Remise du titre emploi simplifié agricole (TESA) insuffisante

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 16 octobre 2018

N° de pourvoi : 17-85961

ECLI:FR:CCASS:2018:CR02096

Non publié au bulletin

Rejet

M. Soulard (président), président

SCP Zribi et Texier, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

 

M. Richard X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 7e chambre, en date du 5 juillet 2017, qui, pour travail dissimulé, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 septembre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle ZRIBI et TEXIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que les contrôleurs de la caisse de la mutualité sociale agricole de Bourgogne ont constaté, lors d’un contrôle effectué le 27 mai 2013 à Saint-Vérand, que M. A... était en situation de travail, occupé à des travaux de désherbage d’une parcelle de vigne ; qu’il a déclaré aux contrôleurs avoir été embauché par M. X... dans le cadre d’un contrat à durée déterminée du 17 mai 2013 jusqu’au 8 juin 2013 et qu’il leur a présenté le double du titre emploi simplifié agricole (TESA) que lui avait remis son employeur ; que les contrôleurs ont identifié, entre septembre 2012 et avril 2013, d’autres vendangeurs et salariés occasionnels, auxquels M. X... a eu recours ; que cité devant le tribunal correctionnel du chef susvisé, le 19 mai 2015, le prévenu a été condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement ; que le ministère public et M. X... ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 62 de la Constitution, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8224-1, L. 8271-1-2 et R. 1227-1 du code du travail et 593 du code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt a déclaré M. Richard X... coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ;

”aux motifs que le 14 novembre 2013, les contrôleurs de la Caisse de Mutualité sociale agricole de Bourgogne dressaient un procès-verbal relevant à l’encontre de M. X..., viticulteur, un délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés ; qu’aux termes de ce procès-verbal, ils avaient constaté lors d’un contrôle des travaux viticoles effectué le 27 mai 2013 sur la commune de Saint-Vérand, qu’une personne était en situation de travail, occupée à des travaux de désherbage d’une parcelle de vigne que M. Abdellatif A... leur déclarait avoir été embauché par M. X... dans le cadre d’un contrat à durée déterminée depuis le 17 mai 2013 jusqu’au 8 juin 2013 ; qu’il présentait aux contrôleurs le double du titre emploi simplifié agricole (TESA) que lui avait remis son employeur ; qu’en outre, les contrôleurs identifiaient onze vendangeurs en septembre 2012 et trois salariés occasionnels en mars et avril 2013, auxquels M. X... avait eu recours sans les déclarer ; qu’interrogé par la Caisse de Mutualité sociale agricole de Bourgogne, M. X... indiquait avoir procédé à la déclaration de M. A... auprès des services de la MSA Ain-Rhône, en raison du siège de son exploitation ; que toutefois, après vérification, il était constaté qu’aucune DPAE n’avait été effectuée auprès de cet organisme ; que postérieurement aux opérations de contrôle, soit le 5 juin 2013, il adressait un courrier recommandé à la MSA Ain-Rhône régularisant la situation de l’ensemble de ces salariés par la production des doubles des TESA ; qu’entendu le 31 janvier 2014, M. X... indiquait que son exploitation avait été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en date du 8 janvier précédent ; qu’il ne reconnaissait pas l’infraction de travail dissimulé, expliquant que, s’agissant des vendangeurs recrutés en 2012, il avait fait le nécessaire auprès de la caisse courant octobre 2012, et s’agissant des autres employés, il attendait que ceux-ci lui communiquent leur volume d’heures ; qu’il ajoutait : « je suis tout seul, débordé de boulot et je fais les tâches administratives quand j’ai le temps » ; que les faits reprochés à M. X... d’exécution de travail dissimulé sont établis par les éléments de la procédure, tels que ci-dessus relatés ; que bien qu’ayant employé, dans le cadre de son exploitation viticole, quinze personnes au cours des différentes périodes mentionnées à la prévention, il a omis intentionnellement de procéder à leur déclaration, alors même qu’il leur a remis le double des documents obligatoires liés à leur emploi ce qui leur permettait de croire qu’ils étaient régulièrement déclarés ; que s’il a finalement adressé à l’organisme compétent les volets TESA faisant office de déclarations préalables à l’embauche, cette régularisation est intervenue huit mois après l’embauche des onze vendangeurs recrutés en 2012, et entre trois semaines et trois mois après celle des travailleurs occasionnels en 2013, et de surcroît, après le contrôle ;

”1°) alors que l’inconstitutionnalité de l’article L. 8221-5 du code du travail, qui sera prononcée par le Conseil constitutionnel à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire distinct et motivé, privera l’arrêt de tout fondement juridique ;

”2°) alors que le retard dans l’établissement de la déclaration préalable à l’embauche ne constitue qu’une contravention de 5e classe et non le délit de travail dissimulé ; qu’en prononçant comme elle a fait, quand il ressortait de ses constatations que M. X... avait remis à chacun de ses salariés occasionnels le double des formulaires TESA et qu’il avait adressé, fût-ce avec retard, ces formulaires à l’organisme compétents, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ;

”3°) alors que la cour d’appel ne pouvait se prononcer, comme elle l’a fait, par des motifs insuffisants à caractériser l’intention de M. X... de se soustraire aux formalités légales” ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que la Cour de cassation ayant, par arrêt du 7 mai 2018, dit n’y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par le demandeur portant sur l’article L. 8221-5, 1° du code du travail, le grief est devenu sans objet ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l’arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, dès lors qu’elle avait constaté qu’aucune déclaration n’avait été effectuée avant l’embauche de quinze salariés et ce alors même que M. X... leur avait remis le double des documents obligatoires liés à leur emploi, ce qui leur permettait de croire qu’ils étaient régulièrement déclarés, et qu’il a adressé à l’organisme compétent huit mois après l’embauche les documents nécessaires, la cour d’appel, qui a caractérisé l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l’article 132-19 du code pénal ;

”en ce que l’arrêt a condamné M. X... à une peine d’emprisonnement ferme de quatre mois ;

”aux motifs que la peine ferme de quatre mois prononcée à son encontre apparaît juste et adaptée à la gravité des faits et à la personnalité du prévenu, déjà condamné à neuf reprises, notamment pour des faits d’obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail à une peine d’emprisonnement ferme ; que cette peine vise à sanctionner des actes délictueux organisés et réitérés sur une période significative, toute autre sanction étant manifestement inadéquate eu égard aux antécédents et aux conséquences des agissements du prévenu ;

”alors que le juge qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l’espèce, de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que le cour d’appel ne pouvait prononcer par une affirmation abstraite, sans s’expliquer sur les éléments de la personnalité du prévenu pris en considération pour prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis, ni sur le caractère inadéquat de toute autre sanction” ;

Attendu que pour confirmer la peine de quatre mois d’emprisonnement prononcée par les juges de première instance l’arrêt énonce que celle-ci apparaît juste et adaptée à la gravité des faits et à la personnalité du prévenu, déjà condamné à neuf reprises, notamment pour des faits d’obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail à une peine d’emprisonnement ferme et que cette peine vise à sanctionner des actes délictueux organisés et réitérés sur une période significative, toute autre sanction étant manifestement inadéquate eu égard aux antécédents et aux conséquences des agissements du prévenu ; que les juges ajoutent qu’ils ne disposent pas d’éléments suffisants et fiables sur sa situation familiale, sociale et professionnelle pour leur permettre d’ordonner en l’état un aménagement de cette peine d’emprisonnement ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, dès lors que, d’une part, le prévenu ne s’est pas présenté devant ses juges, bien qu’il ait été régulièrement convoqué par officier de police judiciaire devant le tribunal correctionnel et régulièrement cité à sa dernière adresse déclarée devant la cour d’appel, et n’a fourni, ni fait fournir, à aucun de ces stades, à la juridiction d’éléments sur sa personnalité et sa situation personnelle, ainsi que sur le montant de ses ressources comme de ses charges, d’autre part, il n’incombe pas aux juges, en possession des seuls éléments mentionnés en procédure sur ces différents points, de rechercher ceux qui ne leur auraient pas été soumis, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 5 juillet 2017