Emploi illégal salarié étranger sans titre de travail

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 20 octobre 1998

N° de pourvoi : 97-85762

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

 HU Yun Z...,

 CHANG A... Chuan ou B... Chuan,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 2 octobre 1997, qui, pour infraction à la législation relative aux étrangers (2) et complicité (1), travail clandestin (2) et complicité (1), soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail et d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine (2) et complicité (1), violation du monopole de l’Office des migrations internationales (2) et emploi d’étrangers non munis d’un titre les autorisant à exercer un travail salarié en France (2), a condamné chacun d’eux à une peine d’emprisonnement ferme, à une amende et à l’interdiction du territoire français pendant 5 ans et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Sur le pourvoi formé par A... Chuan X... ;

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

Sur le pourvoi formé par Yun Z... Y... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 362-3, L. 362-4, L. 362-5 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Xie Lin Hu coupable d’exécution d’un travail clandestin ;

”aux motifs, adoptés des premiers juges, que le prévenu exploite un atelier de confection en son nom propre inscrit au répertoire des métiers, que sept personnes sont en situation irrégulière sur le territoire français, qu’aucune des formalités exigées par les dispositions du Code du travail concernant les salariés n’ont été effectuées ;

”alors que l’infraction aux dispositions réprimant le travail clandestin suppose, non seulement l’exécution d’un travail répondant à la définition visée par l’article L. 324-10 du Code du travail, mais encore la soustraction intentionnelle du prévenu à l’une des obligations énumérées par le texte susvisé ; qu’en l’espèce, en se bornant à constater la présence de personnes en situation irrégulière sur le territoire français et l’absence de formalités exigées par les dispositions du Code du travail concernant les salariés, sans établir le caractère intentionnel au regard des déclarations prescrites, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa dé- cision au regard de l’article L. 324-10 du Code du travail” ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 21, alinéas 1er et 2, de l’ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Xie Lin Hu coupable d’aide à séjour irrégulier d’étrangers en France ;

”aux motifs, adoptés des premiers juges, qu’en fournissant du travail à plusieurs ressortissants chinois et en logeant certains d’entre eux, Xie Lin Hu a facilité le séjour de sept personnes de nationalité chinoise en situation irrégulière ;

”et aux motifs propres à la Cour que, sauf à minimiser la durée des embauches clandestines qui auraient été effectuées dans les semaines voire les jours précédents, et qui seraient liées à la nécessité de faire face à une commande urgente, et à prétendre qu’il avait recruté ces personnes, qui se trouvaient à la recherche d’un travail, à la porte Saint-Denis ou dans le quartier du Sentier, alors que les éléments de l’enquête et notamment les auditions des intéressés démontrent que ceux-ci, généralement originaires de la même province que le prévenu, lui étaient amenés par des intermédiaires, également d’origine chinoise, deux au moins d’entre eux étant même hébergés sur place ; qu’il a par ailleurs nié être en relation, tant avec son coprévenu Shao Ting C... - alors pourtant qu’a été découvert dans son atelier, sur une table à proximité de son poste de travail, un document d’une société Iriha adressé à la société Autio qu’avec Chuan B... X..., malgré la découverte dans ses locaux d’étiquettes de même marque (Jalouse) que celles saisies dans l’appartement du boulevard Victor Hugo à Clichy ;

”alors que l’infraction prévue par l’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 rédigée en termes généraux ne définit aucun élément constitutif du délit ; que cette disposition doit être interprétée restrictivement et ne peut viser les comportements humanitaires ; que, par suite, la cour d’appel qui se borne à affirmer la culpabilité du prévenu alors que celui-ci a toujours affirmé qu’il avait aidé des ressortissants chinois à la recherche d’un travail, n’a pas légalement justifié la condamnation prononcée” ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 121-7, 222-15 du Code pénal, 21, alinéa 1er, de l’ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945, L. 324-9, L. 324-10 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Yun Z... Y... coupable de complicité des faits reprochés à Xie Lin Hu ;

”aux motifs que la complicité de Yun Z... Y... dans les faits reprochés à son père est avérée, et d’ailleurs reconnue dans son principe ; qu’il est établi en effet qu’ayant une meilleure connaissance de la langue française, il assistait son père dans la gestion de son entreprise, qu’il s’occupait de la comptabilité et des questions administratives, ainsi que des relations commerciales avec les donneurs d’ordre du Sentier, et que travaillant lui-même, comme d’ailleurs son épouse et son frère, dans l’atelier en cause, il n’ignorait rien de la situation administrative et des conditions précaires d’emploi des personnes recrutées ;

”alors que la seule circonstance que le prévenu connaisse la situation précaire des personnes employées par son père et s’occupe de la comptabilité et des relations commerciales de l’entreprise ne saurait suffire à caractériser la mauvaise foi de celui— ci ; que, par suite, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l’article 121-7 du Code pénal” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la juridiction du second degré a, sans insuffisance, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 112-1, 112-2 et 132-19 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a condamné les prévenus à des peines d’emprisonnement sans sursis ;

”aux motifs, adoptés des premiers juges, qu’il convient de prononcer à l’encontre des prévenus des peines d’emprisonnement ferme compte tenu de la nature des faits qui apportent un trouble certain à l’ordre public ;

”alors qu’en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui a prononcé à l’encontre des prévenus des peines d’emprisonnement ferme sans motiver spécialement sa décision sur ce point autrement qu’en invoquant la nature des faits et le trouble certain à l’ordre public, a violé l’article 132-19 du Code pénal” ;

Attendu que, pour condamner le prévenu à une peine d’emprisonnement sans sursis, les juges, après avoir décrit les circonstances de fait caractérisant la gravité des infractions poursuivies, relèvent le trouble causé à l’ordre public économique par la nature même de celles-ci et précisent qu’il a déjà été condamné pour emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a justifié sa décision au regard de l’article 132-19 du Code pénal ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Milleville, Joly, Mmes Simon, Anzani conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Versailles 9ème chambre , du 2 octobre 1997