Cadre dirigeant non car convention forfait en jours

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 8 juillet 2020

N° de pourvoi : 18-21793

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00595

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

FB

COUR DE CASSATION


Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 595 F-D

Pourvoi n° K 18-21.793

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

M. V... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 18-21.793 contre l’arrêt rendu le 6 juillet 2018 par la cour d’appel de Rennes (8e chambre prud’homale), dans le litige l’opposant à la société Expandium, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. F..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Expandium, après débats en l’audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. F... a été engagé à compter du 11 janvier 2010 par la société Expandium en qualité de directeur général ; que licencié le 4 juillet 2014, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail ;

Sur les deuxième à cinquième moyens :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article L. 3111-2 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel d’heures supplémentaires, l’arrêt retient que le salarié participait non seulement à la direction de l’entreprise mais en était le seul cadre dirigeant, qu’il invoque le principe de faveur au motif que les parties étaient convenues de lui appliquer un forfait en jours dès son embauche, cet accord devant primer sur les dispositions légales, que toutefois, il ne peut invoquer l’article 3 de son contrat de travail qui instaure un forfait annuel de deux cent dix-huit jours tout en soulevant sa nullité, le principe de faveur découlant en réalité de l’annulation de la convention qui entraîne l’application du droit commun ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié était soumis au régime du forfait en jours, ce dont il résultait que l’employeur n’était pas fondé à soutenir que l’intéressé relevait de la catégorie des cadres dirigeants, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation à intervenir entraîne, par voie de dépendance, la cassation du chef de dispositif critiqué par le sixième moyen déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. F... de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt rendu le 6 juillet 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;

Condamne la société Expandium aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Expandium et la condamne à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. F....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le salarié de ses demandes à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, et d’indemnité pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS propres QUE il ressort du dossier que M. F... a été engagé en qualité de directeur général de la société Expandium et qu’il était placé sous l’autorité d’un président non exécutif, M. D..., qui occupait d’autres fonctions salariées en région parisienne ; qu’il résulte de son contrat de travail qu’il était autonome dans la gestion de son emploi du temps et de son organisation ; que ses fonctions et ses responsabilités sont définies à l’article 5 de son contrat complété par deux annexes ; qu’il y est indiqué pour l’essentiel qu’il participe à l’élaboration de la politique générale et la met en oeuvre, qu’il planifie, supervise, dirige et contrôle toutes les opérations de ses équipes et qu’il est responsable financièrement de la société et du développement des actions existantes et à mettre en place, son indépendance financière étant illimitée en ce qui concerne les affaires validées dans le budget et limitées à 10 000 € pour les autres ; que d’après les nombreux échanges qui figurent dans le dossier, il était l’unique interlocuteur de M. D... ; que le 13 septembre 2012, M. D... et M. F... ont co-signé un courriel adressé à l’ensemble des personnels pour les rassurer sur la situation de l’entreprise au regard d’un contexte économique difficile pour le secteur ; que la rémunération de M. F... était composée d’un fixe (90 000 € par an puis 102 000 € à compter de janvier 2012) auquel s’ajoutait une part variable de 80 000 € calculée au prorata de l’atteinte des objectifs ; qu’il est constant que c’était la rémunération la plus élevée au sein de l’entreprise ; qu’il suit de là que non seulement M. F... participait à la direction de l’entreprise mais qu’il en était le seul cadre dirigeant ; que le salarié conteste l’application de ce statut en excipant de son licenciement mais l’autonomie et l’indépendance financière dont bénéficie un cadre dirigeant ne font pas obstacle à une telle mesure en cas de manquement à ses obligations contractuelles ; qu’il invoque également le principe de faveur au motif que les parties étaient convenues de lui appliquer un forfait en jours dès son embauche, cet accord devant primer sur les dispositions légales ; que toutefois, il ne peut invoquer l’article 3 de son contrat de travail qui instaure un forfait annuel de 218 jours tout en soulevant sa nullité, le principe de faveur découlant en réalité de l’annulation de la convention qui entraîne l’application du droit commun ; que par ailleurs, aucun avenant n’a été régularisé postérieurement à la signature de l’accord du 10 avril 2014.

AUX MOTIFS à les supposés adoptés QUE M. F... a contractuellement la fonction de directeur général, placé sous la seule autorité de M. D..., président non exécutif ; que les annexes 1 « fonctions et responsabilité » et l’annexe 2 « indépendance financière » au contrat de travail montrent les domaines d’interventions liés à sa fonction qui sont les plus étendus et l’autonomie financière illimitée prise en compte dans le budget ; que la rémunération de M. F... est la plus élevée ; que M. F... est cadre dirigeant.

1° ALORS QUE ont la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que les conditions tenant à l’importance des responsabilités, à l’indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps, et à l’habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome s’apprécient au regard des conditions réelles d’emploi du cadre ; qu’en se référant exclusivement aux stipulations du contrat de travail pour affirmer que le salarié était autonome dans la gestion de son emploi du temps et de son organisation et qu’il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, sans analyser ses conditions réelles d’emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail.

2° ALORS QUE ont la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; qu’en relevant qu’il résultait des échanges versés aux débats que l’exposant était l’unique interlocuteur du président de la société et qu’il avait co-signé avec lui un courriel adressé à l’ensemble des personnels pour les rassurer sur la situation de l’entreprise, quand ces constatations étaient impropres à établir qu’il était autonome dans l’organisation de son travail et de son emploi du temps et était habilité à prendre des décisions de manière largement autonome, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inopérants et partant a violé l’article L. 3111-2 du code du travail.

3° ALORS QUE, en tout état de cause, la soumission à une convention de forfait en jours, quand bien même elle serait irrégulière et donc privée d’effet, conduit à écarter le statut de cadre dirigeant sans qu’il soit nécessaire de rechercher si les conditions légales pour en bénéficier sont remplies ; qu’ayant constaté que l’article 3 du contrat de travail du salarié comportait une convention de forfait annuel en jours, tout en retenant néanmoins le statut de cadre dirigeant, la cour d’appel a violé l’article L. 3111-2 du code du travail.

4° ALORS QUE le salarié peut sans se contredire tout à la fois, d’un côté, faire état de ce que la signature d’une convention de forfait annuel en jours par son employeur constitue un élément de preuve de ce qu’il ne lui reconnaissait pas la qualité de cadre dirigeant et, de l’autre, demander l’annulation de cette convention et l’application des règles afférentes à la durée légale du travail ; qu’en déclarant que l’exposant, ayant invoqué l’existence d’un forfait annuel en jours pour démontrer qu’il n’avait pas la qualité de cadre dirigeant, ne pouvait dans le même temps invoquer sa nullité et solliciter l’application des règles afférentes à la durée légale du travail, la cour d’appel a violé l’article L. 3111-2 du code du travail.

5° ALORS QUE en relevant qu’aucun avenant au contrat de travail n’avait été signé après l’arrêt de la Cour de cassation du 24 avril 2013 ayant déclaré nulle une convention de forfait en jours sur l’année signée sur la base de l’article 4 de l’accord collectif de branche du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, quand ce défaut de régularisation de la convention de forfait annuel en jours du salarié était impropre à établir qu’à un moment donné, l’employeur ne lui reconnaissait pas la qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel s’est déterminée par un motif inopérant et partant a violé l’article L. 3111-2 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de rappel de rémunération variable au titre de la prime de résultat pour l’année 2011, outre les congés payés y afférents.

AUX MOTIFS QUE il ressort du dossier que, le 12 février 2013, V... F... a envoyé à G... D... un courriel rédigé ainsi : « Nous avions abordé lors d’un de nos rendez-vous récents les commissions non payées au titre des résultats 2011 (53 KF) dont les paiements avaient été différés à ma demande. Tu devais me proposer un échéancier de paiement, je pense que tu as dû oublier, donc je me permets de te le rappeler » ; que M. D... lui proposait le lendemain un échéancier que M. F... acceptait ; que c’est le salarié qui mentionne le montant de la prime, non l’employeur ; qu’il résulte de cet échange clair et dépourvu d’ambiguïté que les parties étaient convenues du paiement de la somme de 53 000 €, seules les dates de règlement restant à définir ; que cela est confirmé par un autre mail de M. F... du 9 juin 2013 où, évoquant la part variable de sa rémunération, il commentait ainsi les 53 KF “rediscuté à l’époque alors que les objectifs avaient été atteints” ; qu’il ne peut sérieusement soutenir que le lien de subordination l’empêchait de contester frontalement une décision unilatérale de l’employeur alors que la proposition de contrat de travail qu’il envoyait le 6 juin suivant prévoyait une indemnité de rupture égale à deux ans de salaire et qu’il écrivait dans un autre courriel du 28 juin, en réponse à une contreproposition de l’employeur : « je ne signerai pas ces propositions » ; que l’augmentation de sa rémunération de 12.000 € par an et la mise à disposition d’un véhicule de fonction dans l’avenant n° 2 daté du 26 janvier 2012 confirment la thèse de l’employeur d’une contrepartie financière.

1° ALORS QUE l’acceptation de la modification du contrat de travail ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié ou de son « accord exprès » et ne peut se déduire d’un acquiescement implicite ; qu’en considérant que dans son courriel du 12 février 2013, le salarié avait donné son accord exprès à la réduction du montant de sa rémunération variable de la somme de 80.000 euros à celle de 53.000 euros, quand il y était seulement indiqué : « nous avions abordé lors d’un de nos rendez-vous récents les commissions non payées au titre des résultats 2011 (53 KF) dont les paiements avaient été différés à ma demande. Tu devais me proposer un échéancier de paiement, je pense que tu as dû oublier, donc je me permets de te le rappeler », la cour d’appel a dénaturé cet écrit en méconnaissance de l’ancien article 1134 dans sa version applicable au litige.

2° ALORS QUE l’acceptation de la modification du contrat de travail ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié ou de son « accord exprès » et ne peut se déduire d’un acquiescement implicite ; qu’en déduisant l’accord exprès du salarié à la réduction du montant de sa rémunération variable de la somme de 80.000 euros à celle de 53.000 euros du fait que dans un courriel du 9 juin 2013, il avait évoqué le montant de 53.000 euros, qu’il avait refusé une proposition de son employeur portant sur le montant de l’indemnité de rupture, que sa rémunération annuelle avait été augmentée de 12.000 euros et qu’un véhicule de fonction avait été mis à sa disposition, quand il n’en ressortait pas une manifestation claire et non équivoque de volonté en ce sens, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail.

3° ALORS QUE l’exposant faisait valoir qu’il avait réclamé par écrit le 7 juin 2014 le solde de sa prime de résultat de l’année 2011, ce dont il s’inférait qu’il n’avait pas donné son accord à la réduction unilatérale de son montant (v. ses écritures, p. 21, alinéa 1) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen décisif des écritures du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et de l’AVOIR débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre des jours de mise à pied, outre les congés payés y afférents, d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés-payés y afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE la société Expandium a notifié la lettre de licenciement le 4 juillet 2014 ; que le même jour, M. F... a déposé sa requête au conseil des prud’hommes ; qu’il estime que l’horodatage de celle-ci à 9 heures 45 doit primer sur le cachet de la poste et que, dès lors, sa demande de résiliation judiciaire doit être examinée avant le bien fondé du licenciement ; que la date du licenciement est celle à laquelle l’employeur notifie sa décision au salarié alors que l’action en résiliation judiciaire laisse subsister le contrat de travail pendant toute l’instance ; que le contrat de travail de M. F... ayant été rompu le 4 juillet 2014, la demande de résiliation judiciaire est devenue sans objet ; (

) que M. F... prétend que la société Expandium l’a licencié pour nommer à sa place M. O..., consultant initialement chargé d’une prestation de service mais qui n’a eu de cesse de s’arroger peu à peu ses responsabilités, situation à l’origine d’un profond malaise dont il avait fait part au président en janvier 2014 et que ce dernier cherchait à le déstabiliser et à le décrédibiliser auprès de ses collaborateurs ; qu’il ressort du dossier que le 17 janvier 2014, M. F... a interrogé M. D... sur les propos que lui avaient tenus M. O..., à savoir que ce dernier souhaitait rejoindre Expandium en tant que directeur général en lui laissant la partie commerciale ; que cette pièce fait uniquement état des déclarations de M. O... ; que le président avait certes écrit le 9 janvier précédent aux salariés actionnaires que cette personne envisageait de rejoindre la société mais dans le cadre d’un projet d’actionnariat qui constituait une simple éventualité en précisant qu’il n’était pas à l’ordre du jour ; qu’à deux reprises, les 16 octobre 2013 et 22 avril 2014, M. F... a indiqué à M. D... qu’il voulait quitter l’entreprise en invoquant des motifs différents n’ayant rien à voir avec ce consultant et que le 3 mai, il écrivait qu’il était prêt à continuer à travailler avec Expandium d’une autre manière ; que la société objecte justement qu’il lui suffisait de donner suite au courriel du 19 octobre 2013 pour se séparer de M. F..., sans signer un contrat lui accordant une indemnité de rupture ; que M. F... ne démontre pas davantage que le président aurait essayé de le déstabiliser et de le mettre à l’écart ; qu’aucun élément extérieur ne vient corroborer cette allégation, son courriel du 6 juin 2014 ne pouvant tenir lieu de preuve en vertu du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu’il suit de là que les griefs allégués ne sont pas établis.

1° ALORS QUE lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; qu’en décidant que le contrat avait été rompu par l’effet du licenciement intervenu le même jour que la demande de résiliation judiciaire, quand bien même le salarié justifiait d’un horodatage du greffe du conseil de prud’hommes à 9 heures 45, sans rechercher si la notification du licenciement avait eu lieu le 4 juillet 2014 avant 9 heures 45, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1231-1 du code du travail.

2° ALORS QUE l’exposant motivait sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur par le fait qu’il s’était vu progressivement retirer ses responsabilités de directeur général et écarter des processus décisionnels au profit de M. O... auquel ses fonctions avaient été transférées ; qu’en s’abstenant de répondre au moyen par lequel l’exposant faisait valoir que quelques jours après son licenciement, l’employeur avait annoncé la nomination de M. O... au poste de directeur général (v. ses écritures, p. 26, alinéa 3), élément de fait de nature à établir la véracité de ces allégations, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l’AVOIR débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre des jours de mise à pied, outre les congés payés y afférents, d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés-payés y afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts.

AUX MOTIFS QUE l’employeur reproche à M. F... d’avoir tenté de racheter la société avec une partie des salariés et des associés alors que le président était en train de négocier avec un repreneur, d’avoir dénigré de manière répétée l’action de la présidence, agissements ayant fini par créer de la défiance des collaborateurs et nui à la cohésion de l’entreprise ; que la société verse aux débats deux attestations de salariés actionnaires, celles de M. R... et de M. K... : dans la première, M. R..., directeur technique, déclare avoir fait part à M. D... le 30 mai 2014 d’une “information dérangeante dans l’équipe des actionnaires salariés”, à savoir que V... F... l’avait rencontré le 8 avril précédent pour lui proposer de participer au rachat de l’entreprise avec ses collègues mais sans le président, en contractant des emprunts bancaires, qu’au cours de cet entretien, il avait exposé ses divergences de vues avec G... D... et dénigré ce dernier à plusieurs reprises, qu’il avait compris qu’il voulait prendre le pouvoir ; qu’il ajoute qu’étant présent dans l’entreprise depuis l’origine et étant fier du travail accompli et le président étant en négociation avec les autrichiens, il avait été troublé par cette attitude, que celle-ci avait créé de la discorde et de la division au sein de l’équipe des salariés actionnaires et des doutes sur l’entente « président / directeur général » ; que dans la seconde, M. K..., chef de projet, indique avoir porté à la connaissance des membres de l’AGE le 15 avril 2014 que M. F... avait présenté lors d’une réunion un projet de rachat de l’entreprise par lui-même et les autres salariés actionnaires sans le président et les actionnaires non salariés ; que M. F... réplique qu’il en avait parlé à M. D... mais les termes du courriel de ce dernier du 9 janvier 2014 qu’il invoque à cet effet sont très vagues et imprécis, l’employeur indiquant que le président faisait allusion au projet de vente externe et il ne résulte pas de l’ordre du jour que son projet de rachat interne devait être examiné par l’AGE ; que le manquement est établi ; que le projet de rachat interne à l’insu du président alors qu’il était en train de négocier la vente avec un repreneur externe est un manquement grave l’obligation de loyauté d’un directeur général qui a eu des conséquences sur le fonctionnement social ; que ce fait justifiait la rupture immédiate du contrat de travail.

1° ALORS QUE ne caractérise pas un manquement à l’obligation de loyauté constitutive d’une faute grave, le fait pour un directeur général d’initier un projet de rachat de l’entreprise avec d’autres salariés actionnaires à un moment où le chef d’entreprise cherche un repreneur dès lors que ce projet vise à maintenir l’activité de l’entreprise, non à créer une entreprise concurrente en détournant son savoir-faire, sa clientèle ou son personnel ; qu’ayant constaté que le projet de rachat de l’entreprise de l’exposant était intervenu à un moment où le président de l’entreprise négociait sa vente avec un repreneur externe et qu’il devait être présenté en assemblée générale extraordinaire des actionnaires, tout en retenant qu’il caractérisait un manquement à la loyauté contractuelle constitutif d’une faute grave, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

2° ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu’en retenant que le projet de rachat de l’entreprise de l’exposant avait eu des conséquences sur le fonctionnement social de celle-ci, quand cette affirmation reposait exclusivement sur les déclarations vagues et imprécises du directeur technique qui avait évoqué « de la discorde et de la division au sein de l’équipe des salariés actionnaires », la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS QUE en affirmant que le projet de rachat s’était fait « à l’insu du président alors qu’il était en train de négocier la vente avec un repreneur externe », quand ni l’attestation du directeur technique, ni celle du chef de projet n’indiquaient que M. D... ignorait le projet litigieux lorsque ces deux personnes lui en ont parlé, la cour d’appel a dénaturé ces écrits en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

4° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant tout à la fois, d’un côté, que le projet de rachat de l’entreprise de l’exposant s’était fait à l’insu du président et, de l’autre qu’il devait être présenté en assemblée générale extraordinaire des actionnaires, la cour d’appel s’est contredite en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

5° ALORS QUE l’exposant faisait valoir que le manque de loyauté qui lui était reproché ne pouvait être dirigé « qu’à l’encontre de l’acquéreur potentiel de la société, mais en aucun cas à l’encontre du directeur général salarié » (v. ses écritures, p. 33, alinéa 7) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

6° ALORS QUE l’exposant faisait valoir que le grief tiré de son prétendu manque de loyauté était prescrit dans la mesure où son projet de rachat de l’entreprise était connu de M. D... dès l’origine, soit bien plus de deux mois avant la convocation à son entretien préalable datée du 6 juin 2014 (v. ses écritures d’appel, p. 33, alinéa 3) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de rappel d’indemnité contractuelle de rupture.

AUX MOTIFS QUE l’article 14 du contrat de travail énonce : « En cas de rupture du présent contrat à l’initiative de l’employeur ou encore de rupture conventionnelle, M. F... percevra, en sus de l’indemnité de rupture prévue par la convention collective applicable et des éléments de son solde de tout compte (salaire, avantages en nature, remboursement de frais, congés-payés, préavis etc...), une indemnité de rupture d’un montant net égal au total des salaires bruts (fixes, variables et accessoires) qu’il aura perçu au cours des 12 derniers mois précédents cette rupture » ; que les termes de l’article 14 vont dans le sens de la thèse soutenue par l’employeur puisqu’il est précisé « en sus de l’indemnité de rupture prévue par la convention collective applicable », ce qui signifie que l’indemnité de rupture n’est due que si l’indemnité conventionnelle de licenciement est versée ; que ce n’est donc que dans l’hypothèse où la demande de l’employeur tendant à voir reconnaître l’existence d’une faute grave serait rejetée qu’il sera statué sur son montant.

Et AUX MOTIFS QU’il n’y a pas lieu de statuer sur le montant de l’indemnité de rupture prévue à l’article 14 du contrat de travail.

1° ALORS QUE l’article 14 du contrat de travail de M. F... prévoyait qu’« en cas de rupture du présent contrat à l’initiative de l’employeur ou encore de rupture conventionnelle, Monsieur F... percevra, en sus de l’indemnité de rupture prévue par la convention collective applicable

une indemnité de rupture d’un montant net égal au total des salaires bruts (fixes, variables et accessoires) qu’il aura perçu au cours des 12 derniers mois précédents cette rupture » ; qu’en déclarant que « en sus » signifiait que l’indemnité contractuelle de rupture n’était due que si l’indemnité conventionnelle de licenciement était versée, la cour d’appel a dénaturé le contrat de travail de M. F... en méconnaissance des exigences de l’ancien article 1134 du code civil applicable au litige.

2° ALORS à tout le moins QUE la cassation à intervenir au troisième ou au quatrième moyen entrainera la censure de l’arrêt en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande au titre de l’indemnité contractuelle de rupture, en application de l’article 624 du code de procédure civile.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de l’exécution déloyale du contrat de travail.

AUX MOTIFS visés aux cinq précédents moyens.

ALORS QUE la cassation à intervenir au titre d’un ou de plusieurs des précédents moyens entraînera par voie de conséquence la censure du chef du dispositif attaqué par le présent moyen en application de l’article 624 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Rennes , du 6 juillet 2018