Arboriculture - ramassage de myrtilles - fausse psi
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 7 juin 2011
N° de pourvoi : 10-85567
Non publié au bulletin
Rejet
M. Louvel (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
"-" M. Rodolphe A...,
contre l’arrêt de la cour d’appel d’ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 3 juin 2010, qui, pour travail dissimulé et marchandage, l’a condamné à 10 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8231-1, du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. A... coupable du délit de marchandage ;
” aux motifs que, sur la qualification préalable de vente sur pied, la vente sur pied est une forme de vente en bloc autorisée par l’article 1583 du code civil ; que cette vente en bloc est « parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès lors qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » ; qu’autrement dit, la vente en bloc n’est valable qu’à la condition d’un accord sur la chose et sur le prix ; qu’il faut alors que la chose soit suffisamment individualisée par elle-même et non pas seulement par référence au genre ou au type, ou de manière plus générale à l’ensemble auquel il appartient ; que si une opération de pesage, comptage ou mesurage est nécessaire, elle n’affecte que la détermination du prix total, non celle de la chose vendue ; qu’or, le contrat signé le 12 avril 2007 entre M. X...et M. A..., représentant respectivement les sociétés Winterwood Farms et Anjou myrtilles ne contient aucun élément susceptible d’individualiser l’objet de la vente ; qu’il est simplement mentionné que « le présent contrat concerne les myrtilles, groseilles, cassis et mûres prêts à cueillir » ; qu’en particulier, aucune parcelle de cueillette n’est spécialement désignée ; que les fruits rouges ne sont donc pas individualisés dès la formation du contrat ; qu’en outre, aucune spécification sur le prix n’est mentionnée ; que, certes, les prix relatifs aux fruits rouges peuvent être très volatils ; qu’il n’en demeure pas moins qu’une certaine précision des outils utilisés pour déterminer le prix au moment spécifique de chaque cueillette journalière aurait dû figurer au contrat de manière à caractériser l’accord des parties également sur le prix ; qu’au surplus, en précisant « Il ne doit pas y avoir de perte de fruits de catégorie I sauf la perte normale au moment de la cueillette », les cocontractants entendent procéder à un contrôle de qualité ; que l’intention des parties était donc de ne faire porter la vente que sur les fruits effectivement commercialisables, ce qui est proprement incompatible avec le principe de la vente en bloc qui ne peut porter que sur la totalité d’une marchandise existant dans un lieu désigné et délimité moyennant un prix fixé (valeur arrêtée en euro) pour une unité de mesure ; qu’en conséquence, la vente en bloc réalisée entre les sociétés Winterwood Farms et Anjou myrtilles n’est pas parfaite ; que l’argument ne peut donc être retenu pour l’étude de la culpabilité de M. A... pour chacun des chefs de poursuite ; que sur le délit de marchandage, en vertu de l’article L. 8231-1 du code du travail, le marchandage est défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ; qu’alors que le contrat de vente en bloc ou vente sur pied n’est pas valide, se pose la question de la qualification juridique des relations entre les 56 salariées polonaises et la société Anjou myrtilles représentée par M. A... ; que, d’abord, en ce qui concerne le constat de la fourniture de main-d’oeuvre, M. A... affirme qu’il n’exerçait aucun lien de subordination envers les 56 salariées polonaises employées par la société Winterwood Farms ; que pour cela, il s’appuie essentiellement sur le fait que les 56 polonaises étaient encadrées sur le terrain par Mme Y...employée de la même société Winterwood Farms ; qu’il est vrai que l’attestation de Mme Y...du 24 mars 2010 affirme qu’elle était responsable d’équipe et précise « un employé polonais de Winterwood Farms m’appelait d’Angleterre tous les matins pour me donner les quantités à ramasser » ; que, toutefois, dans la mesure où aucune parcelle de fruits n’avait été délimitée au profit de la société Winterwood Farms, il était impossible pour Mme Y...de travailler en totale indépendance par rapport à Anjou myrtilles, ne serait-ce que pour savoir quels rangs de fruits étaient à ramasser, elle devait en référer à M. A... ou à son équipe ; qu’en outre, le jour du contrôle, Mme Y...était absente ; qu’elle ait ou non été effectivement en congé ce jour révèle de toute façon que le travail pouvait être fait sans elle ; qu’or, les fruits rouges étant une denrée extrêmement périssable, il est impossible que le simple fait de transmettre une consigne par téléphone le matin, tendant en fait uniquement à donner les quantités à ramasser (encore ne peuvent-elles être que très approximatives), suffise à organiser le travail de la journée ; qu’or, et quand bien même Mme Y...aurait effectivement joué le rôle de responsable d’équipe des 56 travailleuses polonaises, elle ne pouvait pas se passer des directives et consignes émanant d’Anjou myrtilles ; qu’il est donc établi que la société Anjou myrtilles avait de façon obligatoire un rôle d’encadrement des 56 travailleuses polonaises ; que le fait que plusieurs salariés de la société Anjou myrtilles attestent n’avoir jamais entendu M. A... parler polonais ne change rien à l’existence de ce lien de subordination juridique, dans la mesure où peu importe que les consignes de travail aient été formulées au départ en français ou en polonais, la langue n’étant que le moyen de transmettre une pensée ou volonté ; que de toute façon, les inspecteurs du travail ont pu recueillir le témoignage des salariées polonaises, ce qui atteste qu’au moins certaines d’entre elles comprenaient le français ; qu’au surplus, M. A... n’a pas hésité à prêter des porte-plateaux ou chariots aux travailleuses polonaises ; que certes, il n’en a prêté que 16 alors que Winterwood Farms en possédait 40 ; que si l’argument tendant à préserver la santé des travailleuses est louable, il n’en reste pas moins que M. A... s’est montré très inconstant sur la nécessité de ces porte-plateaux pour la réalisation de la cueillette : d’outils absolument indispensables en audience de première instance, ils sont devenus facultatifs en appel ; que ce souci révèle de toute façon combien M. A... prenait garde des conditions dans lesquelles les personnes de nationalité polonaise effectuaient leur tâche, se comportant ainsi comme le responsable de la réalisation du travail ; qu’en conclusion, M. A... s’est comporté comme un véritable employeur envers les 56 salariées de nationalité polonaise qui travaillaient sur l’exploitation même de la société Anjou myrtilles ; qu’il leur a donné des instructions de travail, instructions nécessaires à l’accomplissement permanent, et soutenu de l’activité pendant la durée des contrats, tout en leur permettant d’utiliser le matériel de l’entreprise ; que la subordination juridique caractéristique du contrat de travail est donc manifeste ; qu’elle spécifie en outre la fourniture de main-d’oeuvre ; qu’ensuite, en ce qui concerne l’existence du but lucratif, d’après les déclarations de M. A..., les liens qui unissent les sociétés Winterwood Farms et Anjou myrtilles sont particulièrement forts ; que, d’une part, la première est le plus gros client de la seconde ; que, d’autre part, le dirigeant de la première, M. X..., est actionnaire de la seconde ; qu’une étude des pièces du dossier confirme, d’ailleurs, l’existence d’intérêts financiers communs ; qu’en particulier si la facture des chariots de framboises du 31 octobre 2004 délivrée par Anjou myrtilles à Winterwood Farms confirme que la seconde avait bien acquis ses propres chariots ou porte-plateaux, il est intéressant de constater que le prix unitaire hors taxe facturé est deux fois moindre que les premiers prix généralement constatés en 2010 pour des chariots à double plateaux équivalente à ceux montrés en audience ; que l’inflation n’ayant pas conduit au doublement des prix, entre ces deux dates, et n’étant pas précisé dans la facture que les chariots étaient d’occasion, il est ainsi établi que les deux sociétés entretiennent des rapports économiques manifestement privilégiés ; que cette constatation d’intérêts financiers communs se confirme à la lecture du courrier de M. X..., en date du 8 mars 2006 ; qu’en effet, il précise que la rémunération des salariées polonaises « constitue un revenu imposable en Pologne où ces employées font leur affaire des taxes et impôts y afférents. La lettre de dispense que j’avais reçue … m’autorisait à ne pas déduire l’impôt britannique sur le revenu ni les cotisations britanniques de sécurité sociale sur ces sommes versées en Pologne » ; qu’il en résulte que Winterwood Farms ne payait aucune charge sociale au Royaume-Uni ; qu’or, on peut lire dans les contrats d’embauche des polonaises au point 11 : « le maintien de votre rémunération pendant un arrêt maladie ou accident est soumis aux dispositions du National Statutory Sick Pay Scheme (régime britannique de l’assurance maladie) » ; que l’absence de cotisation empêche logiquement une telle affiliation ; qu’en conséquence, si les salariés polonaises étaient rémunérées 8, 27 brut de l’heure, soit un coût assez proche du SMIC horaire de 2007 de 8, 44 euros, le système économico-financier entre les sociétés Winterwood Farms et Anjou myrtilles permettait d’éviter le paiement des charges sociales soit britanniques pour la première société, soit françaises pour la seconde ; qu’or, une étude de la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal français révèle que le coût horaire de la main-d’oeuvre dans l’industrie et les services durant l’année 2000 est plus de cinq fois moindre en Pologne qu’en France ou au Royaume-Uni ; que le but lucratif poursuivi par les deux sociétés est alors indubitable ; qu’enfin, en ce qui concerne le préjudice des salariées ou le fait d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, d’une part, le préjudice des salariées est manifeste ; qu’en effet, il apparaît que, comme énoncé précédemment, les 56 salariées polonaises ne pouvaient pas bénéficier du régime de protection sociale pourtant visé dans leur contrat de travail en l’absence du versement des cotisations sociales par Winterwood Farms ; que, d’autre part, même si les contrats de travail des salariés embauchés par Winterwood Farms avaient été régulièrement soumis au droit britannique, loin d’exclure l’application de la loi pénale, cela caractériserait le préjudice causé à ces salariées, qui se sont trouvé privées des avantages sociaux dont elles auraient bénéficié en vertu de la loi française si elles avaient été employées par la société utilisatrice Anjou myrtilles ; que le point 12 des contrats de
travail signés par les polonaises est à ce titre éloquent, il stipule « vous ne cotiserez à aucun régime de retraite obligatoire » ; que la différence avec les salariés français est alors patente ; que, dès lors, les effets illicites de cette opération à but lucratif se vérifient en ce qui concerne tant le préjudice des salariées que le fait d’éluder la législation française du travail ; que les éléments constitutifs du délit de marchandage étant réunis, la culpabilité de M. A... ne peut qu’être confirmée sur ce point ;
” 1) alors qu’il appartient aux juges du fond saisis de poursuites contre un employeur du chef de marchandage en violation des dispositions du code du travail de rechercher, par l’analyse des éléments de la cause, la véritable nature des conventions intervenues entre les parties ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la société Anjou myrtilles avait conclu un contrat de vente sur pied le 12 avril 2007 avec la société britannique Winterwood Farms au terme duquel cette dernière s’engageait à envoyer son propre personnel (en l’occurrence, 56 salariées polonaises), afin de ramasser les fruits vendus sur pied ; qu’en se bornant, au vu de cette convention, à affirmer que cette vente n’était pas parfaite faute d’individualisation des fruits rouges dès la formation du contrat et de spécification sur le prix, sans même rechercher si ce contrat ne relevait pas de la qualification juridique de contrat d’entreprise par lequel un employeur offre à son cocontractant un travail réalisé par son propre personnel restant placé sous sa direction et sa responsabilité pour l’exécution d’une tâche précise, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale ;
” 2) alors que toute opération de prêt de main-d’oeuvre à but lucratif est parfaitement licite lorsqu’elle intervient dans le cadre d’un contrat d’entreprise par lequel un employeur offre à son cocontractant un travail ou un service réalisé par son propre personnel qui reste placé sous sa direction et sous sa responsabilité, ayant pour objet l’exécution d’une tâche objective définie avec précision et habituellement rémunérée de façon forfaitaire ; qu’en l’espèce, il résulte des éléments du dossier et des propres constatations de l’arrêt attaqué que l’intervention des 56 salariées polonaises s’inscrivait dans un contrat de vente sur pied par lequel la société anglaise Winterwood Farms s’engageait à envoyer son propre personnel dans le but précis et déterminé de ramasser les fruits rouges qu’elle avait achetés sur pied à la société Anjou myrtilles ; qu’il est constant que sur le terrain de la société Anjou myrtilles, les 56 polonaises étaient encadrées par une responsable d’équipe, employée polonaise de la société Winterwood Farms laquelle recevait quotidiennement les directives quant aux quantités à ramasser d’un employé polonais de Winterwood Farms travaillant en Angleterre ; qu’il est établi de surcroît que ces travailleuses polonaises avaient presque exclusivement utilisé le matériel appartenant à la société Winterwood Farms, soit 40 porte-plateaux ; qu’en entrant, néanmoins, en voie de condamnation du chef de marchandage à l’encontre de M. A... alors que l’ensemble de ces éléments était de nature à caractériser un véritable contrat d’entreprise excluant tout lien de subordination juridique entre les salariées polonaises et la société Anjou myrtilles, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes visés au moyen ;
” 3) alors que le travail exécuté par les salariés de l’entreprise prestataire de service peut être exécuté en étroite coordination avec les responsables de la société utilisatrice sans que cette circonstance n’altère la licéité de l’opération, une simple coordination entre les deux entreprises devant être clairement distinguée d’un transfert d’autorité ; qu’en l’espèce, il n’était pas contesté que les salariées polonaises se trouvaient encadrées par une responsable d’équipe polonaise également employée par la société Winterwood Farms ; qu’en retenant, néanmoins, un lien de subordination juridique entre les employées polonaises et M. A... sur le fondement des seules affirmations qu’il était, d’une part, « impossible pour Mme Y...de travailler en totale indépendance par rapport à Anjou myrtilles, ne serait-ce que pour savoir quels rangs de fruits étaient à ramasser » et, d’autre part, « impossible que le simple fait de transmettre une consigne par téléphone le matin tendant en fait uniquement à donner les quantités à ramasser suffise à organiser le travail de la journée », la cour d’appel s’est prononcée par des motifs hypothétiques impropres à établir l’existence d’un véritable transfert d’autorité ; qu’en condamnant le prévenu du chef de marchandage sur le fondement de constatations hypothétiques établissant tout au plus la nécessité d’une coordination entre les employées polonaises de Winterwood Farms et la société Anjou Myrtilles, la cour d’appel a derechef privé sa décision de base légale ;
” 4) alors que, dans ses conclusions d’appel régulièrement déposées, le prévenu faisait valoir que la société Winterwood Farms était assurément le véritable employeur des salariées polonaises comme l’attestaient les 56 contrats de travail la liant aux salariées polonaises ; qu’il invoquait à ce titre expressément le fait que la société Winterwood Farms avait non seulement versé les salaires aux polonaises mais encore assuré leur transport et leur hébergement ; qu’en omettant de se prononcer sur ces éléments déterminants en ce qu’ils tendaient à démontrer qu’il ne s’agissait pas d’une simple fourniture de main-d’oeuvre, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision ;
” 5) alors que les juges du fond sont tenus de s’expliquer sur l’ensemble des éléments constitutifs des infractions ; qu’en se bornant à affirmer que les éléments constitutifs du délit de marchandage étaient réunis sans qu’aucun motif ne cherche à établir la volonté délictueuse de M. A..., la cour d’appel s’est abstenue de caractériser l’élément intentionnel du délit de marchandage, privant de ce fait sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen “ ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. A... coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité et par dissimulation d’emploi salarié ;
” aux motifs que sur la dissimulation d’activité, selon l’article L. 8221-3 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations : … 2e soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur » ; que, puisque la subordination juridique entre la société Anjou myrtilles et les 56 salariées polonaises a été établie ci-dessus, la dissimulation d’activité est confirmée dans la mesure où M. A... n’a pas réalisé les déclarations qui auraient dû être faites ; qu’en effet, il a pu déclarer des activités de vente et non des activités de production avec une masse salariale plus nombreuse, activités incluses dans le champ d’application de l’article précité ; que le but lucratif de l’opération a également été démontré plus avant ; que de toute façon, comme les contrats apparents de vente sur pied ont été signés plusieurs années de suite (au moins depuis 2002, d’après le PV n° 403 de l’inspection du travail, la présomption du caractère lucratif de la dissimulation pour des activités posées par « leur fréquence et leur importance » au sens de l’article L. 8221-4 2° du code du travail trouve à s’appliquer ; qu’or, aucun élément avancé par M. A... tend à prouver le caractère non lucratif de l’opération ; que sur la dissimulation d’emploi salarié, la requalification juridique de la situation entre la société Anjou myrtilles et les 56 salariées polonaises permet, en outre, par là même de caractériser la dissimulation d’emploi salarié ; que la caractérisation du lien de subordination juridique suffit en effet à qualifier l’existence de contrats de travail entre la société Anjou myrtilles et chacune des 56 salariées polonaises ; que la société Anjou myrtilles n’ayant aucunement déclaré ces salariées, toutes les conditions de l’article L. 8221-5 du code du travail sont vérifiées ; que sur l’élément intentionnel, l’élément intentionnel se déduisant de la seule constatation du non accomplissement des obligations légales de déclaration aux organismes sociaux, le délit de travail dissimulé, que ce soit, dans la dissimulation d’activité ou dans la dissimulation d’emploi salarié est donc constitué ; que la culpabilité de M. A... ne peut alors qu’être confirmée de ce chef ;
” 1) alors que, dans la mesure où la cour d’appel a exclusivement fondé l’existence d’un travail dissimulé sur l’existence d’un prétendu contrat de travail entre les salariées polonaises et la société Anjou myrtilles, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la censure du chef du dispositif ayant déclaré le prévenu coupable de travail dissimulé et condamné de ce chef ;
” 2) alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié est une infraction intentionnelle qui nécessite, pour être constituée, que le prévenu se soit délibérément et en toute connaissance de cause soustrait à l’accomplissement des formalités imposées par le code du travail ; que, dès lors qu’il est constant que M. A... ne s’est jamais considéré comme l’employeur de salariées polonaises recrutées et rémunérées par la société Winterwood Farms et entièrement placées sous la dépendance économique et juridique de cette dernière, la cour d’appel ne pouvait se borner à déduire son intention délictueuse de la seule constatation du non-accomplissement des obligations légales de déclaration aux organismes sociaux sans qu’aucun motif ne cherche à établir que ce non accomplissement avait été réalisé en connaissance de cause ; qu’en s’abstenant de caractériser le caractère délibéré du non-accomplissement des obligations légales reprochées, la cour d’appel a transformé le délit de travail dissimulé en un délit matériel en violation des exigences de l’article 121-3 du code pénal “ ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’inspection du travail, base de la poursuite, que lors d’un contrôle effectué en juin 2007 au sein de la société Anjou myrtilles, il a été constaté la présence de cinquante-six ouvrières de nationalité polonaise que M. A..., dirigeant de la société, a indiqué être salariées de la société anglaise Winterwood Farms avec laquelle il avait passé un contrat de vente de fruits sur pied ; que, constatant l’absence de respect des conditions de forme et de fond d’un détachement régulier de salariés en France par une entreprise étrangère, le procureur de la République a fait citer M. A... devant le tribunal correctionnel, notamment, des chefs de marchandage et travail dissimulé ; que les premiers juges ont déclaré la prévention établie ;
Attendu que, sur appel du prévenu et celui du ministère public, l’arrêt, après avoir écarté l’existence d’un contrat de vente de fruits sur pied, pour déclarer le prévenu coupable, prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Fixe à 3 000 euros la somme que M. A... devra payer au syndicat CFDT de la transformation agroalimentaire et de la production agricole du Maine-et-Loire, partie civile, en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Décision attaquée : Cour d’appel d’Angers du 3 juin 2010