Prise en charge conditionnelle par l’AGS

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 20 décembre 2017

N° de pourvoi : 16-19517

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02694

Publié au bulletin

Rejet

M. Frouin, président

SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le second moyen, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2016), que M. X... a été engagé par la société Bonnet en qualité de jointeur ; que, par jugement du 5 février 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la société Bonnet ; que le salarié a, le 28 mars 2014, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ; que, par jugement du 25 février 2015, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement de la société Bonnet sous la forme d’un plan de continuation ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de dire que l’indemnité pour travail dissimulé n’a pas à être garantie par l’AGS alors, selon le moyen, qu’en vertu de l’article L. 3253-8, la garantie résultant du régime AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant notamment pendant la période d’observation ; qu’ainsi que l’avait fait valoir l’exposant, la rupture de son contrat de travail consécutive à sa prise d’acte était intervenue pendant la période d’observation ainsi que le reconnaissait expressément l’AGS de Bordeaux dans ses conclusions d’appel ; qu’en énonçant, pour exclure l’indemnité pour travail dissimulé de la garantie due par le CGEA de Bordeaux, que l’indemnité pour travail dissimulé n’était due qu’à compter de la rupture du contrat de travail de l’exposant intervenue le 28 mars 2014, soit plus d’un mois après le jugement du tribunal de commerce du 5 février 2014 portant ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de l’employeur, sans nullement rechercher si le CGEA de Bordeaux ne devait pas garantir l’indemnité pour travail dissimulé dès lors que la rupture du contrat de travail de l’exposant était intervenue pendant la période d’observation, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 3253-8 et L. 3253-6 du code du travail ;

Mais attendu que les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L. 3253-8, 2°, du code du travail, s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur ;

Attendu que l’arrêt a relevé que le salarié avait pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ;

Qu’il en résulte que la garantie de l’AGS n’était pas due pour l’indemnité pour travail dissimulée allouée au salarié ;

Que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

Que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen ci-après annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUE D’AVOIR jugé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produisait les effets d’une démission, débouté l’exposant de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents, d’indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE, Sur la prise d’acte de rupture : que lorsque le salarié démissionne en raison de faits ou manquements qu’il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d’acte et produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’une démission dans le cas contraire ; que les manquements susceptibles de justifier la prise d’acte de la rupture par le salarié aux torts de l’employeur doivent être réels, récents et suffisamment graves pour pouvoir justifier la rupture immédiate du contrat de travail ; que seuls des manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail justifient la prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et permettent d’analyser cette prise d’acte en un licenciement ; que M. X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en mars 2014 alors que sa demande de rappel d’heures supplémentaires concernait la période comprise entre avril 2009 et septembre 2013, que le Conseil de Prud’hommes était déjà saisi de cette demande et qu’enfin son employeur avait, depuis septembre 2013, cessé de faire travailler M. X... un vendredi sur deux comme ce dernier le reconnait dans ses écritures ; que, dans ces conditions, la Cour considère que si le non-paiement des heures supplémentaires pendant plusieurs années constitue un motif sérieux de nature à justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, en revanche l’ancienneté de la créance de M. X..., la régularisation depuis plus de six mois de la situation par l’employeur avant la prise d’acte démontrent que le motif du non-paiement des heures supplémentaires sur la période comprise entre 2009 et 2013 n’empêchait pas le maintien de la relation de travail ; qu’en conséquence, réformant la décision des premiers juges, la Cour considère que la prise d’acte de rupture doit produire les effets d’une démission et qu’en conséquence, M. X... doit être débouté de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts ;

ALORS D’UNE PART QUE la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’elle repose sur des manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu’en affirmant que les manquements susceptibles de justifier la prise d’acte de la rupture par le salarié aux torts de l’employeur doivent notamment être récents pour pouvoir justifier la rupture immédiate du contrat de travail, la cour d’appel qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

ALORS D’AUTRE PART QUE le défaut persistant et réitéré, au cours d’une longue période, de paiement des heures supplémentaires accomplies, générant une créance de rappel de salaire d’un montant important caractérise un manquement suffisamment grave de l’employeur à ses obligations essentielles, empêchant la poursuite du contrat de travail et justifiant par conséquent la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; que l’exposant avait fait valoir que l’employeur avait refusé de payer les heures supplémentaires qu’il lui avait fait accomplir de manière régulière entre avril 2009 et septembre 2013, générant ainsi une dette de rappel de salaire d’un montant important et le contraignant, face à la persistance de ce refus à saisir le juge prud’homal puis à prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ; qu’après avoir expressément retenu le bien fondé de l’intégralité des demandes de l’exposant au titre des heures supplémentaires qu’il avait régulièrement accomplies entre avril 2009 et septembre 2013, et affirmé que le non paiement des heures supplémentaires pendant plusieurs années constitue un motif sérieux de nature à justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, la cour d’appel qui, pour juger néanmoins que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail devait produire les effets d’une démission, retient « l’ancienneté de la créance de M. X... », s’est prononcée par un motif impropre à établir que ce manquement n’était pas suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, dès lors que le manquement de l’employeur n’était pas ponctuel, mais au contraire persistant et réitéré sur une longue période générant au fil du temps et jusqu’à une période très récente, l’augmentation d’une créance de nature salariale au profit du salarié ; qu’en statuant ainsi en considération de la prétendue « ancienneté » de la créance, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

ALORS DE TROISIEME PART QU’au soutien de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, l’exposant avait invoqué la persistance du refus par l’employeur de lui payer les heures de travail supplémentaire qu’il avait régulièrement accomplies entre avril 2009 et septembre 2013 pour un montant total de plus de 10.200 euros ; que l’exposant avait fait valoir que face au refus de l’employeur de s’acquitter de ses obligations à ce titre, il avait été contraint de saisir la juridiction prud’homale devant laquelle l’employeur, loin d’adopter une attitude conciliante, avait persisté à refuser de lui reconnaître tout droit au paiement des heures supplémentaires qu’il avait accomplies et à contester devoir la moindre somme à ce titre ; que pour retenir que le manquement avéré de l’employeur à son obligation de régler le paiement des heures supplémentaires effectivement et régulièrement accomplies par l’exposant entre avril 2009 et septembre 2013 n’empêchait pas le maintien de la relation de travail et, partant, que la prise d’acte devait produire les effets d’une démission, la cour d’appel qui relève que, depuis septembre 2013, l’employeur avait mis fin à l’accomplissement d’heures supplémentaires, s’est prononcée par un motif totalement impropre à caractériser une quelconque « régularisation » par l’employeur des manquements qui lui étaient reprochés par le salarié au soutien de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail ni, par conséquent, une quelconque attitude conciliante de l’employeur et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT ATTAQUE D’AVOIR jugé que l’indemnité pour travail dissimulé était exclue de la garantie du CGEA de Bordeaux ;

AUX MOTIFS QUE la SARL Bonnet bénéficie d’un plan de redressement, aussi la garantie du CGEA de Bordeaux n’a vocation à intervenir qu’en cas d’insuffisance de trésorerie ; que, dans ce cas, l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 du code du travail ne couvre que les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de la procédure ainsi que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; que l’indemnité pour travail dissimulé prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail n’est due qu’en cas de rupture de la relation de travail ; qu’en l’espèce, la procédure de redressement a été ouverte le 25 février 2014 ; que, dès lors, l’assurance prévue par l’article L. 3253-6 du code du travail ne couvre que les sommes dues à M. X... à cette date ; qu’en revanche, l’indemnité pour travail dissimulé qui n’était due qu’à compter de la rupture du contrat de travail de M. Y... intervenue le 28 mars 2014, soit plus d’un mois après le jugement du Tribunal de commerce du 25 février 2014, n’est pas couverte par la garantie du CGEA ; qu’en conséquence de ce qui précède, la Cour, rappelant que la garantie du CGEA ne sera due qu’en cas d’insuffisance de trésorerie, juge qu’en tout état de cause, l’indemnité pour travail dissimulé ne sera pas couverte par cette garantie et, enfin, déclare le présent arrêt opposable au CGEA de Bordeaux dans la limite légale de sa garantie ;

ALORS QU’en vertu de l’article L. 3253-8, la garantie résultant du régime AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant notamment pendant la période d’observation ; qu’ainsi que l’avait fait valoir l’exposant, la rupture de son contrat de travail consécutive à sa prise d’acte était intervenue pendant la période d’observation ainsi que le reconnaissait expressément l’AGS de Bordeaux dans ses conclusions d’appel (p.9) ; qu’en énonçant, pour exclure l’indemnité pour travail dissimulé de la garantie due par le CGEA de Bordeaux, que l’indemnité pour travail dissimulé n’était due qu’à compter de la rupture du contrat de travail de l’exposant intervenue le 28 mars 2014, soit plus d’un mois après le jugement du Tribunal de commerce du 5 février 2014 portant ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de l’employeur, sans nullement rechercher si le CGEA de Bordeaux ne devait pas garantir l’indemnité pour travail dissimulé dès lors que la rupture du contrat de travail de l’exposant était intervenue pendant la période d’observation, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 3253-8 et L. 3253-6 du code du travail. Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 27 avril 2016