nullité convention individuelle - convention collective non conforme aux textes européens

, par Hervé

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 18 septembre 2019

N° de pourvoi : 18-11277

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01265

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme I... a été engagée le 18 avril 2005 par la Fondation Institut Curie en qualité de responsable du service social, statut cadre, de la convention collective nationale des centres de lutte contre le cancer du 1er janvier 1999 ; que contestant son licenciement le 7 novembre 2012 pour insuffisance professionnelle, la salariée a saisi la juridiction prud’homale ;

Sur le second moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l’article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ensemble la convention collective des centres de lutte contre le cancer du 1er janvier 1999 et l’accord d’entreprise du 24 juin 1999 ;

Attendu, d’abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;

Attendu, ensuite, qu’il résulte des articles susvisés des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande d’annulation de la convention de forfait en jours et de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnité au titre du repos compensateur, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient, après avoir rappelé les dispositions de l’article 2.5.3.1 de la convention collective nationale des centres de lutte contre le cancer du 1er janvier 1999, qu’il résulte de la convention collective que la validité de la convention de forfait jours est soumise au strict respect des conditions légales ou jurisprudentielles, que le principe du repos hebdomadaire est la règle et que faute d’indication du non-respect par l’employeur de son droit à la santé et au repos, cette demande ne peut prospérer, d’autant qu’un entretien individuel pour l’année 2010, non contesté par l’intéressée, produit par l’employeur évoque tant la charge de travail, que l’arrivée d’une quatrième assistante sociale pour libérer du temps à la salariée et pointe l’objectif de ne pas laisser s’installer des situations de tensions ou de conflit ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions de l’accord collectif étaient propres à assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, si des documents de contrôle et de suivi effectif permettaient à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressée, et si au cours du seul entretien annuel pour l’année 2010 avaient été évoquées l’organisation et la charge de travail de la salariée soumise au forfait en jours ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme I... de ses demandes tendant à la nullité de la convention forfait en jours et, en conséquence, de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur et d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 29 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la Fondation Institut Curie aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la Fondation Institut Curie à payer à Mme I... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme I...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement attaqué et d’AVOIR débouté Mme I... de ses demandes tendant à la nullité de la convention forfait en jours, et en conséquence, de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, repos compensateur et travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Les articles L 3121-39 et L 3121-40 du code du travail prévoient que la mise en oeuvre de convention individuelle de forfait en jours est subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise ou d’établissement, à défaut d’une convention ou d’un accord de branche qui détermine les catégories de cadres susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions, et d’une convention individuelle de forfait laquelle requiert l’accord écrit du salarié et doit être établie par écrit. La convention collective des centres de lutte contre le cancer du 1er janvier 1999 prévoit en son article 2.5.3.1 “Rémunération des personnels cadres” : “une convention de forfait incluant un nombre déterminé d’heures supplémentaires peut être conclue entre le centre et un cadre à condition : - d’être par écrit ; - de préciser le nombre d’heures maximales ; - que la rémunération forfaitaire soit au moins égale à la rémunération minimale annuelle garantie augmentée des majorations pour heures supplémentaires. La validité de cette convention est soumise au strict respect des conditions légales ou jurisprudentielles”. L’accord d’entreprise en son article 2 relatif à l’accord de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail du 24 juin 1999 a prévu la possibilité d’une convention de forfait soumise à certains cadres, qui par leurs fonctions, sont amenés à dépasser de façon habituelle l’horaire collectif de travail et dont le niveau de responsabilité peut rendre difficile la réduction de façon significative de leur temps de travail. Enfin le contrat de travail de Madame I... précise au chapitre “Horaire de travail” : “aux termes de l’accord sur la réduction du temps de travail agréé le 30 novembre 1999, Madame I... , en sa qualité de cadre, est en “Forfait jours”. A titre indicatif, le nombre de jours de travail théorique est de 254 jours ouvrés en année civile. De ces 254 jours, il convient de déduire les jours de congés annuels pris et les jours de réduction du temps de travail acquis dans la limite de 18 jours au prorata du temps de présence” ; le contrat de travail a été signé par la salariée le 18 avril 2005. Madame I... qui prétend, en cause d’appel, à la nullité du forfait jours en raison de l’absence de convention individuelle, sera déboutée de cette demande, le contrat de travail devant être considéré comme la convention individuelle remplissant les conditions prescrites en matières de forfait jours. A titre subsidiaire, Madame I... soutient que même si l’existence d’une convention de forfait jours était retenue, le forfait jours n’en demeurerait pas moins nul car sa régularité suppose le respect de plusieurs garanties cumulatives pour le droit à la santé et au repos qui font défaut ; mais il résulte de la convention collective que la validité de la convention de forfait jours est soumise au strict respect des conditions légales ou jurisprudentielles et que le principe du repos hebdomadaire est la règle et que faute d’indication du non-respect par l’employeur de son droit à la santé et au repos, cette demande ne peut prospérer, d’autant qu’un entretien individuel pour l’année 2010, non contesté par Madame I... , produit par l’employeur évoque tant la charge de travail, que l’arrivée d’une 4ème assistante sociale pour libérer du temps à Madame I... et pointe l’objectif de ne pas laisser s’installer des situations de tensions ou de conflit. Madame I... sera donc déboutée de ses demandes en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et en repos compensateur et au titre du travail dissimulé ».

1°) ALORS, D’ABORD, QUE la conclusion d’une convention de forfait en jours doit, d’une part, être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche et, d’autre part, faire l’objet d’un accord exprès du salarié dans le cadre d’une convention individuelle écrite ; qu’en l’espèce l’accord sur la réduction du temps de travail invoqué par l’employeur imposait, à l’article 2 du titre IV, que « la convention de forfait prendra la forme d’un avenant au contrat de travail » ce dont il résultait que la simple clause relative au forfait inscrite dans le contrat de travail de Mme I... ne constituait pas la convention de forfait individuelle exigée par l’accord d’entreprise ; qu’en déboutant cependant Mme I... de sa demande de nullité du forfait jours en raison de l’absence de convention individuelle, au motif erroné que le contrat de travail devait être considéré comme la convention individuelle remplissant les conditions prescrites en matière de forfait-jours, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-38, L. 3121-39, L. 3121-40, et L. 3121-45 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige et l’article 2 du titre IV de l’accord sur la réduction du temps de travail précité ;

2°) ALORS, D’AUTRE PART, QU’une convention individuelle de forfait en jours, conclue entre le salarié et l’employeur, doit fixer le nombre de jours travaillés par le salarié et la convention collective des centres de lutte contre cancer du 1er janvier 1999 autorise la conclusion d’une convention de forfait incluant un nombre déterminé d’heures supplémentaires à condition d’être par écrit, de préciser le nombre d’heures maximales, et que la rémunération forfaitaire soit au moins égale à la rémunération minimale annuelle garantie augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; qu’en l’espèce il ressort des énonciations de la cour d’appel que le contrat de travail de Mme I... se bornait à indiquer « A titre indicatif, le nombre de jours de travail théorique est de 254 jours ouvrés en année civile. De ces 254 jours, il convient de déduire les jours de congés annuels pris et les jours de réduction du temps de travail acquis dans la limite de 18 jours au prorata du temps de présence » ce dont il résultait qu’il ne mentionnait ni le nombre de jours travaillés par le salarié, ni le nombre d’heures maximales, ni les heures supplémentaires inclues dans le forfait, et partant, qu’il ne respectait ni les conditions légales et jurisprudentielles ni les exigences conventionnelles de validité, qu’en déboutant néanmoins la salariée de ses demandes, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-38, L. 3121-39, L. 3121-40, L. 3121-41, L. 3121-43 et L. 3121-45 du code du travail dans leur rédaction alors applicable ;

3°) ALORS, TROISIEMEMENT, QUE toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires et doit prévoir les garanties suffisantes à assurer la santé et le droit au repos des salariés en forfait jours et notamment l’établissement d’un document de contrôle du temps de travail, le suivi régulier de l’organisation du travail et de la charge de travail en résultant, la garantie d’une amplitude de travail raisonnable et d’une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé ; que pour retenir la validité de la convention de forfait en jours de Mme I... la cour d’appel a affirmé de manière générale qu’ « il résulte de la convention collective que la validité de la convention de forfait jours est soumise au strict respect des conditions légales ou jurisprudentielles et que le principe du repos hebdomadaire est la règle » ce qui ne caractérisait aucune des garanties propres à assurer le respect de la durée maximale de travail ainsi que des temps de repos journaliers et hebdomadaires et sans rechercher ni vérifier si, comme le faisait valoir Mme I... , les prévisions de la convention collective n’étaient pas insuffisantes à garantir le respect de son droit à la santé et au repos (conclusions d’appel p. 46 et 47), de sorte qu’elle a statué par des motifs inopérants et impropres à justifier sa décision au regard de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 3121-45 du code du travail, interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1et 4 de la direction 1993-104 CE du Conseil de novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1 et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

4°) ALORS, EGALEMENT, QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur examen ; qu’en l’espèce, la salariée faisait valoir dans ses conclusions d’appel que l’employeur n’avait effectué ni contrôle ni suivi du temps de travail et ne versait aucune preuve du badgeage des salariés ou de la mise en place d’un système informatisé plus complet (conclusions p. 47 et 48) et qu’elle n’avait bénéficié d’aucun entretien portant sur la charge de travail, ce dont il résultait que l’employeur n’avait pas respecté son droit à la santé et au repos ; qu’en rejetant au contraire la demande de la salariée en nullité de la convention de forfait « faute d’indication du non-respect par l’employeur de son droit à la santé et au repos », la cour d’appel a dénaturé les conclusions d’appel de l’exposante en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

5°) ALORS, AUSSI SUBSIDIAIREMENT, QUE dans le cadre de son obligation de suivi et de contrôle du temps de travail des salariés, l’employeur a l’obligation d’organiser un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié aux fins, s’il constate une charge excessive de travail pesant sur le salarié, de pouvoir immédiatement réagir et corriger cette situation ; qu’en rejetant la demande de Mme I... en paiement des heures supplémentaires au motif qu’« un entretien individuel pour l’année 2010, non contesté par Madame I... , produit par l’employeur évoque tant la charge de travail, que l’arrivée d’une 4ème assistante sociale pour libérer du temps à Madame I... » quand ce document non daté et non signé, avait pour objet l’évolution professionnelle et le développement des compétences de la salariée et se bornait à énoncer que « depuis l’arrivée d’une quatrième AS dans l’équipe et la possibilité d’avoir un peu de temps libéré, M... I... a pu assurer en 2010 des tâches de fond de manière active et efficace. Sur le plan relationnel, j’encourage S de nazelle à travailler en collaboration avec les différents acteurs du département [

] ceci dans l’objet de ne pas laisser s’installer des situations de tension ou de conflit au sein du DISSPO », ce dont il résultait que ce seul entretien qui, au surplus, n’avait pas eu pour objet la charge de travail de la salariée, n’était pas de nature à satisfaire aux obligations de suivi et de contrôle du temps de travail pour l’ensemble des années litigieuses, la cour d’appel a violé l’article L. 3121-46 du code du travail, l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 3121-45 du code du travail, interprété à la lumière de l’article 17, paragraphes 1et 4 de la direction 1993-104 CE du Conseil de novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1 et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif d’appel d’AVOIR débouté M... I... de ses demandes afférentes au licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement - La lettre de licenciement du 7 novembre 2012 est ainsi libellée “nous avons reçu le 12 septembre 2012 un courrier des collaboratrices de votre équipe de Paris se plaignant de votre attitude et nous parlant de leur mal être qu’elle qualifient même de souffrance. Elles décrivent également les difficultés qu’elles rencontrent dans l’organisation quotidienne de leurs missions par manque de clarification de votre part. Elles évoquent leur tentation de démissionner collectivement, sachant que dans un court laps de temps, plusieurs de leurs collègues sont volontairement parties pour des raisons qu’elles estiment être analogues à celles décrites dans leur lettre. Cet état de fait a été relayé parallèlement par des élus ainsi que par le médecin du travail qui se sont adressés à moi afin que je fasse cesser cette situation. Votre hiérarchie et le médecin chef de département confirment une situation relationnelle dégradée qu’ils vous imputent en grande majorité et dont ils vous ont parlé à maintes reprises. Les faits qui vous sont reprochés portent sur : - une difficulté à animer votre équipe (relations en binôme successif et non avec l’équipe, manque de communication descendante, peu de démarche participative),- un non-respect de l’agenda de vos collaboratrices qui génère une désorganisation pour elles (réunion fixée la veille au soir ou le jour même sans s’assurer des activités de chacune, dépassement du temps de réunion indiqué...),- un manque d’organisation ou de consignes lors des absences (absence parfois de planning, pas de communication précise ou de vos dates de départ et de retour de congés),- un manque de cohérence sur la gestion opérationnelle de certaines situations professionnelles par exemple le remplissage du site « trajectoire » pour lequel vous n’avez pas respecté les consignes que vous-même aviez mises en place, mettant ainsi en émoi votre équipe et discréditant le service vis-à-vis de l’environnement de travail (chirurgie),- une insuffisance de protocoles dans la prise en charge des patients qui rend difficile ta coordination des prises en charge pour vos collaboratrices,- certaines relations avec des patients ou accompagnants décrites par votre équipe comme difficiles et hétérogènes et les amenant à traiter à votre place certains dossiers. Lors de notre entretien vous avez évoqué le sentiment de ne pas être soutenue et d’être vous aussi en difficultés et en souffrance. Vous avez indiqué que vous aviez fait des tentatives auprès de vos collaboratrices pour apaiser la situation... Vous constatiez aussi que la situation restait tendue et le travail au quotidien très difficile. Votre hiérarchie pense vous avoir soutenue pendant longtemps et vous a fait de nombreuses observations sur ces problèmes. Aidourd ‘hW, faute de résultats tangibles, elle fait le constat que son soutien n’est en effet plus possible. Nous considérons ainsi que cette situation n’est plus durable et que vous avez manqué à vos obligations professionnelles de cadre en laissant s’installer cette ambiance délétère de travail avec votre équipe et en ne parvenant pas à organiser l’activité de votre service de façon précise, cohérente et reproductible. Mus avons déjà eu plusieurs départs au sein de votre ‘équipe sur une année et ne souhaitons pas indéfiniment reproduire le même schéma. Nous sommes dans l’obligation aujourd’hui de convenir qu’une grande partie des problèmes vous est imputable et qu’un seuil de non-retour est atteint. Aussi nous vous signifions votre licenciement pour insuffisance professionnelle”. Au cours de l’entretien préalable l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié et il n’a pas à, ce stade l’obligation de communiquer les documents permettant de justifier ses affirmations ; c’est donc à tort que Madame I... prétend à une violation des droits de la défense en raison du refus do l’employeur de lui remettre la lettre des trois salariées lors de l’entretien préalable alors que les griefs ont été rappelés par lui au cours de cet entretien et qu’il a évoqué cette lettre mais aussi les attestations de Mesdames J... et Madame K..., toutes pièces régulièrement communiquées lors de la procédure prud’homale. Par ailleurs Madame I... prétend à un cumul illicite des motifs disciplinaires et d’insuffisance professionnelle tout en indiquant qu’il y a une dissimulation du motif disciplinaire et que de ce fait elle a été privée des règles conventionnelles relatives au licenciement disciplinaire ; toutefois, la saisine de la commission de conciliation paritaire en matière de licenciement pour faute ou de rétrogradation mutation est une faculté qui n’est offerte qu’au salarié, par ailleurs, aucun motif disciplinaire ne peut être relevé de la lettre de licenciement qui vise essentiellement une ‘incapacité à organiser le travail et à animer son équipe au point que celle-ci exprime un mal être qualifié même de souffrance et que cette situation relationnelle dégradée qui lui est imputable en « grande majorité » a été portée la connaissance de personnes extérieures au service. Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et d’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de direction de l’employeur, (e dernier doit donner au juge les éléments objectifs et concrets permettant de vérifier l’incompétence alléguée ou les reproches formulés et ces griefs doivent être suffisamment pertinents et caractérisés pour justifier un licenciement. Il n’est pas contesté que la situation a changé en novembre 2011 lors de la fusion entre l’Institut Curie et le centre René Iluguenin de Saint Cloud, Madame I... étant amenée à diriger le service de soins support commun aux deux entités qui comportait pour elle en sus le site de Saint Cloud comprenant une assistante sociale à temps plein et une à temps partiel. Madame I... prétend que la charge de travail a alors augmenté de façon considérable ce qui a nécessité de sa part une plus grande sollicitation de son équipe, entraînant une dégradation des conditions de travail et un mécontentement de ses collaboratrices alors que dans le même temps, elle n’était pas soutenue par la direction et qu’elle a elle-même connu une situation de souffrance. Mais il résulte des documents produits par l’employeur que la situation de mal être des collaboratrices de Madame I... 4 été dénoncée par divers intervenants tels que Madame X... déléguée syndicale les 12 et 13 octobre 2011, et que l’employeur a immédiatement réagi le 14 octobre 2011 en souhaitant rencontrer les deux collaboratrices concernées, Mesdames N... et Flores ainsi que Madame I... ; que Madame I... a été informée de cette situation qualifiée par l’employeur de préoccupante dès le 20 octobre 2011, par mail dans lequel il détaille les difficultés évoquées par son équipe, que Madame N... a fini par démissionner en août 2012 après un ultime incident dans lequel elle a considéré avoir été incriminé injustement par Madame I... ; que Mesdames N..., Flores et Lelièvre ont, par une longue lettre du 10 septembre 2012 adressé à l’employeur, détaillé les points de difficultés dans l’organisation du travail et le comportement de Madame I... , les souffrances rencontrées par elles ainsi que le départ de quatre de leurs collègues en un an lié aux problèmes internes du service et à une attitude souvent inapproprié de Madame I... ; que ces griefs sont suffisamment précis. Ainsi, nonobstant la charge de travail, il est établi que le comportement personnel de Madame I... a généré les difficultés et les départs au sein de son équipe dont elle est seule responsable au vu des divers incidents, et ce, malgré les alertes de la direction dès octobre 2011 par mails et entretiens, même si ce comportement apparaît préexister à l’année 2011 selon le mail de Madame P... du 5 janvier 2013, les attestations de Madame K... médecin, chef du département DISSPO depuis 2009 et de Madame J... chef du département DISSPO de 2005 à 2009, et le compte rendu d’évaluation de l’année 2010 qui rappelle à Madame I... qu’il ne faut pas laisser s’installer des situations de tensions ou de conflit. Madame I... prétendu que la convention collective applicable prévoit des mesures en cas d’insuffisance professionnelle qui doivent obligatoirement précéder un licenciement. L’article 2.10.4 de la convention collective indique que “lorsque l’employeur constate chez un salarié une insuffisance professionnelle, en qualité ou en quantité, il doit lui en faire l’observation au cours d’un entretien. Avant toute décision définitive, l’employeur doit rechercher avec l’intéressé tous les moyens de remédier à cette insuffisance professionnelle. Il peut être fait appel à la formation professionnelle ou au déclassement temporaire sans perte de salaire avec l’accord du salarié. La poursuite de l’insuffisance professionnelle peut conduire l’employeur à prévoir le déclassement définitif du salarié ou à décider le licenciement dans le respect de la législation en vigueur” ; force est de constater que l’employeur a respecté la convention collective en informant et en s’entretenant avec Madame I... sur les faits relatés par ses collaboratrices et rapportés par la déléguée syndicale dès octobre 2011 ; enfin il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir opté pour le licenciement, alors qu’il est justifié que la situation a continué à se dégrader durant l’année 2012 au point que trois salariées ont adressé une lettre à l’employeur alors qu’il avait déjà dû faire face à des départs en cascade. En conséquence l’insuffisance professionnelle est caractérisée et le licenciement est donc justifié, sans que la preuve d’aucune cause économique alléguée par Madame I... ne soit sérieusement rapportée ; Madame I... sera déboutée de ses demandes afférentes au licenciement. Il en sera de même de la demande relative à l’indemnité pour rupture brusque et vexatoire qui repose sur le mail du 14 novembre 2012 que la psychiatre Madame K... a adressé à son service qui était aussi le service concerné par le départ de Madame I... en indiquant que le départ de la salariée n’était pas dû à ses compétences mais à des difficultés d’animation ayant entraîné de fréquentes situation de crise et qu’elle était à leur disposition pour échanger avec ceux qui le souhaitaient, ce mail n’était ni dénigrant, ni humiliant à l’endroit de Madame I... . Succombant Madame I... supportera la charge des dépens ; il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles qu’elles ont dû supporter en cause d’appel » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Attendu que le contrat de travail de Madame M... I... n’est pas contesté. Attendu qu’il n’est pas contesté que Madame I... a été licenciée pour insuffisances professionnelles par lettre du 7 novembre 2012. Attendu que Madame I... conteste la cause réelle et sérieuse de son licenciement. Attendu que les dispositions de l’article 6 du Code de Procédure Civile stipulent : “A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder” ; et l’article 9 ajoute : “il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de leurs prétentions”. Attendu, en conséquence que la charge de la preuve revient à Madame I... . Attendu, pour ce faire que Madame I... produit sa lettre de licenciement ; Attendu, à titre principal que Madame I... reproche à son employeur de ne pas lui avoir communiqué la lettre de mise en cause du 10 septembre 2012 émanant de ses collaborateurs et collègues, la mettant dans l’impossibilité d’y répondre. Mais attendu que Madame I... a confirmé à la barre que la lettre, sans lui être remise, lui avait été intégralement lue lors de l’entretien préalable et que le nom de leurs auteurs lui avaient été communiqués ; Attendu, en second lieu, que Madame I... énonce que les griefs exposés dans sa lettre de licenciement sont vagues et imprécis, ne lui permettant ainsi pas de se défendre. Mais attendu, pour sa part, que l’Institut Curie produit de nombreux mails mettant en évidence les carences de Madame I... dans la gestion de son personnel et de ses relations avec ses collaborateurs ; que Madame I... n’a aucunement contesté les faits à la barre, se contentant exclusivement d’affirmer que les griefs repris dans la lettre ne sont pas assez précis ; que pour sa part l’Institut Curie a rapporté la preuve des carences de Madame I... dans la gestion de son personnel. Mais attendu également que l’Institut Curie produit le compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation de Madame I... de l’année 2010 ; qu’ainsi l’Institut Curie rapporte la preuve des mises en garde adressées à Madame I... : “travailler en collaboration avec les différents acteurs du déportement afin de ne pas laisser s’installer des situations de tension ou de conflit au sein du DISSPO”. Attendu que Madame I... ne conteste pas que son employeur ait organisé de nombreuses réunions pour faire le point sur son management d’équipe par exemple les 14/09/2011, 12/10/2011, 14/10/2011,26/10/2011, 23/11/2011. Attendu qu’il n’est pas contesté que Madame X... , déléguée syndicale F. O. a, à maintes reprises, alerté la direction des ressources humaines sur les agissements de Madame I... ; ce que cette dernière ne pouvait ignorer, étant en copie de nombre de courriels. Attendu, à titre d’exemple parmi tant d’autres, que l’Institut Curie rapporte la preuve qu’en date du 12 octobre 2011, Madame I... s’est appropriée le secteur de Madame N... « pour me réhabituer à la pratique du service social... », et a affecté cette dernière sur 2 autre secteurs, sans aucune concertation, générant un sentiment de violence inutile et humiliante. Attendu également que Madame I... expose qu’elle a contesté les griefs de son licenciement dans son courrier du 26 novembre 2012. Attendu, pour ce faire que Madame I... écrit “La déformation des propos que j’ai pu tenir est déloyale et inacceptable” ; mais sans apporter pour sa part le moindre élément précis permettant à l’Institut d’y répondre. Attendu également que Madame I... ne conteste pas qu’un entretien antérieur à son entretien préalable à licenciement se soit tenu le 18 octobre 2012 ; qu’elle ne conteste pas que cet entretien avait pour objet une situation difficile. Attendu qu’il est construit que dans son courrier du 26 novembre 2012, Madame I... expose son indignation quant à un courriel diffusé par le docteur K.... Mais attendu qu’il n’est pas contesté que ce courriel a été émis postérieurement au licenciement de Madame I... et à son départ de l’Institut ; qu’ainsi Madame I... ne peut se prévaloir de n’être pas en mesure d’y répondre ; attendu, dans ces conditions, au vu des éléments développés par les parties, des pièces apportées au succès de leurs prétentions, que le présent Conseil est bien fondé à juger que le licenciement de Madame I... pour insuffisances professionnelles repose sur une cause réelle et sérieuse, et à la débouter de ses demandes d’indemnités de ce chef » ;

ALORS QUE l’article 9.3.2.3 de la convention collective des centres de lutte contre le cancer oblige l’employeur qui a constaté l’insuffisance professionnelle d’un salarié à rechercher avec l’intéressé tous les moyens d’y remédier avant d’envisager toute décision définitive telle que le licenciement et celui prononcé pour insuffisance professionnelle en méconnaissance de cette exigence est dénué de cause réelle et sérieuse ; qu’en se bornant à affirmer que « l’employeur a respecté la convention collective en informant et en s’entretenant avec Madame I... sur les faits relatés par ses collaboratrices et rapportés par la déléguée syndicale dès octobre 2011 » sans rechercher comme elle y était invitée si l’employeur avait proposé des mesures précises pour remédier à la désorganisation du travail qu’il imputait à l’insuffisance professionnelle de Mme I... ni caractériser que tous les moyens pour y remédier avaient été mis en oeuvre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 2251-1 et L. 2254-1 du code du travail et de l’article 9.3.2.3 de la convention collective des centres de lutte contre le cancer.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 29 novembre 2017