qu’en statuant par les seuls motifs susvisés sans relever la connaissance qu’avait Gérard X..., au jour où le contrat a été conclu, que M. E... ne procédait pas aux déclarations requises, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

” 4) alors que, en tout état de cause, la complicité d’un délit ne saurait être constituée par le fait qu’une personne a fait insérer dans un contrat une clause se bornant à mettre à la charge de l’employeur les obligations lui incombant légalement ; qu’en l’espèce le protocole litigieux comprenant une clause aux termes de laquelle la société Eurobat avait l’obligation d’acquitter les charges salariales et patronales ; qu’en considérant que l’insertion de cette clause se bornant à reprendre les dispositions de la loi fondait la complicité du demandeur dans la commission du délit de travail dissimulé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” 5) alors que le délit de travail dissimulé est constitué par l’omission volontaire de procéder aux déclarations des salariés aux organismes sociaux, que le fait de surveiller la comptabilité d’un chantier n’a aucun lien avec le délit susvisé, la comptabilité du chantier ne mettant en cause que le coût des travaux et le paiement de ces derniers ; qu’ainsi celui qui surveille une telle comptabilité n’a pas à procéder aux déclarations des salariés, pas plus qu’il n’a à connaître de l’exécution de telles déclarations ; qu’en considérant que Gérard X... était complice du délit de travail dissimulé par le seul fait qu’il avait surveillé la comptabilité du chantier, la cour d’appel a statué par voie de motifs inopérants violant ainsi les articles susvisés “ ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Alain X... coupable, après requalification, d’exercice d’un travail dissimulé par dissimulation de salarié sur le fondement de l’article L. 324-10 du Code du travail, pour les faits commis à compter du 27 mars 1997, la cour d’appel énonce qu’à cette date, en raison des difficultés financières rencontrées par la société Eurobat, le prévenu a conclu avec elle une convention aux termes de laquelle la SCI HAD, seule cliente de la société Eurobat, se substituerait à celle-ci pour le règlement des factures, des matériaux et du matériel et pour le paiement des salaires sans toutefois pouvoir “ être mise en cause par l’URSSAF, ni tout autre organisme dont relèvent les charges sociales et patronales “ ; que les juges énoncent que le prévenu a alors évincé les principaux responsables de la société Eurobat et assuré à la fois la gestion financière de cette société et la direction du chantier ; qu’ils relèvent que, durant la période considérée, quatorze salariés ont été employés sans qu’ait été effectuée de déclaration préalable à l’embauche et, pour certains d’entre eux, sans qu’aient été délivrés de bulletins de paie ;

Que, pour retenir la culpabilité de Gérard X... en qualité de complice, les juges énoncent qu’il a participé à l’élaboration de la convention précitée et qu’il surveillait la comptabilité du chantier ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance d’où il résulte qu’Alain X... a assuré, avec l’assistance de Gérard X... la direction de fait de la société Eurobat, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Alain X... et pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, violation des articles L. 121-1, L. 320, L. 324-9, L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, violation de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” en ce que la cour d’appel a déclaré Alain X... coupable de complicité d’exécution d’un travail dissimulé ;

” aux motifs qu’il ressort de la procédure qu’Alain X... a pris attache avec M. B... qu’il connaissait, afin de lui proposer une convention de stage entre Eurobat et le lycée Jean Monnet à Montrouge ; que cette convention a été signée par Alain X..., pour le compte d’Eurobat ; que les faits de la procédure démontrent que les élèves intéressés (M. Z..., F..., G..., H..., I..., J... et K...) loin de poursuivre leur formation en qualité de peintre, ont en fait été employés comme simples manoeuvres par Alain X..., et qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune déclaration après des organismes sociaux et n’ont reçu aucun bulletin de paie ; que M. Y..., proviseur du lycée Jean Monnet, a déclaré qu’il était exact que les conventions de stage n’avaient pas été respectées ; qu’en l’état des témoignages recueillis, la preuve est rapportée qu’Alain X... s’est comporté, à l’égard des stagiaires visés dans la prévention, comme leur employeur de fait ; que les précisions fournies, notamment par M. E..., démontrent qu’Alain X... a fait appel à ce type de main-d’oeuvre, dans le but d’accélérer l’exécution de travaux, sans avoir à rémunérer la main-d’oeuvre ainsi trouvée, ni verser de cotisations sociales ;

” 1) alors que le délit d’exécution d’un travail dissimulé est caractérisé par l’omission par l’employeur des déclarations lui incombant en vertu des articles L. 320, L. 324-9 et L. 324-10 du Code du travail ; que de telles déclarations ne sont pas requises lorsqu’un contrat de stage est conclu, un tel contrat ne donnant pas aux stagiaires la qualité de salariés et ne faisant pas du maître de stage un employeur au sens de l’article 121-1 du Code du travail ; qu’en l’espèce la cour d’appel relève expressément qu’un contrat de stage a été conclu entre la société Eurobat et le lycée Jean Monnet ; qu’en considérant que le demandeur s’était comporté envers les stagiaires comme leur employeur de fait et qu’il était donc complice du délit de travail dissimulé en ce que la société Eurobat n’avait pas procédé aux déclarations aux organismes sociaux légalement requises, alors qu’elle relevait de l’existence d’une convention de stage, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des textes susvisés ;

” 2) alors que, en toute hypothèse, l’inexécution par la société Eurobat de ses obligations au titre de la convention de stage ne pouvait qu’entraîner la responsabilité du maître de stage et le prononcé de la résiliation du contrat de stage ; qu’il en résultait donc que, nonobstant une quelconque inexécution des obligations, la convention de stage avait été conclue et excluait ainsi toute obligation de déclaration aux organismes sociaux ; qu’en déclarant le demandeur complice du délit d’exécution d’un travail dissimulé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” 3) alors que la cour d’appel s’est bornée à énoncer que le proviseur du lycée Jean Monnet avait déclaré que les conventions de stage n’avaient pas été respectées ; qu’en statuant ainsi sans préciser en quoi consistait l’inexécution, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs violant l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” 4) alors que la cour d’appel s’est bornée à énoncer qu’en l’état des témoignages recueillis, la preuve était rapportée qu’Alain X... s’était comporté, à l’égard des stagiaires, comme leur employeur de fait ; qu’en statuant par ces seuls motifs sans préciser sur quels témoignages elle se fondait et sans préciser davantage en quoi le demandeur s’était comporté comme un employeur de fait, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs ;

” 5) alors que très subsidiairement, seul l’employeur lié à son salarié par un contrat de travail est tenu aux obligations de déclarations et peut être déclaré coupable du délit d’exécution d’un travail dissimulé ; qu’en déclarant Alain X... coupable de complicité d’un tel délit, motif pris de ce qu’il se serait comporté comme l’employeur de fait des stagiaires, la cour d’appel a violé les textes susvisés “ ;

Attendu que le moyen se borne à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, que, sous le couvert d’une convention de stage signée par lui pour le compte de la société Eurobat, le prévenu a employé en fait les stagiaires concernés comme manoeuvres, sans effectuer aucune déclaration auprès des organismes sociaux et sans leur remettre de bulletin de paie et qu’il s’est ainsi rendu coupable, comme auteur principal, d’exécution d’un travail dissimulé ;

Qu’un tel moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Alain X... et pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles L. 121-1, L. 320, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-14 du Code du travail, de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

” aux motifs qu’il ressort de l’enquête que M. de C... qui, à l’origine avait été embauché par la société Eurobat comme maçon, a travaillé à la période considérée, sans être déclaré, afin d’effectuer des travaux de carrelage et de maçonnerie (d’abord proposé à un autre salarié d’Eurobat, M. D...) et qu’il a perçu, pour ces travaux, la somme de 1 000 francs en espèces, de la part d’Alain X... ; que le délit poursuivi est établi à la charge d’Alain X... qui a fait exécuter les travaux, M. de C... n’ayant fait l’objet, dans le cadre de l’exécution de ce travail, d’aucune déclaration préalable à l’embauche ; que cette infraction est donc établie à la charge d’Alain X... en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, étant précisé que le prévenu a exercé sur le salarié un pouvoir de direction de fait ;

” 1) alors que le délit d’exécution d’un travail dissimulé suppose l’existence d’un contrat de travail et d’un lien de subordination ; qu’en l’espèce la cour d’appel relève expressément que M. de C... a été embauché par la société Eurobat en qualité de maçon (arrêt attaqué, p. 10, alinéa 6) ; qu’en considérant que l’obligation de déclaration aux organismes sociaux incombait à Alain X..., la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” 2) alors qu’en toute hypothèse, en s’abstenant de caractériser les faits attestant la direction de fait, par Alain X..., des travaux litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés “ ;

Attendu qu’en retenant à l’encontre d’Alain X... le délit d’exécution d’un travail dissimulé pour avoir fait effectuer, par un salarié de la société Eurobat, des travaux de maçonnerie pour le compte de la SCI Le Mistral dont il était le gérant, sans effectuer de déclaration préalable à l’embauche, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Versailles 9ème chambre , du 10 mai 2000

Titrages et résumés : (Sur le premier moyen d’Alain X... et de Gérard X...)

TRAVAIL - Travail clandestin - Obligations de l’article L324-14 du Code du travail - Champ d’application.

null

Textes appliqués :
* Code du travail L324-9, L324-10 et L324-14