Bâtiment

Le : 06/06/2012

Cour administrative d’appel de Paris

N° 11PA01729

Inédit au recueil Lebon

3 ème chambre

Mme VETTRAINO, président

M. Jean-François TREYSSAC, rapporteur

M. JARRIGE, rapporteur public

LEVY-CHEVALIER, avocat(s)

lecture du jeudi 8 mars 2012

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011, présentée pour la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, dont le siège est ..., par Me Levy-Chevalier ; la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0907537/3-1 et 0907545/3-1 en date du 15 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite et de la décision explicite en date du 4 mars 2009 par lesquelles le directeur de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) a rejeté son recours gracieux formé à l’encontre de l’état exécutoire du 3 octobre 2008 pris à son encontre et à ce qu’elle soit déchargée en conséquence de la contribution spéciale qui lui a été appliquée, d’autre part, à l’annulation de l’état exécutoire pris à son encontre par l’ANAEM en date du 3 octobre 2008 et à la condamnation de l’ANAEM à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de dire et juger nuls et de nul effet la décision de l’ANAEM du 3 octobre 2008, la décision implicite de rejet et la décision explicite de rejet de l’ANAEM du 4 mars 2009, ainsi que l’état exécutoire signifié le 4 juin 2009 ;

3°) de la décharger de la contribution spéciale qui lui a été appliquée par l’ANAEM ;

4°) de condamner l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 relatif aux autorisations de travail délivrées à des étrangers, à la contribution spéciale due en cas d’emploi d’un étranger dépourvu d’autorisation de travail et modifiant le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 février 2012 :

"-" le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

"-" les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

"-" et les observations de Me Leborgne, pour la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS ;

Considérant que la société PEINTEC PLUS s’est vu confier la réalisation de travaux de peinture sur un chantier au 137, rue de l’Université à Paris ; qu’elle a sous-traité une partie des travaux à la société Pyramide et Cie ; que le 31 janvier 2008, lors d’un contrôle du chantier, les services de police, accompagnés d’un inspecteur de l’URSSAF, ont constaté l’emploi de huit ressortissants de nationalité étrangère dépourvus d’autorisation de travail, en infraction avec les dispositions de l’article L. 341-6 du code du travail, codifiées depuis le 1er mai 2008 à l’article L. 8251-1 du même code ; que par lettre en date du 4 juin 2008, le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle de Paris a adressé à la société PEINTEC PLUS un courrier lui indiquant que les faits constatés étaient susceptibles d’entraîner le versement par celle-ci, en qualité de donneur d’ordre, de la contribution spéciale prévue par le code du travail due par tout employeur de travailleur immigré démuni des titres nécessaires, par les dispositions de l’article L. 341-7 du code du travail, codifiées depuis le 1er mai 2008 à l’article L. 8253-1 du même code, et qu’il envisageait de transmettre l’ensemble de la procédure au directeur de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) pour mise en recouvrement de ladite contribution spéciale ; que la société PEINTEC PLUS a fait valoir ses observations par courrier du 18 juin 2008 ; que par une décision en date du 3 octobre 2008, l’ANAEM a émis à l’encontre de la société PEINTEC PLUS un titre exécutoire d’un montant de 25 680 euros ; que la société PEINTEC PLUS a formé le 5 décembre 2008 à l’encontre de cette décision un recours gracieux dont l’ANAEM a accusé réception le 9 janvier 2009 ; que par courrier du 4 mars 2009, l’ANAEM a indiqué à la société PEINTEC PLUS qu’elle restait redevable de l’amende de contribution spéciale qui lui avait été adressée le 4 mars 2008 ; que la société PEINTEC PLUS a demandé au Tribunal administratif de Paris l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 3 octobre 2008, de la décision implicite de rejet née de son recours gracieux contre cette décision et de la décision du 4 mars 2009 de l’ANAEM, devenue l’Office français de l’immigration et de l’intégration ; que par jugement du 15 février 2011, dont elle relève appel devant la Cour de céans, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

Considérant que la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, soutient que l’état exécutoire du 3 octobre 2008 n’est pas suffisamment motivé et a été rendu au terme d’une procédure irrégulière ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique susvisé : “ Tout ordre de recette doit indiquer les bases de liquidation. Toute erreur de liquidation au préjudice du débiteur donne lieu à l’émission d’un ordre d’annulation ou de réduction de recette ; cet ordre indique les bases de la nouvelle liquidation. Il ne peut être procédé à aucune révision de liquidation lorsque les comptes ont été acceptés par la partie ou réglés par des décisions administratives devenues définitives. “ ;

Considérant que l’état exécutoire du 3 octobre 2008 émis à l’encontre de la société PEINTEC PLUS conformément aux dispositions de l’article L. 8253-1 du code du travail fixe, pour le calcul de la contribution spéciale prévue à cet article, à huit le nombre de travailleurs étrangers en situation irrégulière et comporte, en outre, l’indication du taux horaire minimum, du taux de la contribution spéciale, ainsi que le montant de celle-ci ; qu’ainsi, le titre exécutoire litigieux doit être regardé comme répondant aux exigences de motivation de l’article 81 précité du décret du 29 décembre 1962 ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’état exécutoire du 3 octobre 2008, qui comporte l’indication des éléments de la liquidation des sommes dues, la mention des textes applicables et la date du procès-verbal ayant relevé les infractions, comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu’il est par suite suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : “ Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...). Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) ; qu’aux termes de l’article L. 8251-1 du code du travail : “ Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Il est également interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa. “ ; qu’aux termes de l’article L. 8253-1 du même code : “ Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l’employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale au bénéfice de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et est au moins égal à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 5 000 fois ce même taux. “ ; qu’aux termes de l’article R. 8253-3 du même code : “ Le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ou le fonctionnaire assimilé indique à l’employeur, par lettre recommandée avec avis de réception, que les dispositions de l’article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu’il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. “ ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que le législateur a entendu instaurer une procédure contradictoire particulière pour l’ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles est soumise l’infraction mentionnée à l’article L. 8251-1 du code du travail et l’application de la contribution spéciale à l’employeur qui emploie de façon irrégulière un salarié de nationalité étrangère ; que, par suite, les dispositions précitées de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peuvent être utilement invoquées à l’encontre de l’état exécutoire émis à l’encontre de la société PEINTEC PLUS en vue du recouvrement de la contribution spéciale mentionnée à l’article L. 8253-1 précité du code du travail ; qu’en tout état de cause, la société PEINTEC PLUS ayant été invitée, par lettre en date du 4 juin 2008, à présenter des observations en défense, et les ayant présentées par courrier du 18 juin 2008, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté comme manquant en fait ;

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, soutient qu’elle ne pouvait être solidairement tenue de payer la contribution spéciale qui a été mise à sa charge dès lors qu’elle s’était acquittée de toutes ses obligations à l’égard de son sous-traitant en lui demandant notamment de lui fournir une attestation sur l’honneur selon laquelle il n’employait pas de salarié démuni de titre de travail ; qu’elle produit l’attestation sur l’honneur qui a été établie par la société Pyramide et Cie le 20 novembre 2007 ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 8254-1 du code du travail “ Toute personne vérifie, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1. “ ; qu’aux termes de l’article L. 8254-2 du même code : “ La personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8254-1 est tenue solidairement avec son cocontractant, sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 8222-1 à L. 8222-6, au paiement de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 et de la contribution forfaitaire prévue à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. “ ; qu’aux termes de l’article R. 341-30 du même code dans sa version issue du décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 relatif aux autorisations de travail délivrées à des étrangers, à la contribution spéciale due en cas d’emploi d’un étranger dépourvu d’autorisation de travail et modifiant le code du travail, entrée en vigueur le 1er juillet 2007 : “ Toute personne à qui les dispositions de l’article L. 341-6-4 sont applicables se fait remettre, lors de la conclusion du contrat, par son cocontractant la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier et soumis à l’autorisation de travail mentionnée à l’article L. 341-2. Cette liste précise, pour chaque salarié, sa date d’embauche, sa nationalité ainsi que le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail. Cette liste est établie à partir du registre unique du personnel mentionné à l’article L. 620-3. “ ;

Considérant qu’il résulte des dispositions susmentionnées que les vérifications exigées par l’article L. 8254-1 du code du travail impliquent, depuis le 1er juillet 2007, date d’entrée en vigueur du décret du 11 mai 2007 précité, la fourniture de la liste mentionnée à l’article

R. 341-30 du code du travail, devenu l’article R. 8254-2 ; que la société PEINTEC PLUS, qui a produit une attestation sur l’honneur signée par la société Pyramide et Cie, ultérieurement à la signature du contrat de sous-traitance, et pour les besoins de la cause, ne peut être regardée comme ayant procédé aux vérifications exigées par l’article L. 8254-1 du code du travail ; qu’il ressort des procès-verbaux d’audition et de perquisition que les faits incriminés sont matériellement établis et démontrent que la société PEINTEC PLUS, si elle n’a pas embauché les travailleurs incriminés, les a indiscutablement employés et doit être considérée comme ayant intentionnellement eu recours à de la main-d’oeuvre étrangère illicite et non qualifiée sous couvert d’un contrat de sous-traitance, sans avoir volontairement procédé aux vérifications et satisfait à ses obligations légales prévues par la loi ; que par suite, l’ANAEM a pu à bon droit faire application des dispositions de l’article L. 8254-2 du même code et la considérer comme étant tenue solidairement avec son cocontractant, au paiement de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-l du code du travail ;

Considérant, en second lieu, que la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, soutient que l’ANAEM ne pouvait mettre à sa charge la contribution prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail dès lors que le Tribunal correctionnel de Paris avait, par jugement du 11 décembre 2008, déclaré la société Pyramide et Cie non coupable des faits d’emploi, par une personne morale, d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié ;

Considérant que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant reçu la force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité ; que dans son jugement en date du 11 décembre 2008 le Tribunal correctionnel de Paris a relaxé la société Pyramide et Cie du chef d’emploi, par une personne morale, d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié, au bénéfice du doute ; que par suite, l’ANAEM n’était pas tenue de considérer que la matérialité des faits sur lesquels elle s’est fondée pour prendre l’état exécutoire attaqué n’était pas établie ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice

administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS venant aux droits de la société PEINTEC PLUS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que sur le fondement des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE PPB PEINTEC PLUS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE PPB PEINTEC PLUS, venant aux droits de la société PEINTEC PLUS, versera à l’Office français de l’immigration et de l’intégration la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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