Indemnité forfaitaire 6 mois salaire - exclusivié conseil de prud’hommes

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 avril 2013

N° de pourvoi : 12-82288

ECLI:FR:CCASS:2013:CR02328

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

"-" Mme Amélie X...,

"-" Mme Béatrice Y...,

"-" M. Patrick Z...,

"-" M. Grégory A..., parties civiles

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 6 mars 2012, qui, dans la procédure suivie contre M. Eric B... du chef de travail dissimulé, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-5, 8223-1 et L. 8224-1 du code du travail, ensemble les articles 2, 3, 4 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le conseil de prud’hommes de Tours seul compétent pour connaître des demandes des parties civiles tendant au versement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du délit de travail dissimulé ;

”aux motifs que la décision sur l’action publique est passée en force de chose jugée ; que ne peuvent donc être remises en cause les dispositions de l’ordonnance rendue le 16 juin 2009 ayant déclaré M. B... coupable de faits de travail dissimulé commis entre le 1er septembre 2006 et le 31 juillet 2008, par dissimulation de salariés (notamment Béatrice Y..., Amélie X..., épouse A..., Tony C..., Grégory A... et Patrick Z...) ; qu’en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; que cette indemnité forfaitaire, qui est une sanction civile, a un caractère indemnitaire ; que ce caractère indemnitaire ne suffit pas à rendre les juridictions répressives compétentes pour connaître, dans le cadre d’une constitution de partie civile, de demandes fondées sur l’article L. 8223-1 du code du travail ; que l’exercice de l’action civile devant les tribunaux répressifs est en effet un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement enfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ; que les sommes réclamées par les parties civiles correspondent strictement à six mois de salaires calculés sur la base de leur salaire mensuel moyen des trois derniers mois ; qu’il n’appartient donc qu’à la juridiction prud’homale de les rétablir dans leurs droits à cet égard, étant observé que les dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail ne font pas obstacle au cumul de l’indemnité forfaitaire qu’elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquels le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail ; que les parties civiles n’étaient donc fondées à solliciter la condamnation de M. B..., devant le tribunal correctionnel de Tours, qu’au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la dissimulation de leur emploi non réparé par l’indemnité forfaitaire (frais financiers acquittés, difficultés rencontrées pour gérer leur budget du fait de la précarité de leur situation, démarches de toute nature à accomplir pour faire reconnaître leurs droits, répercussions sur leur état de santé) ; qu’en effet, si la législation sur le travail dissimulé a été édictée en vue de l’intérêt général, elle n’entend pas moins également à la protection des particuliers qui peuvent, lorsque sa méconnaissance leur a causé un préjudice personnel et direct en obtenir réparation devant la juridiction pénale ;

”alors que l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail a pour objet d’indemniser le salarié des conséquences civiles de la faute pénale définie par l’article L. 8221-5 du même code, de sorte que le juge répressif, juge de l’action civile, est compétent pour statuer sur la demande d’un salarié tendant au versement de cette indemnité ; que la chambre des appels correctionnels ne pouvait déclarer le conseil de prud’hommes de Tours seul compétent pour connaître des demandes formées par les parties civiles” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, leur employeur ayant été condamné pénalement pour travail dissimulé, les salariés victimes, parties civiles, ont sollicité du tribunal correctionnel la réparation, par l’allocation de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 8223-1 du code du travail, du préjudice ainsi subi ; que cette demande a été accueillie ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris et dire la juridiction prud’homale seule compétente, l’arrêt énonce que l’indemnité sollicitée ne saurait constituer la réparation du préjudice directement causé par le travail dissimulé au sens des articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes invoqués par les demandeurs, dès lors que l’indemnité en cause, dont l’allocation est liée à la rupture du contrat de travail, relève de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale et ne peut constituer, au sens des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, la réparation du préjudice causé par l’infraction de travail dissimulé ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Buisson conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Couffrant ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel d’Orléans , du 6 mars 2012