non validité accord entreprise

Le : 13/05/2017

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 26 avril 2017

N° de pourvoi : 15-15671

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00706

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal de l’employeur :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2015) et les pièces de la procédure, que Mme X... a été engagée par la société Algoe et exerçait, en dernier lieu, les fonctions de manager senior ; qu’en application d’un accord d’entreprise du 8 mars 1999, la salariée a conclu une convention individuelle de forfait en jours ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, alors, selon le moyen, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l’accord relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de temps du 8 mars 1999, applicable au sein de la société Algoe, qui prévoit, s’agissant des conventions de forfait jours conclus avec les consultants (compris les cadres administratifs autonomes), que compte tenu de « notre forme d’organisation fondée sur l’autonomie et la responsabilité individuelle dans la gestion du temps de travail » (préambule), « chaque salarié établi [t] mensuellement un compte-rendu d’activité » (art. 32) « comport [ant] une ligne spécifique pour l’imputation des jours de temps disponible » (art. 4. 4) ; que cet accord dispose en outre que « la mise en oeuvre de l’accord et le rééquilibrage de l’économie de production de la société seront suivis et accompagnés par un groupe projet spécifique qui communiquera régulièrement les résultats atteints et les difficultés rencontrées (…). Au-delà de la première année, la commission se réunira deux fois par an aux fins de veiller au bon suivi du présent accord et/ ou d’y apporter des correctifs si nécessaire. A cette occasion, il sera remis aux membres de la commissions les informations suivantes : l’état des effectifs, l’état des dépassements ou déficits d’horaires et les conditions de leur récupération, l’état de la prise des jours de temps disponible pour les consultants, les projets nouveaux nécessités par l’évolution de l’entreprise, une statistique sur les rémunérations, les actions de formations réalisées » (art. 6) ; que ces dispositions sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail des salariés restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de ces derniers, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés ; qu’en affirmant que l’accord d’entreprise applicable à la société Algoe ne comportait aucune stipulation de nature à assurer le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, la cour d’appel a violé les dispositions de l’accord relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de temps du 8 mars 1999, ensemble l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 93/ 104/ CEE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
Mais attendu, d’abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;
Attendu, ensuite, qu’il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l’article 17, § § 1 et 4 de la directive 93/ 104/ CEE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des articles susvisés des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;
Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;
Et attendu que les dispositions de l’accord d’entreprise du 8 mars 1999, qui se limitent à prévoir que chaque salarié établit mensuellement un compte-rendu d’activité, et que la mise en oeuvre de l’accord et le rééquilibrage de l’économie de production de la société seront suivis et accompagnés par un groupe de projet spécifique qui communiquera régulièrement les résultats atteints et les difficultés rencontrées, qu’au-delà de la première année, la commission se réunira deux fois par an aux fins de veiller au bon suivi du présent accord et/ ou d’y apporter des correctifs si nécessaire, qu’à cette occasion, il sera remis aux membres de la commission les informations suivantes : l’état des effectifs, l’état des dépassements ou déficits horaires et les conditions de leur récupération, l’état de la prise des jours de temps disponible pour les consultants, les projets nouveaux nécessités par l’évolution de l’entreprise, une statistique sur les rémunérations, les actions de formations réalisées, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; qu’il en résulte que la convention de forfait en jours était nulle ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches du premier moyen et sur le second moyen du pourvoi principal de l’employeur, et sur le pourvoi incident de la salariée, qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu’incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Algoe
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société Algoe à verser à Mme Maud X... les sommes de 190 418, 93 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées au cours des années 2008, 2009 et 2010 outre 19 000 € au titre des congés payés y afférents et d’AVOIR condamné la société Algoe à verser à Mme Maud X... la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l’espèce, Mme X... expose que la convention de forfait prévu à son contrat de travail est nulle comme ne déterminant pas le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue, cette convention étant rédigée comme suit :

« Il est entendu que votre rémunération dans son ensemble constitue une convention de forfait, soit la contrepartie forfaitaire de votre activité dans le cadre de l’horaire hebdomadaire collectif appliqué ainsi que tous les dépassements que vous pourrez être amenés à effectuer compte tenu de vos responsabilités, de la position de cadre que vous occupez, de la disponibilité qu’implique la nature de votre activité et de la latitude dont vous disposerez dans l’organisation de vos horaires. ».

Elle ajoute que cette clause ne peut en aucun cas tenir lieu de convention de forfait jour valide, la convention de forfait en jours devant fixer précisément le nombre de jours travaillés par le salarié concerné.

L’employeur soutient que la convention de forfait jour de la salariée est parfaitement valide et conforme à l’accord relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail du 8 mars 1999 applicable au sein de la société qui prévoit que les consultants sont en forfait jours à 205, 5 jours travaillés.

Cet accord comporte des modalités sur la réduction du temps de travail concernant les consultants qui se fera dans un cadre annuel et sous forme d’octroi de jours de temps disponible supplémentaires fixés à 22, 5 jours rapportés à 227 jours travaillés.

Aux termes de l’article L. 3121-39 du code du travail, la conclusion d’une convention individuelle de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine la catégorie de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

L’accord d’entreprise invoqué par l’employeur ne comporte aucune stipulation assurant la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Le contrat de travail ne mentionne ni la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, ni le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu’il percevrait en l’absence de convention compte tenu des majorations pour heures supplémentaires ;

Ni l’un ni l’autre de ces éléments contractuels ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc, à assurer la protection de sa sécurité de sa santé.

La convention de forfait prévue au contrat de travail est donc nulle et Mme X... est en droit de réclamer le paiement d’heures supplémentaires effectuées au delà de la durée légale du travail.

Elle expose qu’elle travaillait bien plus que 35 heures par semaine comme le prévoyait le contrat de travail et pour étayer ses dires, produit notamment :

"-" plusieurs attestations de collègues qui déclarent qu’elle délivrait toujours les résultats attendus en travaillant très régulièrement le soir ou le week-end

"-" un relevé jour par jour des heures accomplies pour les années 2008, 2009 et 2010

"-" son agenda 2010 et des extraits de ceux des années 2008 et 2009

"-" des justificatifs de ces heures consistant notamment en courriels adressés sur sa messagerie professionnelle à ses interlocuteurs en dehors de l’horaire hebdomadaire collectif Elle produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande en paiement de la somme de 190 418, 93 € au titre des heures supplémentaires accomplies au cours des années 2008, 2009 et 2010..

La société Algoe critique les tableaux produits par Mme X... à l’appui de sa demande au motif qu’ils ne permettent pas d’établir la réalité des heures de travail qu’elle a réalisées et produit un tableau faisant état de l’ensemble de ses jours de travail dont elle déduit que la salariée n’a jamais indiqué avoir dépassé le nombre de jours de travail prévu par mois et qu’elle a toujours pu prendre ses jours de RTT et ses congés payés.

Le tableau présenté par l’intimée n’est assorti d’aucun commentaire et ne permet pas de déterminer les heures de travail effectuées par la salariée. Par ailleurs, l’employeur ne conteste pas utilement les tableaux explicites et complets produits par Mme X... à l’appui de sa demande, se contentant de s’indigner du quantum réclamé.

Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité, que Mme X... a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées qu’elle revendique. Il sera fait droit à sa demande à hauteur de 190 418, 93 €, ainsi qu’à celle correspondant aux congés payés incidents, soit la somme de 19 000 €.

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce comme le démontre la présente procédure qui n’a pas été précédée d’incidents sur les horaires de travail, et Mme X... sera déboutée de la demande faite à ce titre ;

(…) La société Algoe sera condamnée aux dépens d’appel et versera à Mme X... la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile » ;
1°) ALORS QUE le juge doit respecter l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, Mme X... qui contestait la validité de la clause de forfait contenue dans son contrat de travail, se bornait à soutenir que ladite clause était nulle faute de précision sur le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue (cf. p. 8), qu’elle ne pouvait tenir lieu de convention de forfait-jours puisqu’elle ne précisait pas le nombre de jours travaillés et que la cour de cassation avait déjà déclaré nulles les convention de forfait prises en application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (Syntec) ; qu’en réponse, la société Algoe faisait valoir, à titre principal, que la salariée était soumise à une convention de forfait jours parfaitement valide et conforme à l’accord d’entreprise relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail applicable qui prévoit que les consultants sont en forfait jours (205, 5 jours travaillés) ; qu’en jugeant que la convention de forfait prévue au contrat était nulle dès lors que l’accord d’entreprise invoqué par l’employeur ne comportait aucune stipulation assurant la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, lorsque ce point n’était discuté par aucune des parties, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge doit en toute circonstance respecter le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en relevant d’office le moyen pris de ce que l’accord d’entreprise invoqué par l’employeur ne comportait aucune stipulation assurant la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, sans provoquer les observations des parties sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; que tel est le cas de l’accord relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de temps du 8 mars 1999, applicable au sein de la société Algoe, qui prévoit s’agissant des conventions de forfait jours conclus avec les consultants (compris les cadres administratifs autonomes) que compte tenu de « notre forme d’organisation fondée sur l’autonomie et la responsabilité individuelle dans la gestion du temps de travail » (préambule), « chaque salarié établi [t] mensuellement un compte-rendu d’activité » (art. 32) « comport [ant] une ligne spécifique pour l’imputation des jours de temps disponible » (art. 4. 4) ; que cet accord dispose en outre que « la mise en oeuvre de l’accord et le rééquilibrage de l’économie de production de la société seront suivis et accompagnés par un groupe projet spécifique qui communiquera régulièrement les résultats atteints et les difficultés rencontrées (…). Au-delà de la première année, la commission se réunira deux fois par an aux fins de veiller au bon suivi du présent accord et/ ou d’y apporter des correctifs si nécessaire. A cette occasion, il sera remis aux membres de la commissions les informations suivantes : l’état des effectifs, l’état des dépassements ou déficits d’horaires et les conditions de leur récupération, l’état de la prise des jours de temps disponible pour les consultants, les projets nouveaux nécessités par l’évolution de l’entreprise, une statistique sur les rémunérations, les actions de formations réalisées » (art. 6) ; que ces dispositions sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail des salariés restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de ces derniers, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés ; qu’en affirmant que l’accord d’entreprise applicable à la société Algoe ne comportait aucune stipulation de nature à assurer le respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journalier et hebdomadaire, la cour d’appel a violé les dispositions de l’accord relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de temps du 8 mars 1999, ensemble l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 212-15-3 ancien du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
4°) ALORS QUE l’application d’un forfait annuel en jours à un salarié nécessite son accord exprès, lequel doit être impérativement formalisé par écrit ; qu’il n’est cependant pas nécessaire que la convention individuelle forfait précise la durée annuelle du travail, celle-ci figurant dans l’accord collectif autorisant le recours à un tel forfait et sur les bulletins de paie remis mensuellement au salarié, ni le nombre d’heures correspondant à la rémunération, la durée du travail étant appréciée non pas en heures mais en jours ; qu’en jugeant que la clause de forfait contenue dans le contrat de travail de Mme X... disposant qu’« il est entendu que votre rémunération dans son ensemble constitue une convention de forfait, soit la contrepartie forfaitaire de votre activité dans le cadre de l’horaire hebdomadaire collectif appliqué ainsi que tous les dépassements que vous pourrez être amenés à effectuer compte tenu de vos responsabilités, de la position de cadre que vous occupez, de la disponibilité qu’implique la nature de votre activité et de la latitude dont vous disposerez dans l’organisation de vos horaires » était nulle compte tenu de ce qu’elle ne comportait ni la durée annuelle du travail, à partir de laquelle le forfait était établi, ni le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;
5°) ALORS subsidiairement QUE si la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande ; que lorsque le salarié dispose d’une très large autonomie et d’une grande liberté dans l’organisation de son temps de travail, il ne peut se borner à produire, pour étayer sa demande d’heures supplémentaires, un décompte unilatéralement établi et a posteriori des heures prétendument effectuées, des attestations indiquant sans autre précision que le salarié travaillait régulièrement le soir ou les week-ends, des agendas incomplets et des mails reçus en dehors de l’horaire hebdomadaire collectif ; qu’en jugeant que Mme X... qui produisait de tels éléments, avait étayé sa demande d’heures supplémentaires, alors qu’il était constant qu’elle bénéficiait d’une totale autonomie lui permettant de gérer librement son temps de travail, la cour d’appel a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
6°) ALORS en tout état de cause QU’un salarié n’a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ; que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que les heures invoquées avaient été réalisées avec l’accord même implicite de l’employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a condamné la société Algoe à verser à Mme X... les sommes de 100 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné l’exposante aux dépens, d’AVOIR ordonné à la société Algoe de rembourser à Pôle Emploi les indemnités versées à Mme X... dans la limite de six mois d’indemnités et d’AVOIR condamné la société Algoe à verser à Mme Maud X... la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel ;
AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement Les motifs invoqués dans la lettre de licenciement sont relatifs à l’impossibilité de réintégrer la salariée dans son équipe et d’organiser de façon satisfaisante le travail entre elle et ses collègues faute de pouvoir envisager de lui confier à nouveau des responsabilités de management de proximité auprès de salariés réticents à cette perspective. L’employeur précise qu’avant sa maladie, il a été « sensibilisé par plusieurs salariés et managers à un nombre croissant de dysfonctionnements dans (sa) relation à la fois avec des jeunes consultants, avec (ses) collègues managers et managers seniors et avec (sa) hiérarchie » et qu’à son retour dans l’entreprise, la salariée a soumis son entourage à une pression intense pour reprendre son activité comme si de rien n’était. L’employeur lui reproche encore son incapacité à construire une offre reconnue en interne pour le « ’management’ » des talents, ayant conduit à l’annulation de la parution de la lettre clients prévue initialement sur ce thème ainsi qu’à la mise en oeuvre de moyens tout à fait inhabituels pour l’accompagner afin de sécuriser le petit déjeuner clients du 4 novembre 2010.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’ ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L’employeur fait valoir que Mme X... n’ayant pu s’adapter aux responsabilités qui lui étaient confiées, a été licenciée pour insuffisance professionnelle et pour le démontrer produit à son dossier quatre attestations :

"-" celle de M. Nicholas Y..., consultant dans l’entreprise, qui déclare que Mme X... entretenait des relations professionnelles difficiles avec plusieurs consultants sur lesquels elle exerçait une responsabilité managériale ; qu’ainsi dans le courant de l’année 2009, deux consultantes avaient échangé à plusieurs reprises avec lui sur les relations tendues et conflictuelles qui existaient entre elles en raison de son mode de management très inquisitoire et intimidant ; il relate en outre qu’en novembre 2009, au cours d’une réunion de travail à trois, sa collègue a tenu des propos particulièrement agressifs envers le consultant présent et qu’en mars 2010, il a lui-même subi son comportement « individualiste », en particulier lorsque celle-ci s’est permis de rappeler un contact commercial qui cherchait à le joindre et avait laissé ses coordonnées à une de leurs assistantes.

"-" l’attestation de Monsieur Z..., consultant et manager senior, qui déclare avoir constaté le désarroi de deux consultantes rattachées hiérarchiquement à Mme X... qui se sentaient maltraitées dans leur travail et envisageaient de quitter la société s’il ne leur était pas possible d’obtenir de dépendre d’un autre manager. Il ajoute avoir subi un comportement très agressif et accusateur de la part de l’appelante qui avait l’intention de lui faire porter l’entière responsabilité d’un éventuel échec de la proposition qu’ils venaient de soutenir chez un client.

"-" l’attestation du président-directeur général d’une des filiales de la société Algoe qui expose qu’en septembre 2010, à l’occasion de l’université d’été, elle a été surprise du manque de contenu de la présentation faite par Mme X... sur le management des talents.

"-" l’attestation de M. A..., directeur marketing, qui, ayant accompagné Mme X... dans l’élaboration d’une lettre et d’un petit déjeuner destiné à la communication de l’entreprise vers ses clients et prospects sur le thème du management des talents, affirme qu’il a rencontré de grandes difficultés avec sa collègue car sa maîtrise des concepts et démarches était très insuffisante pour répondre à l’attente de la société.

L’employeur cite également la correspondance qu’il a adressée à Mme X... le 7 juillet 2010 à la suite de son entretien annuel d’évaluation pour l’année 2009. Dans ce courrier il souligne qu’elle s’était investie dans le management de proximité mais qu’il convenait qu’elle prenne encore plus en compte les personnalités des uns et des autres et leur susceptibilité pour éviter qu’il y ait trop de tension dans les équipes et leur environnement.

Ces éléments, manifestement réunis pour les besoins de la cause, sont imprécis et peu convaincants s’agissant des difficultés relationnelles de l’appelante tant avec ses collaborateurs qu’avec sa hiérarchie et de leur incidence sur sa façon de travailler. Par ailleurs, le travail de Mme X... dont l’ancienneté remonte à l’année 2001 n’avait jamais été critiqué avant de faire l’objet d’une appréciation peu élogieuse à l’occasion d’une intervention ponctuelle et d’une plainte d’un de ses responsable hiérarchique à propos des difficultés rencontrées dans l’organisation d’un événement particulier en novembre 2010. La salariée produit en outre à son dossier de nombreux témoignages de ses qualités professionnelles et des résultats très satisfaisants qu’elle obtenait.

L’employeur échoue ainsi à démontrer par des éléments objectifs l’insuffisance professionnelle reprochée à la salariée dans les termes de la lettre de licenciement.

Mme X... soutient qu’elle a été licenciée pour avoir dénoncé les faits de harcèlement moral dont elle était victime et invoque la nullité de son licenciement en application des dispositions de l’article L. 1152-2 du code du travail dans la mesure où d’une part, il a été prononcé après qu’elle ait dénoncé par un courrier détaillé en date du 3 novembre 2010 les faits dont elle s’estimait victime et/ ou, d’autre part, il fait suite à des agissements de harcèlement moral de la part de l’employeur constaté par son médecin traitant, lequel fait état le 1er mars 2011 dans son certificat médical adressé au médecin conseil d’un « épuisement physique et psychologique par souffrance professionnelle ».

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le courrier daté du 3 novembre 2010 dans lequel Madame X... explique à son employeur qu’elle vit une situation de souffrance au travail depuis l’année 2003, dresse par ordre chronologique les étapes de cet état. Parmi les raisons qui l’ont provoqué, la salariée évoque à plusieurs reprise une évolution professionnelle ralentie, des pressions morales exercées de façon constante et se manifestant par des réflexions désobligeantes et des remises en cause de son animation de consultante. Elle se plaint des critiques infondées d’un des directeurs et de son malaise au sein du pôle d’activité auquel elle appartient et décrit les difficultés qu’elle y rencontre tant avec sa hiérarchie que ses collègues depuis juillet 2009. Elle exprime enfin sa crainte d’être licenciée.

Le certificat médical du médecin traitant est particulièrement prudent puisqu’à son diagnostic d’épuisement physique et psychologique par souffrance au travail, il ajoute que le pronostic est à déterminer suivant le contexte professionnel, dont il convient de souligner qu’il n’a connaissance que par les dires de sa patiente. Ce certificat complété par la réponse du médecin conseil qui indique connaître les ennuis professionnels de Mme X... depuis 2001 mais précise qu’il n’a jamais pu rencontrer la direction à son sujet, doit être apprécié au regard du constat d’aptitude à reprendre le travail délivré sans restriction début mars 2011. Ce document et la lettre de l’appelante à laquelle M. B... , directeur associé, a répondu en lui offrant d’avoir avec elle un échange approfondi en tête à tête afin de « ’définir une façon d’avancer pour sortir de la situation...’ » sont insuffisants à établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Mme X... sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral comme de sa demande en nullité du licenciement qui, figurant dans le corps des conclusions, n’est d’ailleurs pas reprise dans le dispositif.

Il n’en reste pas moins que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le grief de l’insuffisance professionnelle invoquée dans la lettre de licenciement n’étant pas établi.

Le conseil de prud’hommes ayant fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme X... en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, des circonstances de la rupture et des conséquences du licenciement sur sa situation professionnelle, la décision critiquée sera confirmée sur le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui a été allouée.

L’application de l’article L. 1235-3 appelle celle de l’article L. 1235-4 et la société Algoe devra rembourser à Pôle Emploi les indemnités versées à Mme X... dans la limite de six mois.

La société Algoe sera condamnée aux dépens d’appel et versera à Mme X... la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Vu l’article 6 du code de Procédure Civile selon lequel à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder ;

Vu l’article 9 du code Procédure Civile précisant qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Vu l’article L. 1152-2 du code du travail qui dispose qu’« aucun salarié ne peut être, sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »

Le Conseil des Prud’hommes remarque qu’avant l’entrée en belligérance de l’employeur, Madame X... avait adressé, le 3 novembre 2010, avant son arrêt maladie, une lettre très détaillée, dénonçant les faits de harcèlement moral dont elle était victime.

Faits attestés de ce harcèlement moral par le médecin du travail, qui a justifié qu’il déclare Madame X... temporairement inapte durant plus de quatre mois.

L’arrêt maladie a pris fin le 3 mars 2011 ; Madame X... a repris son emploi, désireuse de renouer avec son activité professionnelle.

L’employeur tirait la conséquence de la lettre du 3 novembre 2010, dénonçant le harcèlement moral dont Madame X... était victime, estimant que son maintien dans l’entreprise était devenu impossible.

D’ailleurs Monsieur B... avait, dès le 7 mars 2011, indiqué à Madame X... que l’employeur ne pouvait plus travailler avec elle après son courrier du 3 novembre 2010.

Ceci en contradiction formelle avec l’article L. 1152-2 du code du travail.

A la lecture de la lettre de licenciement le Conseil constate que l’employeur avance des griefs, dont il ne rapporte pas la preuve, qui sont pour la plupart prescrits, et dont certains n’ont même pas été évoqués lors de l’entretien préalable.

La teneur de ses griefs étant de nature à justifier à posteriori une décision déjà retenue.

Le Conseil dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la SOCIETE ALGOE au paiement de la somme de 100 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

(…)

En applications des dispositions de l’article 700 du code de Procédure Civile, il y a lieu d’allouer une somme de 500 € à Mme X... Maud, afin de ne pas lui laisser la charge des frais irrépétibles de l’instance.

Le Conseil déboute Mme X... Maud du surplus de ses demandes.

Le Conseil déboute la société ALGOE de sa demande reconventionnelle ».
1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu’en l’espèce, M. Y..., consultant dans l’entreprise, attestait « avoir personnellement constaté » que « Maud X... entretenait des relations professionnelles difficiles avec plusieurs consultants sur lesquels elle exerçait d’une responsabilité managériale », plus précisément « dans l’année 2009, deux consultantes managées par Maud X... ont échangé à plusieurs reprises avec moi sur les relations tendues et conflictuelles qui existaient entre elles, sur son mode de management très inquisitoire et intimidant. Maud X... a menacé une de ces consultantes de « tout faire pour qu’elle sorte d’Algoe ». L’autre consultante faisant état d’une charge de travail importante auprès de Maud X... (sa manager de proximité de l’époque) celle-ci lui a rétorqué « qu’elle devait être mal organisée ». (…). J’ai également assisté à une réunion de travail à 3 en novembre 2009, au cours de laquelle Maud X... a eu des propos particulièrement agressifs envers le consultant présent (de 10 ans son aîné), qu’elle a fini par faire sortir de ses gonds au cours de cette réunion, alors que celui-ci a un tempérament habituellement calme. A la fin de cette réunion, je me suis clairement interrogé sur l’état de santé de Maud X... et la violence des rapports qu’elle pouvait générer par son comportement. En mars 2010, j’ai également subi son comportement très individualiste, alors que nos modes de fonctionnement sont plus habituellement dans la partage et le collectif. Maud X... s’est tout simplement permis de rappeler un contact commercial qui cherchait à me joindre et avait laissé ses coordonnées à une de nos assistantes. Un peu estomaqué par ce comportement, je me suis permis de lui faire remarquer par mail ma surprise, en lui précisant que je n’avais pas particulièrement apprécié cette manière d’agir. Lors d’un échange de visu, elle m’a clairement expliqué que je n’avais rien à dire, qu’elle avait été plus réactive que moi et qu’elle était soutenue par la Direction » (cf. prod. n° 16) ; que Mme C..., président-directeur général d’une des filiales de la société Algoe, affirmait en outre qu’« invitée à participer à l’université d’été d’Algoe en septembre 2010. A cette occasion, [elle avait] été surprise de constater dans la présentation de Maud X... sur le management des talents, l’absence de contenu pertinent. Les idées développées me sont apparues ni innovantes ni adaptées aux problématiques actuelles des DRH, les remarques qui lui ont été faites portaient sur le fond, non sur sa personne » (cf. prod. n° 17) ; que l’attestation de M. Z..., consultant et manager senior, faisait, quant à elle, état d’une part du « témoignage de désarroi de 2 consultantes (dont l’une avec laquelle j’ai eu l’occasion de travailler avec efficacité et plaisir pendant près d’un an) rattachées hiérarchiquement à Maud X..., et sur le point de pleurer car se sentant maltraitées dans leur travail. (…) » et, d’autre part, du « comportement très agressif et accusateur à mon égard à l’issue d’une soutenance de proposition chez un client, avec comme intention de me faire porter l’entière responsabilité d’un éventuel échec de celle-ci » (cf. prod. n° 18) ; qu’enfin M. A..., directeur marketing, attestait qu’« en tant de Directeur Marketing, [il avait] été amené à accompagner Maud X... dans l’élaboration de deux éléments de communication d’Algoe vers nos clients et prospects : une lettre Algoe, un petit déjeuner, sur le thème du management des talents. (…). Tant dans l’élaboration de la lettre que dans le contenu du petit déjeuner, j’ai rencontré de grandes difficultés avec Maud car sa maîtrise des concepts et démarches était très insuffisante pour répondre à notre attente de différenciation sur le marché. C’était d’autant plus surprenant que Maud était Manager Sénior spécialisée en RH et devait à ce titre maîtriser des concepts et apporter des solutions opérationnelles. Pour réussir le petit déjeuner avec son collègue Frédéric D...nous avons dû multiplier les rencontres, parfois faire venir Jean Luc B...DG d’Algoe spécialisé en RH pour l’aide à formaliser les exposés. (…) j’ai appris que Maud déclarait avoir passé un grand nombre d’heures et de jours pour préparer ces actions marketing et en ai été très surpris. En effet la moyenne du temps investi par un consultant est de 10 à 15 jours pour un petit déjeuner, comme pour une lettre » (cf. prod. n° 19) ; que ces attestations que leur stricte concordance rendaient objectives, faisaient donc état de faits précis, datés et circonstanciés révélateurs du comportement managérial inadapté de Mme X... et de son incapacité à occuper ses fonctions ; qu’en affirmant que ces éléments étaient imprécis et peu convaincants sur les difficultés relationnelles de la salariée tant avec ses collaborateurs qu’avec sa hiérarchie et de leur incidence sur sa façon de travailler de sorte que l’employeur ne démontrait pas, par des éléments objectifs, l’insuffisance professionnelle reprochée à la salariée, la cour d’appel a dénaturé ces pièces, et violé le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l’origine de leurs constatations ; qu’en affirmant, pour écarter les éléments de preuve versés aux débats par l’employeur, que ceux-ci avaient été « manifestement réunis pour les besoins de la cause », sans préciser concrètement les pièces et éléments l’ayant conduite à retenir qu’il en allait nécessairement ainsi, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juges du fond ne peuvent procéder à une analyse partielle des documents sur lesquels ils se fondent ; que dans son courrier du 3 novembre 2010 (cf. prod. n° 20), partiellement examiné par les juges du fond, la salariée reconnaissait avoir fait l’objet de remarques verbales et écrites sur « les inquiétudes et insatisfactions de l’entreprise la concernant en 2004 » et qu’il lui avait été rappelé la « nécessité de progresser sur un plan comportemental : stabilité émotionnelle. Cette faiblesse actuelle dans vos capacités de leadership peut être préjudiciable à terme à l’exercice d’un rôle d’encadrement auquel vous aspirez » ; qu’elle indiquait en outre que son animation de 2008 avait été remise en cause sous la forme d’un « bilan de mission interne, des entretiens et des mails » et qu’« à partir de juillet 2009 », elle avait fait l’objet de nombreuses critiques de la part de Jean-François F..., directeur de l’activité Employabilité Mobilité Restructuration, concernant l’affaire SNCF « Dynamique Métiers » ; qu’elle affirmait enfin qu’à partir d’avril 2010, elle avait fait l’objet de nombreuses critiques de ses collègues et de sa hiérarchie, notamment par M. G...qui avait critiqué son intervention lors de l’atelier du 18 juin 2010 estimant « qu’il n’y avait aucun apport de [sa] part sur le sujet et que les débats étaient du niveau du café de commerce » et que lors de l’université d’été du 3 septembre 2010, M. Bruno H...avait remis en cause « [son] professionnalisme et [sa] personne » ; que pour juger le licenciement pour insuffisance professionnelle dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a relevé que le travail de l’intéressée n’avait jamais été critiqué avant novembre 2010 ; qu’en statuant ainsi, sans tenir compte des propres déclarations de la salariée qui, dans son courrier du 3 novembre 2010, reconnaissaient que depuis 2004, elle avait été régulièrement alertée sur son aptitude à exercer correctement sa fonction, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d’appel (cf. p. 11), oralement reprises (cf. arrêt p. 2, § antépénultième), la société Algoe faisait valoir que les éléments produits par la salariée vantant ses mérites professionnelles étaient insusceptibles de rendre compte de son comportement managérial vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie puisqu’ils émanaient de clients et donc de personnes extérieures à l’entreprise ; qu’en se fondant sur les témoignages produits par la salariée, sans répondre au moyen des conclusions de l’employeur tiré de l’ignorance de leurs auteurs sur le comportement interne de la salariée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la prescription de deux mois prévue par l’article L. 1332-4 du code du travail en matière disciplinaire n’est pas applicable à des faits relevant de l’insuffisance professionnelle ; qu’en jugeant, par motifs adoptés, que certains des griefs avancés par l’employeur, au soutien du licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme X..., étaient prescrits, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 1332-4 du code du travail ;
6°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l’origine de leurs constatations ; qu’en affirmant par motifs réputés adoptés, que certains des griefs invoqués par l’employeur, dans la lettre de licenciement, n’avaient pas été évoqués par l’employeur lors de l’entretien préalable, sans préciser de quelle (s) pièce (s), elle tirait une telle constatation, expressément contestée par l’employeur, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de nullité de son licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « Madame X... soutient qu’elle a été licenciée pour avoir dénoncé les faits de harcèlement moral dont elle était victime et invoque la nullité de son licenciement en application des dispositions de l’article L. 1152-2 du code du travail, dans la mesure où, d’une part, il a été prononcé après qu’elle ait été après qu’elle ait dénoncé par un courrier détaillé en date du 3 novembre 2010 les faits dont elle s’estimait victime et/ ou, d’autre part, il fait suite à des agissements de harcèlement moral de la part de l’employeur constaté par son médecin traitant, lequel fait état le ter mars 2011dans son certificat médical adressé au médecin conseil d’un « épuisement physique et psychologique par souffrance professionnelle » ; qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, selon l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que l’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le courrier daté du 3 novembre 2010 dans lequel Madame X... explique à son employeur qu’elle vit une situation de souffrance au travail depuis l’année 2003, dresse par ordre chronologique les étapes de cet état. Parmi les raisons qui l’ont provoqué, la salariée évoque à plusieurs reprise une évolution professionnelle ralentie, des pressions morales exercées de façon constante et se manifestant par des réflexions désobligeantes et des remises en cause de son animation de consultante. Elle se plaint des critiques infondées d’un des directeurs et de son malaise au sein du pôle d’activité auquel elle appartient et décrit les difficultés qu’elle y rencontre tant avec sa hiérarchie que ses collègues depuis juillet 2009. Elle exprime enfin sa crainte d’être licenciée ; que le certificat médical du médecin traitant est particulièrement prudent puisqu’à son diagnostic d’épuisement physique et psychologique par souffrance au travail, il ajoute que le pronostic est à déterminer suivant le contexte professionnel, dont il convient de souligner qu’il n’a connaissance que par les dires de sa patiente. Ce certificat complété par la réponse du médecin conseil qui indique connaître les ennuis professionnels de Mme X... depuis 2001 mais précise qu’il n’a jamais pu rencontrer la direction à son sujet, doit être apprécié au regard du constat d’aptitude à reprendre le travail délivré sans restriction début mars 2011. Ce document et la lettre de l’appelante à laquelle M. B... , directeur associé, a répondu en lui offrant d’avoir avec elle un échange approfondi en tête à tête afin de « définir une façon d’avancer pour sortir de la situation... » sont insuffisants à établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; que Mme X... sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral comme de sa demande en nullité du licenciement qui, figurant dans le corps des conclusions, n’est d’ailleurs pas reprise dans le dispositif » ;
ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en retenant, pour débouter la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de nullité de son licenciement, que le courrier daté du 3 novembre 2010 dans lequel Madame X... explique à son employeur qu’elle vit une situation de souffrance au travail depuis 2003 et que le certificat médical du médecin traitant complété par la réponse du médecin conseil, seraient « insuffisants à établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement », sans se prononcer sur l’attestation de Madame I...(pièce n° 17) faisant état notamment d’« un échange verbal sur un ton violent de la part du directeur du marketing M. Joël A.... Ce dernier s’est adressé à Mme Maud X... en des termes irrespectueux et impolis (…) », ni sur le compte-rendu d’entretien préalable au cours duquel l’employeur avait reconnu la souffrance au travail de Madame X..., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail ;
AUX MOTIFS QUE « L’article L. 8221-1 du Code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié ; qu’aux termes de l’article L. 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce comme le démontre la présente procédure qui n’a pas été précédée d’incidents sur les horaires de travail, Mme X... sera déboutée de la demande faite à ce titre » ;
ALORS QUE l’élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé dès lors que l’employeur savait que le nombre d’heures figurant sur les bulletins de paye ne correspondait pas au nombre d’heures de travail accomplies par le salarié ; que la cour d’appel, tout en constatant que la convention de forfait jours prévue au contrat de travail de Madame X... était nulle, de sorte que le temps de travail et les heures supplémentaires devaient être évalués conformément aux règles de droit commun, tandis que la société ALGOE n’avait pas mentionné sur les bulletins de paie le nombre d’heures de travail réellement effectué, a rejeté la demande d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé en retenant la circonstance inopérante que la procédure prud’homale n’avait « pas été précédée d’incidents sur les horaires de travail » ; qu’en statuant par un tel motif impropre à exclure toute intention de l’employeur, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 28 janvier 2015