Salarié éligible malgré régularisation du paiement des heures dissimulées

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 4 mars 2020

N° de pourvoi : 18-22486

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00278

Non publié au bulletin

Cassation partielle

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION


Audience publique du 4 mars 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 278 F-D

Pourvoi n° P 18-22.486

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

M. T... G... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 18-22.486 contre l’arrêt rendu le 23 mai 2018 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant à la société Agence Lyon sécurité privée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. G... E..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Agence Lyon sécurité privée, après débats en l’audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. G... E... a été engagé le 1er décembre 2007 par la société Compagnie européenne de sécurité privée, aux droits de laquelle vient la société Agence Lyon sécurité privée, en qualité d’agent de prévention sécurité ; que contestant son licenciement intervenu le 3 septembre 2014, le salarié a saisi la juridiction prud’homale ; que par jugement définitif du tribunal correctionnel de Lyon du 6 octobre 2016, la gérante de la société a été condamnée pour travail dissimulé ;

Attendu que pour rejeter la demande d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt retient que c’est à juste titre que l’employeur fait observer que le salarié a obtenu la régularisation des heures de travail restées impayées à la suite de l’intervention de l’inspection du travail, ainsi qu’une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts allouée par jugement du tribunal correctionnel de Lyon en date du 6 octobre 2016, qui a déclaré la gérante de la société coupable de l’infraction d’exécution d’un travail dissimulé ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, impropres à remettre en cause le droit du salarié, dont le contrat de travail a été rompu, à bénéficier suite à la décision de la juridiction pénale de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt rendu le 23 mai 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Agence Lyon sécurité privée aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Agence Lyon sécurité privée et la condamne à payer à M. G... E... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. G... E...

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté la demande d’indemnité pour travail dissimulé formée par M. G... E...,

AUX MOTIFS QU’en ce qui concerne la demande d’indemnité pour travail dissimulé formée par M. G... E... pour la première fois en cause d’appel, c’est à juste titre que l’employeur fait observer que M. G... E... a obtenu la régularisation des heures de travail restées impayées à la suite de l’intervention de l’inspection du travail, ainsi qu’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts allouée par jugement du tribunal correctionnel de Lyon en date du 6 octobre 2016, qui a déclaré la gérante de la société coupable, notamment de l’infraction d’exécution du travail dissimulé,

1°) ALORS QU’en vertu de l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié a droit au versement d’une indemnité égale à six mois de salaire en cas de recours, par l’employeur, à un travail dissimulé, et ce quelle que soit la qualification de la rupture ; qu’il s’agit d’une indemnité minimale ne pouvant faire l’objet d’aucune modulation par le juge ; que cette indemnité est par ailleurs due dès le premier jour de dissimulation et quelle que soit la durée de celle-ci ; qu’elle peut se cumuler avec d’autres indemnités telles que l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’elle est enfin indépendante du rétablissement du salarié dans ses droits en cours d’exécution du contrat ; qu’en l’espèce, pour refuser de faire droit à la demande indemnitaire formée par M. G... E..., la cour d’appel a relevé que les heures supplémentaires non payées avaient finalement fait l’objet d’une régularisation de la part l’employeur ; qu’en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, impropres à remettre en cause le droit du salarié à l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, la cour a violé l’article L. 8223-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU’en vertu de l’article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié a droit au versement d’une indemnité égale à six mois de salaire en cas de recours, par l’employeur, à un travail dissimulé, et ce quelle que soit la qualification de la rupture ; qu’il s’agit d’une indemnité minimale ne pouvant faire l’objet d’aucune modulation par le juge ; que cette indemnité est par ailleurs due dès le premier jour de dissimulation et quelle que soit la durée de celle-ci ; qu’elle peut se cumuler avec d’autres indemnités telles que l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’elle est enfin indépendante du rétablissement du salarié sans ses droits en cours d’exécution du contrat ; qu’en l’espèce, pour refuser de faire droit à la demande indemnitaire formée par M. G... E..., la cour d’appel a relevé qu’il s’était vu allouer une indemnité de 500 euros par le tribunal correctionnel de Lyon, au titre du préjudice moral ; qu’en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, impropres à remettre en cause le droit du salarié à l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail, la cour a violé l’article L. 8223-1 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 23 mai 2018