Sacristain - salarié oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 17 avril 1991

N° de pourvoi : 90-42636

Publié au bulletin

Cassation.

Président :M. Cochard, président

Rapporteur :M. Lecante, conseiller apporteur

Avocat général :M. Graziani, avocat général

Avocats :la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Le Griel., avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 122-35 du Code du travail et l’article L. 122-45 du même Code, dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu, d’une part, que ces textes interdisent à l’employeur de congédier un salarié pour le seul motif tiré de ses moeurs ou de ses convictions religieuses ;

Attendu, d’autre part, qu’il peut être procédé à un licenciement dont la cause objective est fondée sur le comportement du salarié qui, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ;

Attendu que l’association Fraternité Saint-Pie X a engagé le 1er février 1985 M. Jacques X... en qualité d’aide-sacristain à la paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ; que cette association, ayant appris, à la suite d’une indiscrétion, que M. X... était homosexuel, a estimé que celui-ci ne pouvait être maintenu dans ses fonctions en raison de ses moeurs contraires aux principes de l’Eglise catholique ; qu’elle a donc licencié ce salarié le 19 juin 1987 ; que M. X... a alors saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt infirmatif attaqué a retenu que l’homosexualité est condamnée depuis toujours par l’Eglise catholique ; que cette méconnaissance délibérée par le salarié de ses obligations existait indépendamment du scandale qu’un tel comportement était susceptible de provoquer ; qu’il importait peu, dès lors, de savoir si ce comportement n’avait été connu que d’un petit nombre de fidèles et n’avait été révélé à l’employeur que par des indiscrétions ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle s’était bornée à mettre en cause les moeurs du salarié sans avoir constaté d’agissements de ce dernier ayant créé un trouble caractérisé au sein de l’association, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 mars 1990, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée

Publication : Bulletin 1991 V N° 201 p. 122

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, du 30 mars 1990

Titrages et résumés : CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Moeurs du salarié - Agissements créant un trouble caractérisé - Constatations nécessaires L’article L. 122-35 du Code du travail et l’article L. 122-45 du même Code, dans sa rédaction alors en vigueur, interdisant à l’employeur de congédier un salarié pour le seul motif tiré de ses moeurs ou de ses convictions religieuses, il ne peut être procédé à un licenciement que lorsque celui-ci repose sur une cause objective fondée sur le comportement du salarié qui, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière. Viole les textes précités la cour d’appel qui pour débouter un aide-sacristain de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, se borne à mettre en cause les moeurs de ce salarié sans avoir constaté d’agissements de ce dernier ayant créé un trouble caractérisé au sein de l’association religieuse qui l’employait.

Précédents jurisprudentiels : A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1986-11-20 , Bulletin 1986, V, n° 555 (3), p. 420 (rejet), et l’arrêt cité.

Textes appliqués :
* Code du travail L122-35, L122-45