Contribution spéciale oui

Cour administrative d’appel de Nancy

N° 04NC00312

Inédit au recueil Lebon

4EME CHAMBRE - FORMATION A 3

M. ROTH, président

M. Pascal JOB, rapporteur

M. WALLERICH, commissaire du gouvernement

SCP THIBAUT - SOUCHAL, avocat(s)

lecture du lundi 20 mars 2006

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés les 1er avril, 27 juillet et 25 août 2004 présentés pour M. Robert X, élisant domicile ..., par Mes Thibaut Souchal ; il demande à la Cour :

1) d’annuler le jugement en date du 9 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’état exécutoire émis à son encontre par le directeur de l’office de migrations internationales (OMI) le 10 octobre 2002, pour le recouvrement d’une somme de 7 275 € représentant le montant de la contribution sociale mise à sa charge par ordre de recette en date du 30 septembre 2002 en application de l’article L. 341-7 du code du travail ;

2) d’annuler l’état exécutoire ;

3° de condamner l’office des migrations internationales à lui verser la somme de l 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

"-" c’est à tort que le tribunal a méconnu l’autorité de chose jugée par la juridiction pénale qui l’a relaxé de la poursuite pour absence de preuves, au vu des procès-verbaux dressés par les services de police, et cette appréciation des faits s’imposait au juge administratif ;

"-" c’est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que deux de ces travailleurs étaient titulaire d’un récépissé de carte de séjour en tant qu’algériens demandeurs du droit d’asile pouvant alors exercer toutes activités professionnelles en application des dispositions de la convention franco-algérienne, et qu’au surplus, il n’y a eu aucune fraude dès lors que ces personnes ont régulièrement été déclarées aux organismes de sécurité sociale ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, enregistré le 16 juin 2004, le mémoire en défense présenté pour l’office des migrations internationales (OMI), dont le siège social est situé 44 rue Bargue, 75732 Paris cedex 15, représenté par son directeur, par Me Shegin, tendant au rejet de la requête, à la condamnation de M. X à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

"-" aucune autorité de chose jugée ne s’attache à un jugement de relaxe ;

"-" l’intéressé n’a pas établi que les personnes travaillant pour son compte pouvaient être dispensés de titre de travail et l’accord dont il est question ne s’applique qu’aux étudiants durant les vacances ;

"-" la bonne foi ou la déclaration préalable aux organismes de sécurité sociale ne sont pas des circonstances opérantes dès lors qu’en omettant de contrôler les documents dont auraient du être munis les intéressés, l’employeur a bien occupé des travailleurs non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France ;

Vu, enregistré le 20 juillet 2005, le mémoire en reprise d’instance présenté pour l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) substitué à l’office des migrations internationales (OMI), dont le siège social est situé 44 rue Bargue, 75732 Paris cedex 15, représenté par son directeur général, par Me Shegin, tendant aux mêmes fins que le mémoire présenté par l’OMI par les mêmes moyens, et notamment par application des dispositions combinées des articles 143 et suivants de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et du décret du 20 avril 2005 relatif à l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations, prévoyant notamment le transfert des biens, droits et obligations de l’OMI à l’ ANAEM ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 modifiée ;

Vu le code du travail ;

Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ;

Vu le décret n° 2005-381du 20 avril 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique 27 février 2006,

"-" le rapport de M. Job président,

"-" les observations de Me Thibaut, de la SCP Thibaut-Souchal, avocat de M. X,

"-" et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que pour justifier d’une autorisation de travail, M. X se soit prévalu, dans ses mémoires de première instance, de titres provisoires de séjour accordés à deux des salariés étrangers qu’il employait et de leur demande d’asile territorial ; que le moyen relatif à l’omission de statuer sur un moyen soulevé devant le tribunal manque en fait et doit être rejeté ;

Au fond :

Considérant qu’aux termes de l’article L.341-6 : « Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. (…). » ; qu’aux termes de l’article L.341-7 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : « Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l’employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l’article L. 341-6, premier alinéa sera tenu d’acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l’office des migrations internationales (OMI). Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l’article L. 141-8. Un décret en Conseil d’Etat fixera les modalités d’application du présent article. » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des déclarations des salariés étrangers en cause et des propres déclarations de M. X recueillies lors de l’enquête préliminaire, qu’à deux reprises en novembre 2001 et courant janvier/février 2002, ce dernier a employé sans contrôle préalable de leur situation, cinq travailleurs algériens alors qu’aucun d’entre eux ne possédaient un titre de travail l’autorisant à exercer en France une activité professionnelle ; que, d’une part, si M. X se prévaut du jugement de relaxe des fins de la poursuite engagée contre lui pour cet emploi irrégulier que le Tribunal correctionnel de Saverne a prononcée le 27 février 2003, ce jugement ne fait aucunement obstacle, dès lors qu’aucune autorité de chose jugée ne s’attache aux motifs d’un jugement de relaxe tiré de ce que les faits ne sont pas établis, à ce que la contribution spéciale susmentionnée puisse être légalement mise à sa charge, l’appréciation à laquelle le juge administratif doit se livrer n’étant pas subordonnée à la constatation éventuelle d’une infraction pénale ; que, d’autre part, les circonstances qu’il n’avait pas l’intention d’engager des salariés dans cette situation irrégulière au regard du droit du travail, qu’il les ait déclarés à la mutuelle sociale agricole et qu’il ait acquitté les cotisations sociales sont sans incidence sur le fait d’emploi d’étrangers non munis du titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, dont la seule matérialité suffit à justifier l’assujettissement à cette contribution qui n’est ni une sanction ni une amende administrative ; qu’enfin, si M. X se prévaut de dispositions de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ou de la loi du 25 juillet 1952 modifiée, il n’assortit pas son moyen de précisions qui lui permettraient d’affirmer que des algériens, dont il n’est même pas établi qu’ils sont demandeurs de l’asile territorial, seraient dispensés en France de la possession d’un titre de travail pour y exercer une activité professionnelle ; qu’ainsi, M. X ne démontre pas qu’en faisant application des dispositions de l’article L.341-7 du code du travail et en lui imposant le versement de la contribution spéciale pour violation de l’article L.341-6 du code du travail, l’OMI a commis une erreur de droit ou fait une appréciation erronée des circonstances ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM), substituée aux droits et obligation de l’OMI en vertu des dispositions combinées des articles 143 et suivants de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et du décret du 20 avril 2005 relatif à l’ ANAEM, prévoyant notamment le transfert des biens, droits et obligations de l’OMI à l’ ANAEM, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X la somme qu’il réclame au titre de ces dispositions ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner M. X à verser à l’ANAEM la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X est condamné à payer à l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations une somme de 1000 € (mille euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative .

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Robert X et à l’Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations.

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N°04NC00312