Cadre dirigeant non

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2022
N° de pourvoi : 20-13.817
ECLI:FR:CCASS:2022:SO00500
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 13 avril 2022
Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 12 décembre 2019

Président
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Nicolaý, de Lanouvelle
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION


Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 500 F-D

Pourvoi n° H 20-13.817

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

La société [6], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 20-13.817 contre l’arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l’opposant à M. [N] [B], domicilié [Adresse 2] ou encore [Adresse 4], défendeur à la cassation.

M. [B] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [6], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. [B], après débats en l’audience publique du 2 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), M. [B] a été engagé par la société [6], en qualité de directeur d’exploitation de l’hôtel restaurant [6] et de responsable du restaurant « [7] » du Riviera golf de Barbossi, à compter du 13 février 2014, moyennant un salaire brut moyen mensuel pour 39 heures hebdomadaires, outre une prime annuelle de 5 % du résultat brut d’exploitation de l’année écoulée.

2. Le 20 août 2015, il a été conclu entre les parties une rupture conventionnelle, homologuée le 9 septembre 2015.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal de l’employeur et sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser au salarié diverses sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et des dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos, de condamner l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser au salarié une somme en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, alors « que sont des cadres dirigeants les salariés auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement, aucune autre condition n’étant requise ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que le salarié reconnaissait bénéficier d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et percevoir un haut niveau de salaire, la cour d’appel a expressément relevé que le salarié s’était vu confier la gestion du recrutement du personnel de l’hôtel en avril 2015, qu’il gérait le budget, qu’il avait le pouvoir de signer les contrats liés au fonctionnement des services dont il avait la charge, qu’il signait en qualité de représentant légal de la société et qu’il avait le pouvoir de représenter la société lors de comités de direction extérieurs ; qu’en retenant néanmoins qu’il devait rendre des comptes au président directeur général, lequel assurait la gestion et la définition de la politique de l’entreprise, de sorte qu’il n’était pas établi que M. [B] participait à la définition de la stratégie de l’entreprise et à ses instances dirigeantes, motifs impropres à exclure sa qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Selon l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

7. Ayant constaté, après avoir examiné les fonctions réellement exercées par le salarié, que si ce dernier bénéficiait du salaire le plus élevé de l’entreprise et s’il disposait d’une indépendance certaine dans l’organisation de son emploi du temps, il ne résultait pas des pièces produites qu’il aurait disposé d’un quelconque pouvoir de décision et de l’autonomie d’un cadre dirigeant, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Mais sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de l’employeur à verser aux débats la justification du montant du résultat brut d’exploitation pour l’année 2015 et à lui payer sa prime annuelle pour cette période, alors « que le droit au paiement prorata temporis d’une prime d’exploitation est acquis à un membre du personnel ayant quitté l’entreprise avant la fin de l’année écoulée si ce droit résulte de la convention ; qu’ayant constaté que ’’L’article 4 du contrat prévoit le versement d’une prime annuelle de 5 % du résultat brut d’exploitation de l’année écoulée à verser au prorata temporis du temps de présence sur l’année’’, en déboutant le salarié de sa demande au motif inopérant qu’il ne faisait plus partie des effectifs au 31 décembre 2015, la cour d’appel a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise et doivent être exécutées de bonne foi.

10. Pour débouter le salarié de sa demande de condamnation de l’employeur à verser aux débats la justification du montant du résultat brut d’exploitation pour l’année 2015 et à lui payer sa prime annuelle pour cette période, l’arrêt retient que l’article 4 du contrat de travail prévoit le versement d’une prime annuelle de 5 % du résultat brut d’exploitation de l’année écoulée à verser au prorata temporis du temps de présence sur l’année. Il énonce que la demande du salarié, ramenée à son temps de présence dans l’entreprise est justifiée au titre de l’année 2014, mais sera rejetée au titre de l’année 2015, le salarié ne faisant plus partie des effectifs au 31 décembre 2015 et ne pouvant en conséquence prétendre au paiement d’une prime calculée sur le résultat brut d’exploitation de l’année écoulée.

11. En statuant ainsi, alors qu’il ne ressortait d’aucune de ses constatations que le contrat de travail subordonnait l’octroi de la prime à des conditions particulières tenant à la présence du salarié dans l’entreprise au 31 décembre de l’année, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. [B] de sa demande de condamnation de la société [6] à verser aux débats la justification du montant du résultat brut d’exploitation pour l’année 2015 et à payer sa prime annuelle pour cette période, l’arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société [6] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société [6] et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société [6], demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société [6] à verser au salarié les sommes de 75 844 euros au titre des heures supplémentaires, 7 584 euros au titre des congés payés y afférents et 30 523 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos, d’AVOIR dit que les créances indemnitaires seraient productives d’intérêts au taux légal à compter de l’arrêt et que les créances salariales le seraient à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, d’AVOIR condamné l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser au salarié la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE « Sur les heures supplémentaires
L’article L. 3171-4 du code du travail énonce : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles,
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »,
La cour suprême a en outre précisé qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire. ».
Il en résulte que le juge doit se déterminer en prenant en considération les éléments produits par l’une et l’autre partie et que sous cette réserve, il apprécie souverainement si la demande est fondée.
M. [B] indique qu’il était soumis à un horaire hebdomadaire de 39 heures, qu’il lui était versé chaque mois en contrepartie une rémunération fixe, les heures allant de la 36ème à la 39ème heure de travail étant majorées au taux de 10 %, conformément aux dispositions de la convention collective, qu’aucune rémunération supplémentaire ne lui était versée alors qu’il accomplissait de nombreuses heures au-delà de celles contractuellement prévues, qu’il a ainsi réalisé en moyenne une soixantaine d’heures hebdomadaires, soit un total de plus de 1730 heures supplémentaires sans contrepartie financière. Il sollicite une somme de 75 844 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 7584 euros au titre des congés payés y afférents.
Aux fins d’étayer sa demande, il produit :
 un tableau récapitulant les horaires effectués quotidiennement durant la relation contractuelle,
 le relevé de ses passages au péage entre mars 2014 et septembre 2015,
 ses états de remboursement de frais de déplacement professionnel entre le 2 avril 2014 et le 29 septembre 2015,
 une attestation établie par Mme [S], gouvernante de l’hôtel, en poste à l’époque, qui témoigne de usa présence à son poste de travail tous les samedis et dimanches sur la saison 2014 et 2015",
 un tableau de calcul détaillant l’application des majorations de salaire telles que prévues par la convention collective.
Les pièces produites qui comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail effectivement réalisées et permettent à l’employeur d’apporter une réponse dans les conditions normales du débat contradictoire, sont de nature à étayer les prétentions du salarié quant à l’exécution des heures supplémentaires alléguées.
Il incombe, en conséquence, à l’employeur d’y répondre et d’apporter des éléments justificatifs des horaires effectués de manière à permettre à la juridiction d’apprécier la valeur probante des éléments apportés de part et d’autre, sans imposer au seul salarié la charge de la preuve.
Pour s’opposer à la demande, l’employeur soutient que M. [B] avait la qualité de cadre dirigeant et que, dès lors, il ne peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
Les cadres ne sont, en effet, pas soumis aux dispositions légales relatives à la durée du travail lorsqu’ils ont la qualité de cadre dirigeant par application de l’article L. 3111-2 du code du travail.
L’article L. 3111-2 du code du travail prévoit que les cadres dirigeants ne relèvent pas des dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et l’aménagement des horaires ainsi qu’à celles relatives au repos et aux jours fériés.
Au sens de ce texte, sont considérés comme tels les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
En application de ce texte, la qualification de cadre dirigeant ne peut être reconnue qu’aux cadres qui remplissent les trois conditions fixées.
Il est par ailleurs constant que c’est à partir des conditions réelles d’emploi du salarié et non par rapport aux définitions conventionnelles que le juge doit se déterminer.
Il s’ensuit, en l’espèce, que la qualification de cadre dirigeant ne peut être reconnue à M. [B] que si, eu égard à ses conditions réelles d’emploi, il exerçait des responsabilités dont l’importance impliquait une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, s’il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et s’il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise.
Pour soutenir que M. [B] aurait cette qualité, l’employeur souligne :
* qu’il était totalement autonome dans l’organisation de son emploi du temps et la gestion de ses
* qu’il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome relevant du pouvoir de direction, caractérisé par :
 son descriptif de poste qui lui confère notamment :
 la direction de l’hôtel et des restaurants, de la stratégie et de la politique tarifaire
 l’élaboration des budgets annuels (hébergements et restauration) en coordination avec la direction de l’hôtel et des restaurants,
 l’établissement et la réalisation des budgets des projets commerciaux,
 la direction et l’organisation du service commercial de l’Hôtel [6],
 la gestion de la représentativité de l’hôtel et des restaurants.
 le pouvoir de se comporter en employeur et d’engager la SA [6] dès lors :
 qu’il signait les contrats de travail des différents salariés et était habilité à signer tout contrat, quel qu’en soit l’objet,
 qu’il avait pour mission d’embaucher et de débaucher, ainsi qu’il le revendiquait dans un courriel adressé le 29 avril 2015, à Monsieur [E] [W], président directeur général,
 qu’il apparaissait sur les différents contrats de travail qu’il signait comme le représentant légal de la SA [6], (contrat de fourniture de fluides, travaux, prestations commerciales, partenariat avec l’aéroport de [Localité 5] [Localité 8], etc...)
 le pouvoir de représenter la SA [6] lors des comités de direction extérieurs, le salarié se présentant d’ailleurs lui-même comme directeur général, par nature cadre dirigeant, sur son profil Viadeo,
 la charge de la politique budgétaire de l’Hôtel Restaurant [6], dès lors qu’il devait veiller à l’équilibre de la politique financière de l’entreprise,
 la participation aux prises de décision de la société, que M. [B] s’était vu attribuer le niveau le plus élevé de rémunération au sein de la société.
M. [B] ne conteste pas qu’il bénéficiait d’une relative indépendance dans l’organisation de son temps de travail que requéraient du reste les larges responsabilités qui lui étaient confiées, ni qu’il percevait un haut niveau de salaire.
Il rétorque cependant, s’agissant du pouvoir décisionnel qu’il ne prenait aucune décision relative à la direction de l’entreprise de manière autonome, que s’il a été associé au processus de recrutement en avril 2015, soit seulement 4 mois avant son départ, il en assurait nullement la gestion de manière indépendante. Il produit les courriels échangés notamment avec le président directeur général et un projet de délégation de pouvoirs établi en juin 2015, lui conférant davantage de responsabilités, qui n’a pas abouti en l’absence de toute contrepartie financière.
La cour relève à l’examen de la fiche de poste jointe au contrat de travail signé entre les parties que M. [B] était notamment chargé « de la prise de décisions conformes à la politique interne en termes de budget, de recrutement, de marketing et de décoration » de la « supervision et coordination des différents services de l’hôtel » et du « suivi de la politique commerciale et prise en charge de la gestion de l’exploitation de l’hôtel », fonctions impliquant dans leur libellé une reddition de compte,
que s’il s’était vu confier la gestion du recrutement du personnel de l’hôtel [6] en avril 2015, soit plus d’un an après son embauche, il résulte des courriels échangés le 6 juillet 2015 entre le salarié et le président directeur général, M. [W], que ce dernier gardait la main mise sur le recrutement des candidats, le salarié précisant sans que cela soit utilement contesté qu’il n’a jamais été associé au recrutement des salariés affectés au restaurant [7] du riviera club exclusivement géré par M. [W], qu’il apparaît encore que ce dernier prenait seul les décisions sur la gestion de l’hôtel, relevant pourtant des fonctions du salarié (courriel du 23 juin 2015),
que l’employeur ne peut se prévaloir d’une gestion autonome du budget, alors que celle-ci devait s’inscrire dans le cadre de la politique interne de l’entreprise, dont il n’est pas démontré que le salarié ait eu un quelconque rôle à jouer dans sa mise en place,
que le pouvoir de signer les contrats liés au fonctionnement des services dont il avait la charge, relève tout naturellement de ses missions,
que le fait qu’il signait en qualité de représentant légal de la SA [6], pour des raisons pratiques évidentes, ne lui confère nullement le statut de cadre dirigeant, l’employeur soulignant d’ailleurs que cette présentation « ne correspond pas à la réalité », ni le fait qu’il ait eu le pouvoir de représenter la SA [6] lors de comités de direction extérieurs.
Il convient d’ajouter à ces considérations que le fait que M. [B] se présentait sur son profil Viadeo, en qualité de directeur général, n’est pas de nature à modifier l’appréciation de la cour.
Il ressort de ces éléments qu’il n’est pas établi que M. [B] participait aux décisions sur la stratégie de l’entreprise et à ses instances dirigeantes.
Par conséquent, si M. [B] bénéficiait du salaire le plus élevé de l’entreprise et s’il disposait d’une indépendance certaine dans l’organisation de son emploi du temps, il ne résulte pas des pièces produites qu’il aurait disposé d’un quelconque pouvoir de décision et de l’autonomie d’un cadre dirigeant.
Les conditions requises pour l’application du statut de cadre dirigeant ne sont donc pas remplies et c’est à bon droit que le salarié demande que l’application de ce statut soit écartée.
La SA [6] fait valoir que M. [B] n’a jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires qu’il aurait effectuées, alors qu’il n’a pas contesté les salaires qui lui avaient été versés au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, qu’il est surprenant qu’il sollicite un rappel de salaire de ce chef, sans contester l’accord en cause, qu’il présente des demandes contradictoires, réclamant le paiement de 1002 heures supplémentaires par courriel du 20 août 2015, de 1247 heures par la voie de son conseil par courrier du 19 janvier 2016, puis de 1731 heures devant la juridiction prud’homale, qu’il n’y a pas une stricte concordance entre les relevés d’autoroute et le tableau des heures supplémentaires établi par le salarié.
Elle ajoute que l’établissement a été fermé entre novembre 2014 et mars 2015 en raison de travaux, de sorte que le salarié ne peut prétendre qu’il effectuait de nombreuses heures supplémentaires, ni qu’il travaillait le week-end durant ces périodes.
Or, alors que l’employeur doit être en mesure de fournir les documents de décompte du temps de travail qu’il a l’obligation de tenir, la SA [6] ne produit pas les relevés au moyen desquels les heures de travail du salarié ont été comptabilisées, ni aucun document lui ayant servi à contrôler les horaires de celui-ci.
Le fait que le salarié avait la qualité de cadre et qu’il pouvait avoir une certaine latitude dans l’organisation de son travail ne peut suffire à l’exclure du droit au paiement d’heures supplémentaires, ni à exonérer l’employeur de son obligation de justifier de ses horaires, peu important que le salarié ait, ou non, réclamé le paiement de ses heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle et peu important qu’il n’ait pas remis en cause l’acte de rupture conventionnelle, en ce qu’il n’emporte pas renonciation à se prévaloir du paiement des heures supplémentaires non réglées.
Il s’ensuit, en l’absence de tout élément de preuve contraire, que les prétentions du salarié sont établies, que son décompte qui fait apparaître, conformément aux dispositions applicables, les majorations dues, doit être retenu. Il est par conséquent fondé à réclamer la somme de 75 844 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, non réglées ni récupérées, outre celle de 7584 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur le dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires.L’article 5.3 de l’avenant n° 2 du 5 février 2007 de la convention collective applicable, fixe ce contingent d’heures supplémentaires à 360 heures par an dans les établissements permanents.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3121-11 du code du travail, que toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos qui s’ajoute à la rémunération des heures au taux majoré.
Par ailleurs, dans le cas où, du fait de l’employeur, le salarié n’a pas été en mesure de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos, en cas d’absence d’information ou d’information incomplète de la part de l’employeur, la cour de cassation a jugé que celui-ci a droit à l’indemnisation du préjudice subi. Cette indemnisation comprend à la fois le montant d’une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, et le montant de l’indemnité de congés payés correspondante.
Il est établi que le contingent annuel d’heures supplémentaires a été dépassé. Il sera alloué la somme réclamée de 30 523 euros à titre de dommages et intérêts du fait du non-respect de la contrepartie obligatoire en repos »,

1°) ALORS QUE sont des cadres dirigeants les salariés auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement, aucune autre condition n’étant requise ; qu’en l’espèce, après avoir relevé que le salarié reconnaissait bénéficier d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps et percevoir un haut niveau de salaire, la cour d’appel a expressément relevé que le salarié s’était vu confier la gestion du recrutement du personnel de l’hôtel en avril 2015, qu’il gérait le budget, qu’il avait le pouvoir de signer les contrats liés au fonctionnement des services dont il avait la charge, qu’il signait en qualité de représentant légal de la société et qu’il avait le pouvoir de représenter la société lors de comités de direction extérieurs ; qu’en retenant néanmoins qu’il devait rendre des comptes au président directeur général, lequel assurait la gestion et la définition de la politique de l’entreprise, de sorte qu’il n’était pas établi que M. [B] participait à la définition de la stratégie de l’entreprise et à ses instances dirigeantes, motifs impropres à exclure sa qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail ;

2°) ALORS, à tout le moins, QU’un salarié n’a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ou s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; que la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé en quoi les heures supplémentaires retenues auraient été accomplies avec l’accord de l’employeur ou rendues nécessaires par les tâches à accomplir, ce qui était contesté, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accompli, il appartient au salarié de soutenir sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’en l’espèce, la société [6] critiquait les éléments versés aux débats par M. [B] au soutien de sa demande d’heures supplémentaires, rappelant que le quantum des demandes avait fortement varié en cours de procédure et soulignant les nombreuses incohérences et contradictions découlant des éléments produits, en particulier le fait qu’ils faisaient mensongèrement état d’heures accomplies sur place entre les mois de novembre 2014 et mars 2015, période à laquelle les locaux étaient fermés en raison de travaux, et l’absence de concordance entre les relevés d’autoroute et les tableaux d’heures supplémentaires établis par le salarié ; qu’en faisant intégralement droit à la demande du salarié sans examiner ces objections, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société [6] à verser au salarié la somme de 6 000 euros pour dépassement des durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail, d’AVOIR dit que les créances indemnitaires seraient productives d’intérêts au taux légal à compter de l’arrêt et que les créances salariales le seraient à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, d’AVOIR condamné l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser au salarié la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE « Sur les durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail, M. [B] sollicite le paiement d’une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi faisant valoir que ce rythme de travail tenu pendant plus d’un an et demi a eu des conséquences sur sa santé que tout employeur est pourtant tenu de préserver.
Ses demandes étant justifiées, il lui sera alloué une somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice »,

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif aux heures supplémentaires prétendument dues au salarié entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif lui ayant alloué des sommes à titre de dommages et intérêts pour nonrespect des durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; qu’en l’espèce, pour condamner la société [6] à verser à M. [B] des dommages et intérêts pour non-respect des durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail, la cour d’appel s’est bornée à relever que les demandes du salarié étaient justifiées ; qu’en statuant de la sorte, sans aucunement motiver sa décision, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société [6] à verser au salarié la somme de 7 672 euros au titre de la prime d’exploitation pour l’année 2014, d’AVOIR dit que les créances indemnitaires seraient productives d’intérêts au taux légal à compter de l’arrêt et que les créances salariales le seraient à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, d’AVOIR condamné l’employeur aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser au salarié la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la prime d’exploitation
L’article 4 du contrat de travail prévoit le versement d’une prime annuelle de 5 % du résultat brut d’exploitation de l’année écoulée à verser au prorata temporis du temps de présence sur l’année.
M. [B] réclame une somme de 7 672 euros au titre de l’année 2014 calculée comme suit : 175 368 euros (résultat brut d’exploitation) x 5 % x 10.5 /12.
C’est de manière infondée que la SA [6] prétend déduire une subvention à hauteur de 1 300 000 euros, alors que la prime en cause est assise sur le résultat brut d’exploitation avant tout correctif.
La demande du salarié, ramenée à son temps de présence dans l’entreprise est justifiée au titre de l’année 2014, mais sera rejetée au titre de l’année 2015, le salarié ne faisant plus partie des effectifs au 31 décembre 2015 et ne pouvant en conséquence prétendre au paiement d’une prime calculée sur le "résultat brut d’exploitation de l’année écoulée » ;

ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation sans justifier son analyse par un examen des pièces produites ; que dans ses conclusions, l’employeur faisait valoir, en produisant au soutien de ses dires la liasse fiscale pour l’exercice 2014 de la société, que le résultat brut d’exploitation s’était élevé à la somme de – 208 416 € ; qu’en se bornant pourtant à entériner la demande du salarié fondée sur un résultat brut d’exploitation qu’il prétendait égal à + 175 368 euros, sans mieux motiver sa décision, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour M. [B], demandeur au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Monsieur [N] [B] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande de condamnation de la société [6] au paiement de la somme de 31 470 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

ALORS QU’ayant homologué le décompte du salarié démontrant la réalisation de plus de 1 730 heures supplémentaires sur la période de mars 2014 à septembre 2015, et considéré qu’était justifiée sa demande indemnitaire dès lors que ce rythme de travail tenu pendant plus d’un an et demi avait eu des conséquences sur sa santé, ce dont il résultait nécessairement que l’employeur avait connaissance du dépassement du temps de travail, en rejetant la demande d’indemnité pour travail dissimulé faute de caractérisation d’une intention de dissimuler les heures réellement accomplies par le salarié relativement libre de ses horaires, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l’article L. 8223-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Monsieur [N] [B] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande de condamnation de la société [6] à verser aux débats la justification du montant du résultat brut d’exploitation pour l’année 2015 et à lui payer sa prime annuelle pour cette période ;

ALORS QUE le droit au paiement prorata temporis d’une prime d’exploitation est acquis à un membre du personnel ayant quitté l’entreprise avant la fin de l’année écoulée si ce droit résulte de la convention ; qu’ayant constaté que « L’article 4 du contrat prévoit le versement d’une prime annuelle de 5 % du résultat brut d’exploitation de l’année écoulée à verser au prorata temporis du temps de présence sur l’année » (arrêt, p. 8 – Sur la prime d’exploitation, 1er §), en déboutant le salarié de sa demande au motif inopérant qu’il ne faisait plus partie des effectifs au 31 décembre 2015, la cour d’appel a violé l’article 1134 devenu 1103 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2022:SO00500