Tuyauterie - serrurerie

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 2 février 2010

N° de pourvoi : 09-85044

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

Me Balat, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

X... Vitold,

Y... Sophie, épouse X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 2009, qui, pour travail dissimulé, emploi de salariés étrangers non munis d’un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, hébergement de personnel dans des locaux affectés à un usage industriel ou commercial et défaut de déclaration d’un local affecté à l’hébergement, a condamné, le premier, à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende, la seconde, à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 1 500 euros d’amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des

articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, des articles L. 8256-2, L. 8256-3, L. 8256-3, L. 8256-4, L. 8256-6, L. 8251-1, L. 5221-2 et R. 5221-1 du même code, des articles 49 et 50 du Traité CE, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables des délits de travail dissimulé et d’emploi d’étrangers sans titre, a condamné Sophie X... à une peine de deux mois d’emprisonnement assortie du sursis ainsi qu’à une peine d’amende de 1 500 euros, et a condamné Vitold X... à une peine de quatre mois d’emprisonnement assortie du sursis ainsi qu’à une peine d’amende de 3 000 euros ;

” aux motifs que c’est par une analyse exacte des faits et circonstances de la cause et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a dit que le délit de travail dissimulé concernant cinq ressortissants polonais est caractérisé et a dit que Sophie Y..., épouse X..., gérante de droit, devait être déclarée pénalement responsable jusqu’au 30 janvier 2006, date à laquelle elle a délégué l’ensemble de ses pouvoirs à son époux, et que Vitold X... devait être déclaré pénalement responsable pour toute la période de la prévention, soit de mai 2005 au 16 juillet 2006, en sa qualité de gérant de fait, puis de gérant de droit ; qu’en effet, le premier juge a justement relevé que les cinq ressortissants polonais identifiés, Mieczyslaw Z... du mois de mai 2005 au mois de novembre 2005 inclus, Robert A... du mois de mai 2005 au 16 juillet 2006, Miroslaw B... du mois de juillet 2005 au mois de septembre 2005, Krzysztof C... du mois de juillet 2005 au mois d’avril 2006 et Rysurd E... du mois de juillet 2005 au mois de décembre 2005 inclus, qui avaient été engagés sous le couvert de contrats de sous-traitance, exerçaient leur activité dans un lien de subordination juridique caractérisant la relation salariée ; que ce lien de subordination est caractérisé par les conditions d’exercice du travail qui ressort tant des constatations faites par les contrôleurs du travail que des différents documents produits ; qu’il convient de rappeler à cet égard que l’entreprise Stihle a sous-traité à l’entreprise ATM le 31 mai 2005 pour des travaux de réalisation de chauffage et que la Société ATM s’est engagée à ne pas sous-traiter les travaux prévus et à ne pas employer de travailleur étranger ; que pour le chef de chantier de l’entreprise Stihle, M. D..., les « artisans » polonais apparaissaient pour lui comme des salariés de l’entreprise ATM ; que les quatre travailleurs étrangers arrivaient tous ensemble dans un véhicule ATM, avaient les mêmes équipements, travaillaient aux mêmes horaires ; que Vitold X... donnait chaque jour des consignes et vérifiait la bonne exécution des travaux et les ressortissants polonais apparaissaient intégrés à l’équipe de l’entreprise ATM ; que tous les devis et toutes les factures des cinq « artisans » polonais sont rédigés sur le même type de formulaire ; que les devis sont sous-établis à Cernay, ce qui ne correspond pas à des réponses d’appels d’offres envoyés en Pologne auprès d’artisans polonais ; que les documents, devis et factures, sont tous remplis de la même façon, ne traduisant pas le caractère distinct et indépendant censé correspondre au statut de ces artisans polonais allégués par les prévenus ; que, c’est donc à tort que les appelants invoquent le non-respect par le premier juge des dispositions des articles 49 et 50 du Traité CE ; qu’en effet, durant la période transitoire prévue après l’entrée le 1er mai 2004 de dix nouveaux Etats dans l’Union européenne, parmi lesquels la Pologne, il est prévu que la pleine et entière liberté de circulation ne s’appliquera pas immédiatement aux travailleurs salariés ; que les ressortissants communautaires des nouveaux Etats membres resteront soumis au droit interne applicable aux ressortissants étrangers non communautaires en ce qui concerne l’accès à l’emploi ; que la procédure à suivre continuera à comporter l’obligation de solliciter une autorisation de travail ; qu’en l’espèce, les cinq ressortissants polonais ont été sous couvert de contrat de sous-traitance, employés comme salariés, de sorte qu’il n’y a eu aucune violation par le premier juge des dispositions du droit communautaire puisqu’en cette qualité de salariés, ils continuaient à être régis par les dispositions du droit interne durant la période transitoire, dans laquelle la période de prévention est comprise ;

” 1°) alors que sont qualifiés d’artisans les ouvriers qui, fussent-ils immatriculés au répertoire des métiers, fournissent des prestations les mettant en état de subordination juridique par rapport au maître de l’ouvrage durant tout le temps de l’exécution de leur tâche, même en l’absence d’un lien de contractuel permanent ; qu’en estimant que les cinq ouvriers polonais en cause avaient la qualité de salariés, et non d’artisans, au seul motif qu’ils “ apparaissaient intégrés “ à l’équipe de la société ATM, sans constater que les intéressés fournissaient des prestations les mettant en état de subordination juridique par rapport au maître de l’ouvrage durant tout le temps de l’exécution de leur tâche, peu important à cet égard le fait que le maître de l’ouvrage vérifie périodiquement la bonne exécution des travaux des sous-traitants ou le fait que les devis concernant les travaux aient été établis en France, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

” 2°) alors que les dispositions des articles 49 et 50 du Traité CE prohibent toute restriction à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union européenne ; que dans leurs conclusions d’appel du 27 mai 2009, les époux X... faisaient valoir que « les dispositions du droit du travail n’ont pas lieu de s’appliquer en l’espèce, dès lors que les cinq ressortissants polonais susvisés étaient en déplacement au sein de l’Union européenne en libre prestation de services » ; qu’en opposant aux parties les règles issues du code du travail, cependant que les ouvriers en cause, ressortissants de l’Union européenne, exerçaient leur activité en qualité de prestataires de services, la cour d’appel a violé par refus d’application les dispositions susvisées du Traité CE “ ;

Attendu que le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction, que les contrats de prestations de services conclus avec de prétendus artisans polonais, dissimulaient, en réalité, des contrats de travail salarié ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, des articles L. 8256-2, L. 8256-3, L. 8256-3, L. 8256-4, L. 8256-6, L. 8251-1, L. 5221-2 et R. 5221-1 du même code, des articles 49 et 50 du Traité CE, de l’article 1382 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a condamné solidairement les époux X... à payer à l’Assedic Alsace, aux droits de laquelle est venu le pôle emploi, une somme de 2 900 euros à titre de dommages et intérêts ;

” aux motifs propres que le premier juge a équitablement réparé le préjudice subi par la partie civile ;

” et aux motifs adoptés que la durée de l’emploi de ces ressortissants polonais représente l’emploi d’un salarié durant 35 mois ; que la demande formulée par la partie civile apparaît en conséquence excessive ; qu’il y a lieu d’allouer à la partie civile une somme de 2 900 euros à titre de dommages et intérêts ;

” alors que si le juge répressif apprécie souverainement l’importance du dommage et le montant de l’indemnité destinée à le réparer, c’est à la condition de fonder sa décision sur l’importance réelle de ce dommage ; qu’en allouant en équité la somme de 2 900 euros à la partie civile, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision “ ;

Attendu qu’en évaluant, comme elle l’a fait, la réparation du préjudice résultant pour le pôle emploi, venant aux droits de l’Assedic d’Alsace, du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emplois salariés, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Villar ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Colmar , du 1 juillet 2009