Prescription 30 ans

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 10 février 2010

N° de pourvoi : 08-45319

Non publié au bulletin

Cassation partielle partiellement sans renvoi

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président

SCP Richard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu après renvoi de cassation (Soc., 21 février 2007, n° 05-45.048), que M. X... a conclu, le 26 avril 1993, avec la société France acheminement, transporteur spécialisé dans la livraison de courriers et de colis express, un contrat de franchise ayant pour objet l’organisation de tournées ; que les sociétés France acheminement et France acheminement exploitation pour lesquelles il exécutait ses prestations ont fait l’objet d’une procédure collective et ont été mises en liquidation judiciaire par jugement du 8 août 2003 ; que, le 18 septembre 2003, M. X... a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de requalification du contrat de franchise en contrat de travail et aux fins de voir fixer sa créance au titre de rappels de salaire, d’indemnités et de dommages-intérêts ; que l’AGS est intervenue à l’instance ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 3245-1 et L. 8223-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l’arrêt retient qu’il ne peut être statué sur cette demande dès lors que les demandes de rappel de salaire et d’heures supplémentaires sont prescrites ;

Attendu, cependant, que la prescription quinquennale de sa demande de rappel de salaire n’interdit pas au salarié de solliciter l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, laquelle se prescrivait alors par trente ans à compter de la rupture ; qu’il appartenait dès lors à la cour d’appel de vérifier si les conditions de son attribution étaient réunies ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail ;

Attendu que pour exclure de la garantie de l’AGS les dommages-intérêts alloués à M. X... en réparation du préjudice consécutif à son absence d’affiliation aux organismes sociaux, l’arrêt retient que cette créance n’est pas liée au contrat de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’affiliation du salarié aux organismes sociaux est pour l’employeur une obligation résultant de l’exécution du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail ;

Attendu que pour exclure de la garantie de l’AGS la somme allouée à titre de restitution du droit d’entrée versé par M. X..., l’arrêt retient que cette créance n’est pas liée au contrat de travail ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la créance relative au remboursement du droit d’entrée se rattachait à l’exécution du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande d’indemnité pour travail dissimulé et exclut de la garantie de l’AGS les créances au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l’absence d’affiliation aux organismes sociaux et du remboursement du droit d’entrée, l’arrêt rendu le 7 octobre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de la garantie de l’AGS ;

Dit que les créances de dommages-intérêts et de restitution de droit d’entrée relèvent de la garantie de l’AGS ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris pour qu’il soit statué sur la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Condamne M. Y... et Mme Z..., ès qualités aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a saisi le Conseil de prud’hommes de Toulouse le 18 septembre 2003 de diverses demandes, alors que la relation contractuelle avait pris fin le 27 janvier 1998 ; qu’il soutient que la prescription extinctive de cinq ans ne peut lui être opposée dans la mesure où il était dans l’impossibilité absolue de faire valoir ses droits, en raison du contrat de franchise apparent qui le liait aux sociétés employeurs et de l’état complet de dépendance dans lequel il se trouvait, qui leur interdisait de mener toute action ; qu’il sera pourtant relevé qu’il résulte de l’ensemble des éléments des dossiers que la situation de l’intéressé ne s’était pas modifiée au cours de la relation contractuelle l’unissant aux sociétés FRANCE ACHEMINEMENT, FRANCE ACHEMINEMENT EXPLOITATION et ELS et qu’il a attendu cinq ans après la rupture du contrat, alors que lesdites sociétés étaient l’objet d’une procédure collective ; qu’aucun élément ne permet de considérer qu’il n’avait pas en sa possession tous les éléments leur permettant d’appréhender la réalité de sa situation ; que Monsieur X... produit en outre aux débats un arrêt de la Cour de cassation de 1995 qui avait déjà considéré qu’un “franchisé” de la Société FRANCE ACHEMINEMENT pouvait revendiquer l’application de l’ancien article 781-1 du code du travail ; qu’il fait état d’une condamnation pour travail dissimulé contre un gérant de FRANCE ACHEMINEMENT en 2001 ; qu’enfin, il avait pris l’initiative de rompre le contrat qui le liait à la Société FRANCE ACHEMINEMENT et avait saisi le Conseil de prud’hommes de Toulouse, sans qu’il n’amène aucun élément pour justifier qu’il ait été empêché de quitter FRANCE ACHEMINEMENT plus tôt ou, de saisir la juridiction compétente ; qu’en raison de la saisine de la juridiction de renvoi, il y a lieu de confirmer le jugement du 8 juin 2004, qui avait retenu l’application de la prescription extinctive de cinq ans ; que de ce fait, la saisine du Conseil de prud’hommes de Toulouse, qui est le premier acte interruptif de la prescription, ayant eu lieu plus de cinq ans après la rupture du contrat de travail, toutes les demandes de Monsieur X... en rappel de salaire et heures supplémentaires sont prescrites ; que de ce fait, les demandes pour repos compensateurs et congés payés étant la conséquence directe des demandes en rappel de salaire, ne peuvent être examinées ; que de même, il ne peut être statué sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

ALORS QUE la prescription quinquennale de sa demande de rappel de salaire n’interdit pas au salarié de solliciter l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, laquelle se prescrit par trente ans et court à compter de la rupture ; qu’en décidant néanmoins que la demande de Monsieur X... en paiement de l’indemnité pour travail dissimulé était irrecevable comme prescrite, motif pris qu’une telle demande est soumise à la prescription quinquennale, la Cour d’appel a violé les articles L. 3245-1 et L. 8223-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la somme de 3.000 € allouée à Monsieur X... en réparation du préjudice consécutif à son absence d’affiliation aux organismes sociaux destinés aux salariés était exclue de la garantie du CGEA ;

AUX MOTIFS QU’ il est incontestable que l’absence d’affiliation de Monsieur X... aux organismes sociaux, du fait de la qualification erronée de la relation contractuelle, lui a causé un préjudice et que la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à 3.000 € les dommagesintérêts qu’il doit recevoir ; que cette créance n’est cependant pas liée au contrat de travail ;

ALORS QUE la garantie de l’AGS couvre les créances se rattachant à l’exécution du contrat de travail, dont les créances de dommages-intérêts dues en raison de l’inexécution, par l’employeur, d’une obligation de faire ; que l’existence d’un contrat de travail oblige l’employeur à procéder à l’affiliation de son employé aux organismes sociaux destinés aux salariés ; qu’en excluant de la garantie de l’AGS la créance de dommages-intérêts de Monsieur X... due en réparation du préjudice consécutif à son absence d’affiliation aux organismes sociaux destinés aux salariés, après avoir pourtant constaté que Monsieur X... était lié par un contrat de travail et bénéficiait ainsi des dispositions du Code du travail, de sorte que ladite créance se rattachait à l’exécution du contrat de travail, la Cour d’appel a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la somme de 8.384,70 € allouée à Monsieur X... en restitution du droit d’entrée versé par ce dernier était exclue de la garantie du CGEA ;

AUX MOTIFS QU’ il n’est pas sérieusement contesté que Monsieur X... a dû verser un droit d’entrée pour un contrat de franchise qui, en réalité, n’a pas apporté au franchisé les avantages qu’il pouvait légitimement en attendre ; que dès lors, le contrat ayant été requalifié en contrat de travail, ce droit d’entrée qui n’a plus de contrepartie contractuelle doit être restitué au salarié ; que cette créance n’est cependant pas liée au contrat de travail ;

ALORS QUE la garantie de l’AGS couvre les créances se rattachant à l’exécution du contrat de travail, dont la créance en restitution du « droit d’entrée » illégalement perçu par l’employeur à l’occasion de la signature d’un contrat de franchise dissimulant une relation de travail salarié ; qu’en excluant de la garantie de l’AGS la créance de Monsieur X... en restitution du « droit d’entrée » payé par ce dernier lors de la signature du contrat, après avoir pourtant constaté que Monsieur X... était lié par un contrat de travail et bénéficiait ainsi des dispositions du Code du travail, de sorte que ladite créance se rattachait à l’exécution du contrat de travail, la Cour d’appel a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du Code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 7 octobre 2008