Réfection de fours

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 17 février 2004

N° de pourvoi : 03-82797

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept février deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de Me COPPER-ROYER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 LA SOCIETE EFUBA,

contre l’arrêt de la cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2003, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef de prêt illicite de main-d’oeuvre, l’a condamnée à 20 000 euros d’amende, a ordonné une mesure de placement sous surveillance judiciaire, de publication et d’affichage, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L.152-3.1, L. 152-3, alinéa 1, L. 125-3 du Code du travail, 121-2, 131-38, 131-39, 1 , 2 , 3 , 4 , 5 8 , 9 , 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la société Efuba coupable d’avoir à Seremange, courant 2001, dans un but lucratif et alors que l’opération avait pour but exclusif le prêt de main-d’oeuvre, reçu en dehors du cadre légal et réglementaire du travail temporaire, de la main-d’oeuvre de la société Fornoportugal et l’a condamnée à une peine d’amende et à des mesures de surveillance, de publication et d’affichage ;

”aux motifs adoptés des premiers juges qu’aux termes de l’article L. 125-3 du Code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite dès lors qu’elle n’est pas effectuée dans le cadre des dispositions relatives au travail temporaire ; ... qu’en l’espèce il ressort des contrats de sous-traitance liant la SA Efuba à la société de droit portugais Fornoportugal, et ceci n’est d’ailleurs pas contesté, que les travaux litigieux n’ont pas été effectués dans le cadre légal du travail intérimaire ; que d’ailleurs la SA Efuba soutient, pour sa défense, que c’est précisément parce que les entreprises de travail intérimaire françaises ne seraient plus en mesure de lui fournir des maçons-fumistes qualifiés qu’elle serait contrainte de recourir aux compétences de Fornoportugal ; mais... qu’il appartient à la présente juridiction de rechercher la véritable nature des conventions intervenues entre les parties ; qu’en l’espèce, il ressort du chapitre 2 du contrat de sous-traitance signé par les parties le 14 juin 1999, intitulé “modalités d’application” ; que les personnels de la société Fornoportugal, chargés des travaux, sont placés sous l’autorité d’un responsable de la société Efuba ;

que l’application de cette disposition contractuelle, contraire à la loi, a été constatée par l’Inspecteur du travail, Mme X..., lors d’un contrôle le 8 février 2001, au cours duquel les salariés de Fornoportugal, notamment M. Y..., ont déclaré que c’était M. Z..., chef de chantier Efuba, qui dirigeait leurs travaux, et que M. De A... se bornait à leur remettre chaque semaine une avance sur frais, d’ailleurs pour le compte de la société Efuba ; que M. B..., dirigeant de la société Efuba, a soutenu au contraire, en contradiction avec les dispositions contractuelles sus-énoncées, que les salariés Fornoportugal étaient dirigés par un responsable appartenant à leur propre entreprise, en l’occurrence M. De A... ; qu’il a expliqué son absence sur le chantier lors du contrôle par la nature du travail par postes, assertion insuffisante à établir le respect des dispositions légales compte tenu des dispositions contractuelles sus-visées et des déclarations concordantes des salariés Fornoportugal ; ... que par ailleurs ces derniers utilisaient l’outillage de la société Efuba notamment le marteau piqueur, le fouloir, la scie à brique, le malaxeur, hormis en ce qui concerne le petit outillage (niveau, marteau), et utilisaient le même vestiaire que les salariés Efuba ;

qu’il ressort des listes et relevés de pointage annexés au dossier, que les salariés Fornoportugal étaient systématiquement intégrés au programme de travail Efuba sans distinction avec les propres salariés de celle-ci ; qu’en outre, et ceci n’est pas contesté par M. B..., ... les salariés Fornoportugal n’apportent pas à Efuba un savoir-faire distinct des compétences de celle-ci ; qu’enfin M. B... lors de son audition a reconnu que le contrat de sous-traitance conclu avec Fornoportugal avait pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre ;

qu’en conséquence la convention de sous-traitance litigieuse ne présente par les caractères d’un contrat d’entreprise dès lors que les salariés de Fornoportugal étaient placés sous l’autorité de la société Efuba, que celle-ci définissait et dirigeait les tâches à exécuter, fournissait elle-même le matériel, et que la société Fornoportugal ne mettait en oeuvre aucune technique qui lui fût propre ; qu’enfin le but lucratif est manifeste, le coût de la main d’oeuvre au Portugal étant moindre, et la société prévenue échappant à un certain nombre de charges sociales et indemnités dues en cas de recours au travail intérimaire ; ... qu’ainsi les éléments de l’infraction sont réunis, la SA Efuba ayant eu recours au contrat de sous-traitance pour dissimuler un prêt de main-d’oeuvre illicite (jugement attaqué p. 2 et 3) ;

”et aux motifs propres qu’il suffit d’ajouter que les contrôles effectués à compter du 8 février 2002 sur le chantier de Seremange par les fonctionnaires de la Direction Départementale du Travail ont permis d’établir que la prestation fournie par la société de droit portugais Fornoportugal, sous-traitant de la société Efuba, ne portait en réalité que sur la fourniture de main d’oeuvre ; qu’en particulier il a été établi que les salariés de la société portugaise étaient intégrés dans les équipes des salariés de la société Efuba, travaillant sous l’autorité d’un chef de chantier Efuba sans apporter de savoir faire spécifique par rapport à celui dont disposait la société Efuba ;

qu’il résulte de ces circonstances, des débats et de l’examen des pièces de la procédure que les premiers juges ont, à bon droit, retenu la société Efuba dans les liens de la prévention ; que cette déclaration de culpabilité sera confirmée par la Cour ; qu’eu égard d’une part à la gravité des faits commis, d’autre part, au comportement de la société Efuba, laquelle n’a pas modifié les conditions d’exécution du contrat de sous-traitance litigieux malgré les mises en garde de l’Administration, la peine d’amende prononcée en première instance sera aggravée en cause d’appel (arrêt attaqué, p. 4 1 et suivants) ;

”alors que la société Efuba avait conclu avec la société Fornoportugal un contrat de sous-traitance comportant l’exécution de tâches nettement définies ;

que les salariés portugais restaient sous la subordination d’un responsable portugais détaché à la société Sollac ; que leur intégration dans le programme de la société Efuba révélait leur technicité dans une partie de l’opération à accomplir où leur concours s’avérait décisif, en l’absence de spécialistes français disponibles ; que la cour d’appel, en s’abstenant d’investigations complètes, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

”que la fourniture de matériel ou d’un vestiaire se justifiait par l’éloignement du Portugal ;

que la société Fornoportugal réglait à ses ouvriers l’intégralité de leur salaire ; que la cour d’appel, en ne s’attachant pas à des données essentielles a, de ce nouveau chef, privé sa décision de base légale ;

”que le prêt de main-d’oeuvre n’est pas prohibé par l’article L. 125-3 du Code du travail lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir faire ou de la mise en oeuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse ; que la cour d’appel en insistant sur cette fourniture de main-d’oeuvre, a violé les dispositions précitées ;

”que le coût moindre de la main-d’oeuvre au Portugal ne concernait que la société Fornoportugal ;

que les particularités du marché supposaient la recherche de spécialistes à l’étranger ; que le bon fonctionnement de l’entreprise ne signifiait pas une opération à but lucratif ; que la cour d’appel a violé les mêmes dispositions ;

”et que le prêt illicite de main-d’oeuvre nécessitait pour être sanctionné, une intention coupable ; que la cour d’appel s’est abstenue de toute recherche sur ce point et a violé à tout le moins l’article 121-3 du Code pénal ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, lors d’un contrôle effectué sur un chantier confié à l’entreprise Efuba, les services de l’inspection du travail ont constaté la présence de salariés de la société de droit portugais Fornoportugal, travaillant sous le couvert d’un contrat de sous-traitance ; que la société Efuba a été poursuivie pour prêt illicite de main-d’oeuvre ;

Attendu que, pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant déclaré l’infraction constituée, l’arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, fondés sur son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuves contradictoirement débattus, la cour d’appel, qui a recherché comme elle le devait la véritable nature des conventions litigieuses, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L .152-3.1, L. 152-3, alinéa 1, L. 125-3 du Code du travail, 121-2, 131-38, 131-39, 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 8 , 9 , 121-3 du Code pénal, 3, 593 du Code de procédure pénale, 1382 et suivants du Code civil ;

”en ce que la cour de Metz a déclaré la société Efuba coupable du délit de prêt illicite de main-d’oeuvre, l’a condamnée à une peine d’amende et à des mesures accessoires, et l’a condamnée à verser des dommages-intérêts au syndicat CFDT Construction Bois de Moselle qui s’était constitué partie civile ;

”aux motifs que le jugement déféré a déclaré, à bon droit, recevable la constitution de partie civile du syndicat CFDT Construction Bois de la Moselle, à raison des faits, objet de la prévention ; qu’en réparation du préjudice subi par le syndicat précité, le premier juge a condamné la société prévenue à payer à la partie civile la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 225 euros sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; devant la Cour, la partie civile sollicite la confirmation des dispositions civiles du jugement déféré outre la somme de 500 euros en application de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; que la déclaration de culpabilité pénale prononcée contre la prévenue a, dans les faits de l’espèce, pour effet d’engager son entière responsabilité civile à l’égard du syndicat CFDT précité, ce dernier devant être déclaré recevable et bien fondé en sa qualité de partie civile, à solliciter l’entière réparation des conséquences dommageables résultant pour lui de la faute de la société Efuba ; que la Cour trouve dans les pièces de la procédure et les documents soumis au débat, les éléments suffisants pour confirmer les dispositions civiles du jugement déféré, le premier juge ayant fait une juste et exacte appréciation du préjudice subi par la partie civile ; que la Cour fera en outre droit à la demande formée par le syndicat partie civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en condamnant la société prévenue à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; que la société prévenue sera également condamnée aux dépens de l’action civile (arrêt attaqué p. 4 et 5) ;

”alors que les règles de fonds de la responsabilité civile s’imposent au juge pénal qui en est saisi par la victime ; que l’action civile des syndicats n’est possible que s’ils établissent que l’infraction a porté atteinte à l’intérêt de la profession qu’ils représentent ou défendent ; que, la cour de Metz n’a pas dit quel était l’objet du syndicat CFDT Construction Bois de la Moselle et qu’elle était la profession qu’il représentait dont l’intérêt aurait été violé ; qu’elle a méconnu les textes précités ;

”et que la cour de Metz n’a pas indiqué davantage la portée de la faute imputable à la société Efuba à l’égard du même syndicat ; qu’elle n’a pas caractérisé les éléments de son préjudice en relation avec cette faute ; qu’elle a violé les mêmes dispositions ;

Attendu que, faute d’avoir été soulevée devant les juges du fond, l’exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile du syndicat CFDT Construction Bois de la Moselle, proposée pour la première fois devant la Cour de Cassation, constitue un moyen nouveau, mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de METZ, chambre correctionnelle du 9 janvier 2003