Recours à un contrat inapproprié insuffisant

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 9 janvier 2019

N° de pourvoi : 17-21939

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00023

Non publié au bulletin

Cassation partielle

Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Didier et Pinet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y..., engagé en qualité de journaliste, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée à temps partiel par la société La Charente libre, a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur les quatrième et cinquième moyens du pourvoi principal du salarié :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa seconde branche :

Vu l’article L. 3123-14 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à voir requalifier ses contrats à temps partiel en contrats à temps complet et obtenir le paiement de diverses sommes, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que s’ il est établi que l’activité habituelle du salarié ne concernait que les samedis et dimanches, que, même si l’intéressé a dû écrire, à la demande du journal, des articles, il est constant qu’il a pu avoir un service civique pour lequel il a été indemnisé à compter du mois de janvier 2014, et ce sans diminution de l’indemnisation versée par la société Charente libre après le mois de janvier 2014 ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si l’employeur justifiait de la durée exacte du travail convenue, et établissait que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et ne se trouvait pas dans l’obligation de se tenir constamment à sa disposition, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu qu’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié entraîne, par voie de conséquence la cassation des chefs de l’arrêt critiqués par les deuxième, et troisième moyens de ce même pourvoi ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur :

Vu l’article L. 8221-5 du code du travail ;

Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu’il condamne l’employeur à payer à M. Y... une somme au titre du travail dissimulé, l’arrêt retient, par motifs adoptés qu’aucune déclaration d’embauche et aucun paiement de cotisations sociales pour les salaires versés à l’intéressé n’ont été faits, la société considérant que ce dernier était un travailleur indépendant et non un salarié ;

Qu’en statuant ainsi alors que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il dit que la prise d’acte de la rupture par M. Y... produit les effets d’une démission et en ce qu’il déboute M. Y... de ses demandes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis, et des congés payés afférents, l’arrêt rendu le 24 mai 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y..., l’union syndicale des journalistes CFDT et le Syndicat national des journalistes

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de requalification du contrat à durée indéterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet, d’AVOIR en conséquence débouté le salarié de ses demandes de rappels de salaires subséquentes, soit un rappel de salaire pour la période d’octobre 2012 à novembre 2014, rappel des treizièmes mois de 2012 à 2014, un rappel de primes de vacances et primes d’intéressement et de participation

AUX MOTIFS propres QUE monsieur Y... tend également à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, ce faute d’un contrat écrit ; que, à cet égard, l’article L.3123-14 du code du travail dispose en effet :

” Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié (...)” ;

qu’il est constant que l’absence de contrat de travail écrit fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur ; qu’il est ici établi par les échanges de courriels produits aux débats que monsieur Y... travaillait exclusivement le samedi et le dimanche à la Charente Libre ; que c’est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes, qui sera confirmé de ce chef, a jugé que monsieur Y... occupait un emploi à temps partiel, en l’espèce un emploi à mi-temps ; que, par voie de conséquence, la cour confirmera également le principe et le montant des indemnités allouées à l’intimé,

AUX MOTIFS adoptés QUE s’agissant du temps de travail, Monsieur Y... invoque l’absence de toute précision écrite quant à son temps de travail et soutient la requalification de plein droit en temps de travail complet ; que néanmoins, le travail à temps partiel n’est présumé à temps complet qu’à la double condition que l’employeur ne puisse pas justifier du temps de travail réalisé et que le salarié ait été dans l’impossibilité de prévoir à l’avance quand il devait être disponible pour son employeur ; qu’or, il est ici établi que l’activité habituelle de Monsieur Y... ne concernait que les samedi et dimanche, jour où Mme Z..., journaliste, et Yoann A..., webmaster, ne travaillaient pas ; que d’autre part, même s’il est établi que Monsieur Y... a dû écrire, à la demande de Monsieur D... C..., des articles, il est constant qu’il a pu avoir un service civique pour lequel il a été indemnisé à compter du mois de janvier 2014, et ce sans diminution de l’indemnisation versée par la SA La Charente Libre après le mois de janvier 2014 ; que dans ces circonstances, le conseil des prud’hommes retient, après en avoir délibéré, que l’emploi occupé correspondait à un emploi mi-temps ; que dès lors, le rappel de salaire auquel peut prétendre Monsieur Y... se porte à : - 1368,83 € pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, le salaire de 797,92 €

n’ayant pas été atteint pendant 9 de ces 12 mois (5812,45 6 versés sur ces 9 mois au lieu de 7181,28 €), - 2573,30 € pour la période du 1er octobre 2013 au 21 novembre 2013, le salaire de 859 € n’ayant pas été atteint sur 8 de ces mois (soit 4900 € versés pour ces 8 mois au lieu de 6872er + 601,30er au titre du mois de novembre), soit un total de rappel de salaire de 3942,13 € ; qu’au titre des congés payés, Monsieur Y... est fondé à obtenir les sommes de : - 1765,82 € pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, soit 15 % des 11 772,15 € qu’il aurait dû toucher de salaire sur cette période, - 1627,99 € pour la période du 1er octobre 2013 au 21 novembre 2013, soit 15 % des 10 858,30 € qu’il aurait dû toucher de salaire sur cette période, soit un total de 3393,81 € au titre des congés payés ; que s’agissant de la prime de 13ème mois, elle ne peut être retenue en application de l’article 25 de la convention collective qu’à hauteur de 1186,36 € (soit 398,95+ 1574,83 + 398,95/2) ; que s’agissant de la prime de vacances et de la prime d’intéressement prévue par un accord d’entreprise, elles sont dues à Monsieur Y... à hauteur respectivement de 800 € et 1500 €, les montants de l’accord d’entreprise étant basés sur un plein temps.

1°) ALORS tout d’abord QU’il résulte de l’article L.3123-14 du code du travail que l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle, prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet et que l’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ; que ces deux conditions sont cumulatives, de sorte que si l’un des deux fait défaut, la présomption de temps complet n’est pas renversée ; que, s’agissant de la preuve de la durée hebdomadaire ou mensuelle, la cour d’appel a relevé qu’il était établi par les échanges de courriels produits aux débats que Monsieur Y... travaillait exclusivement le samedi et le dimanche à La Charente Libre, pour en déduire que le salarié occupait un emploi à mi-temps ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée, si l’employeur était ou non en mesure de justifier de la durée exacte du travail de celle-ci, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.3123-14 du code du travail.

2°) ALORS ensuite QUE, s’agissant de la preuve de l’impossibilité pour le salarié de prévoir à quel rythme il devait travailler, la cour d’appel a déduit du constat que Monsieur Y... travaillait exclusivement le samedi et le dimanche que le salarié occupait un emploi à mi-temps et qu’il avait effectué un service civique à compter de janvier 2014, que la présomption de travail à temps complet avait été renversée ; qu’en statuant ainsi, alors que la prévisibilité ne dépend pas du nombre d’heures de travail effectivement effectuées, mais de la possibilité de prévoir à l’avance son emploi du temps, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l’article L.3123-14 du code du travail ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de requalification du contrat à durée indéterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet, de n’AVOIR en conséquence ordonné la délivrance des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, et la publication de la décision qu’avec la mention d’une durée de travail et d’un montant de rémunération à mi-temps.

AUX MOTIFS propres QUE le jugement doit être confirmé.

ET AUX MOTIFS adoptés QUE l’allocation des sommes emporte nécessité pour l’employeur de délivrer un certificat de travail et une attestation Pôle emploi ainsi que des bulletins de paie comportant (les rappels alloués) ; qu’il convient donc, en tant que de besoin, de prévoir la condamnation sous astreinte de la SA La Charente Libre à cet égard.

ET AUX MOTIFS adoptés encore QU’il convient de condamner la SA La Charente Libre, sous astreinte, à publier au sein d’un numéro de la Charente Libre pendant 24 heures continues sur le site de la Charente libre un extrait du jugement, mentionnant un contrat à mi-temps et les condamnations prononcées en conséquence.

ALORS QUE le libellé des documents et le texte de la publication ordonnés ayant été fixé sur la base d’un contrat à mi-temps, la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation du chef de la durée réduite et du montant réduit dont la mention a été ordonnée sur les documents sociaux et dans la publication du jugement, en application de l’article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de requalification du contrat à durée indéterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet, d’AVOIR en conséquence fixé l’indemnité allouée au titre du travail dissimulé sur la base d’un salaire calculé à temps partiel.

AUX MOTIFS PROPRES QUE c’est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le conseil de prud’hommes, qui sera confirmé de ce chef, a jugé que monsieur Y... occupait un emploi à temps partiel, en l’espèce un emploi à mi-temps ; que, par voie de conséquence, la cour confirmera également le principe et le montant des indemnités allouées à l’intimé, en ce compris l’indemnité allouée au titre du travail dissimulé.

ET AUX MOTIFS adoptés QUE il est constant qu’aucune déclaration d’embauche et aucun paiement de cotisations sociales pour les salaires versés à Monsieur Y... n’ont été faits, la SA La Charente Libre considérant que Monsieur Y... était un travailleur indépendant et non salarié ; que dans ces circonstances, la SA La Charente Libre sera condamnée à payer à Monsieur Y... une somme complémentaire de 5154 € au titre de ces dispositions.

ALORS QUE le montant de l’indemnité pour travail dissimulé ayant été fixé sur la base d’un salaire à temps partiel, la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera par voie de conséquence la cassation du chef du montant réduit alloué à ce titre, en application de l’article 624 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR fixé les rappels de rémunérations sur la base d’un salaire mensuel de 797,92 euros pour un salaire à mitemps du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et à 859 euros pour la période du 1er octobre 2013 au 21 novembre 2014 sans préciser qu’il s’agissait d’un montant net et non d’un montant brut, et d’AVOIR fixé en conséquence les rappels de salaires de treizièmes mois de 2012 à 2014, de n’avoir ordonné la délivrance des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, et la publication de la décision qu’avec la mention d’un montant ainsi fixé, et d’avoir fixé sur la base de ce montant réduit l’indemnité allouée au titre du travail dissimulé.

AUX MOTIFS énoncés aux moyens précédents.

ALORS QUE Monsieur Y... faisait valoir que, en application de la convention collective des journalistes de la presse quotidienne régionale et des accords d’entreprise, il devait bénéficier du coefficient 115 la première année et du coefficient 127 la seconde et sollicitait ainsi un rappel de salaire calculé en net sur le brut résultant des grilles de salarie ; que la cour d’appel qui n’a pas précisé si la condamnation prononcée devait s’entendre en net ou en brut alors qu’elle était saisie de conclusions précises tendant à ce que les sommes ainsi fixées le soient en net, et non en brut, a violé l’article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que la rupture du contrat de travail s’analysait en une prise d’acte produisant les effets d’une démission et d’AVOIR en conséquence débouté le salarié de ses demandes d’indemnité légale de licenciement d’indemnité compensatrice de préavis outre 649,80 euros brut au titre les congés payés sur préavis et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS QUE monsieur Y... soutient avoir été congédié verbalement le 21 novembre 2014, ce qui est expressément discuté par l’employeur qui affirme que l’intimé n’a plus souhaité venir travailler pour la Charente Libre et demande à la cour de qualifier la rupture litigieuse de prise d’acte ; que l’intimé produit la copie de deux courriels qu’il a adressés à ses interlocuteurs au sein du journal, le premier le 21 novembre 2014 pour interroger ainsi l’employeur sur ses intentions à son égard : « Suite à l’entretien de cet après-midi avec D... C... , ce dernier m ‘a informé qu’à compter d’aujourd’hui, il n ‘avait plus de tâche à me donner pour une durée indéterminée alors que depuis plus de deux ans je suis à votre service. Ce message signifie-t-il que je ne travaille plus pour la Charente Libre ? » ; que le deuxième courriel, envoyé le 27 novembre suivant à son référent direct, monsieur C..., rappelle ainsi l’entretien évoqué ci-dessus : « Tu m’as assez brutalement annoncé que tu n’avais pas de travail à me donner pour le week-end qui suivait, alors que ça fait plus de 2 ans que je travaille chaque semaine pour Charente Libre, ce qui n’est pas rien. (...) Tu m’as dit que tu ne savais pas si tu aurais d’autres vacations à me donner. Si tu devais en avoir à l’avenir, tu ne savais pas non plus quand elles pourraient intervenir » ; que monsieur C... a répondu à monsieur Y... : “ Ce n’est pas tout à fait ce que je t’ai dit vendredi dernier ; que notre discussion a concerné essentiellement la proposition d’un contrat de professionnalisation, ce qui n ‘a pas semblé répondre à tes attentes ; que concernant le renfort du week-end, il me semble t’avoir dit que je n’avais malheureusement rien à te proposer pour cette fois, à cause d’un problème d’actualité, mais que c’était un mauvais concours de circonstance, comme cela s’est déjà produit par le passé ; que j’avais toujours l’intention de faire appel à toi, comme je le fais dès cette semaine. Je te redemande donc si tu es dispo pour bosser ce week-end ? “ ; que, par ailleurs, monsieur C... a ainsi relaté l’entretien du 21 novembre 2014 : “ En novembre 2014, j’avais convaincu le directeur de CL de lui proposer un contrat de professionnalisation. Alors que je pensais lui annoncer une très bonne nouvelle, il m’a répondu qu’il n’en avait nullement besoin et qu’il souhaitait seulement être embauché. Malgré tout, il n’était pas question de le laisser tomber. Il continuerait à travailler pour nous malgré la réorganisation du service. Ce fut d’ailleurs le cas, jusqu’à ce fameux week-end où, compte tenu de l’activité très faible, je n’avais rien à lui proposer et lui rien à me suggérer. Je lui avais assuré que c’était ponctuel mais à partir de ce jour, il n’a plus répondu à mes propositions “ ; que le licenciement dont se prévaut monsieur Y... n’est pas établi dans la mesure où les termes de ses propres courriels sont contrebattus par ceux du courriel et de l’attestation de monsieur C... ; que l’employeur est donc fondé à soutenir que le refus de monsieur Y... de revenir travailler au journal en suite des reproches adressés à la société La Charente Libre doit être regardé comme une prise d’acte aux torts de l’employeur ; que, à cet égard, il est constant en droit que la prise d’acte de la rupture par le salarié de son contrat de travail produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission ; qu’il incombe au salarié de rapporter la preuve des griefs allégués à l’encontre de l’employeur ; que seuls peuvent être de nature à justifier la rupture, des faits, manquements, ou agissements de l’employeur d’une gravité suffisante et rendant impossible la poursuite du contrat de travail ; que, en l’espèce, l’appelante établit que, dès le 4 octobre 2013, monsieur C... a proposé à l’intimé la voie d’un contrat de professionnalisation, compte tenu de l’absence de diplôme de ce jeune homme ; que ce dernier n’a pas accepté ; que cette formation lui a de nouveau été proposée par la responsable des ressources humaines le 17 novembre 2014 et a de nouveau été refusée par l’intéressé ; que monsieur Duffau, secrétaire général, atteste le 12 mai 2015 que la Charente Libre avait préparé un budget 2015 dans lequel une ligne salariale était prévue pour la formation en contrat de professionnalisation de monsieur Y... ; qu’il apparaît que l’intimé était manifestement en désaccord avec ses référents sur ses qualités intrinsèques de rédacteur, de sorte que la solution retenue par l’employeur pour former ce jeune homme dont la motivation l’intéressait, n’a pas reçu l’agrément de monsieur Y... ; que le grief fait à l’employeur de laisser monsieur Y... dans l’incertitude de son avenir au sein de la rédaction n’est donc pas fondé puisque, au contraire, il lui avait été demandé d’approfondir ses connaissances et ses pratiques ; que, dès lors, la prise d’acte de l’intimé doit être regardée comme une démission ; que celui-ci n’est donc pas fondé à réclamer à son employeur le paiement des sommes indemnisant les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le premier juge sera infirmé en ce qu’il a condamné la Charente Libre à verser à ce titre les sommes suivantes à monsieur Y... : 5.154 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 3.519,75 euros à titre d’indemnité de licenciement ; 2.166 euros à titre d’indemnité de préavis ; 324,90 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis.

1°) ALORS QUE lorsque le salarié privé de travail ne manifeste pas clairement et sans équivoque sa volonté de mettre fin aux relations contractuelles et ne prend pas acte de la rupture, la rupture du contrat de travail s’analyse nécessairement en un licenciement, lequel, dénué de motifs en l’absence de lettre de licenciement, est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; qu’il résulte des constatations opérées par la cour d’appel que l’employeur a reconnu ne pas avoir fourni de travail à Monsieur Y... le 21 novembre 2014, faute d’activité ; qu’il en résulte que la salariée n’a jamais adressé de lettre de démission ou pris acte de la rupture, pas plus qu’elle n’a implicitement déclaré qu’elle n’était plus salariée, de sorte qu’elle n’a jamais fait état de la volonté de rompre le contrat de travail, mais seulement de l’impossibilité de poursuivre la collaboration avec la société Charente Libre ; qu’en l’absence de lettre de licenciement, la rupture s’analysait nécessairement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu’en considérant néanmoins que la rupture s’analysait en une prise d’acte produisant les effets d’une démission, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a exposé sa décision à une inéluctable censure pour violation des articles L.1231-1, L.1232-1, L.1232-6, L.1235-1 et L.1222-1 du code du travail.

2°) ALORS en tout cas QUE le défaut de fourniture de travail justifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ; qu’il résulte des constatations opérées par la cour d’appel que l’employeur a reconnu ne pas avoir fourni de travail à Monsieur Y... le 21 novembre 2014, faute d’activité ; qu’en jugeant que la prise d’acte produisait les effets d’une démission, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et , partant, a violé l’article 1134 du code civil, devenu 1102 à 1104 du code civil.

3°) ALORS enfin QUE le refus par le salarié d’un contrat de professionnalisation ne constitue pas un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail et lui rendant la rupture imputable ; qu’en jugeant pourtant que la prise d’acte s’analysait en une démission, au motif que la formation proposée par l’employeur n’avait pas reçu l’agrément de Monsieur Y..., la cour d’appel a statué par un motif inopérant, en violation de l’article 1134 du code civil, devenu 1102 à 1104 du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Charente libre

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société Charente Libre à M. Y... la somme de 5154 € au titre du travail dissimulé ;

AUX SEULS MOTIFS ADOPTES QU’en application de l’article L. 8223-1 du code du travail, « en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire » ; qu’en l’espèce, il est constant qu’aucune déclaration d’embauche et aucun paiement de cotisations sociales pour les salaires versés à M. Y... n’ont été faits, la société La Charente Libre considérant que M. Y... était un travailleur indépendant et non un salarié ; que dans ces circonstances, la société La Charente Libre sera condamnée à payer à M. Y... une somme complémentaire de 5154 € au titre de ces dispositions ;

1°) ALORS QUE la décision de justice doit être motivée et se suffire à elle-même ; qu’il s’ensuit qu’une cour d’appel ne peut se borner à adopter les motifs des premiers juges, notamment lorsque l’une des parties a soulevé, en cause d’appel, des moyens nouveaux ou produit des pièces nouvelles de nature à étayer ses demandes ; qu’en se bornant dès lors à adopter les motifs des premiers juges relatifs à la condamnation de la société Charente Libre au titre du travail dissimulé, sans aucune analyse des moyens de défense opposés par celle-ci (cf. conclusions d’appel p. 40) et des éléments de preuve fournis par elle au soutien de son argumentation, la cour d’appel a violé les articles 455 et 561 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU’il n’y a pas délit de travail dissimulé en l’absence d’intention délibérée de l’employeur de dissimuler l’emploi salarié ; que, pour dire l’infraction consommée, la cour d’appel a retenu qu’aucune déclaration d’embauche de M. Y... n’avait été effectuée et qu’aucun paiement de cotisations sociales n’avait été réglé pour les salaires versés à celui-ci, dans la mesure où la société Charente libre considérait qu’il était un travailleur indépendant et non un de ses salariés ; qu’en statuant ainsi, sans caractériser l’intention de l’employeur de dissimuler l’emploi du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 8221-5 du code du travail ;

3°) ET ALORS, plus subsidiairement, QUE le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié ; qu’en statuant comme elle a fait, quand la conclusion avec M. Y... de contrats de prestations de services, en lieu et place d’un contrat de travail, ne pouvait à elle seule caractériser l’élément moral de l’infraction de travail dissimulé, la cour d’appel a violé l’article L. 8221-5 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux , du 24 mai 2017