Différence entre temps de travail effectif et astreinte

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 septembre 2021, 19-26.331, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 19-26.331
ECLI:FR:CCASS:2021:SO00993
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 15 septembre 2021
Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar, du 19 novembre 2019

Président
M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Célice, Texidor, Périer
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION


Audience publique du 15 septembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 993 F-D

Pourvoi n° P 19-26.331

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [E].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

La société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervention sociale (MEITIS), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 19-26.331 contre l’arrêt rendu le 19 novembre 2019 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à M. [L] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervention sociale, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [E], après débats en l’audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 19 novembre 2019), M. [E] a été engagé le 27 décembre 2014 en qualité d’éducateur spécialisé par la société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervention sociale (MEITIS), qui applique la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

2. Ses missions ont consisté à encadrer des jeunes en difficultés, de janvier 2015 à juillet 2016 au sein du Cirque d’Europe, puis de septembre 2016 à mai 2017 au sein d’une équipe éducative dans un centre en Ardèche, selon une durée du travail de 35 heures hebdomadaires organisée par quatorzaine de 70 heures au rythme d’une semaine de travail suivie d’une semaine de repos.

3. Le 13 juin 2017, une mise à pied disciplinaire lui a été notifiée.

4. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale, le 5 mars 2018, de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

6. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d’heures supplémentaires outre congés payés afférents, au titre du défaut d’information des droits au repos compensateur outre congés payés afférents, à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, pour violation des durées maximales de travail, pour violation du repos journalier, pour violation des temps de pause, et à titre de frais irrépétibles d’appel, alors :

« 1°/ que constitue du temps de travail effectif, donnant lieu à paiement du salaire, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu’en revanche, ne constituent pas du temps de travail effectif, au sens de l’article L. 3121-1 du code du travail, les heures pendant lesquelles le salarié, qui se trouve en déplacement dans le cadre de son emploi, n’effectue pas de prestation de travail effectif mais se trouve au contraire en heures de repos durant lesquelles il peut vaquer librement à des occupations personnelles ; que pour démontrer l’absence de fondement des demandes de rappels d’heures supplémentaires formulées par M. [E] au titre de sa période d’emploi au sein du Cirque d’Europe de janvier 2015 à juillet 2016, puis lors de séjours en Ardèche de septembre 2016 à mai 2017, la société MEITIS faisait valoir que le salarié ne travaillait pas 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pendant ces périodes -comme il le prétendait- mais disposait au contraire de temps de repos durant lesquels il pouvait vaquer librement à des occupations personnelles de 10 heures à 12 heures, de 14 heures à 17 heures, puis de 22 heures à 8 heures du matin, de sorte qu’il travaillait 9 heures par jour, et non 24 heures par jour comme allégué ; que pour faire droit intégralement aux demandes de M. [E], la cour d’appel a retenu que celui-ci a produit des décomptes faisant ressortir "l’obligation [du salarié] pour assurer la prise en charge des adolescents dans des lieux en dehors d’un établissement (en suivant l’itinérance d’une troupe de cirque) avec des hébergement précaires (caravane ou location de chambres dans des centres de vacances) de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur" ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que pendant les heures qualifiées de "permanence à la disposition de l’employeur", le salarié supportait des sujétions particulières caractérisant l’impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d’appel a violé l’article L. 3121-1 du code du travail ;

2°/ que constitue un temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que les heures de permanence, pendant lesquelles le salarié a seulement l’obligation de demeurer à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise en cas de nécessité, ne constituent pas du temps de travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du code du travail ; qu’en se bornant en l’espèce à faire état -pendant sa période d’emploi au sein du Cirque d’Europe, puis lors des séjours en Ardèche- de "l’obligation [du salarié] pour assurer la prise en charge des adolescents dans des lieux en dehors d’un établissement (en suivant l’itinérance d’une troupe de cirque) avec des hébergement précaires (caravane ou location de chambres dans des centres de vacances) de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur", sans constater que durant l’intégralité de la journée, soit de 00 heure à 23 heures 59, le salarié supportait des sujétions particulières caractérisant l’impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles et ne pouvait notamment pas dormir, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ qu’en s’abstenant de vérifier, comme elle y était invitée, si les heures durant lesquelles le salarié était tenu, selon l’arrêt, "de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur" ne correspondaient pas, tout au plus, à des heures d’astreinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-9 du code du travail :

7. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

8. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

9. Pour condamner l’employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de la durée du travail, l’arrêt retient que le salarié produit des décomptes corroborés par de nombreux témoignages de collègues faisant ressortir l’obligation, pour assurer la prise en charge des adolescents dans des lieux en dehors d’un établissement (en suivant l’itinérance d’une troupe de cirque) avec des hébergements précaires (caravanes ou location de chambres dans des centres de vacances), de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le salarié supportait des sujétions particulières caractérisant l’impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles durant l’intégralité des semaines travaillées en-dehors d’un établissement ou était soumis à un régime d’astreinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. L’employeur fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts exclusifs, à la date du jugement, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, et de le condamner au rachat de ses parts sociales et au versement de dividendes afférents, alors « que la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, par application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation, sur le fondement du premier moyen de cassation, des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant la société MEITIS au paiement de rappels d’heures supplémentaires et de repos compensateurs entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de la société MEITIS au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l’arrêt. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs du dispositif relatifs à la rupture du contrat de travail, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne la société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervention sociale à payer à M. [E] les sommes de 42 000 euros à titre d’heures supplémentaires outre 4 200 euros de congés payés afférents, 22 000 euros au titre du défaut d’information des droits au repos compensateur outre 2 200 euros de congés payés afférents, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2018, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du repos journalier, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des temps de pause, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt, et en ce qu’il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervention sociale, à la date du jugement, juge le licenciement de M. [E] sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il condamne la société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervertion sociale à payer à M. [E] les sommes de 10 317,68 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 513,98 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement, 5 158,84 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 515,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents, et la condamne au rachat de ses parts sociales et au versement de dividendes afférents, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et à supporter les entiers dépens d’appel, l’arrêt rendu le 19 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Mission éducative, d’insertion, de travail et d’intervention sociale

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d’AVOIR condamné la SCOP MEITIS à payer à monsieur [E] les sommes de 42.000 € et de 4.200 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2018 au titre des heures supplémentaires et congés payés, 22.000 € et 2.200 € pour défaut d’information des droits au repos compensateur et congés payés, 500 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 500 € de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail, 500 € de dommages et intérêts pour violation du repos journalier, 500 € de dommages et intérêts pour violation des temps de pause, et 2.000 € frais irrépétibles d’appel ;

AUX MOTIFS QUE « le jugement doit être confirmé sur l’annulation de la mise à pied disciplinaire ainsi que par voie de dépendance nécessaire sur la condamnation de la Sarl à payer le salaire y afférent ; Qu’en effet pas plus qu’en première instance ainsi que l’ont relevé les premiers juges, il n’est établi avec certitude que monsieur [E] avait connaissance des directives prétendument contenues dans le dossier de l’adolescent qu’il accompagnait et à cet égard la seule production d’un message électronique de Y ? qui de manière non suffisamment circonstanciée explique que l’appelant devait savoir et qu’il lui était possible d’aller chercher des éléments, constitue un moyen dépourvu de valeur probante suffisante ; Attendu qu’en revanche sur les prétentions afférentes à la durée du travail monsieur [E] est fondé à critiquer le jugement ; Que d’abord ainsi que le soulève la Sarl il échet de constater que l’action ayant été introduite le 5 mars 2018 les réclamations salariales antérieures au 5 mars 2015 s’avèrent irrecevables comme prescrites ; Attendu que pour le surplus au contraire de l’appréciation des premiers juges c’est suffisamment que monsieur [E], ainsi que le lui impose l’article L. 3171-4 du Code du Travail, étaye sa réclamation au titre des heures supplémentaires et ouverture de l’information du droit au repos pour celles exécutées au-delà du contingent ; Qu’il produit des décomptes corroborés par de nombreux témoignages de collègues faisant ressortir l’obligation pour assurer la prise en charge des adolescents dans des lieux en dehors d’un établissement (en suivant l’itinérance d’une troupe de cirque) avec des hébergements précaires (caravanes ou location de chambres dans des centres de vacances) de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur ; Que la Sarl ne satisfait pas suffisamment au prescrit de l’article L. 3171-4 qui lui commande de justifier des horaires ; Qu’en produisant quelques témoignages de salariés elle entend faire ressortir que dans la journée monsieur [E] aurait pu vaquer à des occupations personnelles ; Que cependant les exemples de relevés d’heures quasi illisibles qu’elle produit ne permettent pas de vérifier les horaires ; Qu’en vain elle argue de la carence du salarié à lui transmettre ses relevés d’heures alors qu’elle ne prouve pas - ni du reste n’allègue - qu’elle avait usé de son pouvoir disciplinaire pour faire respecter ses prétendues directives en ce sens ; Qu’elle ne tente pas de décrire l’organisation des équipes de salariés sur les lieux de mission ainsi que le moyen de contrôle du respect des horaires ni de l’accès des droits au repos, étant rappelé qu’en matière de respect des durées maximales de travail et respect des pauses - ce qui conditionne la prise en compte du système d’équivalence notamment pour les nuits de veille - c’est sur l’employeur que pèse exclusivement la charge de la preuve ; Que d’ailleurs monsieur [E] communique au dossier un message électronique dont il a avec ses collègues été destinataire le 13 juin 2016, émanant de son chef de service, annonçant à ceux-là que ’l’équipe dirigeante MEITIS vous demande de remplacer dorénavant les éducateurs absents durant leur service faisant partie de vos équipes. Etant donné le contexte actuel nous ne pourrons plus remplacer les éducateurs. Ce sera à vous de prendre en charge.’ et dont il s’évince la confirmation de la carence de la Sarl en matière de durée du travail, accès au repos et non justification des horaires ainsi que c’était bien à sa demande que l’appelant exécutait des heures supplémentaires ; Attendu que déduction faite des montants atteints par la prescription, et en observant que monsieur [E] a établi d’exacts calculs des heures supplémentaires et de privation d’information des droits au repos compensateur en infirmant le jugement il échet outre congés payés de condamner la Sarl à payer respectivement de ces chefs les sommes de 42.000 euros et 22.000 euros ; Attendu que toutefois faute de preuve suffisante d’une intention dolosive de recourir au travail dissimulé, le jugement sera confirmé sur la demande d’indemnité légale à ce titre ; Attendu que consécutivement par infirmation du jugement il convient de réparer intégralement les préjudices subis par monsieur [E] au titre des violations des amplitudes, des repos, des temps de pause et de l’exécution déloyale du contrat de travail par la condamnation de la Sarl à payer pour chaque chef la somme de 500 euros ; Attendu que sans astreinte la Sarl devra remettre des bulletins de paye conforme à l’arrêt » ;

1. ALORS QUE constitue du temps de travail effectif, donnant lieu à paiement du salaire, le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu’en revanche, ne constituent pas du temps de travail effectif, au sens de l’article L. 3121-1 du code du travail, les heures pendant lesquelles le salarié, qui se trouve en déplacement dans le cadre de son emploi, n’effectue pas de prestation de travail effectif mais se trouve au contraire en heures de repos durant lesquelles il peut vaquer librement à des occupations personnelles ; que pour démontrer l’absence de fondement des demandes de rappels d’heures supplémentaires formulées par Monsieur [E] au titre de sa période d’emploi au sein du Cirque d’Europe de janvier 2015 à juillet 2016, puis lors de séjours en Ardèche de septembre 2016 à mai 2017, la SCOP MEITIS faisait valoir que le salarié ne travaillait pas 24 heures sur 24, 7 jour sur 7, pendant ces périodes - comme il le prétendait - mais disposait au contraire de temps de repos durant lesquels il pouvait vaquer librement à des occupations personnelles de 10 heures à 12 heure, de 14 heures à 17 heures, puis de 22 heures à 8 heures du matin, de sorte qu’il travaillait 9 heures par jour, et non 24 heures par jour comme allégué ; que pour faire droit intégralement aux demandes de Monsieur [E], la cour d’appel a retenu que celui-ci a produit des décomptes faisant ressortir « l’obligation [du salarié] pour assurer la prise en charge des adolescents dans des lieux en dehors d’un établissement (en suivant l’itinérance d’une troupe de cirque) avec des hébergement précaires (caravane ou location de chambres dans des centres de vacances) de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que pendant les heures qualifiées de « permanence à la disposition de l’employeur », le salarié supportait des sujétions particulières caractérisant l’impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d’appel a violé l’article L. 3121-1 du code du travail ;

2. ALORS, ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE constitue un temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que les heures de permanence, pendant lesquelles le salarié a seulement l’obligation de demeurer à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise en cas de nécessité, ne constituent pas du temps de travail effectif au sens de l’article L. 3121-1 du code du travail ; qu’en se bornant en l’espèce à faire état - pendant sa période d’emploi au sein du Cirque d’Europe, puis lors des séjours en Ardèche - de « l’obligation [du salarié] pour assurer la prise en charge des adolescents dans des lieux en dehors d’un établissement (en suivant l’itinérance d’une troupe de cirque) avec des hébergement précaires (caravane ou location de chambres dans des centres de vacances) de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur », sans constater que durant l’intégralité de la journée, soit de 00 h à 23 h 59, le salarié supportait des sujétions particulières caractérisant l’impossibilité pour lui de vaquer librement à des occupations personnelles et ne pouvait notamment pas dormir, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

3. ALORS, A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QU’en s’abstenant de vérifier, comme elle y était invitée, si les heures durant lesquelles le salarié était tenu, selon l’arrêt, « de se maintenir en permanence à la disposition de l’employeur » ne correspondaient pas, tout au plus, à des heures d’astreinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-9 du code du travail ;

4. ALORS QU’en s’abstenant de répondre au moyen de la SCOP MEITIS par lequel elle faisait valoir que les nuits durant lesquelles il était exceptionnellement « de veille », Monsieur [E] ne travaillait pas le jour, dormait alors en « chambre de veille » et percevait à ce titre une rémunération selon un mécanisme d’horaire d’équivalence, de sorte que ces heures ne correspondaient pas à du temps de travail effectif de droit commun, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QU’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties ; qu’en faisant droit intégralement à la demande du salarié sans tenir compte des pièces produites par la SCOP MEITIS, à savoir des attestations de plusieurs de ses collègues indiquant que la journée de travail de Monsieur [E] était de seulement 9 heures, ainsi que des relevés contresignés par ce dernier faisant état de durées de de travail inférieures (pièces d’appel n° 7, 8, 9, 17 et 18), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société MEITIS à régler à Monsieur [E] les sommes de 1.214,86 € à titre de rappel de salaire suite à l’annulation de la mise à pied disciplinaire, outre 121,48 € de congés payés au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent :

AUX MOTIFS QUE « le jugement doit être confirmé sur l’annulation de la mise à pied disciplinaire ainsi que par voie de dépendance nécessaire sur la condamnation de la Sarl à payer le salaire y afférent ; Qu’en effet pas plus qu’en première instance ainsi que l’ont relevé les premiers juges, il n’est établi avec certitude que monsieur [E] avait connaissance des directives prétendument contenues dans le dossier de l’adolescent qu’il accompagnait et à cet égard la seule production d’un message électronique de Mme [M] qui de manière non suffisamment circonstanciée explique que l’appelant devait savoir et qu’il lui était possible d’aller chercher des éléments, constitue un moyen dépourvu de valeur probante suffisante » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « conformément à l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales prise par l’employeur à la suite d’Un agissement du salarié considéré par l’employeur comme falun I, que cette rrusure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. ". L’article L. 1333-1 du code du travail précise quant à lui qu’ « en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction ». Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes rotule sa conviction ai très avoir ordonné eu cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. ". En l’espèce, Monsieur [E] a été mis à pied du 5 mai 2017 au 17 mai 2017 suite à un incident qui est survenu à l’occasion d’une visite médiatisée organisée pour le jeune [X]. En l’espèce Monsieur [E] s’est vu confier l’acheminement d’un adolescent la veille pour le lendemain. il semblerait, que le dossier de cet adolescent comportant des éléments précis. Il n’est pas démontré que Monsieur [E] ait pu prendre connaissance de l’ensemble des éléments du dossier. Le doute profitant au salarié en l’espèce, le Conseil décide que la mise à pied est injustifiée. En conséquence le Conseil condamne la défenderesse à payer au demandeur les salaires retenus injustement au titre cette sanction avec les congés payés y afférents » ;

1/ ALORS QUE pour juger infondée la mise à pied disciplinaire du 13 juin 2017, la cour d’appel s’est bornée à retenir que l’incident survenu le 27 avril 2017 avec le jeune [X] n’était pas suffisamment établi ; qu’en statuant ainsi, sans tenir compte du second grief reproché au salarié dans la lettre de mise à pied disciplinaire tenant à la tenue par le salarié de propos outranciers et insultants à l’encontre de l’employeur (conclusions p. 15 avant dernier §), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE pour écarter le manquement reproché au salarié relatif à l’incident survenu le 27 avril 2017 avec le jeune [X] la cour d’appel a retenu qu’ « il n’est établi avec certitude que monsieur [E] avait connaissance des directives prétendument contenues dans le dossier de l’adolescent » ; qu’en statuant ainsi sans s’expliquer sur les écritures de la SCOP MEITIS soutenant que le salarié avait lui-même reconnu avoir pris connaissance du dossier du jeune adolescent dans un courriel du 28 avril 2017 (conclusions p. 15 § 6), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [E] aux torts exclusifs de la société MEITIS, à la date du jugement, d’AVOIR jugé le licenciement de Monsieur [E] sans cause réelle et sérieuse, d’AVOIR condamné la société MEITIS à régler à Monsieur [E] les sommes de 10.317,68 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4.513,98 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, 5.158,84 € d’indemnité compensatrice de préavis, outre 515,88 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférent, et d’AVOIR condamné la société MEITIS au rachat à Monsieur [E] de ses parts sociales et le versement de dividende afférent :

AUX MOTIFS QUE « de tout ce qui précède se trouvent suffisamment constitués à la charge de la Sarl la commission durable de manquements à ses obligations d’une gravité telle qu’ils faisaient obstacle à la poursuite d’exécution du contrat de travail ; Que ces constatations justifient la confirmation du jugement sur le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que les condamnations à ce titre seront confirmées en ce qu’elles ont pour objet les exactes indemnités de rupture et la réparation intégrale du préjudice du salarié » ;

1/ ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, par application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation, sur le fondement du premier moyen de cassation, des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant la SCOP MEITIS au paiement de rappels d’heures supplémentaires et de repos compensateurs entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de la SCOP MEITIS au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l’arrêt ;

2/ ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que, par application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation, sur le fondement du deuxième moyen de cassation, des chefs de dispositif de l’arrêt annulant la mise à pied disciplinaire du salarié entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif prononçant la résiliation du contrat de travail aux torts de la SCOP MEITIS au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l’arrêt ;

3/ ALORS QUE la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être écartée lorsque les faits invoqués à son appui ont cessé au jour où le juge statue ; que pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à effet du 27 septembre 2018, la cour d’appel a considéré que justifiait cette résiliation l’absence de paiement d’heures supplémentaires au titre de sa période d’emploi au sein du Cirque d’Europe de janvier 2015 à juillet 2016, puis lors des séjours en Ardèche de septembre 2016 à mai 2017, et l’annulation de sa mise à pied disciplinaire du 13 juin 2017 ; qu’en prononçant ainsi la résiliation judiciaire du contrat de travail sur la base de manquements ayant disparu au jour de son prononcé, sans indiquer en quoi ils faisaient néanmoins obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail et 1103, 1104, 1193 et 1224 du code civil.