preuve de l’existence du contrat de travail

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 10 novembre 2009

N° de pourvoi : 08-42483

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Collomp (président), président

Me Foussard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 21 mars 2008), que M. X... a été présent à plusieurs reprises en 2005 dans l’hôtel-restaurant de M. Y... situé à Deauville ; qu’estimant pouvoir revendiquer l’existence d’un contrat de travail, il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes salariales et indemnitaires ;

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1° / que si l’entraide amicale au sein d’une entreprise peut être exclusive du lien de subordination caractérisant le contrat de travail, il appartient aux juges du fond de rechercher si les travaux ne sont pas effectués à la demande et sous les directives du propriétaire de l’entreprise ; qu’en s’abstenant de rechercher s’il n’avait pas été, entre le 15 janvier 2005 et le 30 novembre 2005, sous l’autorité de M. Y... et s’il n’avait pas reçu de lui des directives dont ce dernier aurait contrôlé l’exécution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’ancien article L. 121-1 (devenu L. 1221-1) du code du travail ;

2° / qu’il faisait valoir, dans ses conclusions, que M. Y... avait signé un pouvoir afin qu’il le représente, en sa qualité d’employeur, devant le conseil de prud’hommes de Trouville-sur-Mer ; que n’ayant aucune des autres qualités visées par les dispositions de l’ancien article R. 516-5 devenu R. 1453-2 du code du travail, il n’avait pu se voir désigner qu’en qualité de “ membre de l’entreprise ou de l’établissement “ et donc de salarié ; qu’en ne répondant pas au moyen tiré de ce que le pouvoir établi par M. Y... postulait qu’il fût un membre de l’entreprise ou de l’établissement, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

3° / qu’il mettait en avant dans ses conclusions que sommation avait été faite à M. Y... de communiquer diverses pièces et qu’à la date de la rédaction des conclusions, M. Y... n’y avait pas déféré ; qu’en ne répondant pas au moyen tiré de la dissimulation, ou en toute hypothèse de la non-production, de pièces comptables et administratives, de nature à éclairer le tribunal sur l’activité exercée par les parties au sein de l’hôtel-restaurant, la cour d’appel a, de nouveau, entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant exactement énoncé que la charge de la preuve de l’existence du contrat de travail pèse sur celui qui s’en prévaut, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur la portée qu’elle accordait à chacun des éléments de preuve et des arguments soumis à son appréciation, a souverainement retenu que M. X... n’apportait pas cette preuve justifiant ainsi légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X...

L’arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU’IL a débouté le salarié de ses demandes de rappels de salaires, de congés payés y afférents, d’heures supplémentaires, de congés payés y afférents, d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnités de préavis, de congés payés sur préavis et enfin d’indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail se définit par trois éléments cumulatifs : l’exercice d’une activité professionnelle, la rémunération et le lien de subordination ; que la charge de la preuve du contrat pèse, par application de l’article 1315 du code civil, sur celui qui se prévaut de son existence sauf s’il existe un contrat apparent ; qu’en l’espèce, il n’existe aucun contrat apparent, la charge de la preuve repose donc sur M X... ; que M X... soutient avoir exercé les fonctions de responsable de 1’hôtel restaurant de M Y... situé à Deauville et y aurait travaillé tous les jours sauf lundi 14H par jour ; que selon M Y..., il aurait gracieusement hébergé M X... qui était un ami de longue date ; que jusqu’au 15 / 7 / 05, M X... était locataire gérant d’un restaurant situé à Paris ; qu’il produit une attestation établie au nom de l’un de ses salariés M A..., pizzaïolo ; qu’il est écrit dans ce document que M X... était absent tous les jours saune lundi et qu’il travaillait à Deauville dans un restaurant propriété d’une de ses relations ; que cette attestation est de la main de M. X..., comme cela ressort de la comparaison entre ce document et les documents manuscrits établis par M. X... se trouvant au dossier ; qu’en outre, la signature de ce document n’a qu’une vague similitude avec celle figurant sur la carte de résident de M. A... ; que dès lors, cette attestation ne saurait être retenue ; qu’une seconde attestation est versée aux débats ; que Mme B... écrit « avoir vu à plusieurs reprises M. X... Camille au restaurant la Cheminée à Deauville en tant que responsable de l’établissement » ; que cette attestation ne date pas les faits, ne précise pas à quelle fréquence elle aurait vu M. X... ni les circonstances qui lui auraient permis d’apprécier, autrement que par les propres dires de M. X..., que ce dernier exerçait les fonctions de « responsable de l’établissement » ; que M. X... produit également des feuillets écrits de sa main mentionnant jour après jour des recettes et dépenses du 19 / 1 au 9 / 4, du 2 au 12 / 8 et du 5 au 30 / 9 / 05 ; que toutefois, le grand livre de l’établissement produit en sa partie « charges » ne corrobore qu’à deux reprises pendant cette période les chiffres apparaissant sur ces feuillets ; que les recettes y figurant ne correspondent pas non plus à celles du livre de caisse ; que l’expert comptable de l’établissement atteste n’avoir eu aucun agenda de caisse pour 2005 et avoir établi les recettes à partir du carnet d’addition établi par M. Y... ; que dès lors, ces feuillets volants produits en photocopie ne sauraient démontrer que M. X... aurait tenu, comme il le prétend, la comptabilité de l’établissement ; que M. X... produit copie de la page d’un agenda qui porte la mention suivante : « X... : 100 le 4 / 8 / 05 » ; qu’au-dessus de cette ligne le mot « acompte » ; en dessous de cette ligne le mot « remboursement » biffé ; que cette mention est susceptible d’interprétations multiples et il ne saurait en être raisonnablement déduit la preuve du versement d’un acompte de 100 sur le salaire de M. X... comme celui-ci le prétend ; que les autres éléments produits (réception d’un procès verbal des services vétérinaires en l’absence de M. X..., remise à M. X... en tant qu’ami de la notification d’une injonction de payer, rédaction d’un courrier à un huissier pour demander des délais) établissent la présence de M. X... dans l’établissement mais ne démontre pas qu’il y travaillait, la rédaction pour M. Y... n’écrivant pas le français du courrier précité n’excédant pas le service que l’on peut normalement attendre d’un ami ; que la seule l’attestation de Mme B... vient soutenir les prétentions de M. X..., mais, vague et non circonstanciée, elle est insuffisante à établir l’existence d’une activité professionnelle ; que M. X... n’établit donc aucun des éléments démontrant l’existence d’un contrat de travail ;

ALORS QUE, premièrement, s’il est exact que l’entraide amicale, en toute liberté, au sein d’une entreprise, peut, le cas échéant, être exclusive du lien de subordination caractérisant le contrat de travail, il appartient toutefois, en pareil cas, aux juges du fond de rechercher si les travaux ne sont pas effectués à la demande et sous les directives du propriétaire de l’entreprise au sein de laquelle ils sont effectués ; de sorte qu’en s’abstenant de rechercher si Monsieur X... n’avait pas été, entre le 15 janvier 2005 et le 30 novembre 2005, sous l’autorité de Monsieur Y... et s’il n’avait pas reçu de lui des directives dont ce dernier aurait contrôlé l’exécution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’ancien article L. 121-1 (devenu L. 1221-1) du code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, Monsieur X... faisait valoir, dans ses conclusions (p. 4, alinéa 1 à 4), que Monsieur Y... avait signé un pouvoir afin qu’il le représente, en sa qualité d’employeur, devant le conseil de prud’hommes de TROUVILLE-SUR-MER, de sorte que Monsieur X..., n’ayant aucune des autres qualités visées par les dispositions de l’ancien article R. 516-5 (devenu R. 1453-2) du code du travail, il n’avait pu se voir désigner par Monsieur Y... pour le représenter dans le cadre d’une instance prud’homale qu’en qualité de « membre de l’entreprise ou de l’établissement » et donc de salarié, n’étant pas dirigeant de droit de l’entreprise ; de sorte qu’en décidant que Monsieur X... n’avait pas eu la qualité de salarié de Monsieur Y..., sans répondre au moyen tiré de ce que le pouvoir établi par Monsieur Y... postulait qu’il fût un membre de l’entreprise ou de l’établissement, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, troisièmement, Monsieur X... faisait également valoir, dans ses conclusions (p. 5, dernier alinéa et p. 6, 1er alinéa), que sommation avait été faite, le 28 septembre 2007, à Monsieur Y... de communiquer les pièces suivantes :- les bordereaux de remise en banque des espèces et des chèques pour la période du 15 janvier 2005 au 30 novembre 2005,- le livre des entrées et sorties du personnel,- le journal de caisse pour la même période et-le bilan de l’activité de Monsieur Y... pour la période en cause et qu’à la date de la rédaction des conclusions, Monsieur Y... n’avait pas déféré à cette sommation ; que faute d’avoir répondu, explicitement ou implicitement, ne serait-ce qu’en faisant état des pièces dont la communication était sollicitée, à cette branche principale de l’argumentation de Monsieur X..., tiré de la dissimulation, ou en toute hypothèse de la non production, de pièces comptables et administratives, de nature à éclairer le tribunal sur l’activité exercée, respectivement, par Monsieur X... et par Monsieur Y... au sein de l’hôtel-restaurant, la cour d’appel a, de nouveau, entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Caen du 21 mars 2008