Nullité de la convention individuelle forfait jours- pas de suivi effectif et régulier - travail dissimulé oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 19 juin 2019

N° de pourvoi : 18-11391

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01008

Non publié au bulletin

Rejet

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 20 décembre 2017), que M. H... a été engagé le 2 décembre 2013 par la société Le Pian distribution qui exploite un supermarché, pour occuper un poste de responsable rayons traditionnels et frais, statut cadre, niveau VII, de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ; que le contrat de travail comportait une convention de forfait annuel en jours ; que le salarié a été licencié le 26 décembre 2014 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire que la convention de forfait annuel en jours est nulle, de le condamner au paiement d’heures supplémentaires outre congés payés afférents, de repos compensateurs outre congés payés afférents et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail alors, selon le moyen, que répond aux exigences légales ainsi qu’aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, la convention de forfait en jours prévue par un accord collectif dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos journaliers et hebdomadaires ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en prévoyant un dispositif de contrôle des jours travaillés et non travaillés, la comptabilisation individualisée des horaires de travail par le biais d’un système déclaratif du temps de travail, le décompte en nombre de jours par an du temps de travail des cadres autonomes ainsi qu’un plafond de jours travaillés annuel, l’amplitude journalière maximale de travail et un dispositif d’alerte auprès du supérieur hiérarchique du salarié ; qu’à ce titre la cour d’appel ne pouvait sans contradiction constater que l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 24 mars 2000 conclu au sein de la Société Le Pian distribution prévoyait la comptabilisation individualisée du temps de travail par un document déclaratif mensuel, une durée maximale quotidienne du travail, un récapitulatif annuel du nombre de jours travaillés et un plafond en nombre de jours annuels, ainsi qu’un dispositif d’alerte auprès du supérieur hiérarchique du salarié, et retenir néanmoins que cet accord collectif ne prévoyait pas un contrôle effectif et de l’amplitude de travail des cadres au forfait ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé les dispositions de l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 24 mars 2000, ensemble les articles L. 3121-39 à L. 3121-45 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige et interprétées à la lumière de l’article 17 &1 et &4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 &1 et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Mais attendu que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Et attendu que l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 24 mars 2000 se borne à prévoir, pour les cadres soumis à une convention de forfait annuel en jours, que la comptabilisation du temps travaillé s’effectuera par demi-journée ou journée au moyen d’un document déclaratif mensuel renseigné et attesté par le cadre, qu’un récapitulatif annuel du nombre de jours travaillés sera effectué et qu’un entretien annuel du cadre avec son supérieur hiérarchique sera organisé pour rechercher la meilleure adéquation entre l’organisation individuelle du temps de travail dans le cadre du forfait annuel en jours et la charge de travail ; que ces dispositions, en ce qu’elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé ; que la cour d’appel en a exactement déduit que la convention de forfait en jours conclue par le salarié était nulle ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Le Pian distribution aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Pian distribution à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Le Pian distribution

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que la convention de forfait annuel en jours contenue au contrat de travail de Monsieur H... était nulle, et d’AVOIR condamné la Société Le Pian distribution à payer à Monsieur H... les sommes de 37.461,70 € bruts à titre d’heures supplémentaires, outre 3.746,17 € bruts au titre des congés payés afférents, de 19.659 € bruts à titre de repos compensateur, outre 1.965 € bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la nullité de la convention de forfait prévu au contrat de travail (

) ; en application de l’article L3121-39 du code du travail, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévu par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. En application de son article L3121-40, la convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié et la convention est établie par écrit. En application de son article L3121-44, un forfait de 218 jours est prévu sous réserve de dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables. En application de son article L3121-46, un entretien annuel est obligatoire sur la charge de travail. Il était convenu dans le contrat de travail de M. H... en son article 6 un forfait annuel en jours, dans les termes suivants : ‘Une telle évaluation de la durée du travail en jours sur une base annuelle est expressément prévue comme modalité de la réduction du temps de travail pour tous les cadres autonomes par l’accord d’entreprise du 24 mars 2000 en son article 3.2 et conformément à l’article 5-7-2 de la convention collective nationale applicable. En application de ce forfait, M. H... ne travaillera pas plus de 216 jours par an (journée de solidarité comprise) par année complète de travail... le temps de travail peut être réparti sur certains ou sur tous les jours ouvrables de la semaine, en journées ou demi-journées de travail. Le jour de repos hebdomadaire est, en principe, le dimanche, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur. La comptabilisation du temps travaillé de M. H... s’effectuera par demi-journée ou journée au moyen d’un document déclaratif mensuel renseigné et attesté par M. H..., sous la responsabilité de la société. Ce document de contrôle fera apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées, ainsi que la qualification des jours de repos, notamment en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels et autres. Ce document est établi en 2 exemplaires, un pour chacune des parties et complété au fur et à mesure de l’année ; il est signé chaque semaine par le salarié, puis par l’employeur ou son représentant. Conformément à l’article 3.2.2 de l’accord d’entreprise du 24 mars 2000, les durées minimales de ces périodes sont les suivantes : une demijournée égale à 3,70 heures-une journée égale à 7,40 heures. Conformément à l’article D212-21-1 du décret nº2000-81 du 31 janvier 2000, à l’article D 3171-10 du code du travail et à la convention collective applicable, un récapitulatif annuel du nombre de jours travaillés et de leurs dates sera réalisé par le salarié sous la responsabilité de l’employeur. En tant que cadre au forfait annuel en jours, M. H... n’est pas soumis aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail et n’est donc pas soumis au régime des heures supplémentaires. Pour les journées où il exécute sa prestation de travail découlant de son contrat de travail, le salarié n’est pas soumis à un contrôle de ses horaires de travail. Néanmoins, il est expressément convenu entre les parties que l’amplitude des journées d’activité doit rester raisonnable. La durée maximale de la journée (temps de travail effectif) devant être respectée est de 10 heures. Par ailleurs, M. H... bénéficie du repos quotidien de 11 heures et du repos hebdomadaire. De plus, chaque année, M. H... sera reçu par son supérieur hiérarchique lors d’un entretien au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de M. H... ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de M. H.... Compte tenu de la charge de travail inhérente aux fonctions et responsabilités qui sont les siennes, M. H... reconnaît bénéficier d’un temps de travail suffisant. S’il devait estimer que tel ne devait plus être le cas ou s’il estimait qu’il perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il fera parvenir à la société en recommandé avec accusé de réception une lettre motivée explicitant son point de vue. Afin de permettre une solution amiable, la société rencontrera M. H... avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date de première présentation de la lettre susvisée.’ L’article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire qui prévoit la possibilité du forfait défini en jours, lequel ne peut excéder 215 jours pour une année complète de travail ou une période de 12 mois consécutifs, la journée de solidarité devant être travaillée s’ajoutant au plafond précité, prévoit que le temps de travail peut être réparti sur certains ou sur tous les jours ouvrables de la semaine en journées ou demi-journées de travail, que le jour de repos hebdomadaire est en principe le dimanche, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur, que l’employeur peut prévoir des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise, que le salarié bénéficie du temps de repos quotidien ainsi que du repos hebdomadaire prévu par les dispositions légales et que le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours ou demijournées travaillées, l’employeur tenu d’établir à ce titre un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées, document qui peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur (avenant nº37 du 28 janvier 2011 étendu), lequel doit prévoir les modalités de suivi de l’organisation du travail des cadres concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en découle. Il est versé aux débats l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail applicable au sein de la société Le Pian distribution du 24 mars 2000 qui dispose que la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder 10 heures (temps de présence 10,50h), cette durée quotidienne de travail pouvant être portée à 12 heures (temps de présence 12,60h), à titre exceptionnel, en cas de réalisation des inventaires comptables dans la limite de deux par an et en cas de travaux urgents dont l’exécution immédiate est requise afin de prévenir des accidents ou organiser des mesures de sauvetage, que les cadres bénéficient d’un forfait annuel en jours et ne sont pas soumis à la durée légale du travail de 35 heures, que s’agissant des cadres de niveau VII, l’application du forfait annuel en jours les conduit à ne pas travailler plus de 215 jours par an et à bénéficier de 14 jours de repos supplémentaires, que la comptabilisation du temps travaillé s’effectuera par demi-journée ou journée au moyen d’un document déclaratif mensuel renseigné et attesté par le cadre, que les durées minimales des périodes de travail sont de 3,70 heures pour une demi-journée et de 7,40 heures pour une journée entière, précision donnée que ‘conformément à l’article D212-21-1 du décret nº2000-81 du 31 janvier 2000, un récapitulatif annuel du nombre de jours travaillés sera effectué. Afin de rechercher la meilleure adéquation entre l’organisation individuelle du temps de travail dans le cadre du forfait annuel en jours et la charge de travail de cadre, les éventuelles difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre seront évoquées lors d’un entretien annuel du cadre avec son supérieur hiérarchique.’ Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Par ailleurs, il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, de l’article L3121-45 du code du travail interprété à la lumière de l’article 17, §1 et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 §1 et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires. La société Le Pian distribution affirme que l’accord d’entreprise du 24 mars 2000 comporte des dispositions de nature à assurer en fait la protection de la santé et de la sécurité des salariés au forfait en jours sur l’année. Les dispositions de l’article 5.7.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire se limitent dans le cas du forfait en jours annuel à prévoir, s’agissant du suivi de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné la répartition du temps de travail sur certains ou sur tous les jours ouvrables de la semaine en journées ou demi-journées de travail et un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique, la fixation en principe du jour de repos hebdomadaire le dimanche, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur, la possibilité pour l’employeur de prévoir des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise, le bénéfice pour le salarié du temps de repos quotidien ainsi que du repos hebdomadaire prévu par les dispositions légales, le contrôle dans la mise en oeuvre du forfait en jours annuel du nombre de jours ou demi-journées travaillées, l’employeur tenu à ce titre d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées, document qui peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur, lequel doit prévoir les modalités de suivi de l’organisation du travail des cadres concernés, de l’amplitude de leurs journées d’activité et de la charge de travail qui en découle. Force est de constater qu’aucune disposition concrète et contraignante pour l’employeur dans la convention collective ne vient garantir au salarié le respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire et le contrôle effectif de l’amplitude et de sa charge de travail. L’accord du 24 mars 2000 prévoit quant à lui que la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder 10 heures (temps de présence 10,50h), cette durée quotidienne de travail pouvant être portée à 12 heures (temps de présence 12,60h), à titre exceptionnel, en cas de réalisation des inventaires comptables dans la limite de deux par an et en cas de travaux urgents dont l’exécution immédiate est requise afin de prévenir des accidents ou organiser des mesures de sauvetage, que les cadres bénéficient d’un forfait annuel en jours et ne sont pas soumis à la durée légale du travail de 35 heures, que s’agissant des cadres de niveau VII, l’application du forfait annuel en jours les conduit à ne pas travailler plus de 215 jours par an et à bénéficier de 14 jours de repos supplémentaires, que la comptabilisation du temps travaillé s’effectuera par demi-journée ou journée au moyen d’un document déclaratif mensuel renseigné et attesté par le cadre, que les durées minimales des périodes de travail sont de 3,70 heures pour une demi-journée et de 7,40 heures pour une journée entière, précision donnée que ‘conformément à l’article D212-21-1 du décret nº2000-81 du 31 janvier 2000, un récapitulatif annuel du nombre de jours travaillés sera effectué. Afin de rechercher la meilleure adéquation entre l’organisation individuelle du temps de travail dans le cadre du forfait annuel en jours et la charge de travail de cadre, les éventuelles difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre seront évoquées lors d’un entretien annuel du cadre avec son supérieur hiérarchique.’. Force est de constater que cet accord qui se limite à la fixation à 10 heures de la durée maximale de travail quotidienne portée à 12 heures à titre exceptionnel, à l’organisation d’un entretien annuel d’évaluation de l’adéquation entre l’organisation individuelle du temps de travail dans le cadre du forfait annuel en jours et la charge de travail de cadre et les éventuelles difficultés rencontrées par l’intéressé dans sa mise en oeuvre et l’établissement d’un document déclaratif mensuel et d’un document récapitulant la présence du salarié sur l’année, n’est pas non plus de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé et donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. Il est à préciser en outre que les récapitulatifs hebdomadaires des heures de travail versés aux débats et signés par M. H... portent la mention ‘FORF’ devant chacun des jours de la semaine concernée, ce qui tend à démontrer qu’il était amené à travailler sur six jours et non pas seulement sur cinq jours hebdomadaires, que sous la rubrique ‘Total hebdomadaire’ apparaît seulement sous chaque colonne ‘Pres Act C Tot. Eff Théo et Paus’ les chiffres 0.00, ce qui ne permet aucun contrôle effectif de l’activité de M. H... et qu’il en est de même des mentions figurant dans le cadre ‘Total Période’ dans lequel aucune des rubriques ‘Présence badgée, Activités, Heures totales, Heures effectives, Heures et Pause payée’ ne sont remplies. Il s’en suit que M. H... a signé des récapitulatifs hebdomadaires vierges de toutes les informations nécessaires au contrôle de son temps et de son amplitude de travail, précision donnée qu’il n’est pas certain que la mention ‘Présent 5 jrs’ et le paraphe en dessous émanent bien de lui. Le compte rendu de la réunion du Comité d’entreprise du 26 avril 2012 porte les mentions suivantes : ‘

informe les membres du Comité d’entreprise de l’organisation interne du temps de travail des cadres autonomes en forfait jours préconisée par la société : le temps de travail des cadres au forfait jours est organisé 5 jours sur 7 dans la semaine. Ils restent libres d’organiser la répartition de leur travail sur les jours de la semaine, en fonction notamment de leurs missions et aussi de leur participation aux permanences du magasin (Petites et Grandes). Il est entendu que les salariés concernés peuvent travailler 6 jours sur une même semaine en bénéficiant de deux demi-journées de repos en sus de la journée hebdomadaire de repos. Le repos hebdomadaire s’entend de deux journées de repos, dont 35 heures consécutives minimum. Ces mesures garantissent le respect des dispositions légales et conventionnelles sur le repos hebdomadaire des cadres en forfait jours. En sus des deux journées de repos hebdomadaire, chaque cadre doit organiser son temps de travail afin de respecter le repos quotidien obligatoire de 11 heures consécutives. L’accord d’entreprise fixe les durées minimales des journées et demi-journées de travail pouvant être comptabilisées : demi-journée 3,70 heures de travail, journée 7,40 heures de travail. Le cadre doit respecter la durée légale maximale de travail sur une journée et ne pas la dépasser, soit ne pas travailler plus de 10 heures sur une même journée (temps de travail effectif). Cette disposition a pour objet de respecter une amplitude raisonnable des journées d’activité. Le service Paie établit en collaboration avec le cadre un décompte de son temps de travail... Dans l’hypothèse où le cadre a organisé son temps de travail différemment, notamment par demi-journée, il doit le déclarer au Service de paie en fin de chaque semaine, afin de le faire mentionner sur son décompte de ses journées et demi-journées travaillées. Le service de Paie régularise le décompte hebdomadaire. Le cadre déclare également chaque semaine au Service de Paie les jours de repos pris et leur nature : congés payés, journée de réduction du temps de travail, congés pour raisons familiales, absences de toute nature. Le service de Paie mentionne ces éléments sur le décompte du temps de travail. Le décompte du temps de travail du cadre ainsi régularisé est signé par le cadre chaque lundi (pour la semaine précédente) ou à tout le moins en fin de chaque mois. Chaque année, le cadre et le service de paie établissent un décompte récapitulatif de l’année civile écoulée (vers le 10/01 de chaque année) des journées et demi-journées travaillées ainsi que des absences et autres congés. Ce décompte annuel permet notamment de contrôler si le cadre a réellement pris les 14 jours de repos au titre de la réduction du temps de travail prescrit dans l’accord collectif d’entreprise.’ Force est de constater que la société Le Pian distribution n’a pas mis en oeuvre les mesures propres à permettre un suivi et un contrôle effectifs du temps et de l’amplitude de travail, remarque faite que la signature sur chaque fiche hebdomadaire de M. H... n’est pas accompagnée de la date permettant de prouver qu’elle a bien été signée le lundi de la semaine suivante. L’absence de toutes les informations requises, telles que rappelées au procès-verbal précité, tend à la démonstration que la signature du salarié lui était demandée de manière purement formelle et avant la fin de chaque mois, comme M. H... l’affirme sans être utilement démenti. Pour toutes ces raisons, il en résulte que la convention de forfait appliquée à M. H... est nulle » ;

ET AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en paiement d’un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur (en cas de nullité de la convention de forfait en jours). M. H... verse aux débats plusieurs attestations établissant sa présence le matin dès 6 heures et son départ après l’heure prévue sur le planning (attestations N..., X..., L...), les fiches ‘Permanences et absences’ faisant apparaître ses petites et grandes permanences et ses jours de présence, un décompte précis de ses heures et un décompte faisant apparaître le calcul des heures majorées à 25 à 50 % et un tableau de calcul du repos compensateur en application de l’article 5.8 de la convention collective. Ce faisant, M. H... étaye suffisamment sa demande pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. La société Le Pian distribution se prévaut de l’attestation de F..., selon laquelle M. H... embauchait seulement entre 7 heures et 8 heures alors que l’inventaire et le contrôle de l’inventaire étaient prévus à 5 heures et des attestations de R... et M... qui déclarent que M. H... n’arrivait le matin qu’entre 7 et 8 heures, D... et K... ajoutant que M. H..., en dehors de ses permanences, débauchait entre 16 heures 30 et 18 heures. Ces attestations émanent, à l’exclusion de celle de K..., de salariés qui émettent de nombreux reproches à l’encontre de M. H..., en sorte qu’on peut légitimement craindre de leur part un manque d’objectivité à son égard. En tout cas, ces attestations sur l’heure d’embauche tardive entre 7 et 8 heures du matin et de débauche entre 16h30 et 18h de M. H... ne peuvent suffire à la détermination de son temps effectif de travail et de la réalité des heures supplémentaires de travail effectuées. La société Le Pian distribution ne démontre pas par les pièces versées aux débats que M. H... ne travaillait effectivement que 5 jours sur la semaine. Il y a lieu de constater sa carence dans la mise en oeuvre du contrôle des conditions d’application du forfait en jours qu’elle a appliqué au salarié, le dispositif de contrôle faisant apparaître les jours travaillés, les RTT, les repos et les absences de M. H..., prévu à l’article 6b de son contrat de travail n’ayant pas été mis en place à son égard. La cour d’appel est en mesure, au vu de l’ensemble des pièces échangées de se convaincre de la réalité des heures supplémentaires de travail effectuées par M. H..., lequel n’est pas valablement démenti lorsqu’il explique avoir effectué une moyenne de 60 heures de travail hebdomadaires, ce dont il résulte qu’il doit être fait droit à sa demande en paiement de ce chef et de celui des repos compensateurs, outre les congés payés afférents » ;

ALORS QUE répond aux exigences légales ainsi qu’aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, la convention de forfait en jours prévue par un accord collectif dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos journaliers et hebdomadaires ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en prévoyant un dispositif de contrôle des jours travaillés et non travaillés, la comptabilisation individualisée des horaires de travail par le biais d’un système déclaratif du temps de travail, le décompte en nombre de jours par an du temps de travail des cadres autonomes ainsi qu’un plafond de jours travaillés annuel, l’amplitude journalière maximale de travail et un dispositif d’alerte auprès du supérieur hiérarchique du salarié ; qu’à ce titre la cour d’appel ne pouvait sans contradiction constater que l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 24 mars 2000 conclu au sein de la Société Le Pian distribution prévoyait la comptabilisation individualisée du temps de travail par un document déclaratif mensuel, une durée maximale quotidienne du travail, un récapitulatif annuel du nombre de jours travaillés et un plafond en nombre de jours annuels, ainsi qu’un dispositif d’alerte auprès du supérieur hiérarchique du salarié, et retenir néanmoins que cet accord collectif ne prévoyait pas un contrôle effectif et de l’amplitude de travail des cadres au forfait ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé les dispositions de l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 24 mars 2000, ensemble les articles L.3121-39 à L.3121-45 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige et interprétées à la lumière de l’article 17 &1 et &4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17 &1 et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la Société Le Pian distribution à payer à Monsieur H... les sommes de 37.461,70 € bruts à titre d’heures supplémentaires outre 3.746,17 € bruts au titre des congés payés afférents, de 19.659 € bruts à titre de repos compensateur, outre 1.965 € bruts au titre des congés payés afférents, et 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en paiement d’un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur (en cas de nullité de la convention de forfait en jours). M. H... verse aux débats plusieurs attestations établissant sa présence le matin dès 6 heures et son départ après l’heure prévue sur le planning (attestations N..., X..., L...), les fiches ‘Permanences et absences’ faisant apparaître ses petites et grandes permanences et ses jours de présence, un décompte précis de ses heures et un décompte faisant apparaître le calcul des heures majorées à 25 à 50 % et un tableau de calcul du repos compensateur en application de l’article 5.8 de la convention collective. Ce faisant, M. H... étaye suffisamment sa demande pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. La société Le Pian distribution se prévaut de l’attestation de F..., selon laquelle M. H... embauchait seulement entre 7 heures et 8 heures alors que l’inventaire et le contrôle de l’inventaire étaient prévus à 5 heures et des attestations de R... et M... qui déclarent que M. H... n’arrivait le matin qu’entre 7 et 8 heures, D... et K... ajoutant que M. H..., en dehors de ses permanences, débauchait entre 16 heures 30 et 18 heures. Ces attestations émanent, à l’exclusion de celle de K..., de salariés qui émettent de nombreux reproches à l’encontre de M. H..., en sorte qu’on peut légitimement craindre de leur part un manque d’objectivité à son égard. En tout cas, ces attestations sur l’heure d’embauche tardive entre 7 et 8 heures du matin et de débauche entre 16h30 et 18h de M. H... ne peuvent suffire à la détermination de son temps effectif de travail et de la réalité des heures supplémentaires de travail effectuées. La société Le Pian distribution ne démontre pas par les pièces versées aux débats que M. H... ne travaillait effectivement que 5 jours sur la semaine. Il y a lieu de constater sa carence dans la mise en oeuvre du contrôle des conditions d’application du forfait en jours qu’elle a appliqué au salarié, le dispositif de contrôle faisant apparaître les jours travaillés, les RTT, les repos et les absences de M. H..., prévu à l’article 6b de son contrat de travail n’ayant pas été mis en place à son égard. La cour d’appel est en mesure, au vu de l’ensemble des pièces échangées de se convaincre de la réalité des heures supplémentaires de travail effectuées par M. H..., lequel n’est pas valablement démenti lorsqu’il explique avoir effectué une moyenne de 60 heures de travail hebdomadaires, ce dont il résulte qu’il doit être fait droit à sa demande en paiement de ce chef et de celui des repos compensateurs, outre les congés payés afférents » ;

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce que l’arrêt a annulé la convention de forfait annuel en jours prévue au contrat de travail de Monsieur H..., entraînera par voie de conséquence, conformément à l’article 624 du code de procédure civile, la censure de l’arrêt en ce qu’il a condamné la Société Le Pian distribution à payer à Monsieur H... des rappels d’heures supplémentaires, au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige ;

2. ALORS QUE le salarié ne peut se contenter de faire état de son amplitude journalière de travail pour étayer sa demande de rappel d’heures supplémentaires dès lors qu’il ne démontre pas que l’ensemble des heures contenues dans cette amplitude étaient effectivement travaillées ; qu’en se fondant sur « la présence [du salarié] le matin dès 6 heures et son départ après l’heure prévue sur le planning » pour déduire l’accomplissement d’heures supplémentaires par le salarié à hauteur de 60 heures par semaine, sans constater que l’ensemble des heures contenues dans cette amplitude horaire étaient effectivement travaillées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

3. ALORS QUE constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que cette durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés ; qu’en l’absence de dispositions légales ou conventionnelles, les jours de congés payés ou les jours de réduction du temps de travail (JRTT) ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu’en l’absence d’usage contraire en vigueur dans l’entreprise, l’employeur n’est pas tenu de prendre en compte les jours de réduction du temps de travail dans l’assiette de calcul des heures supplémentaires ; que Monsieur H... bénéficiait de 14 jours de réduction du temps de travail par an en application de l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail du 24 mars 2000 ; que dès lors en se bornant à constater que Monsieur H... effectuait une moyenne de 60 heures par semaine pour lui accorder des rappels de salaire sur cette base sans déduire du nombre d’heures supplémentaires retenues les heures de repos accordées à l’intéressé sous forme de JRTT - soit 14 JRTT par an -, la cour d’appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3171-4, L. 3121-22 et L. 3121-14 du code du travail dans leur version applicable au litige.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la Société Le Pian distribution à payer à Monsieur H... la somme de 15.600 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. M. H... fait valoir que l’employeur n’a pas respecté les termes de l’accord collectif concernant l’application du forfait jours, ce qui caractérise l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié est fonde sa demande d’indemnité en application des dispositions des articles L8121-5 et 8223-1 du code du travail, l’employeur s’étant délibérément affranchi de tout contrôle de la charge de travail des cadres en leur imposant l’exécution de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées sans respect des garanties au demeurant insuffisantes de l’accord de branche (temps de repos hebdomadaire de l’article 5-13 de la convention collective, durée maximale de 42 heures de travail hebdomadaire calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives de l’article 5-6-1 de la convention collective). La société Le Pian distribution explique que le forfait en jours annuel est valable et qu’il a été correctement appliqué, ce dont il résulte que la demande de M. H... au titre des heures supplémentaires n’est pas fondée et qu’il n’existe en toute hypothèse aucune intention de dissimulation de l’emploi. La société Le Pian distribution n’ayant pas respecté les termes de l’accord collectif concernant l’application du forfait jours et n’ayant pas pu ignorer la réalité des heures de travail effectuées par M. H..., ce qui caractérise l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié, doit être condamnée à lui payer en application des dispositions des articles L8121-5 et 8223-1 du code du travail l’indemnité forfaitaire de 15.600 € sollicitée » ;

1/ ALORS, D’UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation, en ce que l’arrêt a reconnu l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées, entraînera par voie de conséquence, conformément à l’article 624 du Code de procédure civile, cassation de l’arrêt en ce qu’il a condamné la Société Le Pian distribution à payer à Monsieur H... une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, compte tenu du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige ;

2/ ALORS QU’en vertu de l’article L.8221-5 du code du travail, le délit de travail dissimulé n’est caractérisé que lorsque l’employeur s’est soustrait de manière intentionnelle à l’accomplissement des formalités prévues par l’article L 3243-2 du Code du travail ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite ; qu’en déduisant l’intention de dissimulation d’activité du constat selon lequel « La société Le Pian distribution n’[a] pas respecté les termes de l’accord collectif concernant l’application du forfait jours et n’[a] pas pu ignorer la réalité des heures de travail effectuées par M. H... », alors que la seule mise en œuvre d’une convention de forfait illicite ne pouvait caractériser en soi l’existence de l’élément intentionnel exigé par l’article L 8221-5 du code du travail, la cour d’appel a violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail ;

3. ALORS QU’en déduisant l’intention de dissimulation d’activité du constat selon lequel « La société Le Pian distribution n’[a] pas respecté les termes de l’accord collectif concernant l’application du forfait jours et n’[a] pas pu ignorer la réalité des heures de travail effectuées par M. H... », alors que le fait pour l’employeur d’avoir conscience de l’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaines dans le cadre d’une convention de forfait qu’il estimait régulière ne permettait pas non plus de caractériser l’existence de l’élément intentionnel, la cour d’appel a derechef violé les articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Poitiers , du 20 décembre 2017