écart entre heures effectuées et heures mentionnées - élément intentionnel oui

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 6 novembre 2019

N° de pourvoi : 18-21549

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01543

Non publié au bulletin

Rejet

M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président), président

SCP Boulloche, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Metz, 27 juin 2018), que M. D... a été engagé par la société Proconsultant informatique à compter du 2 avril 2012 en qualité de chargé de projet en développement ; qu’ayant été licencié pour insuffisance professionnelle le 10 juin 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation du bien fondé de ce licenciement et d’une demande en paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre une indemnité compensatrice des congés payés afférents, une indemnité pour repos compensateur non pris et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :

1°/ que l’existence d’un horaire collectif de travail suppose la caractérisation d’une collectivité de travailleurs travaillant dans des conditions uniformes ; qu’en déduisant l’existence d’un tel horaire applicable au sein de l’entreprise des attestations de quatre salariés relatant leurs horaires de travail et d’une note de service indiquant que l’horaire d’embauche était à 9h, la cour d’appel n’a pas caractérisé la volonté claire et non équivoque de la société Proconsultant informatique de soumettre les salariés à un horaire collectif de 9h à 12h et de 14h à 19h tous les jours de la semaine, alors surtout que le contrat de travail de M. D... comportait une clause aux termes de laquelle celui-ci “gère son temps de travail de façon autonome, en adaptant ses journées aux besoins et contraintes des missions qui lui sont dévolues” ; qu’en décidant que M. D... était soumis à un horaire collectif par des considérations insuffisantes à caractériser l’existence d’un tel horaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3171-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, qu’en admettant même applicable l’existence d’un horaire collectif de travail au sein de la société Proconsultant informatique, cette dernière restait recevable à démontrer que M. D..., en l’état des mentions de son contrat de travail et des conditions effectives dans lesquelles celui-ci travaillait, n’était pas soumis à cet horaire collectif ; qu’à cet égard, l’exposante offrait de démontrer que M. D... disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail, conformément aux prévisions de son contrat, puisqu’il s’absentait sans avoir à en justifier, prenait des pauses à sa convenance et vaquait à des occupations personnelles sur son lieu de travail ; qu’en s’abstenant de rechercher si, même en présence d’un horaire collectif de travail, M. D... n’était pas soumis à un régime dérogatoire qui lui permettait de s’organiser librement de telle sorte qu’il était nécessaire de déterminer le temps que celui-ci consacrait réellement à ses activités professionnelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3171-1 et L. 3171-4 du code du travail ;

3°/ en tout état de cause, que l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulée suppose la caractérisation de l’intention délictuelle de l’employeur, laquelle ne peut être déduite de la seule mention sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu’en l’espèce, pour condamner la société Proconsultant informatique au versement d’une telle indemnité, la cour d’appel s’est contentée de présumer l’application d’un horaire collectif et de constater l’insuffisance d’heures déclarées sur les bulletins de paye, en précisant que cette pratique était générale et constante ; qu’en statuant ainsi, cependant que c’est en définitive son arrêt qui a consacré légalement l’existence d’un horaire collectif dans l’entreprise dont l’existence avait jusqu’alors toujours été contestée par cette dernière, la cour d’appel a déduit le caractère intentionnel de la dissimulation à raison de la seule mention sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli et a violé les articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs de défaut de base légale, le moyen, pris en ses deux premières branches, ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine de la cour d’appel qui a estimé, au vu des éléments qui lui étaient soumis par l’une et l’autre des parties, que le salarié travaillait tous les jours de 9h à 12h et de 14h à 19h et effectuait cinq heures supplémentaires chaque semaine ;

Et attendu qu’ayant relevé que pendant tout le cours de la relation de travail l’employeur avait imposé au salarié d’effectuer un horaire de travail de 40 heures par semaine en ne le rémunérant qu’à hauteur de 35 heures par semaine et en lui remettant systématiquement des bulletins de paye mentionnant un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, la cour d’appel a par là-même caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le second moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond doivent répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait valoir que les manquements de M. D... dans le cadre du projet I... résultaient notamment de ce que, alors qu’il lui était demandé de proposer une nouvelle solution adaptée, M. D... s’était contenté de “copier/coller” un précédent projet ; qu’en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges du fond doivent examiner les pièces produites par les parties ; qu’en l’espèce, l’exposante offrait de démontrer, concernant le projet [...], que M. D... avait fait preuve de désinvolture, qu’il avait commis de nombreuses erreurs justifiant que lui soient rappelées des règles de bases, qu’il avait omis des vérifications, ce qui avait contraint son supérieur à intervenir en catastrophe, le tout ayant conduit à ce que M. D... soit déchargé de la majeure partie du projet ; qu’en ne s’expliquant pas sur ces conclusions opérantes et sur les pièces produites, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu’en considérant qu’aucune pièce n’était versée aux débats en ce qui concerne le grief relatif au dossier [...], cependant que tel n’était pas le cas, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond doivent répondre aux conclusions et examiner les pièces produites par les parties ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait encore valoir que le nombre et le sens des courriels échangés démontraient les insuffisances de M. D... notamment en matière de contrôle et vérification des migrations et que, comme l’avaient retenu les premiers juges, concernant le projet I..., son manque de réactivité et d’anticipation dans la mise en œuvre de la migration ; qu’en ne procédant pas à cette recherche et en n’examinant pas ces pièces, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sous le couvert des griefs non fondés de défaut de réponse à conclusions, de méconnaissance des termes du litige et de défaut de motifs, le moyen, en ses quatre branches, ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui ont estimé que l’insuffisance professionnelle du salarié n’était pas établie ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Proconsultant informatique aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Proconsultant informatique à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Proconsultant informatique.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d’AVOIR condamné la société PROCONSULTANT INFORMATIQUE à verser à Monsieur D..., avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2015, les sommes de 22.461,07 € brut à titre de rappel d’heures supplémentaires, 2.246,10 € brut au titre des congés payés y afférents, 246,16 € net au titre de l’indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos, avec intérêt au taux légal à compter de l’arrêt, 31.507,64 € net au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (avec intérêts courant à compter du prononcé de l’arrêt), et ordonné la capitalisation des intérêts sur ces sommes ;

AUX MOTIFS QUE « Sur les heures supplémentaires et l’indemnisation des repos compensateurs : (

) ; que “la promesse d’embauche pour un contrat de travail à durée indéterminée”, signée par les parties le 9 mars 2012, stipule qu’en sa qualité de cadre et conformément aux dispositions conventionnelles, M. V... D... gère son temps de travail de façon autonome, en adaptant ses journées aux besoins et contraintes des missions qui lui sont dévolues ; que conformément aux bulletins de paie versés aux débats, le salarié a ainsi été rémunéré à concurrence de 35 heures par semaine et qu’aucune heure supplémentaire ne lui a été payée par son employeur depuis son engagement ; Que M. V... D... prétend cependant avoir effectué 40 heures de travail hebdomadaires, soit 5 heures supplémentaires par semaine, et ce, en vertu d’un horaire fixe journalier imposé à tous les cadres de l’entreprise, à savoir du lundi au vendredi de 9 heures à 12 heures, puis de 14 heures à 19 heures ; que pour étayer ses dires, M. V... D... produit notamment les attestations de M. S... E..., M. J... Z..., M. A... K... et M O..., quatre de ses collègues de travail, desquelles il ressort que tous les cadres travaillaient, du lundi au vendredi 9 heures à 12 heures, puis de 14 heures à 19 heures, sans jours de repos venant en compensation ; qu’il verse également une note interne relative aux retards et absences pour maladie, mentionnant un horaire de travail fixé à 9 heures et faisant obligation aux salariés de l’entreprise de prévenir l’employeur impérativement avant 9 heures 15 de tout absence ou retard ; qu’il produit enfin une sélection de plusieurs courriels démontrant selon lui qu’il travaillait quotidiennement selon les horaires mentionnés ci-dessus ; Que ces éléments produits par M. V... D..., s’agissant en particulier des témoignages précis de ses quatre collègues de travail, permettent d’étayer sa demande d’heures supplémentaires, établie sur la base d’un horaire invariable déterminé à l’avance et imposé à tous les cadres de la société, comprenant l’exécution de cinq heures supplémentaires hebdomadaires non rémunérées, au delà de la durée légale du travail ; que pour contredire les affirmations du salarié, la société Pro Consultant Informatique fait valoir que celui-ci disposait selon son contrat de travail de la faculté de gérer ses heures en toute autonomie et qu’il avait pour seule obligation d’exécuter 35 heures de travail par semaine dans une “plage horaire” définie (de 9 heures à 12 heures, puis de 14 heures à 19 heures) ; qu’ elle verse aux débats les attestations de son cher de production (M. G... L...), ainsi que de deux de ses chargés de projet (M. F... Y... et M. R... T...), desquels il ressort que “Ici journée de M. V... D... s’articulait autour de nombreuses pauses à la machine à café”, “qu’il arrivait régulièrement que les pauses de M. V... D... se prolongent durant une demi-heure”, ou encore que le salarié avait l’habitude de prendre “de nombreuses et longues pauses et du temps conséquent à surfer sur internet pour sa convenance personnelle ainsi qu’à échanger avec des personnes extérieures à l’entreprises via des messageries instantanées (type Skype)” ; qu’elle estime en conséquence que M. V... D... effectuait en réalité 35 heures par semaine, après déduction des pauses qu’il prenait librement dans la journée ; Que la société Pro Consultant Informatique verse également aux débats plusieurs courriels attestant que M. V... D... informait occasionnellement son employeur de ses absences ponctuelles durant la journée pour des motifs personnels ou familiaux ; que contrairement aux allégations du salarié concernant l’imposition d’un horaire collectif à tous les cadres, elle considère que ces courriels confirment au contraire l’autonomie dont il disposait dans la gestion de son emploi du temps, puisqu’il n’avait pas l’obligation de solliciter de sa hiérarchie une autorisation d’absence, mais seulement d’informer ses proches collaborateurs de son indisponibilité momentanée ; que les éléments produits par la société Pro Consultant Informatique ne permettent pas de contredire les déclarations précises et concordantes des quatre cadres de l’entreprise, suivant lesquelles ces derniers devaient effectuer 40 heures de travail par semaine, réparties selon un horaire fixe imposé par l’employeur (soit 9 heures 12 heures - 14 heures 19 heures) ; Que la société Pro Consultant Informatique ne conteste pas par ailleurs avoir rédigé une note de service intitulée “procédure interne retards”, prévoyant qu’en cas de retard “tout salarié de PCI ou tout personnel mis à disposition de PCI doit prévenir directement son responsable de département (ou un autre membre du comité de direction) au plus tard à 9 heures 15 le jour du retard et l’informer de son heure d’arrivée probable” ; que cette disposition confirme encore le fait que les salariés devaient impérativement embaucher à 9 heures du matin, devant en effet prévenir leur employeur de leur retard ou de leur absence, impérativement avant 9 heures 15 ; que cette obligation mise à la charge des cadres de la société démontre que ces derniers ne disposaient pas de la faculté d’organiser librement leur temps de travail qui serait limité à 35 heures par semaine, devant être réparti selon “une plage horaire” déterminée ; Qu’au surplus, les attestations produites par la société Pro Consultant Informatique au sujet des pauses prises par M. V... D... sont imprécises, s’agissant notamment de leur fréquence et de leur durée dans la journée ; qu’elles ne permettent pas d’établir la preuve que le temps de travail effectif du salarié serait systématiquement de 35 heures par semaine, après déduction des temps de pause relevés par les témoins, étant observé que ces pauses n’ont fait l’objet d’aucune définition dans la cadre du contrat de travail ou d’un accord collectif applicable au sein de l’entreprise ; que dans ces conditions, en l’absence de réglementation des temps de pause par l’employeur, il doit être considéré que M. V... D... devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur et qu’il ne pouvait vaquer librement à ses occupations de 9 heures à 12 heures et de 14 heures 19 heures, comme il est prétendu ; que ce fait est confirmé enfin par les propres courriels produits par l’employeur, dans la mesure où M. V... D... était tenu d’informer ses supérieurs hiérarchiques, lorsqu’il quittait momentanément son poste de travail durant la journée ; Qu’en conclusion, sur la base des attestations de ses collègues de travail et d’une note interne rédigée par la société Pro Consultant Informatique au sujet des retards et des absences des salariés, M. V... D... rapporte la preuve qu’il travaillait tous les jours, de 9 heures à 12 heures, puis de 14 heures 19 heures, et qu’il effectuait par conséquent cinq heures supplémentaires par semaine ; que conformément à son décompte, M. V... D... justifie ainsi avoir respectivement accompli 171 heures supplémentaires en 2012, 228 heures supplémentaires en 2013, 228 heures supplémentaires en 2014 et enfin 95 heures en 2015, année de son licenciement ; que pour limiter le paiement à 1 heure 30 et non 5 heures, le conseil des prud’hommes de Metz a fait application de l’article 3 (1) de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail concernant les ingénieurs et les cadres percevant une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; que cet article prévoit que “les appointements de ces salariés englobant les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10% pour un horaire hebdomadaire de 35 heures” et que “la rémunération mensuelle du salarié n’est pas affectée par ces variations” ; que le conseil des prud’hommes en déduit que l’employeur n’avait pas à rémunérer les 3,5 heures accomplies par le salarié au-delà de ses 35 heures hebdomadaires, puisqu’elles correspondent au seuil de 10% de la variation autorisée, en dessous duquel la rémunération du salarié n’est pas affectée ; Que toutefois, les dispositions rappelées ci-dessus précisent que “la comptabilisation du temps de travail de ces collaborateurs dans le respect des dispositions légales se fera également en jours, avec un contrôle du temps de travail opéré annuellement”, et concernent donc uniquement les salariés, dont le temps de travail est régi par une convention de forfait en jour ; que l’article 3 (1) de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail n’est pas applicable à M. V... D..., dès lors que celui-ci n’a jamais signé avec la société Pro Consultant Informatique une convention de forfait, précisant le nombre de jours travaillés annuellement, sans décompte du temps de travail ; Qu’il convient en conséquence de faire droit à la demande et de condamner la société Pro Consultant Informatique à payer à M. V... D... la somme de 22 461,07 € brut, au titre des heures supplémentaires dues de 2012 à 2015, ainsi qu’à celle de 2 246,10 € brut, correspondant aux congés payés y afférents ; qu’il résulte des dispositions de l’article D 3121-7 du code du travail que le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de présenter une demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur et le montant de l’indemnité de congés payés ; que le salarié dont la demande en paiement d’heures supplémentaires a été accueillie par le juge, doit être considéré comme n’ayant pas été en mesure de présenter, du fait de son employeur, une demande portant sur la contrepartie obligatoire en repos à laquelle ces heures donnaient droit, et doit en conséquence recevoir l’indemnisation du préjudice subi à ce titre ; Qu’en l’espèce, à défaut d’accord collectif pour les ingénieurs et les cadres, le contingent d’heures supplémentaires est fixée à 220 heures, étant observé que l’article 33 de la convention collective Syntec n°1486 en date du 15 décembre 1987 fixe celui-ci à 130 heures uniquement pour les ETAM ; que conformément au décompte établi par le salarié, sur la base de 40 heures de travail par semaine, M. V... D... a accompli respectivement en 2013 et 2014 228 heures, soit au total 16 heures, au-delà du contingent ainsi défini ; Que conformément à l’article L. 3121-11 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent donnent droit à un repos de 50% pour les entreprises de 20 salariés au moins et de 100% pour les autres entreprises ; que la société Pro Consultant Informatique employant habituellement moins de 20 salariés sera par conséquent condamnée à payer à M. V... D... la somme de 246,16 € net, au titre de l’indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos ; Que lesdites sommes porteront intérêts au taux légal, à compter du 5 août 2015, date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes de Metz ; Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : que l’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8222-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié ; qu’aux termes de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8222-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnisation forfaitaire égale à six mois de salaire ; Qu’il a été précédemment démontré, par plusieurs attestations circonstanciées produites par le salarié, que tous les cadres de l’entreprise de la société Pro Consultant Informatique ne bénéficiaient d’aucune convention de forfait et étaient rémunérés systématiquement pour 35 heures de travail par semaine, alors qu’ils effectuaient en réalité 40 heures par semaine, selon des horaires de travail fixes imposés par l’employeur ; que l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé est ainsi caractérisé par la délivrance systématique par la société Pro Consultant Informatique aux cadres de l’entreprise de bulletins de paie mentionnant un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que cette pratique généralisée depuis plusieurs années qui a persisté de manière constante, de l’embauche jusqu’au licenciement du salarié, a été instituée sciemment par l’employeur dans le dessein de minimiser l’amplitude horaire de ses cadres ; Qu’il convient dans ces circonstances de faire droit à la demande et de condamner la société Pro Consultant Informatique à payer à M. V... D... la somme de 31 507,64 € net, au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, correspondant à six mois de salaire (soit 5 251,27 brut X 6), majorée des intérêts au taux légal courant à compter du présent arrêt » ;

1°) ALORS QUE l’existence d’un horaire collectif de travail suppose la caractérisation d’une collectivité de travailleurs travaillant dans des conditions uniformes ; qu’en déduisant l’existence d’un tel horaire applicable au sein de l’entreprise des attestations de quatre salariés relatant leurs horaires de travail et d’une note de service indiquant que l’horaire d’embauche était à 9h, la cour d’appel n’a pas caractérisé la volonté claire et non équivoque de la société PROCONSULTANT INFORMATIQUE de soumettre les salariés à un horaire collectif de 9h à 12h et de 14h à 19h tous les jours de la semaine, alors surtout que le contrat de travail de Monsieur D... comportait une clause aux termes de laquelle celui-ci « gère son temps de travail de façon autonome, en adaptant ses journées aux besoins et contraintes des missions qui lui sont dévolues » ; qu’en décidant que Monsieur D... était soumis à un horaire collectif par des considérations insuffisantes à caractériser l’existence d’un tel horaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3171-1 et L.3171-4 du Code du travail ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’ en admettant même applicable l’existence d’un horaire collectif de travail au sein de la société PROCONSULTANT INFORMATIQUE, cette dernière restait recevable à démontrer que Monsieur D..., en l’état des mentions de son contrat de travail et des conditions effectives dans lesquelles celui-ci travaillait, n’était pas soumis à cet horaire collectif ; qu’à cet égard, l’exposante offrait de démontrer que Monsieur D... disposait d’une grande liberté dans l’organisation de son travail, conformément aux prévisions de son contrat, puisqu’il s’absentait sans avoir à en justifier, prenait des pauses à sa convenance et vaquait à des occupations personnelles sur son lieu de travail ; qu’en s’abstenant de rechercher si, même en présence d’un horaire collectif de travail, Monsieur D... n’était pas soumis à un régime dérogatoire qui lui permettait de s’organiser librement de telle sorte qu’il était nécessaire de déterminer le temps que celui-ci consacrait réellement à ses activités professionnelles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3171-1 et L.3171-4 du Code du travail ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulée suppose la caractérisation de l’intention délictuelle de l’employeur, laquelle ne peut être déduite de la seule mention sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu’en l’espèce, pour condamner la société PROCONSULTANT INFORMATIQUE au versement d’une telle indemnité, la cour d’appel s’est contentée de présumer l’application d’un horaire collectif et de constater l’insuffisance d’heures déclarées sur les bulletins de paye, en précisant que cette pratique était générale et constante ; qu’en statuant ainsi, cependant que c’est en définitive son arrêt qui a consacré légalement l’existence d’un horaire collectif dans l’entreprise dont l’existence avait jusqu’alors toujours été contestée par cette dernière, la cour d’appel a déduit le caractère intentionnel de la dissimulation à raison de la seule mention sur les bulletins de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli et a violé les articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société PROCONSULTANT INFORMATIQUE à verser à Monsieur D..., avec intérêt au taux légal à compter de l’arrêt, la somme de 32.000 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « que la lettre de licenciement en date du 10 juin 2015 est ainsi rédigée : “ (

) En conséquence, par la présente nous vous notifions votre licenciement motivé par des insuffisances professionnelles et manquement professionnels, caractérisés notamment par : - Un manque de rigueur, de qualité, de fiabilité et d’implication dans votre travail, malgré le temps dont vous avez disposé et les explications données par votre manager direct ou d’autres collaborateurs ; - Une accumulation d’erreurs et de dysfonctionnements dans l’accomplissement de votre travail ayant nécessité dans l’urgence que votre manager reprenne, corrige ou refasse correctement les travaux qui vous ont été confiés notamment dans le cadre des projets [...] et I... ; - Votre manquement à rendre compte spontanément et avec clarté de votre activité effective et de l’état d’avancement des travaux dont vous avez la charge depuis de nombreuses semaines, sauf après relance systématique de votre manager ; - Votre refus persistant à reconnaître vos erreurs et vos négligences dans l’exécution des directives de travail qui vous ont été données, ainsi que votre incapacité à réagir afin de mettre en oeuvre les moyens adéquats d’anticipation d’anomalies ; - Le non-respect des consignes et instructions de travail données par votre manager direct nonobstant ses demandes multiples, notamment en terme de tests unitaires de vos travaux ; - Vos manquements et insuffisances professionnels récurrentes constatées et leurs conséquence préjudiciables pour l’image de marque et l’activité commerciale de notre entreprise, ne permettent plus d’envisager la poursuite de notre collaboration (..). “ ; que sur la base uniquement de courriels échangés entre M. V... D... et ses différents responsables hiérarchiques, entre septembre 2014 et mai 2015, la société Pro Consultant Informatique n’établit pas que ce dernier aurait fait preuve d’un manque de rigueur et d’implication dans l’accomplissement des tâches qui lui étaient dévolues ; que s’agissant du premier grief ainsi énoncé, la lettre de licenciement ne fait état précisément d’aucune insuffisance pouvant être reprochée à M. V... D... ; Qu’en effet, la société Pro Consultant Informatique ne démontre pas que M. V... D... serait personnellement responsable des anomalies relevées dans le traitement des migrations concernant le projet I..., et n’apporte par ailleurs aucun élément technique, ni même aucune explication, permettant de caractériser les négligences imputées concrètement au salarié ; Que le courriel adressé le 8 septembre 2014 par M. G... L..., puis celui adressé le 29 septembre 2014 par M. T... font état d’un simple retard pris dans la gestion de ce projet, imputable selon eux à des défaillances dans la vérification des données devant faire l’objet d’une migration ; que ces mêmes courriels ne permettent pas cependant à eux seuls de caractériser les insuffisances personnelles de M. V... D... dans le traitement des données concernées ; qu’enfin, l’employeur n’établit pas non plus qu’il aurait reçu des plaintes de clients insatisfaits et que son image ou sa réputation auraient été ternies du fait des défaillances alléguées ; que le premier grief énoncé n’est donc pas fondé ; que la société Pro Consultant Informatique reproche en second lieu à M. V... D... une “accumulation d’erreurs et de dysfonctionnement” dans la réalisation des projets [...] et I... ; que cependant, elle ne verse d’abord aux débats aucun élément concernant d’éventuelles défaillances imputables au salarié dans la gestion du projet [...] ; Que s’agissant du projet de migration I..., il est constant que selon un courriel en date du 8 septembre 2014, M. G... L... a donné consigne à M. V... D... de se ‘porter garant des informations inscrites dans la doc et restituées dans les données migrées”, et à chaque itération de migration, de vérifier que les informations anciennes, et surtout nouvellement ajoutées, soient correctement “migrées” ; qu’il n’est pas démontré que ce dernier message ferait suite à des erreurs commises par le salarié et relevées par M. G... L... ; que postérieurement à l’envoi de ce message, il n’est pas non plus établi que le salarié aurait été négligent dans le traitement des migrations des données concernant le projet I... et qu’il n’aurait pas respecté les directives données par sa hiérarchie ; Que selon un second message électronique en date du 5 mai 2015, Mme Louise I... demande à M. V... D... à l’approche de la migration finale “absolument d’éviter ce type d’erreur et être rigoureux sur la restitution des données” ; que la société Pro Consultant Informatique ne verse cependant aux débats aucun élément technique sur les erreurs qui auraient été relevées par Mme Louise I... et dont il est fait mention dans ce courriel ; que la lettre de licenciement évoque de multiples erreurs imputables à M. V... D..., mais ne précise pas toutefois lesquelles, de sorte que ce grief ne peut être retenu, au titre de l’insuffisance professionnelle de M. V... D... ; que la société Pro Consultant Informatique verse aux débats deux autres courriels adressés le 6 mai 2015 par Mme Louise I..., aux termes desquels il est reproché au salarié d’avoir envoyé des documents relatifs à la migration de données informatiques à l’un de ses collaborateurs, et non directement au client concerné ; qu’il est également fait grief à M. V... D... d’avoir envoyé à ce même client une documentation en français, et non en anglais ; que ces reproches ne sont également pas fondés, dans la mesure où l’employeur ne justifie pas qu’il aurait au préalable institué une procédure relative au traitement des migrations des données informatiques à ses clients, à laquelle le salarié aurait dérogé ; qu’il n’est pas non plus prouvé que M. V... D... aurait reçu pour consigne d’adresser à ce même client une documentation ayant au préalable fait l’objet d’une traduction en langue anglaise ; Qu’enfin, la lettre de licenciement indique que l’employeur a été contraint de corriger les erreurs commises par M. V... D..., et même de reprendre dans l’urgence les travaux qui lui avaient été confiés, compte tenu de son incurie ; que cependant, la société Pro Consultant Informatique n’apporte précisément aucun élément sur les erreurs qu’elle a elle-même corrigées ; qu’elle ne démontre pas non plus qu’elle aurait été obligée de décharger le salarié d’une partie de ses tâches compte tenu de ses insuffisances dans la réalisation du projet I... ; Qu’au surplus, l’employeur ne conteste pas les affirmations de M. V... D... suivant lesquelles la migration finale s’est déroulée de façon parfaitement satisfaisante, entre le 16 et le 18 mai 2015, ayant fait l’objet d’un suivi et d’un compte-rendu jusqu’à son expédition au client ; que la société Pro Consultant Informatique fait grief à M. V... D... de ne pas avoir rendu compte “spontanément et avec clarté” de son activité, ainsi que de l’état d’avancement des travaux qui lui étaient confiés ; que les courriels produits par l’employeur ne caractérisent cependant aucune négligence de la part du salarié à ce sujet ; qu’il n’est ainsi pas démontré que l’intéressé n’aurait pas régulièrement rendu compte à ses supérieurs de son activité professionnelle ; Que ces mêmes courriels témoignent au contraire que l’intéressé entretenait au quotidien des relations avec ses proches collaborateurs, ainsi qu’avec sa hiérarchie, s’agissant en particulier des difficultés rencontrées à l’occasion de la migration des données relatives au projet I... qui a été mené à son terme ; que ce 3” grief invoqué dans la lettre de licenciement n’est dans ces conditions pas fondé ; qu’enfin que la société Pro Consultant Informatique ne rapporte pas la preuve des négligences de M. V... D... dans le respect des directives de travail qui lui avaient été données (4ème et 5ème griefs) ; que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne précise pas quelles sont les directives ou les instructions que M. V... D... n’aurait pas respectées, en particulier dans le cadre du suivi des deux projets I... et [...] cités ; Que si l’employeur justifie avoir adressé au salarié des ordres dans le cadre de son travail entre septembre 2014 et mai 2015, par exemple au sujet de la priorité apportée à la migration du projet I... sur les autres projets confiés au salarié (courriels des 29 septembre 2014), il n’est pas établi que ce dernier ne les aurait pas respectés et qu’il n’aurait pas tenu compte des recommandations de son employeur à ce sujet ; que par conséquent, les 4ème et 5ème griefs figurant dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés ; qu’il résulte de ces éléments que l’insuffisance professionnelle invoquée n’est pas établie, qu’il convient en conclusion de dire le licenciement de M. V... D... sans cause réelle et sérieuse » ;

1°) ALORS QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions des parties ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait valoir que les manquements de Monsieur D... dans le cadre du projet I... résultaient notamment de ce que, alors qu’il lui était demandé de proposer une nouvelle solution adaptée, Monsieur D... s’était contenté de « copier/coller » un précédent projet (V. concl., p. 13 §1 s., pièces n°15 et 17) ; qu’en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE les juges du fond doivent examiner les pièces produites par les parties ; qu’en l’espèce, l’exposante offrait de démontrer, concernant le projet [...], que Monsieur D... avait fait preuve de désinvolture, qu’il avait commis de nombreuses erreurs justifiant que lui soient rappelées des règles de bases, qu’il avait omis des vérifications, ce qui avait contraint son supérieur à intervenir en catastrophe, le tout ayant conduit à ce que Monsieur D... soit déchargé de la majeure partie du projet (V. concl., p. 13, in medio et pièces n° 16 et 17) ; qu’en ne s’expliquant pas sur ces conclusions opérantes et sur les pièces produites, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QU’en considérant qu’aucune pièce n’était versée aux débats en ce qui concerne le grief relatif au dossier [...], cependant que tel n’était pas le cas (cf. conclusions p.13, qui visent les pièces n°16 et 17), la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé l’article 4 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE les juges du fond doivent répondre aux conclusions et examiner les pièces produites par les parties ; qu’en l’espèce, l’exposante faisait encore valoir que le nombre et le sens des courriels échangés démontraient les insuffisances de Monsieur D... notamment en matière de contrôle et vérification des migrations (V. concl., p. 16, pièce n° 15 et pièce adverse n° 18) et que, comme l’avaient retenu les premiers juges, concernant le projet I..., son manque de réactivité et d’anticipation dans la mise en oeuvre de la migration (V. concl., p. 17, §2 et s.) ; qu’en ne procédant pas à cette recherche et en n’examinant pas ces pièces, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du Code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d’appel de Metz , du 27 juin 2018