Confection

Le : 14/10/2011

Cour administrative d’appel de Paris

N° 10PA02838

Inédit au recueil Lebon

3 ème chambre

Mme VETTRAINO, président

Mme Marianne JULLIARD, rapporteur

M. JARRIGE, rapporteur public

NICOLAS, avocat(s)

lecture du jeudi 6 octobre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2010, présentée pour la SOCIETE CREATION PRESTIGE, dont le siège est 54 rue Sedaine à Paris (75011), par Me Nicolas ; la SOCIETE CREATION PRESTIGE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0811349/3-2 en date du 9 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 22 février 2008 par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations pour un montant de 12 440 euros, ainsi que la décision en date du 17 avril 2008 par laquelle ce même organisme a rejeté son recours gracieux, d’autre part, à ce que soit mise à la charge de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de faire droit à sa demande devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (anciennement Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations) une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 septembre 2011 :

"-" le rapport de Mme Julliard, rapporteur,

"-" les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

"-" et les observations de Me Nicolas, pour la SOCIETE CREATION PRESTIGE ;

Considérant que la SOCIETE CREATION PRESTIGE relève appel du jugement du 9 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre le 22 février 2008 par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations pour un montant de 12 440 euros, ainsi que la décision en date du 17 avril 2008 par laquelle ce même organisme a rejeté son recours gracieux, d’autre part, à ce qu’il soit mis à la charge de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 341-6 du code du travail en vigueur à la date de la décision attaquée, aujourd’hui article L. 8251-1 du même code : Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu’aux termes de l’article L. 341-7 dudit code : Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L. 341-6, premier alinéa, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’office des migrations internationales ; qu’aux termes de l’article L. 341-6-4 du même code : Toute personne qui ne s’est pas assurée lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à 3 000 euros en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l’article L. 341-6 sera tenue solidairement responsable avec ce dernier, sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 324-14 à L. 324-14-2, au paiement de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 ; qu’aux termes de l’article R. 341-30 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Toute personne à laquelle les dispositions de l’article L. 341-6-4 sont applicables se fait remettre par son cocontractant une attestation sur l’honneur indiquant s’il a ou non l’intention de faire appel, pour l’exécution du contrat, à des salariés de nationalité étrangère et, dans l’affirmative, certifiant que ces salariés sont ou seront autorisés à exercer une activité professionnelle en France ;

Considérant qu’à la suite d’un procès-verbal d’infraction dressé le 29 novembre 2005 à l’encontre de la société Martel, constatant que douze ressortissants étrangers étaient employés au sein de cette société alors qu’ils étaient dépourvus d’autorisations de travail, le directeur de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, qui s’est substitué à l’Office des migrations internationales, a, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 341-6-4 du code du travail, émis le 22 février 2008 un état exécutoire tendant au versement d’une contribution spéciale de 12 440 euros à l’encontre de la SOCIETE CREATION PRESTIGE, qui avait confié à la société Martel des travaux de confection de vêtements d’un montant supérieur à 3 000 euros pour son enseigne Espérance sans pouvoir justifier s’être fait remettre, lors de la conclusion du contrat avec la société Martel, l’attestation sur l’honneur exigée par l’article R. 341-30 du code du travail ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés à l’accusé ne sont pas établis ou qu’un doute subsiste sur leur réalité ; qu’il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si la matérialité de ces faits est avérée et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative ; que, dans ces conditions, la circonstance que le Tribunal de grande instance de Paris ait, par un jugement en date du 19 janvier 2006, relaxé Mme épouse , gérante de la SOCIETE CREATION PRESTIGE pour les faits de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé commis du 30 juin au 29 novembre 2005, ne fait pas obstacle, dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de ce jugement que le juge pénal ait constaté que les faits d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié n’ont pas été commis par l’intéressée, à ce que la contribution spéciale susmentionnée puisse légalement être mise à la charge de la SOCIETE CREATION PRESTIGE ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte, d’une part, de l’instruction, notamment des procès verbaux d’audition, que M. gérant de fait de la société Martel a déclaré aux services de police le 1er décembre 2005 : au mois de novembre je n’ai eu du travail que par la société Espérance et que Mme épouse , a reconnu le 30 novembre 2005 devant ces mêmes services, travailler depuis juin 2005 avec la société Martel et confirmé que les vêtements de la marque Espérance trouvés dans l’atelier le 29 novembre 2005 étaient bien ses modèles ; que répondant à la question quand avez-vous été livrée pour la dernière fois ‘ par la société Martel, elle a déclaré : Cela remonte à hier matin, environ 500 pièces ; que, d’autre part, la société requérante ne justifie pas s’être assurée, lors de la conclusion de ces commandes dont il est constant que l’objet portait sur une obligation d’un montant au moins égal à 3 000 euros, que son cocontractant s’acquittait de ses obligations, en omettant notamment, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 341-30 du code du travail, de se faire remettre par ce dernier une attestation sur l’honneur indiquant s’il avait ou non l’intention de faire appel, pour l’exécution de ce contrat, à des salariés de nationalité étrangère et, dans l’affirmative, certifiant que ces salariés seraient autorisés à exercer une activité professionnelle en France, les deux déclarations sur l’honneur en date des 27 juillet et 19 août 2005 produites lors de l’enquête judiciaire ne comportant en effet aucun destinataire ; que, dans ces conditions, l’infraction aux dispositions de l’article L. 341-6 précité du code du travail est, contrairement à ce que soutient la SOCIETE CREATION PRESTIGE, établie et justifiait l’application, à son encontre de la contribution spéciale visée à l’article L. 341-7 du même code ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CREATION PRESTIGE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SOCIETE CREATION PRESTIGE doivent dès lors être rejetées ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui vient aux droits de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE CREATION PRESTIGE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE CREATION PRESTIGE versera à l’Office français de l’immigration et de l’intégration une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10PA03855

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N° 10PA02838