Travaux de rénovation d’un restaurant - entraide amicale non

CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 04/01/2022

N° 19VE00197
Inédit au recueil Lebon

Lecture du mardi 04 janvier 2022
Président
M. BROTONS
Rapporteur
M. Bruno COUDERT
Rapporteur public
Mme GROSSHOLZ
Avocat(s)
HERRIOT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ma-Annapurna a demandé au tribunal administratif de Versailles d’annuler la décision du 16 septembre 2015 par laquelle le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a mis à sa charge, d’une part, la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail et, d’autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour des montants respectifs de 17 600 euros et de 2 309 euros, ainsi que celle du 21 décembre 2015 rejetant son recours gracieux contre cette décision, et de la décharger de l’obligation de paiement de ces sommes.

Par un jugement no 1601536 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019, la société Ma-Annapurna, représentée par Me Herriot, avocate, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) d’annuler la décision du 16 septembre 2015 du directeur général de l’OFII ;

3°) de mettre à la charge de l’OFII la somme de 3 000 euros en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

La société Ma-Annapurna soutient que :
 le ressortissant bangladais en cause n’était pas dans une relation de travail mais a rendu un simple service, non rémunéré, au gérant de la société ;
 subsidiairement, il convient de diminuer les montants des contributions financières au minimum prévu par les dispositions applicables compte tenu de ses difficultés financières.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
 le code du travail ;
 le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
 le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
 le rapport de M. Coudert,
 et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A l’occasion d’un contrôle effectué le 3 avril 2015 à Maisons-Laffitte (Yvelines) sur le site du restaurant " Taj India " en cours de rénovation et pour lequel la société Ma-Annapurna avait déposé une demande d’autorisation de travaux, les services de l’inspection du travail, assistés par les services de police, ont découvert en action de travail M. A..., ressortissant bangladais non autorisé à exercer une activité salariée en France. Par décision du 16 septembre 2015, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a mis à la charge de la société, d’une part, la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail et, d’autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour des montants respectifs de 17 600 euros et de 2 309 euros. La société Ma-Annapurna relève appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.

2. Aux termes de l’article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l’article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d’infractions ou en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l’article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux (...) ". Et aux termes de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine (...) ". Enfin, aux termes de l’article L. 5221-8 du code du travail : " L’employeur s’assure auprès des administrations territorialement compétentes de l’existence du titre autorisant l’étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi tenue par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi d’un recours contre une décision mettant à la charge d’un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l’article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par les dispositions également précitées de l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à raison d’une méconnaissance des dispositions de l’article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l’employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, par ailleurs, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l’administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d’en diminuer le montant jusqu’au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d’en décharger l’employeur. Enfin, dans le cadre de l’application de ces dispositions, il appartient à l’autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d’établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et la personne que celui-ci emploie.

4. En l’espèce, si la société Ma-Annapurna conteste avoir employé M. A... en soutenant qu’il est un ami du gérant venu lui rendre un service gratuitement, il résulte de l’instruction, plus précisément du procès-verbal en date du 20 mai 2015 dressé par l’inspecteur du travail ayant effectué le contrôle, dont les constatations font foi jusqu’à preuve du contraire, que cet étranger a été trouvé en train de négocier au nom de la société un devis pour des travaux de pose de rampes avec un serrurier présent sur les lieux et qu’il a déclaré loger au premier étage du restaurant. Si la société soutient que l’intéressé disposait d’un autre logement, elle n’apporte en tout état de cause aucun élément probant à l’appui de cette allégation. L’étranger concerné peut donc être regardé comme ayant effectué un travail en contrepartie de cet avantage en nature de logement, constitutif d’une rémunération. Il en résulte, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que l’exploitation du restaurant n’avait pas commencé à la date du contrôle, que l’existence d’une relation de travail entre la requérante et M. A... doit être regardée comme établie. Le moyen ne peut donc qu’être écarté.

5. Les dispositions précitées de l’article L. 8253-1 du code du travail et celles de l’article R. 8253-2, dans sa rédaction issue de l’article 1er du décret du 4 juin 2013, n’autorisent l’administration à minorer le montant de la contribution spéciale que dans le cas de non-cumul d’infractions ou en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l’article R. 8252-6 du même code. Ainsi, le moyen tiré des difficultés financières que rencontrerait la société ne peut être utilement soulevé pour demander la modulation des contributions mises à sa charge et ne peut, par conséquent, qu’être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. L’OFII n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société Ma-Annapurna au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Ma-Annapurna une somme de 1 500 euros à verser à l’OFII, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Ma-Annapurna est rejetée.
Article 2 : La société Ma-Annapurna versera la somme de 1 500 euros à l’OFII au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l’OFII au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N° 19VE00197 4