Carence expert comptable oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 2 novembre 2016

N° de pourvoi : 15-85885

ECLI:FR:CCASS:2016:CR04663

Non publié au bulletin

Rejet

M. Guérin (président), président

SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
"-" M. Karim X...,

"-" La société Karso,

contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 19e chambre, qui, pour travail dissimulé et obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail, a condamné, le premier, à 10 000 euros d’amende, et la seconde, à 15 000 euros d’amende ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 20 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, des pièces de procédure et du rapport de l’inspection du travail, base des poursuites, que M. X... et la société Karso, dont il est le gérant et qui gère une brasserie, ont été poursuivis, notamment, du chef de travail dissimulé et d’obstacle à l’exercice des fonctions de contrôleur du travail ; que le tribunal correctionnel a prononcé l’annulation du procès-verbal de l’inspection du travail ; que sur appel du ministère public, la cour d’appel, après avoir annulé le jugement et évoqué l’affaire, a annulé le procès-verbal établi par l’inspection du travail mais seulement en ce qu’il porte sur l’infraction d’emploi de salarié sans moyen de contrôle de la durée du travail ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8224-1 du code du travail, 121-2 du code pénal, préliminaire, 427, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que la cour d’appel a déclaré M. Karim X... et la société Karso coupables du délit d’exécution d’un travail dissimulé et les a, respectivement, condamnés à 10 000 euros et à 15 000 euros d’amende ;
” aux motifs qu’il est reproché aux prévenus […], entre le 18 mars 2010, et le 6 avril 2010, jour du contrôle, de s’être soustraits à l’obligation de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche de deux salariés, MM. Y...et Z... ; […] que les prévenus estiment que l’élément intentionnel de l’infraction n’est pas caractérisé, dès lors que, suivant contrat du 26 septembre 2001, la société d’expertise comptable Sofideec s’était vue confier la mission de procéder à l’établissement de l’ensemble des déclarations sociales de la société Karso ; […] que s’il n’est pas contesté que la société Sofideec avait, notamment, pour mission de procéder aux déclarations sociales et que des fiches de paie ont été remises aux deux salariés, il n’est pas établi que les prévenus avaient transmis, à cette société, les instructions et pièces nécessaires à la déclaration nominative préalable à l’embauche ; que les prévenus ne pouvaient ignorer l’existence de cette exigence légale ; qu’il convient donc de retenir que c’est volontairement qu’ils se sont abstenus de transmettre les pièces permettant d’effectuer les déclarations ; qu’il s’ensuit que l’infraction est constituée ;
” alors que c’est à la partie poursuivante qu’il appartient de rapporter la preuve de la réunion des éléments constitutifs de l’infraction en toutes ses composantes ; qu’en l’espèce, en considérant qu’il appartenait à M. X... et à la société Karso de prouver positivement qu’ils avaient transmis à la société Sofideec, chargée de la comptabilité de l’entreprise et de l’accomplissement de ses déclarations fiscales et sociales, les instructions et pièces nécessaires à la déclaration nominative préalable à l’embauche de MM. Y...et Z...et qu’à défaut d’établir qu’ils l’avaient fait, il convenait de les retenir dans les liens de la prévention, la cour d’appel a fait peser sur les prévenus la charge de prouver l’absence d’élément intentionnel du délit d’exécution d’un travail dissimulé et a ainsi violé les règles de répartition du fardeau de la preuve en matière pénale “ ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit de travail dissimulé, l’arrêt énonce qu’il n’est pas établi qu’ils avaient transmis à la société d’expertise comptable qu’ils avaient chargée de procéder aux déclarations sociales, les pièces nécessaires à la déclaration nominative préalable à l’embauche de salariés et qu’ils ne pouvaient ignorer l’existence de cette exigence légale ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, d’où il résulte que les prévenus n’ont pas justifié avoir rempli l’obligation qui s’imposait à eux de transmettre à l’expert-comptable les pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission, la cour d’appel a justifié sa décision sans inverser la charge de la preuve ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8112-1, L. 8112-3, L. 8112-5, L. 8113-1, L. 8113-4, L. 8113-7, L. 8114-1 du code du travail, 121-2 du code pénal, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que la cour d’appel a déclaré M. X... et la société Karso coupables du délit d’obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail et est entrée en voie de condamnation à leur égard de ce chef ;
” aux motifs qu’il est constant que le procès-verbal n’a pas été notifié aux prévenus ; […] qu’aux termes de l’article L. 8113-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, applicable en la cause ; que les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à la preuve contraire ; que ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République ; qu’un exemplaire est également adressé au représentant de l’Etat dans le département ; qu’en cas d’infraction aux dispositions relatives à la durée du travail, un exemplaire du procès-verbal est remis au contrevenant ; […] que les dispositions du troisième alinéa de ce texte ne concernent que les infractions aux dispositions relatives à la durée du travail ; […] que les prévenus sont poursuivis pour des faits de :

"-" exécution d’un travail dissimule,

"-" obstacle a l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail,

"-" emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarie,- emploi de salarie sans organisation conforme de service de santé au travail,

"-" embauche de salarie sans faire procéder a un examen medical préalable,

"-" emploi de salarie sans moyen de contrôle de la durée du travail ; […] que seule la dernière infraction concerne les dispositions relatives à la durée du travail ; que les premiers juges ont donc méconnu les dispositions de l’article L. 8113-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, en annulant l’ensemble du procès-verbal et les actes subséquents de la procédure ; qu’il s’ensuit que le jugement entrepris doit être annulé ; […] qu’il convient d’évoquer l’affaire et de statuer sur le fond ; […] que l’annulation de la procédure ne doit porter que sur l’infraction d’emploi de salarié sans moyen de contrôle des horaires de travail ; […] qu’il est reproché aux prévenus […] d’avoir fait obstacle aux fonctions de M. Jérôme A..., contrôleur du travail, en refusant de lui remettre, en dépit de ses multiples demandes, les documents nécessaires à l’exercice de ses fonctions conformément à son droit de communication, et en refusant de mettre en place un décompte du temps de travail des salariés, comme prévu par la réglementation ; […] que les prévenus estiment que l’infraction n’est pas constituée et qu’ils n’ont jamais eu l’intention de faire obstacle à l’action du contrôleur du travail, dès lors que les demandes présentées portaient soit sur des documents qui n’étaient pas en leur possession, soit sur des demandes nouvelles ; […] que l’inspection du travail a adressé cinq lettres à M. X... et effectué trois visites sur les lieux afin d’obtenir communication de pièces ou des réponses à ses demandes ; qu’une première lettre, adressée le 8 avril 2010, est restée sans réponse ; qu’une deuxième lettre lui a été adressée le 22 avril 2010, le convoquant pour le 7 mai 2010 ; que tous les justificatifs n’ayant pas été produits, une troisième lettre lui a été adressée, le 18 mai 2010, avec demande de production de pièces ; que cette lettre étant restée sans réponse, le contrôleur du travail s’est à nouveau rendu dans les locaux de la brasserie « Le Marina », afin d’entendre M. X... et lui demander, notamment de produire un décompte de la durée du travail dans l’entreprise ; que suite à cette visite, une nouvelle demande de pièces était adressée, le 31 mai 2010, à laquelle il ne sera répondu que partiellement, le 11 juin 2010 ; que le contrôleur du travail devait, une nouvelle fois, se rendre sur les lieux le 9 décembre 2010 ; qu’il constatait qu’aucun décompte de la durée du travail n’avait été mis en place dans l’entreprise ; qu’une nouvelle demande de pièces était adressée à M. X..., le 14 décembre 2010 ; que n’ayant pas obtenu de réponse, le contrôleur du travail devait adresser une lettre de relance, le 13 janvier 2011 ; […] qu’il convient de constater que le prévenu a laissé, à plusieurs reprises, sans réponse les demandes présentées par l’inspection du travail et n’a pas fourni ou établi les pièces demandées par celle-ci, ou ne l’a fait qu’après de nombreuses relances ; qu’il s’ensuit que l’infraction est constituée ;
” alors que la cour d’appel, qui a annulé tous les actes de poursuites en tant qu’ils portaient sur les infractions aux dispositions relatives à la durée du travail, ne pouvait retenir la culpabilité des prévenus pour obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail tout en relevant que ledit obstacle ne portait, précisément, que sur le contrôle du décompte de la durée du travail dans l’entreprise “ ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit d’obstacle aux fonctions de contrôleur du travail, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et, dès lors que les éléments constitutifs de ce délit sont sans rapport avec les infractions d’emploi de salarié sans moyen de contrôle de la durée du travail, en sorte que l’annulation du procès-verbal établi par l’inspection du travail est sans emport sur l’infraction d’obstacle aux fonctions de contrôleur du travail, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que la cour d’appel a déclaré la société Karso coupable des délits d’exécution d’un travail dissimulé et d’obstacle à l’exercice des fonctions d’un inspecteur ou contrôleur du travail et l’a condamnée à une amende de 15 000 euros ;
” aux motifs qu’il convient d’évoquer l’affaire et de statuer sur le fond ; […] que l’annulation de la procédure ne doit porter que sur l’infraction d’emploi de salarié sans moyen de contrôle des horaires de travail ; […] qu’il est reproché aux prévenus, en premier lieu, […] entre le 18 mars 2010, et le 6 avril 2010, jour du contrôle, de s’être soustraits à l’obligation de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche de deux salariés, MM. Y...et Z... ; […] que les prévenus estiment que l’élément intentionnel de l’infraction n’est pas caractérisé dès lors que, suivant contrat du 26 septembre 2001, la société d’expertise comptable Sofideec s’était vue confier la mission de procéder à l’établissement de l’ensemble des déclarations sociales de la société Karso ; mais […] que s’il n’est pas contesté que la société Sofideec avait, notamment, pour mission de procéder aux déclarations sociales et que des fiches de paie ont été remises aux deux salariés, il n’est pas établi que les prévenus avaient transmis, à cette société, les instructions et pièces nécessaires à la déclaration nominative préalable à l’embauche ; que les prévenus ne pouvaient ignorer l’existence de cette exigence légale ; qu’il convient donc de retenir que c’est volontairement qu’ils se sont abstenus de transmettre les pièces permettant d’effectuer les déclarations ; qu’il s’ensuit que l’infraction est constituée ; […] qu’il est reproché aux prévenus, en deuxième lieu, d’avoir fait obstacle aux fonctions de M. A..., contrôleur du travail, en refusant de lui remettre, en dépit de ses multiples demandes, les documents nécessaires à l’exercice de ses fonctions conformément à son droit de communication, et en refusant de mettre en place un décompte du temps de travail des salariés, comme prévu par la réglementation ; […] que les prévenus estiment que l’infraction n’est pas constituée et qu’ils n’ont jamais eu l’intention de faire obstacle à l’action du contrôleur du travail, dès lors, que les demandes présentées portaient soit sur des documents qui n’étaient pas en leur possession, soit sur des demandes nouvelles ; mais […] que l’inspection du travail a adressé cinq lettres à M. X... et effectué trois visites sur les lieux afin d’obtenir communication de pièces ou des réponses à ses demandes ; qu’une première lettre, adressée le 8 avril 2010, est restée sans réponse ; qu’une deuxième lettre lui a été adressée le 22 avril 2010, le convoquant pour le 7 mai 2010 ; que tous les justificatifs n’ayant pas été produits, une troisième lettre lui a été adressée, le 18 mai 2010, avec demande de production de pièces ; que cette lettre étant restée sans réponse, le contrôleur du travail s’est à nouveau rendu dans les locaux de la brasserie « Le Marina », afin d’entendre M. X... et lui demander, notamment de produire un décompte de la durée du travail dans l’entreprise ; que suite à cette visite, une nouvelle demande de pièces était adressée, le 31 mai 2010, à laquelle il ne sera répondu que partiellement le 11 juin 2010 ; que le contrôleur du travail devait, une nouvelle fois, se rendre sur les lieux le 9 décembre 2010 ; qu’il constatait qu’aucun décompte de la durée du travail n’avait été mis en place dans l’entreprise ; qu’une nouvelle demande de pièces était adressée à M. X..., le 14 décembre 2010 ; que n’ayant pas obtenu de réponse, le contrôleur du travail devait adresser une lettre de relance le 13 janvier 2011 ; […] qu’il convient de constater que le prévenu a laissé, à plusieurs reprises, sans réponse les demandes présentées par l’inspection du travail et n’a pas fourni ou établi les pièces demandées par celle-ci, ou ne l’a fait qu’après de nombreuses relances ; qu’il s’ensuit que l’infraction est constituée ;
” alors que les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu’en l’espèce, en retenant la société Karso dans les liens de la prévention et en entrant en voie de condamnation à son égard sans constater que les infractions prétendument commises par son gérant, M. X..., l’auraient été pour son compte, la cour d’appel n’a pas constaté la réunion des conditions de sa responsabilité pénale “ ;
Attendu que, pour déclarer les faits établis, l’arrêt relève, notamment, que l’inspection du travail a adressé cinq lettres à M. X... et effectué trois visites sur les lieux afin d’obtenir communication des pièces ou des réponses à ses demandes ;
Attendu qu’en l’état de ces motifs, dont il se déduit que M. X..., gérant de la société Karso, a agi pour le compte de celle-ci, la cour d’appel a justifié sa décision au regard de l’article 121-2 du code pénal ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 18 septembre 2015