Absence de mobilité transnationale - définition sécurité sociale

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du 20 janvier 2012

N° de pourvoi : 10-26371

Non publié au bulletin

Rejet

M. Héderer (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président), président

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 18 décembre 2008), que Mme X..., de nationalité tunisienne a travaillé de façon continue en Tunisie du 1er septembre 1975 au 31 décembre 1992 en qualité de déléguée médicale pour la société française Laboratoires Lematte et Boinot devenue laboratoires Astra-Zeneca ; que la Caisse nationale de sécurité sociale tunisienne ayant refusé de procéder à son affiliation elle a saisi la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés française puis l’URSSAF de Paris-Région Parisienne qui ont également refusé de l’affilier ; qu’elle a contesté les décisions des organismes français devant une juridiction de sécurité sociale et appelé son ancien employeur en cause ;

Attendu que l’intéressée fait grief à l’arrêt de rejeter ses recours alors, selon le moyen, que l’article 3, § 1er, de la convention générale sur la sécurité sociale signée entre la France et la Tunisie le 17 décembre 1965 stipulant que “les travailleurs salariés ou assimilés aux salariés par les législations applicables dans chacun des deux États, occupés sur le territoire de l’un d’entre eux, sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail” est une règle de conflit de loi, non de fond ; qu’ayant constaté qu’en application de cette règle, les juridictions tunisiennes avaient admis que la caisse nationale de sécurité sociale tunisienne ait refusé de procéder à l’affiliation de Mme X... à l’assurance vieillesse tunisienne, la cour d’appel, qui en a déduit que la sécurité sociale française n’était pas tenue de l’affilier, sans examiner si la loi française ne l’y contraignait pas dans ce cas, a privé sa décision de base légale au regard de l’article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que les critères d’affiliation retenus par la convention franco-tunisienne de sécurité sociale sont des règles de fond qui ne peuvent être étendues à des cas qu’elle ne prévoit pas ;

Et attendu que l’arrêt retient par motifs adoptés, d’une part, que Mme X... ne peut être considérée comme détachée en Tunisie, n’ayant jamais travaillé pour l’entreprise située en France avant la signature du contrat de travail pour l’exercice de son activité de déléguée médicale, d’autre part, qu’elle a toujours résidé en Tunisie et travaillé dans son pays pour une entreprise qui n’y avait aucun établissement ;

Que la cour d’appel en a exactement déduit que l’intéressée ne relevait pas de la législation de sécurité sociale française pour la période considérée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé la décision de la Commission de recours amiable de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse en date du 10 octobre 2000 et la décision de la Commission de recours amiable de l’Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales de Paris – Région Parisienne en date du 10 avril 2002 et débouté Madame Ourida X... de sa demande de régularisation de sa situation au regard de l’assurance vieillesse et de sa demande de condamnation par voie de conséquence de la Société Astra Zeneca, son employeur, à payer à l’URSSAF les cotisations patronales et salariales arriérées de telle sorte que la CNAV puisse lui verser une retraite du régime général au taux normal ;

AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Mme X... expose avoir travaillé comme déléguée médicale pour représenter les produits de la Sté Astra, qui est un laboratoire pharmaceutique, sur le sol tunisien, sans discontinuité du 1er septembre 1975 au 31 décembre 1992, ainsi que cela ressort du certificat de travail versé aux débats et de l’attestation de salaire ; qu’elle soutient que sa rémunération a été effectuée par la Sté Astra, selon les fiches de paie françaises, que des cotisations pour les caisses d’assurances complémentaires ont été régulièrement effectuées et que seules les cotisations « assurance vieillesse » n’ont pu, à l’époque, être régularisées ; qu’elle demande au tribunal de faire droit à son recours tendant à voir sa situation régularisée au regard de la C.NA.V. en application de l’article R 351-11, alinéas 1 à 3, du code de la Sécurité sociale ; que l’article R 351-11 issu de l’article 71, § 4, du décret n°45.179 du 29 décembre 1945 modifié par plusieurs décrets successifs, dispose qu’il est tenu compte pour l’ouverture du droit et le calcul des pensions de vieillesse, de toutes les cotisations d’assurance vieillesse pour les périodes antérieures à l’entrée en jouissance de la pension, quelle que soit la date de leur versement ; qu’en vertu du principe de territorialité, et sauf engagement de l’employeur, le cas échéant avec l’accord des caisses, ou application de conventions internationales, seul un travail effectué en France implique l’assujettissement du salarié au régime général français de sécurité sociale ; qu’une convention sur la sécurité sociale a été signée entre la France et la Tunisie le 17 décembre 1965 (publiée au Journal Officiel le 21 septembre 1966) ; que toutefois, cette convention ne comportait aucune disposition concernant l’assurance invalidité, ni l’assurance vieillesse puisque c’est seulement en avril 1974 que la Tunisie a mis en place un régime généralisé de pension d’invalidité, de vieillesse et de survivants, que les gouvernements des deux pays ont conclu un Accord Complémentaire le 12 septembre 1975 entré en vigueur le 1er juin 1977 ; qu’aux termes du chapitre II de cet accord portant sur la détermination de la législation applicable, il est rappelé 1) que l’article 3, § 1er, de la convention du 17 décembre 1965 pose le principe de l’assujettissement du travailleur salarié aux législations en vigueur au lieu de travail et que les exceptions, par accord entre les États sont les cas de détachement, étant précisé que les travailleurs ou assimilés occupés par une entreprise qui a son siège sur le territoire d’un État et qui sont détachés sur le territoire d’un autre État pour y effectuer un travail déterminé et occasionnel demeurent soumis aux législations en vigueur dans l’État de leur lieu de travail habituel, pour autant que leur occupation ne se prolonge pas au delà de deux ans, y compris la durée des congés ; qu’en l’espèce, Mme X... est de nationalité tunisienne et réside en Tunisie, qu’elle a été embauchée en Tunisie pour y travailler, en qualité de déléguée médicale exclusive, pour le compte de la Sté des Laboratoires Astra France dont le siège social est à Nanterre (Hauts-de-Seine) ; que les attestations d’emploi fournies font état d’un travail sur la période du 1er septembre 1975 au 31 décembre 1992 et que les bulletins de salaire laissent apparaître qu’aucune cotisation de sécurité sociale n’a été prélevée par la Sté Astra à l’exception des cotisations de retraite complémentaire et de prévoyance ; qu’il résulte des conventions et accords franco-tunisiens susvisés que n’est pas soumise à la législation française la personne dont l’activité s’est déployée exclusivement sur le territoire tunisien dès lors que l’entreprise française n’a pas d’établissement en Tunisie, l’article 3, § 2, de la convention ne pouvant pas s’appliquer ; qu’en outre, Mme X... ne peut être considérée comme détachée en Tunisie, n’ayant jamais travaillé pour l’entreprise située en France avant la signature du contrat de travail pour l’exercice de son activité de déléguée médicale ; que Mme X... ayant toujours résidé en Tunisie et ayant travaillé dans son pays pour une entreprise qui n’y avait aucun établissement, elle ne relevait donc pas de la législation de sécurité sociale française pour la période en cause ; que la circulaire ministérielle n°SS du 31 décembre 1975 et la lettre du ministère du travail du 11 mai 1976, diffusée par lettre collective n°2314 du 26 mai 1976 qu’ainsi que la lettre de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité sociale n°2314 du 26 mai 1976 ont limité la mise en oeuvre de la régularisation prévue à l’article R 351-11 du code de la Sécurité sociale au seul cas où la totalité des cotisations dues n’aurait pas été versée en temps utile par l’employeur pour cause de non déclaration de l’activité salariée ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QU’il suffit d’ajouter que la Caisse Nationale de Sécurité Sociale tunisienne a refusé de procéder à l’affiliation d’Ourida X... ; que celle-ci ne remplissait pas, ainsi qu’il vient d’être rappelé les conditions d’affiliation au régime général de Sécurité Sociale français ; qu’il est néanmoins acquis aux débats que la Sté Astra Zeneca a affilié l’intéressée pendant toute la durée de son activité auprès de la Caisse de Retraite Interprofessionnelle des Salariés (CRIS) et auprès d’un régime de prévoyance complémentaire (AGF-Le Phénix) et ce, indépendamment de toute obligation légale mais conformément aux dispositions conventionnelles ; qu’on ne voit donc pas à quel titre Ourida X... pourrait imputer une faute à cette société, ni se prévaloir d’un préjudice justifiant l’allocation à son profit de dommages et intérêts, a fortiori sur le fondement d’une évaluation pour le moins approximative ;

ALORS QUE l’article 3, § 1er, de la convention générale sur la sécurité sociale signée entre la France et la Tunisie le 17 décembre 1965 stipulant que « les travailleurs salariés ou assimilés aux salariés par les législations applicables dans chacun des deux États, occupés sur le territoire de l’un d’entre eux, sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail » est une règle de conflit de loi, non de fond ; qu’ayant constaté qu’en application de cette règle, les juridictions tunisiennes avaient admis que la Caisse nationale de sécurité sociale tunisienne ait refusé de procéder à l’affiliation de Mme X... à l’assurance vieillesse tunisienne, la cour d’appel, qui en a déduit que la Sécurité sociale française n’était pas tenue de l’affilier, sans examiner si la loi française ne l’y contraignait pas dans ce cas, a privé sa décision de base légale au regard de l’article R 351-11 du code de la Sécurité sociale.

SECOND MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Madame Ourida X... de sa demande, subsidiaire à sa demande de régularisation de régularisation de ses droits auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse, tendant à voir condamner la Société Astra Zeneca, son employeur, à lui payer la somme de 240.000 € de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la Caisse Nationale de Sécurité Sociale tunisienne a refusé de procéder à l’affiliation d’Ourida X... ; que celle-ci ne remplissait pas les conditions d’affiliation au régime général de Sécurité Sociale français ; qu’il est néanmoins acquis aux débats que la Sté Astra Zeneca a affilié l’intéressée pendant toute la durée de son activité auprès de la Caisse de Retraite Interprofessionnelle des Salariés (CRIS) et auprès d’un régime de prévoyance complémentaire (AGF-Le Phénix) et ce, indépendamment de toute obligation légale mais conformément aux dispositions conventionnelles ; qu’on ne voit donc pas à quel titre Ourida X... pourrait imputer une faute à cette société, ni se prévaloir d’un préjudice justifiant l’allocation à son profit de dommages et intérêts, a fortiori sur le fondement d’une évaluation pour le moins approximative ;

ALORS QUE l’employeur doit, quelles que soient les circonstances, obtenir le bénéfice d’une assurance de protection sociale pour ses salariés ; qu’en rejetant la demande de Mme X..., employée de 1975 à 1992 par la société française Astra Zeneca en tant que déléguée médicale exclusivement en Tunisie, tendant à l’indemnisation du préjudice subi du fait de son défaut d’affiliation à un régime d’assurance vieillesse, au motif inopérant que l’employeur avait tenté de le faire, mais s’était heurté au refus des organismes de sécurité sociale, tant tunisiens que français, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil.

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 18 décembre 2008