Conseil constitutionnel - loi sur les prix - principe à valeur non constitutionnelle (cons. 13)

Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982
Loi sur les prix et les revenus, notamment ses articles 1, 3 et 4
Conformité
Décision n° 82-143 DC

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 21 juillet 1982, par MM Jean-Claude Gaudin, Jacques Blanc, Pierre Méhaignerie, Jean-Marie Caro, Jean Bégault, Paul Pernin, Marcel Esdras, Gilbert Gantier, Francisque Perrut, Henri Bayard, Jean Brocard, Jean-Pierre Soisson, Philippe Mestre, Maurice Ligot, Charles Fèvre, Henri Baudouin, Francis Geng, Adrien Durand, Charles Deprez, Claude Wolf, René Haby, François d’Aubert, Yves Sautier, Alain Mayoud, Maurice Dousset, François d’Harcourt, Raymond Marcellin, Emmanuel Hamel, Claude Birraux, Albert Brochard, Jacques Fouchier, Marcel Bigeard, Germain Gengenwin, Mme Louise Moreau, MM Pascal Clément, Michel d’Ornano, Christian Bonnet, Alain Madelin, Jacques Barrot, André Rossinot, Yves Lancien, Alain Peyrefitte, Robert Wagner, Pierre Gascher, Camille Petit, Michel Cointat, Olivier Guichard, Jean Foyer, Georges Tranchant, Roland Nungesser, René La Combe, Jean Valleix, François Fillon, Christian Bergelin, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Jean-Louis Masson, Jean de Préaumont, Charles Miossec, Antoine Gissinger, Roland Vuillaume, Michel Inchauspé, Pierre Raynal, Bruno Bourg-Broc, Xavier Deniau, Jacques Baumel, Germain Sprauer, Jean de Lipkowski, Pierre Bas, députés dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi sur les prix et les revenus adoptée par le Parlement, et notamment de ses articles 1er, 3 et 4 ;

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur l’article 1er de la loi :

En ce qui concerne les paragraphes I et II :

Considérant, d’une part, que, dans son dernier état, et contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs de la saisine, l’article 1er de la loi sur les prix et revenus, loin d’étendre le champ d’application de l’ordonnance du 30 juin 1945 sur les prix aux produits et services qu’il vise, détermine lui-même les règles de fixation des prix de ces produits et services et se borne à prévoir que les infractions nouvelles qu’il crée, seront constatées, poursuivies et réprimées selon les dispositions de la seconde ordonnance du 30 juin 1945 ; que, s’agissant de la redevance d’assainissement, dont le caractère de taxe fiscale n’entraîne pas l’obligation de recourir à une loi de finances, c’est la loi elle-même qui, en son article 1er, en limite directement le taux ; que, sur aucun de ces points, il n’est porté atteinte aux dispositions de l’article 34 de la Constitution ;

Considérant, d’autre part, qu’en admettant, comme le font valoir les députés auteurs de la saisine, que l’article 1er de la loi sur les prix et revenus soit de nature à compromettre l’application d’autres dispositions législatives et, notamment, de celles qui régissent l’équilibre financier de certains services communaux, cette circonstance serait sans incidence sur la conformité dudit article à la Constitution ;

En ce qui concerne le paragraphe III :

Considérant qu’en vertu de cette disposition : "à compter du 1er novembre 1982, il est mis fin au blocage par décret, au vu notamment des accords de régulation qui auront pu être conclus avec les professionnels" ;

Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent qu’en renvoyant à un décret le soin de mettre fin au blocage, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence telle qu’elle est définie par l’article 34 de la Constitution ;

Considérant qu’il résulte des termes mêmes du paragraphe III de l’article 1er que le pouvoir conféré au Gouvernement ne peut s’exercer qu’entre le 1er novembre 1982 et le 31 décembre 1983, date ultime fixée par le paragraphe I du même article, et que la levée du blocage doit être opérée au vu notamment des accords de régulation qui auront pu être conclus ; que, dans le cadre des limites de temps et de procédure ainsi tracées par la loi et compte tenu des exigences propres à un système de contrôle des prix, les dispositions du paragraphe III de l’article 1er ne sont pas contraires à l’article 34 de la Constitution ;

Sur l’article 3 de la loi :

En ce qui concerne le paragraphe II :

Considérant qu’aux termes de ce texte : "les sociétés qui ont décidé, avant le 11 juin 1982, la mise en distribution de bénéfices qui excèdent le plafond fixé au paragraphe I ci-dessus ne pourront procéder à aucune distribution de bénéfices en 1983" ;

Considérant, d’une part, que c’est à tort que les députés auteurs de la saisine croient pouvoir affirmer que les dispositions pénales du paragraphe V qui sanctionnent la méconnaissance des dispositions de l’article 3 ont un effet rétroactif, puisque, dans les différents cas visés par l’article 3, seules pourront être réprimées les infractions commises après l’entrée en vigueur de la loi ;

Considérant, d’autre part, que la différence entre les situations affectées par les mesures de blocage des prix, au regard de la date de référence du 11 juin 1982, permet l’édiction de modalités différentes pour l’application de l’article 3 ; que, dès lors, les dispositions critiquées ne sont pas contraires au principe de l’égalité devant la loi ;

En ce qui concerne le paragraphe V :

Considérant qu’aux termes de ce paragraphe : "Les sociétés qui contreviennent aux dispositions du présent article sont passibles d’une amende d’un montant de 20 à 50 F par titre." ; que, selon les députés auteurs de la saisine, cette disposition encourt la double critique de méconnaître le principe de droit pénal d’après lequel, seules, les personnes physiques seraient passibles de sanctions pénales et d’édicter une règle qui ne relève pas du domaine de la loi en instituant une amende contraventionnelle ;

Considérant, sur le premier point, qu’il n’existe aucun principe de valeur constitutionnelle s’opposant à ce qu’une amende puisse être infligée à une personne morale ;

Considérant, sur le second point, que, si les articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, la portée de ces dispositions doit être appréciée en tenant compte de celles des articles 37, alinéa 2, et 41 ; que la procédure de l’article 41 permet au Gouvernement de s’opposer au cours de la procédure parlementaire et par la voie d’une irrecevabilité à l’insertion d’une disposition réglementaire dans une loi, tandis que celle de l’article 37, alinéa 2, a pour effet, après la promulgation de la loi et par la voie d’un déclassement, de restituer l’exercice de son pouvoir réglementaire au Gouvernement et de donner à celui-ci le droit de modifier une telle disposition par décret ; que l’une et l’autre de ces procédures ont un caractère facultatif ; qu’il apparaît ainsi que, par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en oeuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiétements de la loi ; que, dans ces conditions, les députés auteurs de la saisine ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la Constitution ;

Sur l’article 4 de la loi :

Considérant, d’une part, qu’en vertu du paragraphe VII de cet article : "A compter de l’entrée en vigueur de la présente loi et jusqu’au 31 octobre 1982, tout employeur qui aura procédé à une augmentation des rémunérations ou maintenu une augmentation contraire aux dispositions des paragraphes I à V ci-dessus sera puni d’une amende de 300 à 8000 F qui sera appliquée autant de fois qu’il y aura eu de salariés concernés et pour chaque mois de cette période" ; qu’il résulte des termes mêmes de cette disposition que le fait délictueux doit avoir été commis après l’entrée en vigueur de la loi, qu’il s’agisse d’une augmentation nouvelle des rémunérations ou du maintien d’une augmentation antérieure qui ne satisfait pas aux prescriptions de la loi ; que le paragraphe VII de l’article 4 n’a donc pas effet rétroactif ;

Considérant, d’autre part, que, si les députés auteurs de la saisine reprochent à cette même disposition de porter atteinte à la règle du non-cumul des peines en matière de crimes et délits, cette règle n’a que valeur législative et qu’il peut donc toujours y être dérogé par une loi ;

Considérant qu’en l’espèce, il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :
Article premier :
La loi sur les prix et les revenus est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 31 juillet 1982, page 2470
Recueil, p. 57
ECLI:FR:CC:1982:82.143.DC