Caisse de congés payés - compatibilité communautaire oui

Cour d’appel de Dijon 16 mai 2000

Sommaire :

Il n’y a pas lieu à question préjudicielle à la Cour de Justice de Communautés Européennes en application de l’article 177 du Traité de Rome, sur la compatibilité de l’existence même et du statut de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment, association régie par la loi de 1901, avec les dispositions communautaires, dès lors que le régime des congés payés mis en place par le Code du Travail pour les entreprises du bâtiment ne rend pas nécessaire une interprétation du droit communautaire ou qu’une telle interprétation soit nécessaire à la résolution du litige, la procédure prévue par l’article 177 ne devant pas être utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été prévue par le traité. L’affiliation obligatoire à cette institution d’ordre public résulte de l’objectif social légalement confié à la Caisse. L’équivalence existante entre les régimes des congés payés des Etats membres préconisée par l’article 120 du Traité n’est pas mise en péril par le statut et les modalités de fonctionnement de la Caisse, à laquelle ne peut être reprochée aucune discrimination arbitraire. La liberté de prestation de service n’est pas en cause et ne peut être opposée à une institution d’ordre public, l’article 112 du Traité étant par ailleurs invoqué à tort alors qu’il préconise seulement l’harmonisation progressive des politiques commerciales des Etats membres.

Texte intégral :

Cour d’appel de Dijon 16 mai 2000
République française

Au nom du peuple français
CL/CM
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D’APPEL DE DIJON 1ERE CHAMBRE - SECTION 2 ARRÊT DU 16 MAI 2000 RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 99/00206
APPELANTE :
LA S.A.R.L. S.C.B.R. STÉ CONSTRUCTION B TIMENT
RÉNOVATION
Dont le siège social est
11 Rue du Consier
7153O CRISSEY
représentée par la SCP ANDRE & GILLIS, avoués à la Cour
assistée de Maître Stéphane BOULIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
LA CAISSE DE CONGÉS PAYES DU B TIMENT N° 11
Dont le siège social est
94 Rue de Lyon
71010 MACON Cedex
représentée par la SCP FONTAINE-TRANCHAND & SOULARD,
avoués à la Cour
assistée de Maître Pierre ROUSSOT, avocat au barreau de MACON
Maître jean Yves AUBERT
Domicilié
1, rue Dewet
Tour Vision 2000
71 100 CHALON/SAONE
ès-qualités de représentant des créanciers et de commissaire à
l’exécution du plan du RJ de la SARL SCBR représenté par Maître Philippe GERBAY, avoué à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR Président : Monsieur LITTNER, Conseiller,
présidant la Chambre, désigné à ces fonctions par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du ler décembre 1999. Assesseurs : -Monsieur JACQUIN, Conseiller -Madame ARNAUD, Conseiller lors des débats et du délibéré Greffier lors des débats et du prononcé Madame X..., greffière placée, déléguée à la Cour d’Appel de Dijon par ordonnance de Monsieur le Premier Président et de Madame la Procureure Générale en date du 6 avril 2000. DÉBATS audience publique du 25 Avril 2000 ARRÊT rendu contradictoirement, Prononcé à l’audience publique de la Cour d’Appel de DIJON, le 16 Mai 2000 par Monsieur LITTNER, Conseiller, qui a signé l’arrêt avec le greffier.
Exposé de l’affaire La SARL Construction Bâtiment Rénovation (SCBR), déclarée en redressement judiciaire le 31 octobre 1996, a fait appel de l’ordonnance rendu le 17 décembre 1998 par le Juge Commissaire, qui a admis la créance de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment N°11 pour les sommes suivantes : - 151.114,90 Frs à titre privilégié définitif, - 21.192,80 Frs à titre chirographaire définitif Dans ses conclusions en réponse et récapitulatives du 17 février 2000, auxquelles il est fait référence par application de l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle demande à titre préliminaire qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la "compatibilité de l’existence même et du statut de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment avec les dispositions communautaires". A titre subsidiaire elle conclut au rejet de la demande en faisant valoir que, devant le refus de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment de prendre en charge les congés payés de ses salariés pour les mois de juillet, août et septembre 1997, elle a versé elle-même à ces derniers le montant de ces congés payés, ce qui représente une somme totale de 13l.729 Frs de sorte que la créance de la Caisse est maintenant dépourvue de cause. Elle
ajoute que la Caisse ne justifie pas de sa qualité à agir puisqu’elle ne prouve pas que ses statuts sont bien signés par des adhérents ou par des dirigeants. Pour le cas où la créance serait admise, elle sollicite la condamnation de la Caisse à lui payer 172.307,70 Frs à l’expiration du plan, avec intérêts au taux légal applicable à chaque versement annuel effectué dans le cadre du plan. La Caisse de Congés Payés du Bâtiment, par écritures récapitulatives du 22 mars 2000, auxquelles il est pareillement fait référence, répond : - que la question préjudicielle est sans objet et qu’elle est au demeurant formulée de façon imprécise, - que l’adhérent à une Caisse de Congés Payés ne peut se substituer à celle-ci pour le règlement des indemnités et que l’entreprise reste débitiice de ses cotisations sans pouvoir s’exonérer au motif qu’elle a réglé une dette propre de la Caisse, - qu’elle justifie de sa qualité à agir. - que la demande de restitution de la somme de 172.307,70 Frs n’a aucun fondement juridique. Elle conclut à la con firmation de l’ordonnance et souhaite obtenir 10.000 Frs en remboursement de ses frais irrépétibles.
La procédure a été communiquée au ministère public le ler mars 2000. Maître AUBERT déclare s’en rapporter à justice. MOTIFS DE LA DECISION l°) Sur la question préjudicielle Attendu que la Société appelante soutient que le statut et l’existence de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment sont une atteinte aux principes du droit communautaire pour les motifs suivants : il y a obligation d’adhésion alors qu’elle a la forme d’une association régie par la loi de 1901, il n’appartient pas à l’Etat d’imposer un mode spécifique de congés payés, chacun doit avoir le libre choix de ses prestations de service, la vocation sociale de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment N°11 n’a plus cours ; qu’elle demande que la question préjudicielle concerne la corr’l
rmité de cette Caisse avec le droit communautaire ; Attendu qu’il y a lieu en premier lieu de relever que la question, suggérée plus que formulée, est assez vague ; Attendu ensuite que l’article 177 du Traité de Rome donne compétence à la Cour de Justice des Communautés Européennes pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation du traité et sur la validité du droit communautaire dérivé ; Attendu qu’il n’est pas démontré que le régime des congés payés mis en place par le Code du Travail pour les entreprises du bâtiment rende nécessaire une interprétation du droit communautaire ou qu’une telle interprétation soit nécessaire à la résolution du litige, la procédure prévue par l’article l77 ne devant pas être utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été prévue par le traité Attendu qu’il n’y a pas lieu en l’espèce à question préjudicielle, qui n’est en l’espèce qu’une faculté ; qu’il importe peu que la Caisse de Congés Payés du Bâtiment soit constituée sous la forme d’une association régie par la loi de 1901 ;
Attendu par ailleurs que l’affiliation obligatoire à cette institution d’ordre public, créée dans l’intérêt des salariés appartenant à des entreprises étrangères détachent temporairement des salariés en France, résulte de l’objectif social confié par la législation à cette caisse, qui n’est pas une entreprise économique à but lucratif mais qui agit, sous le contrôle de l’Etat pour gérer le régime de congés payés et pour mutualiser, selon les prescriptions légales, l’indemnisation d’un risque social, la chômage pour conditions climatiques ; Attendu qu’une telle activité n’est pas susceptible d’affecter le commerce entre les états membres de la communauté ni d’engendrer un abus de position dominante ; que l’équivalence existante entre les régimes des congés payés des Etat membres, que l’article 120 du Traîté préconise, n’est pas mis en péril par le statut et les modalités de fonctionnement de la Caisse,
à laquelle ne peut être reprochée aucune discrimination arbitraire
Attendu notamment que les dispositions réglementaires interdisent un double assujettissement puisque l’article D 732-9 du Code du Travail permet aux entreprises établies dans un pays de l’espace économique européen et détachant temporairement en France des salariés pour l’exécution de travaux de bâtiment d’être exonérées des obligations posées par les articles D 732-1 et suivants si elles ’ustifient que leurs salariés bénéficient de leurs droits à congés payés pour la période de détachement dans des conditions au moins équivalentes à celles prévues par la législation française ; Attendu que la liberté de prestations de service n’est pas en cause dans le présent litige et ne peut être opposée à une institution d’ordre public ; Attendu enfin que l’article 112 du Traité est invoqué à tort alors q-u’il précom’se seulement l’harmonisation progressive des politiques conunerciales des Etats membres ; 2’) Sur l’admission de créance Attendu que l’adhérent d’une Caisse de Congés Payés du Bâtiment, qui n’est pas apte à se substituer à la Caisse pour le règlement des indemnités de congés payés aux ayants droit, ne peut, en invoquant un paiement direct et ’irrégulier, s’opposer utilement à la demande en paiement des cotisations présentée par celle-ci , qu’elle ne saurait donc prétendre opérer une compensation entre les cotisations dues et les indemnités versées directement et irrégulièrement (Soc. 14 octobre 198 1. Bull.p583 ; Civ 1. 6 mai 1997 Bull. p 102 ; Soc. 12 février 1987 Bull.p48 ; Civ 1. 6 mai 1997 Bull.pl51) ; que la contestation de l’appelante ne peut donc qu’être rejetée ; Attendu que la Caisse de Congés Payés du Bât’-Ment a déclaré la créance suivante
"-" 151.114,90 Frs à titre privilégié, - 21.192,80 Frs à titre chirographaire que cette créance, justifiée, a été admise à juste titre par le Juge Commissaire ; Attendu que, conformément au
règlement intérieur de la Caisse de Congés Payés du Bâtiment (article 7), la SARL Construction Bâtiment Rénovation pourra obtenir remboursement des ’indemnités de congés directement payées aux travailleurs, dès qu’elle aura intégralement apuré sa situation à l’égard de la Caisse. 3) Sur la qualité à agir de la Caisse de Congés Pqyés du Bâtiment Attendu que ce moyen, présenté de façon surprenante à titre subsidiaire n’est pas fondé, la Caisse de Congés Payés du Bâtiment N°11 justifiant de sa qualité à agir par la délégation de pouvoirs donnée le 15 décembre 1995 par le Président du Conseil d’Administration à Monsieur Y... et de l’agrément ministériel donné à ses statuts le 18 décembre 1991. 4’) Sur l’application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Attendu que l’équité ne commande pas de faire application à la Caisse des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, Rejetant la demande tendant à poser une question préjudicielle àla Cour de Justice des Communautés Européennes, Dit que la Caisse de Congés Payés du Bâtiment a qualité à agir, Confirme l’ordonnance entreprise et constate que la Société appelante pourra obtenir remboursement des indemnités de concés payés directement versées aux travailleurs dès qu’elle aura intégralement apuré sa situation à l’égard de la Caisse, Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne, la SARL Construction Bâtiment Rénovation aux dépens d’appel et dit que la SCP FONTAINE-TRANCHAND & SOULARD, avoués, pourra la recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile

Demandeur : LA S.A.R.L. S.C.B.R. STÉ CONSTRUCTION B TIMENT
Défendeur : LA CAISSE DE CONGÉS PAYES DU B TIMENT N° 11
Décision attaquée : DIJON