Défaut de DPAE non intentionnel

Cour de cassation

chambre sociale

Audience publique du 2 octobre 2019

N° de pourvoi : 18-21326

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01340

Non publié au bulletin

Rejet

Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Me Balat, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2017), que M. Y..., engagé en qualité de cuisinier le 8 juillet 2009 par la société Manaia Dujardin, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 2 juin 2014 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud’homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, alors, selon le moyen, que la dissimulation volontaire d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail est caractérisée lorsque l’employeur s’est de manière intentionnelle soustrait à l’obligation d’effectuer les déclarations sociales et/ou d’établir un bulletin de paye ; que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi peut résulter de l’absence de déclaration préalable à l’embauche ; que le salarié avait soutenu que l’employeur n’avait jamais procédé à la déclaration préalable à son embauche ; qu’en le déboutant de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, au motif qu’il n’était pas démontré que l’emploi n’aurait pas été régulièrement déclaré alors que des bulletins de paye ont été régulièrement établis et que des cotisations sociales ont toujours été prélevées, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société avait procédé à la déclaration préalable à l’embauche, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ;

Mais attendu que la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que si l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 du code du travail ; que la cour d’appel, qui, procédant à la recherche prétendument omise, a relevé que les bulletins de salaire avaient été régulièrement établis, que les cotisations sociales avaient toujours été prélevées et que les arrêts de travail pour maladie du salarié avaient toujours été pris en charge par les organismes de sécurité sociale, en a souverainement déduit que l’employeur n’avait pas agi de manière intentionnelle ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen ci-après annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté le salarié de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS propres QU’il résulte des dispositions de L 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; qu’en l’espèce, il n’est pas démontré que l’employeur aurait mentionné sur les bulletins de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ni que l’emploi n’aurait pas été régulièrement déclaré alors que des bulletins de salaire ont été régulièrement établis, que des cotisations sociales ont toujours été prélevées et que les arrêts de travail pour maladie du salarié ont toujours été pris en charge par les organismes de sécurité sociale.

AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur Y... sollicite la somme de 11510,28 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; que selon l’article L.8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : - soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; - soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L3242, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heure de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du premier livre de la troisième partie ; qu’en l’espèce Monsieur Y... a eu ses bulletins de salaire en temps et en heures et les heures supplémentaires réglées ; que le travail dissimulé n’est donc pas justifié.

ALORS QUE la dissimulation volontaire d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail est caractérisée lorsque l’employeur s’est manière intentionnelle soustrait à l’obligation d’effectuer les déclarations sociales et/ou d’établir un bulletin de paye ; que le caractère intentionnel de la dissimulation d’empli peut résulter de l’absence de déclaration préalable à l’embauche ; que le salarié avait soutenu que l’employeur n’avait jamais procédé à la déclaration préalable à son embauche ; qu’en le déboutant de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, au motif qu’il n’était pas démontré que l’emploi n’aurait pas été régulièrement déclaré alors que des bulletins de paye ont été régulièrement établis et que des cotisations sociales ont toujours été prélevées, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société avait procédé à la déclaration préalable à l’embauche, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.8221-1, L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit le licenciement pour inaptitude fondé, et d’AVOIR débouté le salarié de ses demandes afférentes à la rupture.

AUX MOTIFS QUE, sur l’absence de visite de reprise suite à l’arrêt maladie du 7 décembre 2011 au 9 mai 2012, M. Y... fait valoir qu’à la suite de son arrêt de travail pour maladie du 7 décembre 2011 au 9 mai 2012, l’employeur ne lui a pas fait bénéficier d’une visite médicale de reprise ; qu’il en titre la conclusion que son contrat de travail est resté suspendu et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour être intervenu pendant la période de suspension, estimant que l’employeur ne peut se prévaloir de la visite de reprise intervenue le 24 février 2014 qui ne concernait que l’arrêt de travail correspondant à la période du 19 septembre 2013 au 4 juin 2014 ; que cependant, si le fait pour un employeur de laisser un salarié reprendre son travail sans l’avoir fait bénéficier de la visite constitue un manquement à son obligation de sécurité de résultat pouvant justifier l’octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi et si le salarié peut invoquer, le cas échéant, la méconnaissance par l’employeur de son obligation pour prendre acte de la rupture du contrat et faire ensuite juger la rupture comme sans cause réelle ni sérieuse, l’absence de visite de reprise ne peut, en l’espèce, être utilement invoquée ; qu’il convient de relever qu’à la suite de l’arrêt de travail litigieux ayant pris fin le 9 mai 2012, M. Y... a repris le travail sans solliciter lui-même, ainsi qu’il en avait la faculté, une visite médicale auprès du médecin du travail ; il n’a pas non plus pris acte de la rupture en se plaignant du non-respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat ; qu’il a, au contraire, exécuté sa prestation de travail pendant plus d’un an après la fin de l’arrêt de travail litigieux lorsqu’il a fait l’objet d’un nouvel arrêt de travail du 19 septembre 2013 au 4 juin 2014 à l’issue duquel il a régulièrement fait l’objet d’une visite médicale de reprise ; que contrairement à ce que M. Y... soutient, le licenciement est intervenu après la fin de la suspension du contrat de travail et ne peut donc, pour ce motif, être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

1° ALORS tout d’abord QUE l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins trente jours pour cause de maladie non professionnelle sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures, sauf à manquer à son obligation de sécurité ; qu’il en résulte que si le salarié reprend effectivement son travail sans visite de reprise, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit a ainsi été méconnu, que s’il justifie soit d’une faute grave de ce dernier, soit de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l’arrêt maladie précédent, de maintenir ledit contrat ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt attaqué que le salarié n’a pas bénéficié d’une visite de reprise du travail dans le délai de huit jours ayant suivi son arrêt de travail pour maladie 7 décembre 2011 au 9 mai 2012 ; qu’en déboutant le salarié de ses demandes, quand son contrat de travail était toujours suspendu, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L.1226-2, L.1226-9, L.1226-13, ensemble les articles L.4121-1, R.4624-21 et R.4624-22 du code du travail dans leur version applicable à l’époque des faits.

2° ALORS ensuite QUE seul l’examen pratiqué par le médecin du travail dont doit bénéficier le salarié à l’issue des périodes de suspension lors de la reprise du travail, en application des articles R.4624-21 et R.4624-22 du code du travail, met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que si l’article R.4624-23 du code du travail prévoit la consultation du médecin du travail préalablement à la reprise du travail, dans le but de faciliter la recherche des mesures nécessaires lorsqu’une modification de l’aptitude de l’intéressé est prévisible, cette visite ne constitue pas la visite de reprise qui seule met fin à la période de suspension du contrat de travail et ne dispense pas l’employeur de l’examen imposé par ce texte lors de la reprise effective par le salarié de son activité professionnelle ; qu’en déboutant le salarié de ses demandes, au motif qu’il avait repris le travail sans solliciter lui-même, ainsi qu’il en avait la faculté, une visite médicale, la cour d’appel a statué par des motifs tout aussi erronés qu’inopérants, en violation des articles R.4624-22 et R.4624-23 du code du travail, dans leur version applicable à l’époque des faits.

3° ALORS enfin QUE l’exposant avait soutenu que le défaut de visite de reprise à l’issue de l’arrêt du travail du 7 décembre 2011 au 9 mai 2012 était à l’origine de l’arrêt de travail du 19 septembre 2013 au 4 juin 2014 et de son inaptitude consécutive ; qu’en statuant sans examiner ce point, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1226-2, L.1226-9, L.1226-13, ensemble les articles L.4121-1, R.4624-21 et R.4624-22 du code du travail dans leur version applicable à l’époque des faits.

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence , du 11 mai 2017