Transmission non obligatoire
Cour administrative d’appel de Nantes
N° 00NT00185 00NT00184
Inédit au recueil Lebon
3E CHAMBRE
M. FAESSEL, rapporteur
M. MORNET, commissaire du gouvernement
lecture du vendredi 21 juin 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) la requête, enregistrée le 4 février 2000 au greffe de la Cour sous le n° 00NT00185, présentée pour la S.A.R.L. “L’Anatolie”, représentée par son gérant, par Me X..., avocat au barreau de Nantes ;
La S.A.R.L. “L’Anatolie” demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 97-1395 du 30 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 8 janvier 1997 par laquelle le directeur de l’office des migrations internationales l’a soumise à la contribution spéciale prévue aux articles L.341-6 et L.341-7 du code du travail en cas d’emploi irrégulier de travailleur étranger ;
2°) d’annuler ladite décision ;
Vu 2°) la requête, enregistrée le 4 février 2000 au greffe de la Cour sous le n° 00NT00184, présentée pour la S.A.R.L. “L’Anatolie”, représentée par son gérant, par Me X..., avocat au barreau de Nantes ;
La S.A.R.L. “L’Anatolie” demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 97-1394 du 30 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d’annulation des états exécutoires n° 960583/P du 8 janvier 1997 d’un montant de 36 180 F et 960183 du 3 avril 1997 d’un montant de 3 618 F, dressés à son encontre par le directeur de l’office des migrations internationales ;
2°) d’annuler lesdits états exécutoires par les mêmes moyens que dans la requête n° 00NT00185 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 53-1092 du 5 novembre 1953 relatif aux états portant liquidation des créances des établissements publics nationaux ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 mai 2002 :
"-" le rapport de M. FAESSEL, premier conseiller,
"-" et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que lors d’un contrôle effectué le 16 octobre 1996 dans les locaux du restaurant exploité à Nantes par la S.A.R.L. “L’Anatolie”, les agents de la brigade mobile de recherche et de contrôle de l’immigration ont constaté la présence sur les lieux de deux personnes de nationalité étrangère, dépourvues de titre les autorisant à travailler en France ; qu’à la suite du procès-verbal dressé par ces agents, le directeur de l’office des migrations internationales a, par une décision du 8 janvier 1997, soumis la S.A.R.L. “L’Anatolie” à la contribution spéciale instituée par l’article L.341-7 du code du travail en cas d’emploi irrégulier de travailleur étranger ; que le même jour a été émis un état exécutoire pour une somme de 36 180 F en vue du recouvrement de cette contribution ; que la S.A.R.L. “L’Anatolie” n’ayant pas réglé ce montant, le directeur de l’office des migrations internationales lui a appliqué une majoration de la contribution d’un montant de 3 618 F et a, le 3 avril 1997, émis un nouvel état exécutoire pour cette majoration ; que par deux demandes formées devant le Tribunal administratif de Nantes, la S.A.R.L. “L’Anatolie” a sollicité l’annulation des décisions susmentionnées ;
Considérant que les requêtes de la S.A.R.L. “L’Anatolie” présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par l’office des migrations internationales aux demandes de la S.A.R.L. “L’Anatolie” :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la S.A.R.L. “L’Anatolie”, le décret du 5 novembre 1953 est toujours en vigueur ; que par suite, les états exécutoires attaqués ne sont pas dépourvus de base légale ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aucune disposition conventionnelle, législative ou réglementaire, ni aucun principe général n’imposait au directeur de l’office des migrations internationales de communiquer d’office à la S.A.R.L. “L’Anatolie” le procès-verbal qui avait été dressé à son encontre par les agents de la brigade mobile de recherche et de contrôle de l’immigration ainsi que les autres pièces du dossier, ou d’inviter expressément celle-ci à venir prendre connaissance de ces documents, avant d’arrêter les décisions attaquées ; qu’il ressort au demeurant des pièces du dossier que la requérante a pu prendre connaissance en temps utile desdits documents ; que par suite elle n’est pas fondée à soutenir que les droits de la défense et l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;
Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L.341-6 du code du travail : “Il est interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger, non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France”, et qu’aux termes de l’article L.341-7 du même code : “Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourraient être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L.341-6, premier alinéa, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’office des migrations internationales. Le montant de cette contribution ne saurait être inférieur à 500 fois le taux du minimum garanti prévu à l’article L.141-8 ( ...)” ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, lors du contrôle effectué le 16 octobre 1996, les agents de la brigade de recherche et de contrôle de l’immigration ont constaté la présence, dans l’établissement, outre les salariés réguliers de la S.A.R.L. “L’Anatolie”, de deux personnes de nationalité turque qui se tenaient derrière le bar et participaient au service de la clientèle ; que ces deux personnes, interrogées par les enquêteurs, se sont révélées être démunies de toute autorisation de travail et ont reconnu contribuer de manière habituelle, en contrepartie d’avantages en nature, à l’activité du restaurant ; que la circonstance que les intéressés auraient des liens d’alliance ou de parenté avec le gérant de la S.A.R.L. L’Anatolie” ou l’un de ses employés, ne saurait faire admettre, en l’espèce, l’existence d’une situation d’entraide familiale ; qu’ainsi le directeur de l’office des migrations internationales a pu légalement estimer que les deux personnes interpellées lors du contrôle étaient, au sens des dispositions précitées du code du travail, au service de la S.A.R.L. “L’Anatolie” et réclamer le paiement de la contribution spéciale prévue par lesdites dispositions ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la S.A.R.L. “L’Anatolie” n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes ;
Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que l’office des migrations internationales, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A.R.L. “L’Anatolie” la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la S.A.R.L. “L’Anatolie” à verser à l’office des migrations internationales une somme de 1 000 euros en remboursement des frais de même nature qu’il a supportés ;
Article 1er : Les requêtes de la S.A.R.L. “L’Anatolie” sont rejetées.
Article 2 : La S.A.R.L. “L’Anatolie” versera à l’office des migrations internationales une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. “L’Anatolie”, à l’office des migrations internationales et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Abstrats : 335-06-02-02 ETRANGERS - EMPLOI DES ETRANGERS - MESURES INDIVIDUELLES - CONTRIBUTION SPECIALE DUE A RAISON DE L’EMPLOI IRREGULIER D’UN TRAVAILLEUR ETRANGER