Salarié autonome oui - convention de forfait en jours oui

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 février 2021, 19-13.454, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale

N° de pourvoi : 19-13.454
ECLI:FR:CCASS:2021:SO00205
Non publié au bulletin
Solution : Cassation partielle

Audience publique du mercredi 10 février 2021
Décision attaquée : Cour d’appel de Besançon, du 08 janvier 2019

Président
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION


Audience publique du 10 février 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 205 F-D

Pourvoi n° S 19-13.454

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 FÉVRIER 2021

Mme V... N..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 19-13.454 contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d’appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société GE Energy Products France, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme N..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société GE Energy Products France, après débats en l’audience publique du 16 décembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Besançon, 8 janvier 2019), Mme N... a été engagée par la société GE Energy Products France en qualité d’assistante de direction, statut cadre, selon contrat de travail à durée indéterminée du 28 mars 2011 stipulant que la salariée était soumise à une convention de forfait en jours.

2. Soutenant être victime de harcèlement moral, par lettre du 27 février 2015, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

3. Le 7 janvier 2016, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à juger que la rupture du contrat de travail était imputable à l’employeur, que sa convention de forfait était illicite et à obtenir paiement de diverses sommes à titre de licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, de harcèlement moral, d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, alors :

« 1°/ en premier lieu que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; qu’en l’espèce, il ressort de l’arrêt attaqué que la cour d’appel a examiné isolément chacun des éléments produits par Mme N... au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces différents éléments, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ en deuxième lieu que l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 ne concerne que les actes de procédure et qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis ; qu’en l’espèce, en écartant des débats, en application des dispositions de cette ordonnance, certains des échanges courriels produits aux débats par Mme N... au seul motif qu’ils étaient rédigés en langue étrangère sans comporter de traduction, la cour d’appel à qui il revenait d’apprécier la force probante de ces éléments, a violé par fausse application des dispositions de ladite ordonnance ;

3°/ en troisième lieu et en toute hypothèse que le juge est tenu, en toutes circonstances, de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, la société GE Energy Products France ne contestait nullement la recevabilité des pièces en langue anglaise versées aux débats par Mme N... ; qu’en écartant néanmoins des débats ces pièces comme non conformes aux dispositions de l’article 110 de l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu’elle soulevait d’office, la cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction et violé les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, si l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l’exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d’une traduction en langue française.

7. En second lieu, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine par la cour d’appel des éléments de fait et de preuve, dont elle a, exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1154-1 du code du travail et sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation des parties, déduit l’absence de faits, pour ceux qu’elle a estimés matériellement établis, permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

8. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à qualifier la rupture du contrat de travail intervenue le 27 février 2015 en licenciement nul ou, à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l’employeur à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de congés payés afférents, d’indemnité pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier de la portabilité de la prévoyance, alors « que la cassation qui ne manquera pas d’intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, en application de l’article 624 du code de procédure civile, celle du chef de dispositif par lequel la cour d’appel a débouté Mme N... de ses demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail dès lors que, pour se prononcer ainsi, la cour d’appel s’est fondée sur le fait que les faits dénoncés par l’exposante n’étaient constitutifs d’un harcèlement moral. »

Réponse de la Cour

10. Le rejet du premier moyen prive de portée le deuxième moyen en ce qu’il invoque une cassation par voie de conséquence.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à dire illicite la convention de forfait prévue à son contrat de travail et à condamner l’employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents et d’indemnité pour travail dissimulé, alors « que seuls les cadres disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure des conventions de forfait en jours sur l’année ; qu’en l’espèce, pour juger licite la convention de forfait en jours conclue entre Mme N... et son employeur, la cour d’appel a retenu que la salariée se voyait conférer une grande autonomie dans l’organisation de ses tâches ; qu’en statuant ainsi alors qu’elle relevait par ailleurs, d’une part que, si elle n’était pas soumise à un horaire collectif de travail, la salariée informait son employeur de ses possibles retards et sollicitait son autorisation lorsqu’elle devait recourir au télétravail et, d’autre part, qu’en sa qualité d’assistante de direction, ses activités étaient nécessairement dépendantes de celle du manager auprès duquel elle était détachée, ce dont il résultait qu’elle ne bénéficiait pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son temps de travail, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les dispositions de l’article L. 3121-43 du code du travail dans sa version applicable au litige ensemble celles de l’article 3.2.1.2.a de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de la société GE Energy Products France du 25 mai 2001. »

Réponse de la Cour

12. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a constaté que la salariée n’était pas soumise à un horaire collectif de travail, qu’elle n’était pas astreinte à des horaires fixes, que compte tenu de ses attributions d’assistante de direction telles que prévues au contrat de travail, elle se voyait conférer une très grande autonomie dans l’organisation de ses tâches et ce d’autant que son supérieur hiérarchique se trouvait la plupart du temps en déplacement à l’étranger, enfin qu’elle disposait d’une très grande latitude dans la mise en oeuvre de ses tâches, a pu en déduire que la salariée bénéficiait d’une réelle autonomie dans l’organisation de son travail, autorisant le recours à une convention de forfait en jours.

13. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à dire illicite la convention de forfait prévue à son contrat de travail et à condamner l’employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents et d’indemnité pour travail dissimulé, alors « que l’inobservation par l’employeur des stipulations conventionnelles de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours prive d’effet la convention individuelle de forfait et permet au salarié d’obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail ; qu’en l’espèce, pour débouter Mme N... de ses demandes à ce titre, la cour d’appel a retenu que la société GE Energy Products France indiquait que l’entretien annuel relatif à la convention était couplé avec celui dédié à l’évaluation ; qu’en statuant ainsi sans rechercher si, au cours de ces entretiens annuels, avaient été évoquées l’organisation et la charge de travail de la salariée ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 3121-46 du code du travail dans sa version applicable au litige et de celles de l’article 3.2.1.2.d de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de la société GE Energy Products France du 25 mai 2001. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l’article 3.2.1.2.d de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de la société GE Energy Products France du 25 mai 2001 :

15. Selon le premier de ces textes, un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié. Aux termes du second des textes susvisés, le suivi des jours de travail et des jours de repos sur la période de l’année civile sera abordé lors de l’entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité afin de s’assurer que cette amplitude reste raisonnable et que la charge de travail qu’implique l’exécution de la fonction est correctement répartie dans le temps.

16. Lorsque l’employeur ne respecte pas les dispositions légales et les stipulations de l’accord collectif qui ont pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jour est privée d’effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

17. Pour débouter la salariée de ses demandes, l’arrêt retient que l’employeur indique que l’entretien annuel relatif à la convention de forfait, prévu par les dispositions légales, était couplé avec celui dédié à l’évaluation.

18. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, au cours de ces entretiens annuels, avaient été évoquées l’organisation et la charge de travail de la salariée ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité et l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme N... de ses demandes d’heures supplémentaires, de congés payés afférents et d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

Condamne la société GE Energy Products France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société GE Energy Products France et la condamne à payer à Mme N... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme N....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le harcèlement moral n’était pas prouvé et que Madame N... était mal fondée en ses demandes tendant à voir la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE condamnée à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, de l’en avoir déboutée et de l’avoir condamnée à verser à la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « SUR LE HARCELEMENT MORAL Attendu que l’article L.1154-1 du code du travail dispose : Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat a un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Attendu que dans ses conclusions récapitulatives Mme N... affirme avoir été victime de faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, M C... O.... lesquels auraient généré un arrêt de travail du 28 mars 2014 au 25 avril 2014 en raison de la survenue d’un syndrome anxio-dépressif , qu’elle fait ensuite valoir qu’à la suite de son retour dans l’entreprise elle avait dénoncé ces faits de harcèlement moral auprès de la direction de l’entreprise qui a alois tenté de l’évincer à un moindre coût ; Sur les faits de harcèlement reprochés à M. C... O... Attendu que Mme. N... fait tout d’abord valoir à l’appui de ses allégations de harcèlement moral que son supérieur hiérarchique, M. C... O... ne cessait de la solliciter pour régler des problèmes relevant de sa vie privée ; qu’elle expose avoir été obligée d’intervenir pour gérer des situations intéressant tant M O... que des membres de sa famille et faire à leur place diverses démarches relevant de la vie quotidienne ; Attendu qu’il convient de préciser pour une meilleure compréhension du litige que M. C... O... exerce au sein du groupe les fonctions de vice-président de la branche Ge Power en France et que sa sphère de compétence s’étend non seulement à l’Europe et à la Russie, mais également à la Turquie, à la communauté des Etats indépendants et à l’Afrique du nord ; qu’il est avéré par les pièces produites par la société Ge Energy Products France que M C... O... est appelé pour négocier des contrats à effectuer des déplacements réguliers dans ces différents pays ; que ces nombreux voyages l’ont conduit à solliciter son assistante de direction pour régler des questions relevant de sa vie personnelle ; Attendu que la SNC Ge Energy Products France ne conteste pas les dires de Mme N... mais répond dans ses écritures que les interventions de la salariée s’inscrivaient dans le cadre des relations cordiales existant entre M. O... et Mme N... ; que pouri en justifier, elle produit aux débats des échanges de courriels entre la salariée et son supérieur hiérarchique lesquels confirmant, par le ton et par le registre de langage adoptés par leurs rédacteurs, l’existence d’une bonne entente entre les intéressés (pièce 17 à 2l de la SNC Ge Energy Products France) ; qu’il convient par ailleurs de noter que Mme N... n’a jamais protesté tant auprès de M. O... qu’auprès des autres dirigeants de la société contre ce "dépassements de fonctions" ; Attendu que M., C... fournit pour sa part dans un courriel du 25 septembre 2014 les éléments suivants (pièce 27 de la société intimée) : "Il y aurait encore de nombreux exemples (demande d’achat de chaussures d’origine australienne pour sa fille lors d’un déplacement US... ) Dans lesquels je ne veux pas rentrer mais ce qui est paradoxal c’est que quand Mme B... n’avait pas satisfaction y compris sur les demandes extra-professionnelles, elle le prenait très mal
" ; Attendu que la SNC Ge Energy Products France Indique également que M., O... a été amené en contrepartie à intervenir auprès du conseil départemental du Territoire de Belfort à la demande de Mme N... pour favoriser le recrutement de son époux alors en fonction en Moselle et ainsi permettre un regroupement de la famille ; que cette présentation des faits qui est contestée par la salariée se trouve confirmée par un échange de courriels des 26 et 27 juin 2013 (pièce 20 de la SNC Ge Energy Products France) ; Attendu que dans le courriel précité M, C... O... explique aussi ; " Ensuite Mme B... a insisté auprès des services médicaux de GE pour que le docteur M... intervienne auprès de ses confrères parisiens concernant des avis et recommandations pour des membres de sa famille, ce genre de demande n ’est pas normal sachant que le rôle des médecins-de GE concerne les employés de GE au titre de la médecine du travail, elle a fait ceci avec insistance en mettant le médecin de GE dans l’embarras" ; Attendu qu’au vu des éléments apportés par 1’employeur en réponse aux allégations de Mme N... pas constitutifs de harcèlement moral ; Attendu qu’au soutien de ses demandes Mme N... formule à rencontre de .M. C... O... un certain nombre de griefs : reproches non justifiés ainsi qu’un ton péremptoire voire comminatoire ; qu’elle met en avant le caractère versatile, agressif et tyrannique de son ancien supérieur hiérarchique ; que pour asseoir ses allégations elle verse-à son dossier diverses pièces regroupées sous les cotes, 10 à 17 ; Attendu que l’ordonnance royale édictée entre le 10 et 25 août 1539 à Villers-Cotterets, impose, en son article 110, à ce jour non abrogé, que " tous les arrêts, ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits : de justice qui en dépendent, soient prononcés, publiés et notifiés aux parties en langue maternelle française, et pas autrement" ; que cette règle s’applique à tout litigeant devant une juridiction, française, quand bien même la partie serait une société contrôlée à majorité par des capitaux étrangers ; Attendu qu’il convient de constater en l’espèce que dans les différents échanges de courriels produits aux débats par salariée, certains sont rédigés en. langue étrangère sans comporter de traduction (pièces 10-1, 10-4, 10-5, 10-9, 11-4, 11-5, 12-4, 12-14-2, 14-9, 15-4, 15-5) ; qu’en application du texte sus-cité les dites pièces seront écartées des débats ; Attendu ensuite qu’il s’évince des e-mails versés à son dossier par la salariée que M, O... s’agaçait régulièrement de ce qu’une partie des appels téléphoniques entrants ainsi que de ses propres appels, lorsqu’il n’était pas dans l’entreprise, n’étaient pas réceptionnés ; que la lecture attentive de ses courriels montre que M. O... s’insurgeait contre, un défaut d’organisation récurrent (absence de renvois d’appels efficaces) que les responsables en charge du problème avaient manifestement du mal à résoudre ; qu’il y a lieu de relever que dans ses messages M. O... ne s’en prend en aucune manière à Mme N... ni ne la tient pour responsable de cette situation : ; que sauf à ne pas restituer aux termes employés par M. O... leur exacte signification, Mme N... ne peut sérieusement soutenir avoir été victime de quelconque harcèlement sur ce point ; Attendu que plusieurs courriels rédigés par des collègues de Mme N... font état du souhait exprimé par M. O... d’être rappelé téléphoniquement par celle-ci pour régler divers problèmes d’organisation tenant ses déplacements à l’étranger ; qu’ il y a lieu de noter que ses demandes ont été réceptionnées par un personnel de la société lequel a, par la suite, transmis 1’information à Mme N... ; qu’aucune de ces pièces n’autorise à dire que M. O... s’est montré harcelant ou menaçant ; Attendu que dans un courriel du vendredi 28 juin 2013 M. O... a demandé à Mme N... des explications sur une de ses notes de frais ; qu’il a réitéré sa demande le dimanche 30 juin 2013 en fin de soirée ; que Mme N... lui reproche de l’avoir dérangée alors qu’elle était en week-end ; que ce grief n’apparaît pas fondé dès lors que les courriels litigieux ont été adressés à la salariée sur sa messagerie professionnelle et qu’elle indique, ellemême dans un e-mail automatique du 29 octobre 2012 (pièce 16-2) ne pas avoir accès à sa messagerie professionnelle durant ses absences de l’entreprise ; qu’il s’ensuit que la demande formulée par M. O... n’avait pas pour objet d’entraver le bon déroulement de la vie privée de Mme N... ; Attendu que Mme N... invoque ensuite le comportement de M. O... à l’occasion de sa participation à une rencontre organisée à Paris le 18 avril 2013 par un réseau de femmes des sociétés Gdf et la société Ge ; que la lecture des seuls courriels de M, O... démontre que ce dernier ne faisait que s’interroger sur l’utilité de cette absence d’une durée d’une heure et demi alors qu’un personnel de la société localisé à Paris pouvait assister à cette manifestation ; qu’en ce qui concerne une autre formation M, O... demande à en être informé en amont ; Attendu que Mme N... formule ensuite divers griefs à rencontre de M. O... ; qu’elle reproche à ce dernier de lui avoir demandé la façon de se connecter à lien internet ou d’avoir sollicité une réponse déjà contenue dans un courriel précédent ; qu’elle soutient qu’il s’agit là d’autant d’actes d’harcèlement moral ; qu’elle prétend en outre que M. O... se montrait quotidiennement versatile voire tyrannique en exprimant des exigences particulières ; Attendu que la- consultation des courriels versés par la salariée à l’appui de ses allégations conduit à constater que la prétendue versatilité ne consiste en réalité pour l’intéressé qu’à solliciter la salariée pour effectuer des changements de vols et de réservations à la suite des modifications de ses plannings et de ses déplacements professionnels à l’étranger ; que s’agissant des demandes "particulières", il convient de relever qu’elles ne sont démontrées par aucune pièce et ne procèdent que des seules, affirmations de Mme N... ; Attendu que Mme N... soutient que le comportement de M. O... était tel qu’il était impossible de trouver un personnel de l’entreprise pour la remplacer pendant ; ses absences ; que les pièces produites aux débats ne rapportent pas la réalité des faits alléguées, la difficulté de remplacement de la salariée tenant en réalité à la faible disponibilité des autres salariés durant les périodes considérées ; Attendu que dans un courrier circonstancié (pièce n°27 de la SNC Ge Energy Products France) M. C... O... répond à l’ensemble des accusations portées à son encontre par Mme N... ; qu’il explique l’origine du contentieux en ces termes ; "Deux ou trois mois après que M. B... soit rentré au conseil général à Belfort Mme B... est revenue vers moi avec insistance pour intervenir auprès des autorités du conseil général en indiquant que M., B... avait des problèmes d’entente avec ses nouveaux collègues et elle m’a envoyé malgré moi des mails expliquant ceci pour que j’intervienne, ce que je me suis nié à faire considérant gué cela sortait des règles professionnelles et que c’était contraire à mes règles d’intégrité, Là encore elle m’en a voulu. Les relations sont devenues plus tendues de ce fait avec elle " ; Attendu que M C... O... expose également : "Mme B... m’avait indiqué vouloir avoir un poste à la direction des ressources humaines en me demandant d’intervenir auprès de la DRH. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas dévier au processus de recrutement et qu’elle devait garder le COS. Cela ne lui a pas plu car elle considérait que je devais intervenir en sa faveur compte-tenu de ma position hiérarchique et user de ma position pour faire pression sur la DRH, ce que je n’ai pas fait et lui ai demandé de suivre le processus GE
" ; Attendu qu’il échet en conclusion de dire que Mme N... échafaude principalement son argumentation soit sur la base de courriels et de correspondances variées dont elle est elle-même l’auteur, soit sur celle d’e-mails rédigés par M. O..., dans lequel celui-ci n’exprime aucune critique à son égard ; qu’il y a lieu en conséquence de constater l’absence de faits de harcèlement moral ; Sur les faits de harcèlement moral reprochés, à la Direction de l’entreprise Attendu que Mme N... qui a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du 28 mars 2014 au 25 avril 2014, a fait l’objet d’une visite de reprise ; que le médecin du travail l’a alors déclarée "apte au poste mais à un autre poste" ; que pour suivre les préconisations du médecin du travail la SNC Ge Energy Products France l’a affectée auprès d’un autre manager M. Y..., en remplacement de M, O... ; Attendu que Mme N... a été ensuite placée ers arrêt de travail pour cause de maladie du 10 décembre 2014 au 11 janvier 2015 ; que lors d’une visite organisée à sa demande le 19 septembre 2014 elle a été déclarée apte au poste d’assistante de direction avec le manager actuel ;
Attendu que Mme N... soutient tout d’abord que lors de son retour de congés en septembre 2014 certaines de ses attributions lui .avaient été retirées (organisation des voyages, suppression d’accès à certains fichiers, gestion des chèques repas, gestion du suivi des pointages de M. Y...
) ;qu’il convient de constater Mme N... ne justifie nullement de ce que les prétendues attributions relevaient sa compétence antérieurement et de ce qu’elles lui avaient été ensuite retirées par la direction de l’entreprise ; que les nombreux courriels produits par la salariée, en très grande partie rédigés par ses soins (côte 24 du dossier de Mme N...), mettent surtout en évidence l’existence, d’un manque de-clarté dans l’organisation de certaines tâches au sein de l’entreprise ; Attendu que Mme N... reproche ensuite, toujours au titre des mesures vexatoires, son changement de bureau ; que la SNC Ge Energy Products France répond sur ce point en joignant à ses écritures un plan des bureaux, lequel démontre que la salariée s’est-vue dotée d’un bureau individuel au même étage, mais éloigné de celui de M, O... ; Attendu que Mme N... expose aussi qu’en septembre 2014 les salariés de l’entreprise n’avaient pas été informés de ce qu’elle ne travaillait plus pour M. O... et qu’en octobre 2014 elle figurait toujours dans le système Ge Global Opérations comme collaboratrice de M. O... ; que si cette mise à jour tardive, qui peut s’expliquer par le ralentissement de l’activité de l’entreprise durant la période estivale, a pu générer quelques dérangements pour la salariée, elle ne saurait cependant être sérieusement regardée comme une mesure vexatoire ; Attendu que Mme N... prétend aussi que sa période de collaboration avec M. O... a disparu de son profil "employée" dans le GAL ; qu’il s’évince des courriels adressées en réponse aux interrogations de la salariée que cette anomalie provenait en réalité d’une erreur informatique portant sur son rattachement, laquelle avait vocation à être rectifiée (pièce 25-11 de la salariée) ; Attendu que Mme N... affirme également qu’ à compter de cette période elle était surveillée dans son temps de présence dans l’entreprise et dans son emploi du temps, quelle devait désormais solliciter l’autorisation de son manager pour participer à des projets d’entreprise et soumettre ses demandes de congés à l’approbation du DRH ; que ces éléments ne peuvent être analysés comme des faits de harcèlement dès lors qu’ils constituent des modalités classiques d’une organisation hiérarchisée, étant ajouté que la matérialité des faits invoqués par la salariée ne repose que sur ses seules allégations contenues dans ses propres courriels ; Attendu, que Mme N... prétend encore que son contrat de travail a été modifié sans son accord et que l’on lui aurait confié des tâches en deçà de ses qualifications ; que cette allégation est fondée sur ses seules affirmations, ses propres courriers (notamment la. pièce 27-3) et sur son interprétation énigmatique de courriels aux contenus tout aussi sibyllins ; que contrairement à ce que la salariée affirme dans ses conclusions, les pièces 27-1 et 27-2 ne permettent pas de conclure à une quelconque modification unilatérale de son contrat de travail ; Attendu que Mme N... soutient que la direction de la société, en la personne de son DRH, aurait tenté de la pousser à la démission ; qu’elle assoit essentiellement cette assertion sur deux courriers qu’elle a adressés au DRH de la société (pièces29-l et 29-3) ; que la SNC Ge Energy Products rétorque pour sa part que le conjoint de Mme ayant quitté son poste à Belfort pour travailler à [...] et que sa famille s’y étant alors installée, la salariée a été contrainte de faire quotidiennement des allers-retours impactant sa vie familiale et qu’elle a donc souhaité opérer un rapprochement familial ; Attendu que l’enquête interne diligentée par la société intimée n’a pas conclu à l’existence de harcèlement moral dirigée contre Mme N... ; que par ailleurs que si celle-ci invoque l’existence d’un signalement effectué à son initiative par l’inspection du travail auprès du Ministère Public, il convient à la lecture des courriers de l’inspection du travail (pièces 21 -2 et 21-3) de relever que le signalement opéré par celte administration intéressait des faits d’abus de biens sociaux et non de harcèlement moral ; Attendu en conclusion des développements qui précèdent, il échet de constater que les éléments produits aux débats par Mme N... et pris dans leur ensemble ne sont pas de nature à faire présumer l’existence de faits de harcèlement moral » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur le harcèlement moral : Il est établi au dossier (cf Audit) Monsieur O... était très exigeant compte tenu du niveau de responsabilité qu’il avait au sein de la Société GE ENERGY PRODUCTS. Le fait pour Madame N... d’intervenir aussi dans la sphère extra-professionnelle des cadres dirigeants du groupe GE, comme Monsieur O..., n’était pas étranger à ses fonctions. Concernant les démarches relevant de la vie privée, c’était à double sens. Monsieur O... exigeait de Madame N... une très grande disponibilité et parfois lui demandait d’effectuer des démarches hors du cadre de l’objet social de la société et relevant de sa vie privée. De son côté, Madame N... n’a pas hésité, entre autre, à lui demander son aide pour l’embauche de son époux au Conseil départemental du Territoire de Belfort, ce que Monsieur O... à fait.

Lorsqu’un litige survient relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence de celui-ci et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement. Or Madame N... n’établit pas « la matérialité de faits précis, objectifs et concordants » qui laisserait présumer l’existence d’un harcèlement moral. Par ailleurs, les faits établis ne laissent pas présumer un harcèlement moral. En l’espèce, les éléments versés aux débats tant par Madame N... que par la Société GE ENERGY PRODUCTS mettent en évidence un mode de fonctionnement parfaitement accepté par les parties. Toutefois Monsieur O... a refusé d’intervenir, en décembre 2013, dans le conflit de Monsieur B... avec sa hiérarchie. Suite à ce conflit, Monsieur B... a rejoint le Conseil départemental du Bas-Rhin. C’est dans ce contexte que Madame N... a déménagé à [...], ce qui l’obligeait à effectuer quotidiennement un long trajet aller/retour sur Belfort. Madame N... ne supportait plus un nouvel éclatement de sa vie familiale. Cette contrainte a provoqué chez Madame N... un syndrome anxio-dépressif réactionnel, et lui a valu plusieurs arrêts maladie. Lors de la visite médicale de reprise du 12 mai 2014, un avis d’inaptitude partielle a été émis par le médecin du travail. Le reclassement intervenu à la suite de cet avis d’inaptitude partielle était conforme à sa prescription, puisque le 19 septembre 2014, le médecin du travail a jugé apte Madame N... à son poste d’assistante de direction avec le manager du moment, ce qui confortait le fait que la société avait bien respecté ses préconisations et son obligation de reclassement. En conclusion, les faits ne sont pas établis par Madame N... qui est mal fondée en sa demande de reconnaissance de harcèlement moral. Par voie de conséquence le manquement à l’obligation de sécurité de résultat est lui aussi mal fondé » ;

ALORS en premier lieu QUE pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152-1 du Code du travail ; qu’en l’espèce, il ressort de l’arrêt attaqué (cf. p. 3 à 7) que la cour d’appel a examiné isolément chacun des éléments produits par Madame N... au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si ces différents éléments, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1- et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS en deuxième lieu QUE l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 ne concerne que les actes de procédure et qu’il appartient au juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain, d’apprécier la force probante des éléments qui lui sont soumis ; qu’en l’espèce, en écartant des débats, en application des dispositions de cette ordonnance, certains des échanges courriels produits aux débats par Madame N... au seul motif qu’ils étaient rédigés en langue étrangère sans comporter de traduction, la Cour d’appel à qui il revenait d’apprécier la force probante de ces éléments, a violé par fausse application des dispositions de ladite ordonnance ;

ALORS en troisième lieu et en toute hypothèse QUE le juge est tenu, en toutes circonstances, de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE ne contestait nullement la recevabilité des pièces en langue anglaise versées aux débats par N... ; qu’en écartant néanmoins des débats ces pièces comme non conformes aux dispositions de l’article 110 de l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu’elle soulevait d’office, la Cour d’appel a méconnu le principe de la contradiction et violé les dispositions de l’article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à lui-même n’est pas applicable à la preuve des faits juridiques ; qu’en l’espèce, pour considérer que les éléments produits aux débats par Madame N... n’étaient pas nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, la Cour d’appel a notamment relevé que la salariée échafaudait principalement son argumentation sur la base de courriels et de correspondances variées dont elle était elle-même l’auteur ; qu’en écartant, pour ce motif inopérant, l’existence d’éléments de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1315 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS en cinquième lieu QUE pour considérer que Madame N... ne s’était vu imposer aucune modification unilatérale de son contrat de travail contrairement à ce qu’elle prétendait, la Cour d’appel a retenu que cette allégation était fondée sur les seules affirmations de la salariée, ses propres courriers et sur son interprétation énigmatique de courriels aux contenus tout aussi sibyllins ; qu’en statuant ainsi sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir Madame N..., son rattachement au vice président de la région Europe de l’Ouest – Afrique du Nord n’était pas contractuellement prévu si bien que son rattachement à un autre manager, de niveau inférieur, emportait nécessairement modification de son contrat de travail, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS en sixième lieu QUE le juge est tenu de ne pas dénaturer les éléments de la cause ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a retenu, par motifs adoptés des premiers juges, que le syndrome anxio-dépressif dont a souffert Madame N... et qui lui a valu plusieurs arrêts maladie avait été provoqué par son déménagement à [...] qui l’obligeait à effectuer quotidiennement un long trajet aller-retour sur Belfort, Madame N... ne supportant plus un nouvel écaltement de sa vie familiale ; qu’en statuant par de tels motifs alors que l’avis d’arrêt de travail du 11 avril 2014 versé aux débats par Madame N... mentionnait au titre des éléments d’ordre médical justifiant l’arrêt « stress professionnel majeur. Etat anxio-dépressif réactionnel », la Cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet avis d’arrêt de travail et violé les dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que Madame N... était mal fondée en ses demandes tendant à voir qualifier la rupture des relations contractuelles intervenue le 27 février 2015 entre Madame N... et la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE en licenciement nul ou, à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE condamnée à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de congés payés y afférents, d’indemnité pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la portabilité de la prévoyance, de l’en avoir déboutée et de l’avoir condamnée à verser à la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu que par courrier du 27 février 2015 Mme N... a notifié à son employeur sa démission en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été la victime de la part de M. O... et de la direction de l’entreprise ; que dans la présente procédure elle demande en conséquence de requalifier la rupture en prise d’acte aux torts de l’employeur ; Attendu que dès lors que les faits dénoncés par Mme N... ne sont pas considérés par la présente juridiction comme constitutifs d’un harcèlement moral, et en l’absence de griefs établis à l’encontre de la SNC Ge Energy Products France, la prise d’acte de la rupture doit emporter les effets d’une démission ; Attendu qu’il échet en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme N... de l’ensemble de ses demandes formées au titre d’un licenciement nul ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la prise d’acte : En matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le doute ne profite pas au salarié, sur qui pèse la charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur. Pour qu’une prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu que les griefs commis par l’employeur constituent un manquement suffisamment grave et rendent impossible la poursuite du contrat de travail. Le manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail correspond à la définition de la faute grave commise par l’employeur, et implique dès lors une réaction rapide du salarié. Or les arguments de Madame N..., sur les agissements de harcèlement sont anciens et n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail, ce qui ne justifie donc pas une prise d’acte. En conséquence le harcèlement étant mal fondé, la prise d’acte produit les effets d’une démission, et non pas d’un licenciement frappé de nullité, ni d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d’intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, en application de l’article 624 du Code de procédure civile, celle du chef de dispositif par lequel la Cour d’appel a débouté Madame N... de ses demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail dès lors que, pour se prononcer ainsi, la Cour d’appel s’est fondée sur le fait que les faits dénoncés par l’exposante n’étaient constitutifs d’un harcèlement moral.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que Madame N... était mal fondée en ses demandes tendant à voir dire et juger que la convention de forfait prévue à son contrat de travail était illicite et à voir la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE condamnée à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour illicéité de la convention de forfait, de congés payés afférents au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé, de l’en avoir déboutée et de l’avoir condamnée à verser à la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Attendu que l’article L. 3121-40, pris dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, applicable au présent litige, "La conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié. La convention est établie par écrit" ; Attendu qu’il est avéré, en l’espèce, que la convention individuelle de forfait a été intégrée au contrat de travail ; qu’il échet de constater que la disposition légale sus-énoncée ne prohibe pas une telle pratique ; Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article R. 3121-39 du code du travail qu’une convention collective ou un accord collectif peut prévoir la conclusion d’une convention de forfait en jours ; que cette convention ’collective ou cet accord, collectif doit prévoir les catégories de salariés intéressés, la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ; que les stipulations de l’accord collectif doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; Attendu que dans la présente affaire, il est établi qu’un accord collectif sur l’aménagement et la réduction du temps de travail a été conclu le 25 mai 2001 entre la SNC Ge Energy Products France et les organisations syndicales ; que l’accord dont s’agit a défini les salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année (article 3.2.1.2) ; qu’aux termes de cet accord, le personnel concerné, doit, notamment : - disposer de par leur statut, leurs compétences ou la finalité de leur activité, d’une indépendance organisationnelle importante, - bénéficier d’une liberté dans le choix des moyens qu’ils mettent en oeuvre pour réaliser les tâches qui leur sont confiées, Attendu qu’il résulte des éléments du débat que Mme N... n’était soumise à aucun horaire collectif de travail ; que des courriels sporadiques émanés de la salariée faisant état de retards possibles ou du recours au télétravail avec l’accord de son employeur suite à l’annulation d’un train ne démontrent pas que la salariée était astreinte à des horaires fixes ; Attendu qu’en sa qualité d’assistante de direction, et, compte-tenu de ses attributions telles que conférées par son contrat de travail, Mme N... se voyait conférée une très grande autonomie dans l’organisation de ses tâches, et ce, d’autant que son manager, M. O..., se trouvait la plupart du temps en déplacements à l’étranger ; Attendu que si les attributions de Mme B... étaient nécessairement dépendantes des activités du manager auprès duquel elle était détachée, les pièces versées aux débats établissent pour leur part que dans de l’organisation des tâches et leur mise en oeuvre Mme, N... disposait d’une très grande latitude ; Attendu, qu’eu égard à ces différents éléments il y a lieu de juger licite la convention de forfait en jours conclue entre la salariée et son employeur, étant ajouté que ce dernier indique pour répondre complétement à son adversaire que l’entretien annuel relatif à la convention, prévu, par les dispositions légales, était couplé avec celui dédié à l’évaluation ; Attendu qu’il échet de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté l’ensemble des prétentions formées à ce titre par Mme N... » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur l’illicéité du forfait-jours : Il est stipulé dans le contrat de travail du 28 mars 2011 que Madame N... était « soumise à une convention de forfait en jours » « compte tenu du niveau de responsabilités et du degré d’autonomie dont [elle dispose] dans l’organisation de [son] emploi du temps » et relevait « de la catégorie des cadres autonomes ». Le contrat de travail prévoyait également que « Le nombre de jours travaillés par année civile complète d’activité sera de 217 jours maximum ou 434 demi-journées ; ce nombre étant défini selon les modalités stipulées à l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail en vigueur dans la société ». La société GE EPF n’imposait pas d’horaires à Madame N... et le fait de solliciter une journée de télétravail suite à des retards ou des annulations de train entre [...] et Belfort, démontre à contrario une facilité accordée dans la gestion de son emploi du temps. Il n’y a pas de remise en cause de l’autonomie. Madame N... est donc mal fondée dans sa demande d’illicéité de sa convention de forfait jours » ;

ALORS d’une part QUE seuls les cadres disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps peuvent conclure des conventions de forfait en jours sur l’année ; qu’en l’espèce, pour juger licite la convention de forfait en jours conclue entre Madame N... et son employeur, la Cour d’appel a retenu que la salariée se voyait conférer une grande autonomie dans l’organisation de ses tâches ; qu’en statuant ainsi alors qu’elle relevait par ailleurs, d’une part que, si elle n’était pas soumise à un horaire collectif de travail, la salariée informait son employeur de ses possibles retards et sollicitait son autorisation lorsqu’elle devait recourir au télétravail et, d’autre part, qu’en sa qualité d’assistante de direction, ses activités étaient nécessairement dépendantes de celle du manager auprès duquel elle était détachée, ce dont il résultait qu’elle ne bénéficiait pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son temps de travail, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les dispositions de l’article L. 3121-43 du Code du travail dans sa version applicable au litige ensemble celles de l’article 3.2.1.2.a de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE du 25 mai 2001 ;

ALORS d’autre part QU’il incombe à chaque partie de prouver conformément à loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu’en l’espèce, au soutien de sa demande en paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé, Madame N... faisait notamment valoir qu’elle n’avait jamais bénéficié de l’entretien annuel prévu par les dispositions de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE dans le cadre duquel aurait dû être abordé avec son supérieur hiérarchique l’organisation et la charge de travail de l’intéressée ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité ; que pour débouter la salariée de ses demandes à ce titre, la Cour d’appel a retenu que la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE « indique pour répondre complètement à son adversaire que l’entretien annuel relatif à la convention, prévu par les dispositions légales, était couplé avec celui dédié à l’évaluation » ; qu’en se fondant ainsi sur les seules « indications » de la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE sans rechercher si cette société, à qui il incombait de rapporter la preuve qu’elle avait respecté les stipulations de l’accord collectif, étayait cette affirmation par un quelconque élément de preuve, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 9 du Code de procédure civile ensemble celles de l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS enfin et en toute hypothèse QUE l’inobservation par l’employeur des stipulations conventionnelles de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours prive d’effet la convention individuelle de forfait et permet au salarié d’obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail ; qu’en l’espèce, pour débouter Madame N... de ses demandes à ce titre, la Cour d’appel a retenu que la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE indiquait que l’entretien annuel relatif à la convention était couplé avec celui dédié à l’évaluation ; qu’en statuant ainsi sans rechercher si, au cours de ces entretiens annuels, avaient été évoquées l’organisation et la charge de travail de la salariée ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 3121-46 du Code du travail dans sa version applicable au litige et de celles de l’article 3.2.1.2.d de l’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail de la société GE ENERGY PRODUCTS FRANCE du 25 mai 2001.ECLI:FR:CCASS:2021:SO00205