défintion fiscale

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 20 avril 2005

N° de pourvoi : 04-80283

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt avril deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de Me SPINOSI, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

"-" X... André,

contre l’arrêt n° 1 de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 16 décembre 2003, qui, pour fraude fiscale, l’a condamné à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l’administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 513 et 591 du Code de procédure pénale ;

”en ce que contrairement aux dispositions impératives de ces articles, il ne résulte pas des mentions de l’arrêt attaqué que l’avocat du prévenu a eu la parole en dernier” ;

Attendu qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué qu’à l’audience publique, le président a constaté l’absence du prévenu représenté par son avocat et qu’après le rapport oral du président, ont été entendus Me Normand-Bodard, avocat de la partie civile en sa plaidoirie, M. Guirimand, avocat général en ses réquisitions, Me Cabeli, avocat en sa plaidoirie ;

Attendu qu’en cet état, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer que Me Cabeli, avocat du prévenu, a eu la parole en dernier ;

Que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1745 du Code général des Impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale, l’a condamné pénalement et a reçu l’administration fiscale en sa constitution de partie civile ;

”aux motifs qu’il est constant que la société American aviation financial corporation (AAFC) a été constituée à l’initiative de Christian Y... et d’André X... ; que ce dernier a assuré le montage juridique de l’ensemble des opérations de défiscalisation mises en oeuvre par les dirigeants de la banque SAGA, tandis que Christian Y... était chargé de la réalisation de la logistique technique ; qu’en particulier, André X... a créé la société AAFC pour pouvoir acheter aux Etats-Unis, sur un marché bien approvisionné, des avions d’occasion qui étaient ensuite donnés en crédit bail à des GIE français sans qu’il soit besoin de procéder aux opérations de transfert d’immatriculation ; que, pour ce faire, André X... s’est adressé à un cabinet d’avocats américains spécialisé dans la domiciliation de sociétés et a fait prendre en charge par la banque SAGA les frais de constitution de la société ; que MM. Z... et A... ont déclaré n’avoir jamais négocié l’achat d’avions ; que John B... président de la société Sacramento Aviation, broker auprès duquel plusieurs avions ont été achetés, a indiqué que les propriétaires de la société AAFC étaient André X... et Christian Y... et qu’il traitait la vente des avions avec eux ; que la société AAFC avait un compte à la banque SAGA domicilié au cabinet SEFAC d’André X... ; que la comptabilité de la société AAFC était tenue par ce même cabinet ;

qu’enfin, André X... se servait du papier à en-tête de la société AAFC pour donner des instructions à la banque SAGA de faire virer des fonds ; qu’en l’état de ces constatations, il est établi qu’André X... a été, aux côtés de Christian Y..., le dirigeant de fait de la société AAFC ; que sur les minorations de résultats : le résultat imposable reconstitué par l’administration s’élevait pour 1991 à 821 700 francs (125 267 euros) soit un impôt éludé de 279 378 francs (42 590 euros) et pour 1992 à 11 085 611 francs (1 689 990 euros), soit un impôt éludé de 3 769 107 francs (574 569 euros) ; qu’André X... conteste la matérialité des griefs qui lui sont faits et argue de sa bonne foi en faisant valoir notamment que des déclarations ont été déposées “pour information “ alors même que la société AAFC était convaincue de ne pas être imposable en France ;qu’à l’appui de sa contestation le prévenu ne présente aucune argumentation susceptible de faire échec à la motivation pertinente et circonstanciée par laquelle les premiers juges ont exactement caractérisé à son encontre les éléments matériel et intentionnel de l’infraction de fraude fiscale ; qu’en particulier, l’argument tiré par André X... de la décision de relaxe dont il a bénéficié dans le cadre des poursuites engagées contre lui des chefs d’escroquerie au préjudice de la banque SAGA, et au préjudice des investisseurs est inopérant, dès lors que les motifs des relaxes, ci-dessus rappelés, ne remettent pas en cause l’existence de la surfacturation du prix de revient des avions telle qu’elle a été établie par la procédure d’information ; que s’agissant de l’élément intentionnel de l’infraction, il résulte suffisamment du comportement du prévenu qui fut l’un des principaux instigateurs du vaste schéma de fraude élaboré pour défiscaliser dans des conditions frauduleuses l’ensemble de ses revenus ainsi que ceux de ses comparses et dont la société AAFC n’était que l’un des composants, ainsi que du montant des droits éludés “ ;

”1) alors que, d’une part, la gestion de fait résulte de ce que, sans mandat social, une personne a assuré en toute indépendance la direction d’une société ; que le seul fait d’avoir donné des ordres de virement à la banque SAGA ne pouvait suffire à faire du prévenu le dirigeant de fait de la société AAFC, dès lors qu’il n’était pas constaté que ce dernier avait négocié les prêts consentis par ladite banque à cette société ;

qu’ainsi, si elle a mis en évidence le fait que le prévenu avait été à l’origine de la création de la société AAFC, la cour d’appel n’a pas caractérisé le fait qu’il en était gérant de fait ;

”2) alors que, d’autre part, dans ses conclusions, André X..., soutenait qu’en vertu de l’article 2 de la Convention franco-américaine du 28 juillet 1967, une société créée aux Etats-Unis et enregistrée dans ce pays était de ce seul fait imposable aux Etats-Unis, indépendamment du lieu de l’activité réelle de la société ce qui était le cas de la société AAFC ; que, faute d’avoir répondu à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

”3) alors qu’en tout état de cause, la Convention franco-américaine précitée prévoit, en son article 7-1, que lorsqu’un résident aux Etats-Unis retire des revenus de l’exploitation en trafic international d’aéronefs, ces gains sont imposables aux Etats-Unis ; que l’article 7-4 de ladite Convention précise que les revenus tirés de l’exploitation en trafic international des navires et aéronefs comprennent les bénéfices tirés de la location à temps ou coque nue de navires et aéronefs s’ils sont exploités en trafic international par le locataire ;

que la cour d’appel, qui s’est contentée de constater que la société AAFC n’exploitait pas les avions dont elle était propriétaire, pour exclure l’application de cette disposition, alors que lesdits avions étant loués par crédit-bail et étant exploités en trafic international, l’article 7-4 de la Convention franco- américaine précitée soumettait AAFC, constitué aux Etats-Unis, à l’imposition dans cet Etat ; qu’ainsi, la cour d’appel a violé ladite Convention par fausse interprétation ;

”4) alors qu’au surplus, une société minore ses résultats si elle augmente de manière fictive son passif ; que la surfacturation du prix des avions, à la supposer établie, n’excluait pas le fait que la société AAFC avait payé le prix demandé par le vendeur, peu important que celui-ci ait reversé une partie des fonds au prévenu, dès lors qu’il n’était pas établi que ces fonds auraient profité au prévenu, trouvaient leur explication dans la fraude ; que la cour d’appel qui n’a pas constaté que la société AAFC avait récupéré les fonds, objets de la surfacturation, ni que les fonds reversés au prévenu par la société SAI n’avait d’autres causes que la fraude, n’a pas suffisamment motivé sa décision ;

”5) alors qu’encore dans ses conclusions, le prévenu soutenait que les 17 M portés au passif de la société AAFC constituaient un prêt que lui avait fait le GIE TAD aux fins d’acheter un avion, AAFC l’ayant ensuite loué dans le cadre d’un contrat de crédit bail au dit GIE ; qu’il était ajouté qu’une telle opération avait été commandée par le fait que le GIE qui n’était pas une société américaine ne pouvait en effet directement acheter un avion sous pavillon américain ;

qu’en retenant que ce qui était présenté comme un prêt par le GIE TAD à la société AAFC semblait être le prix d’acquisition par la première d’un avion appartenant à la seconde, la cour d’appel s’est prononcée par un motif hypothétique et n’a pas répondu au chef péremptoire de conclusions du prévenu ;

”6) alors, qu’enfin, la fraude fiscale est une infraction intentionnelle ; que la société AAFC ayant fait en France une déclaration fiscale “ pour information “ permettant de constater que certaines opérations de cette société étaient réalisées en France, l’administration fiscale était à même de vérifier si la société était imposable en France ;

qu’il résultait de cette constatation qu’en admettant que la société AAFC ait été imposable en France, aucune intention frauduleuse ne pouvait être retenue à l’encontre du prévenu” ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention Franco- américaine du 28 juillet 1967, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale, l’a condamné pénalement et a reçu l’administration fiscale en sa constitution de partie civile ;

”aux motifs qu’André X... soutient que la détermination du lieu d’imposition ne doit pas s’apprécier au regard du droit interne mais au regard des dispositions de la Convention franco-américaine du 28 juillet 1967 modifiée par avenant du 16 juin 1998, laquelle stipule en son article 6 : “ Les bénéfices industriels ou commerciaux d’un résident d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que le résident n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé ; que cet argument doit être écarté ; en effet, qu’il ressort des renseignements recueillis dans le cadre de la procédure d’assistance administrative auprès des autorités américaines et de l’information judiciaire que la société américaine AAFC n’était dotée d’aucun moyen nécessaire à la réalisation d’opérations commerciales aux Etats-Unis, n’ayant sur ce territoire, ni locaux, ni immobilisation, ni employé, ni numéro de téléphone propre ; que la comptabilité retrouvée aux Etats-Unis n’était que la retranscription de celle tenue par le cabinet SEPAC ; qu’il s’en déduit qu’elle n’était qu’une société de façade, nécessaire à la mise en oeuvre du plan de fraude ourdi par André X... et ses comparses et qu’elle ne constitue pas un “établissement stable” au sens du texte précité ;

”alors que, seule l’existence d’un établissement stable en dehors des Etats-Unis était susceptible, aux termes de l’article 6 de la Convention du 28 juillet 1967, de permettre de ne pas imposer les bénéfices industriel et commerciaux d’un résident américain dans ce pays ; qu’a privé sa décision de base légale la cour d’appel qui s’est bornée à relever l’absence d’établissement stable aux Etats-Unis, lorsqu’il lui incombait de caractériser au soutien de sa décision, à l’inverse, l’existence d’un établissement stable en France” ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer André X... coupable de fraude fiscale, l’arrêt attaqué prononce par les motifs partiellement repris aux moyens ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors, d’une part, que les juges du fond ont, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé la gestion de fait, par le prévenu, de la société American Aviation Financial Corporation (AAFC), ayant son siège aux Etats-Unis et constituée pour y acheter, grâce au financement par une banque française, des aéronefs d’occasion qu’elle donnait ensuite en crédit-bail à des groupements d’intérêts économiques français domiciliés dans les DOM TOM ;

Qu’il résulte, d’autre part, des motifs de l’arrêt et du jugement qu’il confirme, que les juges ont retenu à bon droit, au regard des dispositions de l’article 209-1 du Code général des impôts, et des articles 2. l.d.ii., 3, 6 et 7.1 de la Convention fiscale franco-américaine du 28 juillet 1967, que la société AAFC était une société “de France” ou “française”, donc “résidente de France”, au sens de la Convention, et qu’elle était en conséquence imposable en France, en l’absence d’un établissement stable aux Etats-Unis où elle n’était qu’une société de façade ;

Qu’enfin, les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de fraude fiscale dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que la cour d’appel a justifié sa décision et que les moyens, qui se bornent, notamment le deuxième, pris en ses première, quatrième, cinquième et sixième branches, à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel de Paris, 9ème chambre du 16 décembre 2003