versement en espèces - preuve non rapportée

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 29 novembre 2016

N° de pourvoi : 15-84635

ECLI:FR:CCASS:2016:CR05321

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Guérin (président), président

SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

"-" M. Armand X...,

"-" M. Christian X...,

"-" La société X... Bâtiment,

"-" La société X... Services,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2015, qui, notamment, pour travail dissimulé et infractions à la réglementation du travail, a condamné le premier, à six mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et à sept amendes de 200 euros, le deuxième, à six mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et à huit amendes de 200 euros, la troisième à 70 000 euros d’amende et à six amendes de 500 euros, et la dernière à une amende de 70 000 euros et à une amende de 500 euros, et a ordonné des mesures de publication et de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 18 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CUNY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à l’occasion d’un contrôle opéré sur un chantier suivi par les employés des sociétés X... Service et X... Bâtiment, gérées respectivement par Messieurs Armand et Christian X..., les gendarmes ont saisi, alors qu’elles venaient de leur être remises, plusieurs dizaines d’enveloppes, contenant, pour chaque salarié, un bulletin de paie et un chèque, d’un montant correspondant à la somme mentionnée sur celui-ci, et une somme en numéraires ; que certains des employés ont admis qu’il s’agissait du mode habituel du versement de leur salaire ; qu’à l’issue de l’enquête, ayant révélé des retraits réguliers de sommes en espèces des comptes personnels des dirigeants de ces entreprises, les personnes physiques et morales précitées ont été poursuivies des chefs de travail dissimulé et de diverses contraventions à la réglementation du travail, la société X... Bâtiment et M. Christian X... l’étant, en outre, du chef de défaut de désignation de commissaire aux comptes ; que le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des faits ; que les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 385, 459, 485, 520, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité soulevée in limine litis par MM. Armand Gilbert X... et Christian X... et par les Sarl X... Bâtiment et X... Services ;

” aux motifs qu’en application de l’article 385 du code de procédure pénale, les exceptions doivent être présentées avant toute défense au fond ; qu’en l’espèce, ni les notes de l’audience du 21 mars 2013, ni le jugement rendu le 16 mai 2013, ne font pas apparaître que les prévenus, qui comparaissaient ou étaient régulièrement représentés, ont opposé in limine litis la nullité de tout ou partie de la procédure antérieure ; que, s’il peut être trouvé au dossier des conclusions établies dans les intérêts des prévenus et comprenant une exception de nullité, il n’apparaît pas que ces conclusions, qui n’ont pas été visées par le greffier et le président, ont été déposées avant l’ouverture des débats ; que bien, qu’il n’ait pas statué dans son dispositif sur ce point, le tribunal correctionnel a d’ailleurs retenu dans ses motifs, l’irrecevabilité des demandes en nullité tardivement évoquées ; que les conclusions déposées par les prévenus sont dès lors irrecevables, en ce qu’elles tendent à la nullité de la procédure antérieure au jugement ;
” et aux motifs repris des premiers juges, qu’il résulte de l’article 459 du code de procédure pénale comme de la jurisprudence, que les parties doivent soulever des exceptions de nullité avant toute défense au fond, c’est-à-dire immédiatement après l’interrogatoire d’identité et la lecture des chefs de prévention, et que par conséquent la demande présentée après les réquisitions du parquet apparaît irrecevable ;
” 1°) alors que le droit au procès équitable fait obstacle à ce qu’une partie soit privée du droit d’établir qu’elle a déposé in limine litis, des conclusions invoquant une exception de nullité en raison du manquement par le président et le greffier du tribunal correctionnel à leur obligation de viser les conclusions qui leur sont soumises, laquelle est substantielle ;
” 2°) alors que la Cour de cassation est en mesure de s’assurer, au vu des énonciations de la décision des premiers juges, que ceux-ci ont omis de mentionner les conclusions in limine litis, dont la cour d’appel a pourtant constaté qu’elles figuraient au dossier de la procédure, ce qui suffit à établir que l’omission par le président et le greffier de viser les conclusions qui leur étaient régulièrement soumises a objectivement porté atteinte aux droits des prévenus ;
” 3°) alors, en cet état que la cour d’appel avait l’obligation d’annuler le jugement déféré, d’évoquer et d’examiner la pertinence de l’exception de nullité reprise devant elle in limine litis par les prévenus ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l’argumentation que, par une motivation exempte d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-2 et 121-3 du code pénal, L. 223-35, L. 820-1, L. 820-4, R. 221-5 et R. 223-27 du code de commerce, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. Christian X... et la société X... Bâtiment coupable de non-désignation d’un commissaire aux comptes ;
” aux motifs qu’en application des articles L. 223-35, R. 223-37, R. 221-5 et L. 820-4 du code de commerce, sont tenues de désigner un commissaire aux comptes, au moins les sociétés à responsabilité limitée, qui dépassent à la clôture d’un exercice social deux des critères suivants : total du bilan de 1 550 000 euros, montant hors taxe du chiffre d’affaires de 3 100 000 euros et nombre moyen de salariés de cinquante, et le fait, pour tout dirigeant de personne ou de l’entité tenue d’avoir un commissaire aux comptes, de ne pas en provoquer la désignation, est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros ; que la désignation doit intervenir au cours de l’assemblée générale ordinaire, appelée à statuer sur les comptes de l’exercice écoulé et, même si la société passe par la suite en-dessous des seuils fixés, les commissaires doivent rester en fonction pendant les six exercices que couvre leur mandat ; qu’en l’espèce, la société X... Bâtiment a présenté pour l’année 2009, un bilan de 2 839 702 euros et un montant hors taxes de chiffre d’affaires de 5 920 081 euros ; qu’elle était donc obligée de désigner un commissaire aux comptes au plus tard lors de l’assemblée générale ordinaire de clôture des comptes 2009, devant être tenue en 2010 et ne pouvait se dispenser de cette désignation au motif qu’elle n’avait pas dépassé les seuils en 2010 ; que la société X... Bâtiment et son gérant à la date des faits Christian X..., qui ne contestent pas ne pas avoir provoqué la désignation d’un commissaire aux comptes au cours de l’année 2010, et qui ne l’ont pas plus fait par la suite, doivent en conséquence être déclarés coupables d’avoir commis les faits reprochés ;
” alors qu’en se bornant à constater l’élément matériel de l’infraction et en omettant de caractériser son élément intentionnel à l’encontre de M. Christian X... tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant de la personne morale, l’arrêt attaqué a méconnu les dispositions de l’article 121-3 du code pénal, lesquelles sont un élément essentiel du droit au procès équitable “ ;
Attendu que, pour déclarer la société X... Bâtiment et son gérant, M. Christian X..., coupables de défaut de désignation d’un commissaire aux comptes, l’arrêt retient que ladite société avait dépassé deux des seuils prescrits par l’article L. 223-35 du code de commerce durant l’année 2009 et ne pouvait, en conséquence, se dispenser de l’obligation de procéder à cette désignation au seul motif qu’elle ne les avait pas dépassés en 2010 ; que les juges ajoutent que, tout en contestant l’infraction, les prévenus ne contestent pas eux mêmes avoir dépassé les seuils précités pour l’année 2009 ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, par la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire impliquant de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er du code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 111-4 et 112-1 du code pénal, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-5, R. 3243-1 et R. 3246-2 du code du travail, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré MM. Armand Gilbert X... et Christian X... et les Sarl X... Bâtiment et X... Services coupables d’exécution de travail dissimulé et en répression, les a condamnés à des peines correctionnelles ;
” aux motifs qu’en application des articles L. 8221-1, L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail, est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 euros, le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, consistant notamment, pour tout employeur, à mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou à se soustraire intentionnellement aux déclarations, relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci, auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ; qu’en l’espèce, il est suffisamment établi par les éléments de preuve suivants que les quatre entreprises prévenues ont, à plusieurs reprises au cours de l’année 2010 procédé au paiement à leurs salariés de salaires ou de primes par des versements en numéraire :

"-" la saisie inopinée des enveloppes destinées à 32 salariés des quatre entreprises, comprenant chacune une somme non négligeable en espèces ;

"-" les déclarations de MM. Pedro Y...et Manuel Z..., occupant des fonctions de responsabilité en leur qualité de chefs de chantier,- les déclarations de M. B..., dont la crédibilité est renforcée par les circonstances, dans lesquelles il a rétracté son mensonge initial,- les retraits d’espèces effectués sur le compte personnel d’Armand X... chaque mois à compter de mai 2010 pour un montant identique à celui effectué en novembre 2010 pour parvenir, de son propre aveu, au versement du numéraire compris dans les enveloppes ; que les versements antérieurs au 6 décembre 2010, dont la réalité est contestée par les quatre prévenus, n’apparaissent pas avoir été mentionnés aux bulletins de paie ; que l’intention de dissimuler ces versements résulte par ailleurs :

"-" de l’absence de mention des versements en espèces du 6 décembre 2010 aux bulletins de salaire de novembre 2010, alors que ces versements étaient concomitants aux versements par chèques qui avaient bien pu être pris en compte aux bulletins de paie,

"-" des contradictions existant quant à l’objet des espèces découvertes :

Mme Sylviane X..., qui a évoqué dans ses déclarations verbales lors du contrôle que la somme trouvée en espèces dans les enveloppes correspondait à une prime de fin d’année et en avait calculé le montant, s’avérait incapable de déterminer sa méthode de calcul, M. Armand Gilbert X... évoquait seulement une prime de Noël en remplacement d’une fête annulée, M. Christian X... faisait référence devant les enquêteurs, après avoir disposé d’un long temps de réflexion, à une prime exceptionnelle de fin d’année fonction de l’ancienneté et de la qualification, et soutenait devant la cour que les espèces comprenaient la compensation de la fête de fin d’année annulée, une prime par mois complet travaillé dans l’année, des remboursements téléphoniques et d’autres frais professionnels et une prime de rendement,

"-" de l’origine des espèces trouvées dans les enveloppes : de l’aveu même des prévenus, ces sommes provenaient de retraits d’espèces effectués sur leurs comptes personnels et aucune explication crédible n’a été fournie pour expliquer pourquoi une telle opération avait été effectuée, conduisant les responsables d’entreprises qui ne connaissaient pas de problème de trésorerie, à payer personnellement des salaires à la place des entreprises, et comment elle pouvait être passée en comptabilité. Par ailleurs, il apparaît qu’une somme équivalente à la somme retirée avait été préalablement virée des comptes des entreprises vers les comptes personnels de leurs responsables ; un tel montage, laisse apparaître la volonté de masquer les paiements de partie des salaires et primes dans la comptabilité des entreprises ;

"-" du mode de versement desdites sommes aux salariés ; en effet, en application des articles L. 112-6 du code monétaire et financier et 1 du décret n° 85-1073 du 7 octobre 1985, les salaires et traitements excédant 1 500 euros doivent être réglés par chèque barré, virement ou carte de paiement, et le total des sommes versées à chacun des salariés concernés par les enveloppes excédait à l’évidence la somme de 1 500 euros,- de la demande de M. Christian X... à son comptable le 6 décembre 2010, avant le contrôle, de régulariser la situation de seulement 4 des 32 salariés concernés par le versement de numéraire dans les enveloppes, alors qu’à l’en croire les modalités de calcul des 32 primes avaient d’ores et déjà été arrêtées ; que si la régularisation de la situation a bien été effectuée par la mention aux bulletins de paie de décembre 2010, des sommes découvertes dans les enveloppes, il y a lieu de constater d’une part que cette régularisation n’a été diligentée que le 17 décembre 2010, postérieurement à l’intervention des enquêteurs le 6 décembre 2010, et d’autre part que la régularisation n’a porté que sur les sommes découvertes dans les enveloppes, et non sur les versements en espèces antérieurs évoqués par certains des salariés entendus ; que le courriel adressé le 24 novembre 2010 par M. Christian X... à l’expert-comptable FIDEM pour lui demander de « prévoir les primes exceptionnelles pour l’ensemble des ouvriers des sociétés X... » et de les inscrire sur les prochaines fiches de paie, ne pouvait en toute hypothèse être suivi d’effet, faute de préciser le montant de ces primes ou leurs modalités de calcul. Il n’a d’ailleurs été donné aucune suite avant le 17 décembre 2010 et le nouveau courriel ne faisant aucune référence au précédent du 24 novembre 2010. Il ne peut en être déduit que les prévenus avaient d’ores et déjà décidé la régularisation des versements en espèces. Au surplus, ne peuvent être reçues qu’avec prudence, les déclarations des responsables de la société d’expertise comptable qui n’ont constaté aucune anomalie dans les comptes des quatre prévenus, et notamment dans le montant et la proportion des salaires, alors que de l’aveu même des prévenus des sommes significatives ont été réglées en numéraire retiré des comptes personnels des dirigeants ; qu’il est ainsi, suffisamment démontré que les quatre prévenus ont, au cours de l’année 2010, intentionnellement minoré sur les bulletins de salaire de certains de leurs salariés, les sommes réellement versées à titre de salaires et primes. C’est exactement que le premier juge les a déclarés coupables d’avoir commis ce délit et sa décision sera confirmée de ce chef ;

” 1°) alors que la dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que, n’entre pas dans les prévisions de ce texte, le fait pour l’employeur d’avoir délivré un bulletin de paie, ne mentionnant pas l’ensemble des versements en numéraire remis au salarié, une telle omission n’aboutissant pas à dissimuler une partie du travail exécuté par le salarié ; qu’en retenant, pour entrer en voie de condamnation du chef de travail dissimulé, que les prévenus avaient minoré sur les bulletins de salaire de certains de leurs salariés, les sommes réellement versées à titre de salaires et de primes, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;
” 2°) alors que la dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits, n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu’en se bornant à retenir, pour entrer en voie de condamnation du chef de travail dissimulé, que les prévenus avaient minoré sur les bulletins de salaire de certains de leurs salariés, les sommes réellement versées à titre de salaires et de primes, sans constater que le nombre d’heures réellement accompli avait été minoré, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
” 3°) alors qu’aux termes de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, nul ne peut être condamné pour une action ou pour une omission, qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction ; qu’il résulte de l’article 112-1 du code pénal, que la loi pénale étendant une incrimination à une nouvelle catégorie de faits ne peut s’appliquer à des faits commis avant son entrée en vigueur ; qu’en l’occurrence, à la date des faits, l’article L. 8221-5 du code du travail incriminait le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli ; que le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci, auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales n’a été incriminé que par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ; qu’en se fondant sur ce texte pour entrer en voie de condamnation, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;
” 4°) alors qu’il résulte des dispositions combinées des articles R. 3243-1 et R. 3243-6 du code du travail, que le fait de minorer sur des bulletins de salaire, les sommes réellement versées à titre de salaires et primes dès lors, qu’il n’est pas constaté que le nombre d’heures figurant sur les bulletins de salaire a été lui-même minoré, ne constitue qu’une contravention de troisième classe en sorte que les déclarations de culpabilité et les peines prononcées concernant un prétendu délit d’exécution de travail dissimulé méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines “ ;
Vu l’article 112-1 du code pénal, ensemble l’article L. 8221-5, 2°, du code du travail ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d’une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs ;
Attendu que, selon le second de ces textes, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du chef précité, l’arrêt retient les éléments tirés de l’enquête et, en particulier, les circonstances du contrôle, pour conclure que les salariés percevaient, avec régularité, en plus des sommes mentionnées sur leurs bulletins de paie, des sommes en numéraires, de montants variables et importants, démontrant ainsi que les quatre prévenus avaient intentionnellement minoré, sur les bulletins de paie, les sommes réellement versées à leurs employés à titre de salaires et primes ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans établir que ces versements en numéraires, ne figurant pas sur les bulletins de paie, correspondaient à des heures supplémentaires de travail, réellement accomplies et non déclarées, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision au regard des dispositions de l’article L. 8221-5, 2° du code du travail ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner le quatrième moyen de cassation,

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Basse-Terre, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2015, mais en ses seules dispositions relatives au délit de travail dissimulé et aux peines délictuelles prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Basse-Terre autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Basse-Terre et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Basse-Terre , du 3 février 2015