Liens étroits oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 25 janvier 2012

N° de pourvoi : 11-11374

Publié au bulletin

Rejet

Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

M. Huglo, conseiller apporteur

M. Aldigé, avocat général

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 30 novembre 2010), que M. X... a été engagé le 30 mars 1983 en qualité de commis de cuisine par la société Sodexho Scotland, pour une durée de six mois et affecté sur une plateforme maritime ; qu’il a été engagé le 14 octobre 1985 par la société Socorest en qualité de cuisinier au Congo ; qu’il a par la suite conclu divers contrats de travail avec les sociétés Socorest, Resco, Sodexho Angola et Universal Sodexho Afrique, qui font partie du groupe Sodexho, en qualité de cuisinier, de chef de cuisine, de chef chargé, puis de “camp boss”, pour réaliser des prestations hôtelières sur des chantiers maritimes ou terrestres à l’étranger ; que le dernier contrat de travail écrit a été conclu le 15 septembre 1992 pour une durée indéterminée ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande dirigée contre les sociétés Universal Sodexho, devenue Sodexo Amecaa, et Universal Sodexho Afrique, devenue Sodexo Afrique, d’une demande en paiement d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de ses droits à la retraite ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Sodexo Amecaa et Sodexo Afrique font grief à l’arrêt de dire la loi française applicable au litige, alors, selon le moyen :

1°/ qu’avant que la Convention de Rome du 19 juin 1980 ne soit applicable, constituait un contrat de travail international celui conclu entre un salarié français et une société de droit étranger pour être exécuté à l’étranger, autorisant les parties à définir librement le contenu de leur convention, et à ainsi adopter des règles dérogatoires au droit du travail français ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’avant le 1er avril 1991, date d’entrée en vigueur en France de la Convention de Rome, les contrats de travail de Monsieur X... avaient été conclus avec des filiales étrangères pour être exécutés à l’étranger, ce dont il résultait que les règles énoncées dans les contrats de travail pouvaient déroger à la loi française ; qu’en jugeant le contraire, au prix d’une recherche inopérante d’un choix implicite des parties d’une loi unique régissant leur contrat, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ qu’en vertu de l’article 6.2 de la Convention de Rome, à défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que M. X... avait été successivement engagé par des filiales de droit étranger du groupe Sodexho pour y exercer les fonctions de commis de cuisine sur des bases vie, chaque contrat de travail mentionnant un lieu unique d’exercice de la prestation de travail, de sorte que pour chaque contrat de travail conclu, il exerçait habituellement son travail à l’étranger au lieu indiqué dans le contrat ; qu’en affirmant néanmoins qu’il n’accomplissait pas habituellement son travail dans un même pays au motif inopérant qu’il était demeuré sous la subordination de la société-mère du groupe Sodexo, la cour d’appel a violé l’article 6. 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

3°/ qu’en l’absence de choix des parties de la loi applicable et en l’absence de lieu habituel d’exécution du contrat de travail, la loi applicable est celle du pays avec lequel le contrat de travail entretient les liens les plus étroits ; que les sociétés contestaient que le salarié ait été placé sous la subordination de la société mère en faisant valoir qu’il n’avait jamais été embauché par la société Universal Sodexho mais par des filiales, la plupart du temps étrangères, et qu’il était systématiquement soumis aux instructions et directives de ses supérieurs hiérarchique appartenant aux directions opérationnelles basées à l’étranger sur sa zone d’affectation ; qu’en se bornant à relever que les courriers lui notifiant ses différentes affectations émanaient de sociétés immatriculées en France pour en déduire l’existence d’un lien de subordination avec la société mère et ses filiales françaises, la cour d’appel, qui n’a nullement caractérisé un tel lien, ni par voie de conséquence, l’existence de liens étroits avec la France, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et 6-2 de la convention de Rome ;

Mais attendu, d’abord, qu’ayant constaté, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la convention de Rome, que si les contrats de travail étaient conclus, pour l’essentiel, par des sociétés de droit étranger, il n’est pas contesté que c’est la société-mère du groupe Sodexo, établie en France, qui organisait l’affectation du salarié auprès de ses filiales étrangères, exerçant de la sorte un pouvoir de direction, que celui-ci ressortait d’ailleurs de la “Bible du Camp Boss”, établie par le groupe Sodexo, selon laquelle la direction générale et la base arrière de la division Afrique se trouvent au siège du groupe Sodexo à Montigny-le-Bretonneux, que tous les contrats de travail étaient rédigés en français et fixaient pour la plupart d’entre eux une rémunération en francs, incluant “la rémunération des conditions particulières de travail liée à (l’) expatriation” du salarié, qu’ils tenaient tous compte de la domiciliation en France du salarié, en stipulant que les frais de déplacement entre le lieu de sa résidence principale et son lieu d’emploi seraient à la charge de l’employeur, que le lieu de travail fixé dans le contrat de travail a toujours été conçu comme une affectation provisoire, le salarié étant appelé à revenir en France à la fin de chaque mission, la cour d’appel a pu en déduire que les parties avaient l’intention implicite de soumettre la relation de travail à la loi française, de sorte que c’est celle-ci qui s’applique aux contrats conclus antérieurement au 1er avril 1991 ;

Attendu, ensuite, qu’en application des dispositions de l’article 6.2 b) de la Convention de Rome du 19 juin 1980 applicable aux contrats conclus postérieurement au 1er avril 1991, la cour d’appel a constaté que le salarié n’accomplissait pas habituellement son travail dans un même pays, que, si chaque mission donnait lieu, jusqu’au 15 septembre 1992, à l’établissement d’un contrat de travail écrit, lequel déterminait un lieu de travail unique, le salarié était demeuré sous la subordination de la société-mère du groupe Sodexo, que le pouvoir de direction émanait de façon constante de cette société qui l’exerçait soit directement, soit par l’intermédiaire de filiales françaises, que la majorité des lettres adressées au salarié émanait de sociétés immatriculées en France, lesquelles lui notifiaient notamment ses détachements et mutations, et retenu qu’il convient d’envisager la relation contractuelle dans son ensemble pour déterminer la loi qui lui est applicable et que la continuité du lien contractuel avec la société-mère du groupe Sodexo fait obstacle à l’application de la loi de chacun des pays où se trouvent les différents établissements qui l’ont embauché, dès lors qu’elle permet de caractériser des liens plus étroits avec la France, que ces liens sont confirmés par le paiement de la rémunération en francs, puis en euros, le paiement en devises étrangères ne s’observant que sur des périodes très limitées ; qu’elle a pu en déduire que les contrats de travail successifs présentaient des liens étroits avec la France et qu’elle a exactement décidé que la loi française était applicable au litige ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Sodexo Amecaa et Sodexo Afrique font grief à l’arrêt de les condamner à des dommages-intérêts pour violation de l’obligation d’information, alors, selon le moyen, que nulle disposition ne fait obligation à l’employeur d’informer particulièrement le salarié sur le régime de retraite auquel il cotise ou ne cotise pas, en sus des mentions obligatoires afférentes aux cotisations de sécurité sociale qui doivent figurer sur le bulletin de paie en application des articles R. 3243-1 et R. 3243-2 du code du travail ; qu’en jugeant que M. X... aurait dû être informé de ce que son activité ne donnait pas lieu au versement de cotisations au régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale, et averti de la faculté d’adhérer volontairement à ce régime, après avoir pourtant constaté que ces bulletins de paie mentionnaient uniquement que des cotisations étaient prélevées au titre du régime de retraite complémentaire, ce dont il s’évinçait qu’il ne cotisait pas au régime de retraite de base, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1, R. 3243-1, R. 3243-2 du code du travail et la Directive européenne du 14 octobre 1991 ;

Mais attendu que l’employeur, tenu d’une obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation ;

Et attendu qu’ayant constaté que le salarié n’avait pas été informé de ce que son activité ne donnait pas lieu au versement de cotisations au régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale ni averti de la faculté d’adhérer volontairement à ce régime, d’autant que sa formation et son expérience professionnelle ne lui conféraient aucune qualification particulière pour apprécier lui-même l’étendue de sa couverture sociale, et retenu que c’est en vain que les sociétés Sodexo Amecaa et Sodexo Afrique soutiennent que l’information ressort des bulletins de paie, ceux-ci ne mettant pas suffisamment en évidence l’absence de cotisation au régime général pour éclairer de manière claire et exhaustive le salarié sur sa situation, des cotisations étant prélevées au titre de la retraite complémentaire, de sorte que le salarié pouvait légitimement considérer qu’il cotisait à l’assurance retraite, la cour d’appel a pu en déduire que le manquement de l’employeur à son obligation d’information a causé un préjudice au salarié, consistant en une perte de chance de s’assurer volontairement contre le risque vieillesse ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Sodexo Amecaa et Sodexo Afrique font grief à l’arrêt de les condamner à un rappel d’heures supplémentaires, alors, selon le moyen, que s’il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu’en faisant droit à la demande en paiement d’heures supplémentaires de M. X... sur la base d’un horaire de travail de 14 heures par jour, après avoir seulement constaté qu’il n’est pas contesté que M. X... effectue au moins 14 heures de travail par jour lorsqu’il travaille au sein d’une base-vie, sans à aucun moment constater que ce dernier produisait des éléments de nature à étayer sa demande, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu’il résulte des conclusions des sociétés Sodexo Amecaa et Sodexo Afrique devant la cour d’appel que celles-ci ne contestaient pas que M. X... effectuait au moins 14 heures de travail par jour lorsqu’il travaillait au sein d’une base-vie ; que le moyen ne peut qu’être rejeté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Sodexo Afrique et Sodexo Amecaa aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sodexo Afrique et Sodexo Amecaa

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit la loi française applicable aux contrats de travail conclus par le salarié et d’avoir en conséquence condamné in solidum les sociétés SODEXO AFRIQUE et SODEXO AMECAA à verser à Monsieur X... 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à leur obligation d’information, 73 173,56 euros à titre de rappel de salaires, et 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « les premiers contrats liant Patrick X... à des sociétés du groupe SODEXO ont été conclus avant l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980 relative aux obligations contractuelles ; qu’il convient dès lors, pour déterminer la loi qui leur est applicable, de rechercher l’intention commune des parties, celles-ci n’ayant formulé aucun choix exprès ; Considérant que si ces contrats étaient conclus, pour l’essentiel, par des sociétés de droit étranger, il n’est pas contesté que c’est la société-mère du groupe SODEXO, établie en France, qui organisait l’affectation du salarié auprès de ses filiales étrangères, exerçant de la sorte un pouvoir de direction ; que celui-ci ressort d’ailleurs de la “Bible du Camp Boss”, établie par le groupe SODEXO :

”La Direction Générale et la base arrière de la division Afrique se trouvent au siège du groupe SODEXO ... (à) MONTIGNY LE BRETONNEUX” ;

Qu’il apparaît par ailleurs que tous les contrats de travail étaient rédigés en français, et fixaient pour la plupart d’entre eux une rémunération en francs, incluant “la rémunération des conditions particulières de travail liée à (l’) expatriation” du salarié ; qu’ils tenaient tous compte de la domiciliation en France de Monsieur X..., en stipulant que les frais de déplacement entre le lieu de sa résidence principale et son lieu d’emploi seraient à la charge de l’employeur ; qu’il est donc manifeste que le lieu de travail fixé dans le contrat de travail a toujours été conçu comme une affectation provisoire, Patrick X... étant appelé à revenir en France à la fin de chaque mission ; Qu’il y a lieu en conséquence de considérer que les parties avaient l’intention implicite de soumettre la relation salariale à la loi française, de sorte que c’est celle-ci qui s’applique aux contrats conclus entre le 3 avril 1983 et le 1er avril 1991 ;

Considérant que la Convention de Rome est applicable aux contrats conclus après le 1er avril 1991 ; que selon l’article 6 de cette convention :

”1.Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, il défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.

2.Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi :

a) Par la loi du pays où te travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.”

Que les parties n’ont pas explicitement désigné la loi applicable à leurs relations contractuelles, de sorte qu’il convient de faire application des dispositions de l’article 6-2 de la Convention susmentionnée ;

Que Patrick X... n’accomplissait pas habituellement son travail dans un même pays ; qu’en effet, si chaque mission donnait lieu, jusqu’au 15 septembre 1992, à l’établissement d’un contrat de travail écrit, lequel déterminait un lieu de travail unique, le salarié est demeuré sous la subordination de la société-mère du groupe SODEXO ; qu’il apparaît en effet que le pouvoir de direction émanait de façon constante de cette société, qui l’exerçait soit directement, soit par l’intermédiaire de filiales françaises ; que la majorité des courriers adressés à Patrick X... émanait de sociétés immatriculées en France, lesquelles lui notifiaient notamment ses détachements et mutations ; qu’il convient donc d’envisager la relation contractuelle dans son ensemble pour déterminer la loi qui lui est applicable ;

Que la continuité du lien contractuel avec la société-mère du groupe SODEXO fait également obstacle à l’application de la loi de chacun des pays où se trouvent les différents établissements qui l’ont embauché, dès lors qu’elle permet de caractériser des liens plus étroits avec la France ;

que ces liens sont en outre confirmés par le paiement de la rémunération en francs, puis en euros, le paiement en devises étrangères ne s’observant que sur des périodes très limitées ; Que la relation salariale est ainsi restée soumise à la loi française »

1. ALORS QU’ avant que la convention de Rome du 19 juin 1980 ne soit applicable, constituait un contrat de travail international celui conclu entre un salarié français et une société de droit étranger pour être exécuté à l’étranger, autorisant les parties à définir librement le contenu de leur convention, et à ainsi adopter des règles dérogatoires au droit du travail français ; qu’en l’espèce il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué qu’avant le 1er avril 1991 date d’entrée en vigueur en France de la Convention de Rome, les contrats de travail de Monsieur X... avaient été conclus avec des filiales étrangères pour être exécutés à l’étranger, ce dont il résultait que les règles énoncées dans les contrats de travail pouvaient déroger à la loi française ; qu’en jugeant le contraire, au prix d’une recherche inopérante d’un choix implicite des parties d’une loi unique régissant leur contrat, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;

2. ALORS QU’ en vertu de l’article 6.2 de la Convention de Rome, à défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que Monsieur X... avait été successivement engagé par des filiales de droit étranger du groupe SODHEXO pour y exercer les fonctions de commis de cuisine sur des bases vie, chaque contrat de travail mentionnant un lieu unique d’exercice de la prestation de travail, de sorte que pour chaque contrat de travail conclu, il exerçait habituellement son travail à l’étranger au lieu indiqué dans le contrat ; qu’en affirmant néanmoins qu’il n’accomplissait pas habituellement son travail dans un même pays au motif inopérant qu’il était demeuré sous la subordination de la société-mère du groupe SODEXO, la Cour d’appel a violé l’article 6. 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;

3. ALORS EN OUTRE QU’ en l’absence de choix des parties de la loi applicable, et en l’absence de lieu habituel d’exécution du contrat de travail, la loi applicable est celle du pays avec lequel le contrat de travail entretient les liens les plus étroits ; que les exposantes contestaient que le salarié ait été placé sous la subordination de la société mère en faisant valoir qu’il n’avait jamais été embauché par la société UNIVERSAL SODEXHO mais par des filiales, la plupart du temps étrangères, et qu’il était systématiquement soumis aux instructions et directives de ses supérieurs hiérarchique appartenant aux directions opérationnelles basées à l’étranger sur sa zone d’affectation (conclusions d’appel des exposantes p 16-17) ; qu’en se bornant à relever que les courriers lui notifiant ses différentes affectations émanaient de sociétés immatriculées en France pour en déduire l’existence d’un lien de subordination avec la société mère et ses filiales françaises, la Cour d’appel qui n’a nullement caractérisé un tel lien, ni par voie de conséquence, l’existence de liens étroits avec la France, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 121-1 et 6-2 de la convention de Rome.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné les sociétés exposantes à verser au salarié des dommages et intérêts pour manquement à leur obligation d’information outre une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « en application de l’article 1135 du Code civil, l’employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ; que cette obligation préexistait à la Directive 911533/CE du Conseil du 14 octobre 1991 ; Que Patrick X... devait dès lors être informé de ce que son activité ne donnait pas lieu au versement de cotisations au régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale, et averti de la faculté d’adhérer volontairement à ce régime, d’autant que sa formation et son expérience professionnelle ne lui conféraient aucune qualification particulière pour apprécier lui-même l’étendue de sa couverture sociale ;

Que les sociétés ayant employé Patrick X... ont failli à cette obligation ; que c’est en vain qu’elles soutiennent que l’information ressort des bulletins de paie, ceux-ci ne mettant pas suffisamment en évidence l’absence de cotisation au régime général pour éclairer de manière claire et exhaustive le salarié sur sa situation ; qu’il ressort d’ailleurs de ces pièces que des cotisations étaient prélevées au titre de la retraite complémentaire, de sorte que Patrick X... pouvait légitiment considérer qu’il cotisait à l’assurance retraite ;

Que le manquement de l’employeur a causé un préjudice à Patrick X..., consistant en une perte de chance de s’assurer volontairement contre le risque vieillesse ; qu’il ne peut de ce chef prétendre au paiement de l’intégralité de la perte sur sa pension à venir du fait de l’absence de cotisation entre 1983 et 2010, d’autant qu’il ressort des termes mêmes de ses conclusions qu’il a reçu en 2003 une information exhaustive sur sa situation ;

Qu’eu égard au préjudice subi par le salarié, il convient de condamner les intimées à lui verser la somme de 100.000 € au titre du manquement à leur obligation d’information »

ALORS QUE nulle disposition ne fait obligation à l’employeur d’informer particulièrement le salarié sur le régime de retraite auquel il cotise ou ne cotise pas, en sus des mentions obligatoires afférentes aux cotisations de sécurité sociale qui doivent figurer sur le bulletin de paie en application des articles R 3243-1 et R 3243-2 du Code du travail ; qu’en jugeant que Monsieur X... aurait dû être informé de ce que son activité ne donnait pas lieu au versement de cotisations au régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale, et averti de la faculté d’adhérer volontairement à ce régime, après avoir pourtant constaté que ces bulletins de paie mentionnaient uniquement que des cotisations étaient prélevées au titre du régime de retraite complémentaire, ce dont il s’évinçait qu’il ne cotisait pas au régime de retraite de base, la Cour d’appel a violé les articles L 1221-1, L 1222-1, R 3243-1, R 3243-2 du Code du travail et la Directive européenne du 14 octobre 1991.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné les sociétés exposantes à verser des rappels de salaires à Monsieur X... au titre d’heures supplémentaires outre une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « Patrick X... sollicite le paiement de la somme de 189.780,30 € à titre de rappel de salaire ; qu’il fait valoir que ses temps de déplacement ne lui sont que partiellement rémunérés, que sa rémunération est diminuée voire supprimée quand il est en attente en France, que ses fonctions le contraignent à effectuer au minimum 14 heures de travail, et qu’il est susceptible d’être sollicité durant ses heures de repos ;

Que les sociétés SODEXO AMECAA et SODEXO AFRIQUE répondent que Patrick X... dispose d’une totale autonomie dans la gestion de son temps de travail, et qu’il est assisté d’une équipe de nuit, chargée de la restauration des équipes ; Considérant que si Patrick X... fait valoir que son temps de déplacement et son temps d’attente ne lui sont pas toujours rémunérés, force est de constater qu’il n’étaye nullement cette prétention, de sorte qu’il ne peut prétendre à aucun rappel de salaire de ce chef ;

Considérant que Patrick X... soutient par ailleurs que la totalité de son temps de présence sur les bases-vies constitue du temps de travail effectif, dès lors qu’il est susceptible d’être sollicité durant ses heures de repos pour effectuer des interventions ; qu’il fait valoir à ce titre que les bases-vies fonctionnent de manière continue, et qu’il n’est pas assisté par une équipe d’expatriés qui lui permettrait de prendre effectivement ses repos ;

Que les contraintes invoquées ne sauraient cependant suffire à étayer la demande du salarié ;

Que les attestations produites ne lui permettent pas non plus de satisfaire à cette exigence ; que si certaines d’entre elles confirment qu’il est parfois sollicité durant ses heures de repos, les seules pièces probantes portent sur ses conditions de travail au sein des bases-vies “West Capella” et “Deep Water Discovery”, situées au NIGERIA ; que si Thierry Y..., et Vincent Z..., respectivement chef de site et responsable de forage ELF GABON du site ATORA, indiquent que le salarié travaillait dans la nuit, ils ne précisent nullement si les interventions en cause avaient lieu durant ses heures de repos ; que la même manière, David A... et Paul B..., qui ont travaillé avec Patrick X... sur la plate-forme SEDCO ENERGY ne font pas explicitement référence à des interventions réalisées durant les heures de repos de Patrick X... ; que Didier C..., chef mécanicien du site de FORASOL ne fait pas non plus état de telles interventions ; que Jérôme D..., qui a travaillé avec Paul X... en ANGOLA, fait quant à lui référence aux conditions de travail sur la base-vie sans apporter d’indications sur la situation spécifique du salarié ; Qu’ainsi, les attestations produites tendent seulement à établir que Patrick X... était sollicité durant ses heures de repos lorsqu’il exerçait ses fonctions au NIGERIA ; qu’il ne saurait en être déduit que le salarié travaillait toujours dans de telles conditions, de sorte qu’il est mal fondé à solliciter un rappel de salaire calculé sur la base de 24 heures de travail effectif par jour sur l’ensemble de la période non soumise à la prescription quinquennale ; que le salarié ne peut davantage obtenir un rappel de salaire pour ses périodes de travail au NIGERIA, puisqu’il ne précise pas la durée des missions en cause ;

Que si Patrick X... fait état dans ses conclusions, de journées qui, compte tenu de la nature de ses fonctions, dépassent 16 heures de travail, force est de constater qu’il n’apporte aucune précision sur les périodes de travail durant lesquelles il a effectué de tels horaires ; qu’il ne saurait dès lors prétendre à un rappel de salaire calculé sur cette base ; Qu’il n’est en revanche pas contesté que Patrick X... effectue au moins 14 heures de travail par jour lorsqu’il travaille au sein d’une base-vie ;

Que c’est en vain que les intimées font valoir à cet égard que Patrick X... est autonome dans l’exercice de ses fonctions, dès lors que le salarié, qui n’a pas la qualité de cadre dirigeant, est soumis aux dispositions du code du travail relative à la durée du travail ; que les intimées ne justifiant d’aucune convention de forfait en jours, l’intégralité des heures de travail du salarié doivent lui être rémunérées ; que de même, en l’absence de modulation conventionnelle du temps de travail, il n’importe que Patrick X... dispose, à la suite de ses missions, de congés-récupération à son domicile ; Que le salarié peut prétendre de ce chef, pour ses périodes d’activité, à un salaire calculé sur la base de 14 heures hebdomadaires, rémunérées au SMIC horaire, étant rappelé qu’il convient d’appliquer le taux en vigueur au moment des périodes de travail considérées, et non le taux en vigueur lors des débats devant la Cour ; qu’il y a lieu de déduire de la somme due les sommes déjà perçues par le salarié ; que celui-ci ne produisant pas ses bulletins de salaires de septembre à novembre 2005 ni ses bulletins de 2010, il ne peut prétendre à aucun rappel au titre de ses périodes »

ALORS QUE s’il résulte de l’article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu’en faisant droit à la demande en paiement d’heures supplémentaires de Monsieur X... sur la base d’un horaire de travail de 14 heures par jour, après avoir seulement constaté qu’il n’est pas contesté que Monsieur X... effectue au moins 14 heures de travail par jour lorsqu’il travaille au sein d’une base-vie, sans à aucun moment constater que ce dernier produisait des éléments de nature à étayer sa demande, la Cour d’appel a violé l’article L 3171-4 du Code du travail.

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes du 30 novembre 2010

Titrages et résumés : CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Détermination - Contrat exécuté à l’étranger - Contrat conclu entre un employeur et un salarié français - Absence de disposition expresse - Circonstances de la cause - Constatations suffisantes

Ayant constaté, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, que si les contrats de travail étaient conclus, pour l’essentiel, par des sociétés de droit étranger, il n’est pas contesté que c’est la société-mère du groupe, établie en France, qui organisait l’affectation du salarié auprès de ses filiales étrangères, exerçant de la sorte un pouvoir de direction, que celui-ci ressortait d’ailleurs de la “Bible du Camp Boss” selon laquelle la direction générale et la base arrière de la division Afrique se trouvent au siège du groupe en France, que tous les contrats de travail étaient rédigés en français et fixaient pour la plupart d’entre eux une rémunération en francs, incluant “la rémunération des conditions particulières de travail liée à (l’) expatriation” du salarié, qu’ils tenaient tous compte de la domiciliation en France du salarié, en stipulant que les frais de déplacement entre le lieu de sa résidence principale et son lieu d’emploi seraient à la charge de l’employeur, que le lieu de travail fixé dans le contrat de travail a toujours été conçu comme une affectation provisoire, le salarié étant appelé à revenir en France à la fin de chaque mission, une cour d’appel a pu en déduire que les parties avaient l’intention implicite de soumettre la relation de travail à la loi française, de sorte que c’est celle-ci qui s’applique aux contrats conclus antérieurement au 1er avril 1991

CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Détermination - Cas - Salarié affecté par une société-mère établie en France auprès de filiales étrangères - Contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles - Article 6 - Contrat individuel de travail - Applications diverses

Une cour d’appel ayant, en application des dispositions de l’article 6 § 2 b de la Convention de Rome du 19 juin 1980 applicable aux contrats conclus postérieurement au 1er avril 1991, constaté que le salarié n’accomplissait pas habituellement son travail dans un même pays, que, si chaque mission donnait lieu, jusqu’au 15 septembre 1992, à l’établissement d’un contrat de travail écrit, lequel déterminait un lieu de travail unique, le salarié était demeuré sous la subordination de la société-mère du groupe, que le pouvoir de direction émanait de façon constante de cette société qui l’exerçait soit directement, soit par l’intermédiaire de filiales françaises, que la majorité des lettres adressées au salarié émanait de sociétés immatriculées en France, lesquelles lui notifiaient notamment ses détachements et mutations, et retenu qu’il convient d’envisager la relation contractuelle dans son ensemble pour déterminer la loi qui lui est applicable et que la continuité du lien contractuel avec la société-mère du groupe fait obstacle à l’application de la loi de chacun des pays où se trouvent les différents établissements qui l’ont embauché, dès lors qu’elle permet de caractériser des liens plus étroits avec la France, que ces liens sont confirmés par le paiement de la rémunération en francs, puis en euros, le paiement en devises étrangères ne s’observant que sur des périodes très limitées, a pu en déduire que les contrats de travail successifs présentaient des liens étroits avec la France et a exactement décidé que la loi française était applicable au litige

CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Défaut de choix par les parties - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Article 6 § 2 - Critère - Accomplissement habituel du travail dans un même pays - Exception - Liens plus étroits avec un autre pays - Constatations suffisantes

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi - Domaine d’application - Obligation d’informer le salarié expatrié de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation - Manquement - Caractérisation - Portée

L’employeur, tenu d’une obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation.

Ayant constaté que le salarié n’avait pas été informé de ce que son activité ne donnait pas lieu au versement de cotisations au régime d’assurance vieillesse de la sécurité sociale ni averti de la faculté d’adhérer volontairement à ce régime, d’autant que sa formation et son expérience professionnelle ne lui conféraient aucune qualification particulière pour apprécier lui-même l’étendue de sa couverture sociale, et retenu que c’est en vain que l’employeur soutient que l’information ressort des bulletins de paie, ceux-ci ne mettant pas suffisamment en évidence l’absence de cotisation au régime général pour éclairer de manière claire et exhaustive le salarié sur sa situation, des cotisations étant prélevées au titre de la retraite complémentaire, de sorte que le salarié pouvait légitimement considérer qu’il cotisait à l’assurance retraite, une cour d’appel a pu en déduire que le manquement de l’employeur à son obligation d’information a causé un préjudice au salarié, consistant en une perte de chance de s’assurer volontairement contre le risque vieillesse

Précédents jurisprudentiels :

Sur le n° 1 :Sur la détermination de la loi applicable pour les contrats de travail conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la Convention de Rome du 19 juin 1980, à rapprocher :Soc., 28 octobre 1997, pourvoi n° 94-42.340, Bull. 1997, V, n° 337 (rejet) ; Soc., 14 mars 2006, pourvoi n° 04-43.119, Bull. 2006, V, n° 98 (rejet).

Sur le n° 2 : Sur l’application de l’article 6 § 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, à rapprocher :Soc., 18 janvier 2011, pourvoi n° 09-43.190, Bull. 2011, V, n° 22 (2) (cassation)

Textes appliqués :
* Sur le numéro 2 : article 6 § 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980
* Sur le numéro 3 : article L. 1222-1 du code du travail