Marchandage - prêt illicite de salarié

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 9 novembre 2004

N° de pourvoi : 04-82623

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf novembre deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de Me LUC-THALER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... Serafettin,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 6 avril 2004, qui, pour marchandage, l’a condamné à 5 mois d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 125-1 et L. 152-3 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Serafettin X... coupable de marchandage ;

”aux motifs propres à la Cour qu’il ressort des constatations de l’inspection du travail que, sur le plan technique, juridique et économique, l’entreprise Y... se trouvait entièrement subordonnée à la SA X... de telle sorte que, sur ces trois plans, la situation de Haydar Y... et de ses salariés n’était en rien différente, à l’exception du niveau des rémunérations, de celle des salariés directs de la SA X..., l’absence de Serafettin X... ou de l’un de ses représentants au moment du contrôle ne pouvant démontrer le contraire, cette pratique étant conforme à celle des entreprises du bâtiment pour l’exécution de tâches de base ; que le montant revenant à Haydar Y... représentait 43,11 % de la somme facturée par la SA X... au maître d’ouvrage pour l’ensemble des postes de travaux, soit une somme correspondant davantage à de simples coûts salariaux qu’à la marge d’une entreprise sur les travaux confiés à un sous-traitant, que les pièces comptables produites par la défense ne viennent pas contredire cette analyse puisqu’il en ressort que les coûts salariaux de la SA X... s’élevaient à 31,75 % en 2000 et 37,11 % en 1999 ; que la majoration de coût par suite du recours à l’entreprise Y... se trouvait compensée par les avantages obtenus par le prévenu grâce à l’infraction poursuivie, notamment en terme de souplesse d’emploi ; que l’aspect factice de la création de l’entreprise Y... ressort de la concomitance entre la création de cette entreprise et le début de son activité pour la SA X... ; que l’entreprise Y... n’avait en réalité aucune autre perspective économique que de travailler pour la SA X... qui lui avait confié trois chantiers différents ; que cette absence d’activité s’explique parfaitement dans la mesure où elle ne disposait d’aucun des actifs indispensables à une entreprise de maçonnerie et se trouvait en outre dans l’incapacité financière de s’en procurer, faute de la moindre trésorerie ; que, si la procédure ne fait apparaître qu’un recours ponctuel au prêt de main-d’oeuvre dans un but lucratif, l’infraction n’en est pas moins caractérisée dans cette limite ;

”et aux motifs adoptés des premiers juges que, si Haydar Y... et Serafettin X... protestent de la véracité de leurs contrats de sous-traitance, les indices en présence sont en faveur d’une opération exclusive de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif de la part de Haydar Y... ; que, tel n’est absolument pas le cas de Haydar Y... et de ses ouvriers qui oeuvrent sur le même créneau que la SA X... avec des qualifications moindres que les ouvriers qu’ils emploie lui-même ; que la totalité du matériel utilisé par l’entreprise Y... sur le chantier appartenait à la SA X... ; que Haydar Y... qui était auparavant salarié dans le bâtiment, venait de s’inscrire au répertoire des métiers ; que le siège de son entreprise était son domicile personnel ; qu’il n’employait que trois salariés, ne disposait d’aucun matériel, qu’il recevait ses directives de Serafettin X... ou de son chef de chantier ; qu’il est plus que douteux que Haydar Y... qui a déclaré commencer à s’habituer au français et ne pas le lire, donc certainement pas l’écrire, ait pu éditer les factures sur la société X... ; que le devis de Haydar Y... est établi à en-tête de la société X... ; que, quant au délit de marchandage que les salariés prêtés par Haydar Y... n’ont visiblement pas bénéficié des avantages qui sont ceux des salariés de la société X... ; qu’ils n’ont en effet ni leurs garanties légales, ni leurs avantages conventionnels (taux horaires plus élevés, primes mensuelles et d’outillage) ; que Serafettin X... ne peut arguer d’une quelconque méprise alors qu’il persiste à recourir aux services de l’entreprise Y..., ceci se révélant tout bénéfice pour lui et que, dès le 13 février 1995, l’inspection du travail lui avait défini les conditions d’un contrat de sous-traitance ;

”alors, que, d’une part, après avoir elle-même relevé que l’entreprise sous-traitante Y... avait reçu 43,11 % de la somme facturée par la société du prévenu au maître de l’ouvrage, soit une somme supérieure aux coûts salariaux de cette dernière entreprise bien que les ouvriers de l’entreprise de maçonnerie sous-traitante aient eu des qualifications moindres de celles de ses propres employés, la Cour, qui a aussi exclu tout profit financier réalisé par le prévenu grâce au recours aux services de cette entreprise sous-traitante, a violé l’article 593 du Code de procédure pénale en ne caractérisant pas l’élément constitutif du délit de marchandage qui, aux termes des dispositions de l’article L. 125-1 du Code du travail doit résulter soit de l’existence d’un préjudice causé aux salariés, soit de la volonté d’éluder l’application de la loi, de règlements ou de convention collective de travail, en se bornant à évoquer vainement sans autre précision, l’avantage procuré à l’entreprise du prévenu par la “souplesse d’emploi” résultant du recours à l’entreprise sous-traitante ;

”alors que, d’autre part, les juges du fond ont violé l’article 459 du Code de procédure pénale et l’article 121-3 du Code pénal, en omettant de répondre aux conclusions d’appel du prévenu contestant avoir eu la volonté de commettre une quelconque infraction et notamment un délit de marchandage, en ayant recours aux services de l’entreprise Y...” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure, que, lors d’un contrôle effectué sur un chantier de construction confié à la SA X..., les services de l’inspection du travail ont constaté la présence de salariés de l’entreprise Haydar Y... y travaillant sous couvert d’un contrat de sous-traitance ;

Attendu que Serafettin X..., président de la société du même nom, et Haydar Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour marchandage et déclarés coupables ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant retenu à l’encontre du demandeur l’infraction ci-dessus citée, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, exemptes de contradiction, et dès lors que la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1, du code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’Orléans chambre correctionnelle , du 6 avril 2004