contrat fictif

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 16 décembre 2009

N° de pourvoi : 08-44613

Non publié au bulletin

Cassation

M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1315 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... , soutenant avoir été engagé en qualité de serveur par la société Iru suivant contrat à durée déterminée du 26 avril 2001 au 21 septembre 2001, puis en qualité de cuisinier par le même employeur suivant un contrat à durée indéterminée en date du 3 mai 2002, et affirmant n’avoir jamais été payé normalement ni complètement et avoir fait l’objet d’une brusque rupture le 13 novembre 2006, a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, d’indemnisation d’un arrêt maladie et de dommages-intérêts ainsi qu’à la remise de bulletins de salaire rectifiés ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, la cour d’appel, devant laquelle le CGEA contestait la réalité du contrat de travail entre l’intéressé et la société Iru, a retenu, au terme de l’analyse qu’elle a faite des éléments versés aux débats par M. X..., dont le contrat de travail en date du 3 mai 2002, que ce dernier ne démontrait pas l’existence du contrat de travail qu’il revendiquait ;

Attendu, cependant, qu’en présence d’un contrat de travail écrit, il appartient à celui qui en conteste la réalité, de rapporter la preuve de son caractère fictif ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 janvier 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;

Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR DEBOUTE Monsieur X... de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre de salaires et d’indemnisation au cours de son arrêt-maladie, de dommages et intérêts, à la mise en oeuvre de la garantie de l’AGS, et à la remise de bulletins de salaire rectifiés pour la période du mois de mai 2002 au mois de novembre 2006 ;

AUX MOTIFS QU’il résulte du contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 mai 2002 un engagement en qualité de cuisinier à compter du 3 mai 2002 pour une durée de travail mensuelle de 177,67 heures et une rémunération mensuelle nette de 1372,04 euros ; que la production d’un contrat de travail écrit n’est pas en soit suffisant pour établir l’existence de la relation contractuelle ; que Monsieur X... verse également aux débats divers bulletins de salaire et divers relevés de compte bancaire ; il prétend avoir reçu à plusieurs reprises des salaires en contrepartie de sa prestation personnelle de travail, par des chèques ou virements dont il n’établit pas qu’ils correspondent à des sommes de nature salariale, ni qu’ils ont été émis en rémunération d’un travail effectué pour le compte de la SARL IRU, étant observé que les montants sur lesquels ils portent ne correspondent pas à ceux figurant sur les bulletins de paie, ou aux salaires revendiqués par Monsieur X... ; que celui-ci verse également aux débats des avis d’imposition sur les revenus pour les années 2003 et 2004 ; rien ne permet cependant d’établir que les revenus déclarés correspondent réellement et effectivement à des salaires, ni a fortiori à des salaires versés par la société IRU ; au vu de l’ensemble de ces éléments il y a lieu de dire que n’est pas établie l’existence d’une prestation de travail pour le compte de la SARL IRU, ni la perception d’une rémunération au titre de cette prestation, ou en tout cas qu’une rémunération était prévue, ni que ladite prestation aurait été effectuée sous un lien de subordination ; par conséquent, M. William X... ne démontre pas l’existence du contrat de travail revendiqué ; il y a lieu de dire fictif le contrat de travail revendiqué en dépit de son apparence du fait du contrat écrit ;

ALORS D’UNE PART QUE le juge est tenu de respecter les termes du litige tels qu’ils résultent des prétentions émises par les parties ; que l’employeur, tant devant les premiers juges que devant la Cour d’appel, n’a jamais contesté la réalité du contrat de travail conclu avec Monsieur X..., ses prétentions, en défense, consistant exclusivement à soutenir que le salarié avait été intégralement rempli de ses droits au titre de ses salaires (conclusions du mandataire liquidateur devant la Cour d’appel p. 3 et jugement du conseil de prud’hommes p. 3 alinéa 12) ; qu’en retenant le caractère fictif du contrat de travail, la Cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS D’AUTRE PART QUE l’aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l’a fait ; que constitue un aveu de l’exécution d’un contrat de travail, la déclaration faite dans ses conclusions par l’employeur, relative à l’encaissement et à la déclaration par le salarié, de revenus par lui versés en exécution d’un tel contrat ; qu’en retenant malgré la déclaration ainsi faite par l’employeur (conclusions devant la Cour d’appel p. 3), que le contrat de travail avait un caractère fictif, la Cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 1356 du Code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QU’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve ; que la Cour d’appel, en relevant l’existence d’un contrat de travail écrit conclu le 3 mai 2002 et la délivrance de bulletins de paie, a caractérisé l’existence d’un contrat de travail apparent ; qu’en décidant qu’il appartenait à Monsieur X... de démontrer l’existence du contrat de travail revendiqué, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 Code civil et L. 1221-1 (ancien article L. 121-1) du Code du travail ;

ALORS ENFIN QU’en vertu de l’article 1315 alinéa 2 du Code civil, il appartient à l’employeur de prouver le paiement effectif du salaire, notamment par la production de pièces comptables ; qu’en affirmant que le contrat de travail était fictif parce que Monsieur X... ne démontre pas le paiement de l’intégralité des salaires mentionnés sur les bulletins de salaire établis et remis par la société IRU, la Cour d’appel a renversé la charge de la preuve et violé le texte précité, ensemble l’article L. 1221-1 (ancien article L. 121-1) du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Pau du 28 janvier 2008