Vendanges

Cour Administrative d’Appel de Nancy

N° 06NC01282

Inédit au recueil Lebon

4ème chambre - formation à 3

M. JOB, président

M. Pascal DEVILLERS, rapporteur

M. WALLERICH, commissaire du gouvernement

ROUSSEL, avocat(s)

lecture du lundi 26 mai 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2006, présentée pour la SA CHAMPAGNE AYALA, dont le siège est 2 boulevard du Nord, BP 6 à Aÿ (51161) par Me Roussel ; la SA CHAMPAGNE AYALA demande à la Cour : 1°) d’annuler le jugement n° 0200177 en date du 13 juillet 2006 par lequel le Tribunal Administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision, en date du 13 décembre 2001, par laquelle le directeur de l’office des migrations internationales (OMI) a rejeté son recours gracieux contre, d’une part, quatre décisions du 12 septembre 2001 lui notifiant l’application de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 du code du travail et, d’autre part, l’état exécutoire émis à son encontre le 12 septembre 2001, et à la condamnation de l’office des migrations internationales à lui payer une somme de 762,25 euros au titre des frais non compris dans les dépens ; 2°) d’annuler les décisions et état exécutoire attaqués ; Elle soutient que : - l’OMI ne rapporte pas la preuve qu’elle était l’employeur des 36 ressortissants étrangers démunis de titre de travail assurant les vendanges dans les vignes lui appartenant ; elle n’était en relation contractuelle qu’avec M. X ; son contremaître s’est contenté d’indiquer à ce dernier les parcelles à vendanger ; elle n’avait aucun contact avec ces travailleurs qui n’étaient en lien de subordination qu’avec M. X ; la mise à disposition de matériels ne prouve rien ; elle ignorait la nationalité des travailleurs et au demeurant le contrôle de la gendarmerie a eu lieu le premier jour de leur intervention ; - le fait unique qu’elle ne se soit pas fait remettre une attestation sur l’honneur ne signifie pas qu’elle ne s’est pas assurée de l’accomplissement des formalités par son cocontractant ; elle s’est assurée de son inscription au registre du commerce et de ce qu’il s’acquittait de ses cotisations sociales auprès de la MSA et a conclu un contrat de cueillette parfaitement valable, stipulant bien qu’étaient à sa charge les modalités de déclaration de son personnel ; au demeurant, la remise d’une attestation sur l’honneur par M. X n’aurait engagé que celui-ci sans avoir aucune valeur ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2006, présenté pour l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, ayant son siège 44 rue Bargue à Paris cedex 15 (75732), représentée par son président, par Me Shegin, avocat, qui déclare se substituer à l’office des migrations internationales ; il conclut au rejet de la requête et à ce que la SA CHAMPAGNE AYALA soit condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - il résulte du procès-verbal initial que les travailleurs étrangers étaient sous le contrôle du contremaître de l’entreprise Ayala qui passait plusieurs fois par jour et fournissait le matériel ; le contrat avec M. X n’était pas un contrat de prestation de services mais de prêt de main d’oeuvre ; - la circonstance que l’entreprise se soit assurée de l’inscription de M. X au registre du commerce est sans influence, la seule vérification requise par le code du travail étant, conformément à l’article L. 341-6-4, celle du respect par son cocontractant de ses obligations au regard de l’article L. 341-6 du même code ; à ce titre, l’attestation sur l’honneur ne constitue pas une modalité mais une obligation posée par le code du travail et le seul fait de ne pas l’avoir exigée rend la requérante débitrice de la contribution ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code du travail ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 mai 2008 : - le rapport de M. Devillers, premier conseiller, - et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ; Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 341-6 du code du travail : « Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France » ; qu’aux termes de l’article L. 341-7 du même code : « Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L. 341-6, premier alinéa, sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’office des migrations internationales. (...) » ; que l’article L. 341-6-4 dispose : « toute personne qui ne s’est pas assurée, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant au moins égal à 20 000 F en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, que son cocontractant s’acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l’article L. 341-6 sera tenue solidairement responsable avec ce dernier (...) au paiement de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 » ; qu’enfin aux termes de l’article R. 341-46 : « toute personne à laquelle les dispositions de l’article L. 341-6-4 sont applicables se fait remettre par son cocontractant une attestation sur l’honneur indiquant s’il a ou non l’intention de faire appel, pour l’exécution du contrat, à des salariés de nationalité étrangère et, dans l’affirmative, certifiant que ces salariés sont ou seront autorisés à exercer une activité professionnelle en France » ; Considérant que, pour assurer les vendanges de l’automne 2000, la SA CHAMPAGNE AYALA a conclu avec M. X, inscrit depuis 1999 au registre du commerce sous l’activité « bucheronnage vendange », un contrat par lequel celui ci s’engageait à mettre à disposition 70 personnes et stipulant, notamment, que M. X serait en charge de la déclaration à la mutualité sociale agricole de son personnel et de l’établissement du bulletin de paie de chaque vendangeur embauché par ses soins ; que le 20 septembre 2000, premier jour des vendanges, il a été constaté, par procès-verbal dressé par l’inspecteur du travail et la gendarmerie, la présence dans les vignes de 36 ressortissants étrangers, de nationalité polonaise, démunis de titre de travail et recrutés par M. X ; que la SA CHAMPAGNE AYALA a été destinataire de quatre décisions du 12 septembre 2001, lui notifiant l’application de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 du code du travail et d’autre part, d’un état exécutoire émis à son encontre le 12 septembre 2001 pour un montant de 673 200 F ; Considérant que, faute de s’être acquittée de l’obligation de s’assurer que son cocontractant était en règle avec les dispositions du premier alinéa de l’article L. 341-6 précité du code du travail, en exigeant de M. X la remise de l’attestation sur l’honneur prévue à l’article R. 341-46 du même code, la SA CHAMPAGNE AYALA, qui ne peut utilement invoquer avoir à ce titre signé un contrat mettant à la charge du cocontractant les déclarations auprès de la mutualité sociale agricole (MSA) des salariés et l’établissement des fiches de paie et s’être enquis de son inscription au registre du commerce et de ce qu’il s’acquittait de ses cotisations sociales auprès de la MSA, ces démarches n’ayant pas le même objet et la même portée que l’attestation sur l’honneur précitée, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration l’a tenue solidairement responsable avec M. X du paiement de la contribution spéciale prévue à l’article L. 341-7 ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA CHAMPAGNE AYALA n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SA CHAMPAGNE AYALA la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et non compris dans les dépens ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SA CHAMPAGNE AYALA est rejetée. Article 2 : La SA CHAMPAGNE AYALA versera une somme de 1 000 euros à l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations en application de l’article L 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA CHAMPAGNE AYALA, à l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. 2 N° 06NC01282