Présomption temps complet

Le : 24/10/2016

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 5 octobre 2016

N° de pourvoi : 15-16384

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01733

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée verbalement à compter du 20 février 2009 en qualité de vendeuse par la société Benalto (la société) ; que les parties ont convenu de l’établissement d’un contrat de travail à durée déterminée en date du 1er avril 2010 d’une durée de sept mois comportant une période d’essai d’un mois ; que le 3 mai 2010, la gérante de la société a notifié à la salariée la fin du contrat ; que celle-ci a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de la relation contractuelle ; que la société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 14 janvier 2011 puis d’une liquidation judiciaire par jugement du 18 novembre 2011 ; que cette procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif ; que M. Y..., mandataire ad hoc de la société est intervenu aux débats ;

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 3123-14 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en rappel de salaire au titre d’un contrat de travail à temps complet, l’arrêt retient qu’en l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge retenant que la salariée exerçait une autre activité professionnelle et ne travaillait pour l’employeur que très peu de jours par mois, a écarté la présomption selon laquelle faute d’écrit, le contrat de travail est réputé avoir été conclu à temps complet ;

Attendu, cependant, que l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet, et que l’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ;

Qu’en statuant ainsi, sans constater que l’employeur faisait la preuve de la durée exacte du travail mensuelle ou hebdomadaire convenue, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen emporte par voie de conséquence la cassation de l’arrêt du chef relatif à l’indemnité due pour travail dissimulé ;

Sur le troisième moyen :

Vu l’article L. 1221-20 du code du travail ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, l’arrêt énonce que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud’hommes retenant que la période d’essai comprise dans le contrat signé par la salariée était justifiée par le fait qu’elle était employée dans une boutique différente de celle où elle travaillait auparavant et selon un rythme différent et qu’il n’est pas contesté que le contrat a été rompu durant cette période d’essai ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les deux contrats successifs n’avaient pas pour objet le même emploi de vendeuse et si l’employeur n’avait pas eu l’occasion d’apprécier les qualités professionnelles de la salariée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il fixe la créance de Mme X... dans la liquidation de l’Eurl Benalto aux sommes de 891 euros au titre des salaires des mois de avril et mai 2010 et de 89,10 euros au titre des congés payés afférents, l’arrêt rendu le 20 février 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Y..., ès qualités de mandataire ad hoc de la société Benalto aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mme X... de sa demande de fixation de sa créance à la somme de 18.109,40 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre incidence congés payés à hauteur de 1.810,94 euros, de laquelle la somme nette de euros devrait venir en déduction ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’en l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est également par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge retenant que Mme X... exerçait une autre activité professionnelle et ne travaillait pour l’EURL Benalto que très peu de jours par mois, a écarté la présomption selon laquelle faute d’écrit, le contrat de travail est réputé avoir été conclu à temps complet et a débouté Mme X... de sa demande de rappel de salaire ; que le jugement doit être confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’aux termes de l’article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit ; qu’il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ;

Que Mme X... soutient qu’elle « travaillait selon les horaires d’ouverture du magasin et était à la disposition permanente de l’employeur » ; qu’elle affirme que ledit employeur ne peut, en l’espèce, démontrer qu’elle travaillait effectivement à temps partiel, ni qu’elle connaissait à l’avance ses horaires de travail ; qu’il ressort toutefois des éléments du dossier, que Mme X... exerçait une activité professionnelle autre au sein d’une agence immobilière spécialisée dans les locations saisonnières, et qu’elle ne se rendait au magasin qu’une dizaine de jours en moyenne par mois ; qu’il ne peut être déduit de ces éléments qu’elle se tenait à l’entière disposition de son employeur ; que la présomption selon laquelle, faute d’écrit, le contrat a été conclu pour un horaire à temps complet, se trouve ainsi combattue ; que dès lors, Mme X... sera déboutée de sa demande en rappel de salaire ;

ALORS QUE l’absence de contrat de travail écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle, prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet, et l’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; qu’en écartant la présomption selon laquelle, faute d’écrit, le contrat a été conclu pour un horaire à temps complet aux motifs inopérants que la salariée exerçait une autre activité professionnelle et ne travaillait pour l’EURL Benalto que très peu de jours par mois, sans constater que l’employeur démontrait la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenu, ni que la salariée était en mesure de prévoir à quel rythme elle devrait travailler, la Cour d’appel a violé l’article L. 3123-14 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR fixé à la liquidation judiciaire de l’EURL Benalto la somme de 2.226 euros seulement due à Mme X... au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge retenant notamment que l’existence d’une prestation de travail de vendeuse du 20 février 2009 au 31 mars 2010 est établie et non contestée par le CGEA, que l’EURL Benalto n’a pas régularisé son dossier d’adhésion au « titre emploi service entreprise » et n’a pas déclaré Mme X... durant cette période, a fait droit dans son principe à la demande au titre du travail dissimulé et lui a alloué à ce titre, en application de l’article L. 8223-1 du Code du travail, la somme de 2.226 euros correspondant à six mois de salaire sur la base du salaire mensuel moyen ; que les parties n’apportent pas en cause d’appel d’éléments nouveaux de nature à remettre en cause la décision du conseil de prud’hommes sur ce point tant sur le principe que sur le montant ; qu’en l’absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c’est également par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge retenant que Mme X... exerçait une autre activité professionnelle et ne travaillait pour l’EURL Benalto que très peu de jours par mois, a écarté la présomption selon laquelle faute d’écrit, le contrat est réputé avoir été conclu à temps complet et a débouté Mme X... de sa demande de rappel de salaire ; que le jugement doit être confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES, sur le travail dissimulé, QU’il résulte donc de l’ensemble du dossier que Mme X... a exercé une activité salariée non déclarée, mais seulement à compter de juin 2009, puisqu’elle a été rémunérée en avril et mai 2009 par le système du « Chèque Emploi Service » ; qu’elle percevait, selon les éléments du dossier, un salaire moyen mensuel de 371 € ; qu’elle se trouve ainsi fondée à solliciter paiement, en application de la disposition précitée [article L. 8221-5 du Code du travail] et de l’article L. 8223-1 du Code du travail, de la somme de 2.226 € ;

ENFIN, AUX MOTIFS ENCORE ADOPTES, sur le rappel de salaire, QU’aux termes de l’article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit ; qu’il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat ;

Que Mme X... soutient qu’elle « travaillait selon les horaires d’ouverture du magasin et était à la disposition permanente de l’employeur » ; qu’elle affirme que ledit employeur ne peut, en l’espèce, démontrer qu’elle travaillait effectivement à temps partiel, ni qu’elle connaissait à l’avance ses horaires de travail ; qu’il ressort toutefois des éléments du dossier, que Mme X... exerçait une activité professionnelle autre au sein d’une agence immobilière spécialisée dans les locations saisonnières, et qu’elle ne se rendait au magasin qu’une dizaine de jours en moyenne par mois ; qu’il ne peut être déduit de ces éléments qu’elle se tenait à l’entière disposition de son employeur ; que la présomption selon laquelle, faute d’écrit, le contrat a été conclu pour un horaire à temps complet, se trouve ainsi combattue ; que dès lors, Mme X... sera déboutée de sa demande en rappel de salaire ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de dispositif déboutant Mme X... de sa demande de rappel de salaires fondée sur l’existence d’un contrat de travail à temps plein et non seulement à temps partiel entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif ayant limité le montant de l’indemnité due pour travail dissimulée, devant correspondre à six mois de salaire en application de l’article L. 8223-1 du Code du travail, qui a été calculée en se fondant sur un salaire moyen mensuel de 371 € correspondant à une activité salariée à temps partiel, en application de l’article 624 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Mme X... de sa demande tendant à voir dire que la rupture des relations contractuelles au 3 mai 2010 était abusive et, en conséquence, de l’AVOIR déboutée de sa demande de fixation de sa créance à la somme de 8.190 euros, représentant le montant des salaires qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme de son contrat de travail en application des dispositions de l’article L. 1243-4 du Code du travail ;

AUX MOTIFS QUE c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Conseil de prud’hommes retenant que la période d’essai comprise dans le contrat signé par la salariée était justifiée par le fait qu’elle était employée dans une boutique différente de celle où elle travaillait auparavant et selon un rythme différent, qu’il n’est pas contesté que le contrat a été rompu durant cette période d’essai, a estimé que cette rupture n’est pas abusive et a débouté Mme X... de sa demande de rappel de salaire fondée sur l’article L. 1243-4 du Code du travail ; que Mme X... ne soulève aucun moyen nouveau et ne verse aucune pièce nouvelle en appel de nature à remettre en cause cette décision ; que le jugement doit être confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l’article L. 1221-20 du Code du travail, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ; qu’un contrat de travail à durée déterminée a été signé entre l’EURL Benalto et Mme X... le 1er avril 2010 ; qu’il comportait une période d’essai (art. IV) d’une durée d’un mois ; qu’il n’est pas contesté que le préavis expirait le 8 mai, à cause des absences de la salariée les 19, 20, 21 et 26 avril ; que la gérante a mis fin à cette période par courrier daté du 3 mai ; que cette rupture ne peut être remise en cause puisque Mme X... devait être embauchée, selon ses écritures (conclusions p. 2), « à l’occasion de l’ouverture d’un magasin à l’enseigne « J’adore » au 33 boulevard Victor Hugo à St Rémy » ; qu’outre le fait qu’il s’agissait d’une « nouvelle boutique », Mme X... était employée « selon un horaire à temps complet » (ibid.) ; qu’ainsi la rupture des relations contractuelles pendant cette période d’essai, déterminée dans un contrat signé par la requérante, n’est pas abusive ; que Mme X... sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire ;

1) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de dispositif déboutant Mme X... de sa demande de rappel de salaires fondée sur l’existence d’un premier contrat de travail à temps plein et non seulement à temps partiel entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif l’ayant déboutée de sa demande de fixation de sa créance à la somme de 8.190,18 euros, représentant le montant des salaires qu’elle aurait dû percevoir jusqu’au terme de son second contrat de travail conclu à durée déterminée avec le même employeur, en application des dispositions de l’article L. 1243-4 du Code du travail, dès lors que, pour écarter cette demande, la Cour d’appel a jugé que la période d’essai, au cours de laquelle l’employeur avait rompu le contrat, était justifiée en retenant, par des motifs erronés critiqués par le premier moyen, que le second contrat avait un objet distinct du premier puisqu’il visait un temps plein au lieu d’un temps partiel, en application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2) ALORS QU’en toute hypothèse en présence de deux contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, la période d’essai stipulée dans le second contrat n’est licite qu’à la condition que ce contrat ait été conclu pour pourvoir un emploi différent de celui objet du premier contrat ; qu’en retenant la période d’essai comprise dans le second contrat de travail conclu le 1er avril 2010 entre l’EURL Benalto et Mme X... étaient justifiée aux motifs inopérants que la salariée devait être employée dans une boutique différente et selon un rythme différent, pour en déduire que l’employeur avait pu rompre ce contrat à l’issue de la période d’essai prévue, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée (v. conclusions d’appel de Mme X..., p. 12, antépénultième al.), si comme le premier contrat de travail conclu entre les mêmes parties, exécuté du 20 février 2009 au 31 mars 2010, le second contrat n’avait pas pour objet le même emploi de vendeuse et si l’employeur n’avait pas déjà eu, en conséquence, tout loisir d’apprécier les qualités professionnelles de la salariée, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1221-20 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 20 février 2015