ETT - activité stable, continue et habituelle - prospection et recherche de clientèle

Arrêt n°25 du 12 janvier 2021 (18-86.709) - Cour de cassation - Chambre criminelle
 ECLI:FR:CCAS:2021:CR00025
Travail - Action civile
Cassation partielle sans renvoi

Demandeur(s) : M. A... X...

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Après le contrôle sur un chantier, le 17 décembre 2013, au cours duquel une personne, travaillant comme plaquiste, a déclaré être l’employé de la société portugaise Euveo de travail temporaire et détaché en France, M. X... a été poursuivi, en qualité de gérant de fait de la société, du chef de travail dissimulé par dissimulation d’activité et de salarié devant le tribunal correctionnel, qui l’a relaxé.

3. Le ministère public et l’Urssaf, partie civile, ont interjeté appel de cette décision.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 23 octobre 2018

4. Le demandeur, ayant épuisé, par l’exercice qu’il en a fait le 22 octobre 2018, le droit de se pourvoir contre l’arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau le 23 octobre 2018 contre la même décision. Seul est recevable le premier pourvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation de l’article 11 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, et 19 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, de l’article 14, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n°118/97, tel que modifié par le règlement (CE) n° 647/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005, des articles 12 et 13, paragraphe 1, du règlement, n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, des articles L. 1262-3, L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les principe des droits de la défense et de la loyauté de la preuve pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale.

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés, soit travail dissimulé par dissimulation d’activité et travail dissimulé par dissimulation de salarié, alors :

« 1°/ qu’ il se déduit des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 27 avril 2017 (A-Rosa Flussschiff GmbH, n° C-620/15) et du 6 février 2018 (Ömer Altun, n° C- 359/16) que le juge - lorsqu’il est saisi de poursuites pénales du chef de travail dissimulé, pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, et que la personne poursuivie produit des certificats E101, devenus A1, à l’égard des travailleurs concernés, délivrés au titre de l’article 14, paragraphe 1 ou 2, du règlement n° 1408/71 - ne peut, à l’issue du débat contradictoire, écarter lesdits certificats que si, sur la base de l’examen des éléments concrets recueillis au cours de l’enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats avaient été obtenus ou invoqués frauduleusement et que l’institution émettrice saisie s’était abstenue de prendre en compte, dans un délai raisonnable, il caractérise une fraude constituée, dans son élément objectif, par l’absence de respect des conditions prévues à la disposition précitée et, dans son élément subjectif, par l’intention de la personne poursuivie de contourner ou d’éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l’avantage qui y est attaché ; qu’en l’espèce en écartant les certificats A1 produits par M. X..., sans avoir, au préalable, recherché si l’institution portugaise émettrice desdits certificats avait été saisie d’une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci sur la base des éléments concrets recueillis dans le cadre de l’enquête judiciaire et que l’institution émettrice s’était abstenue, dans un délai raisonnable, de les prendre en considération aux fins de réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, et, dans l’affirmative, sans établir l’existence d’une fraude constituée, dans son élément objectif, par l’absence de respect des conditions prévues à la disposition précitée et, dans son élément subjectif, par l’intention de la personne poursuivie de contourner ou d’éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l’avantage qui y est attaché, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et privé son arrêt de base de base légale ;

2°/qu’ un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu’elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures situées sur le territoire national à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue ; qu’en ayant jugé que M. X... ne pouvait se prévaloir de la législation européenne relative aux travailleurs détachés, après avoir pourtant constaté que la société Euveo n’exerçait que 35 % de son activité en direction de la France et qu’elle n’avait pas travaillé l’intégralité de l’année 2013, outre que cette entreprise ne disposait d’aucune infrastructure en France, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

3°/ qu’un employeur peut se prévaloir de la législation européenne relative aux travailleurs détachés, sauf si son activité porte toute entière sur la prospection de clientèle en France ; qu’en ayant jugé que M. X... ne pouvait pas se prévaloir de la législation européenne applicable aux travailleurs détachés, car la société Euveo avait notamment eu pour activité la prospection de clientèle en France, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

8. La Cour de justice de l’Union européenne juge qu’en vertu des principes de coopération loyale et de confiance mutuelle, les certificats E101, devenus A1, délivrés par l’institution compétente d’un Etat membre créent une présomption de régularité de l’affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de cet État et s’imposent à l’institution compétente et aux juridictions de l’État membre dans lequel ce travailleur effectue un travail, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans les cas prévus par le droit communautaire autorisant leur délivrance (CJUE, arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff GmbH, C-620/15).

9. Elle ajoute que, lorsque l’institution de l’État membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a saisi l’institution émettrice de ces certificats d’une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci à la lumière d’éléments recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire ayant permis de constater qu’ils ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et que l’institution émettrice s’est abstenue de prendre en considération ces éléments aux fins du réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, le juge national peut, dans le cadre d’une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d’avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de tels certificats, écarter ces derniers si, sur la base desdits éléments et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable qui doivent être accordées à ces personnes, il constate l’existence d’une telle fraude (CJUE, arrêt du 6 février 2018, Ömer Altun, C-359/16).

10. Il en résulte, ainsi qu’elle l’a ultérieurement précisé, que le juge national doit d’abord rechercher si la procédure prévue à l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 a été, en amont de sa saisine, enclenchée par l’institution compétente de l’État membre d’accueil par le biais d’une demande de réexamen et de retrait de ces certificats présentée à l’institution émettrice de ceux-ci, et, si tel n’a pas été le cas, doit mettre en œuvre tous les moyens de droit à sa disposition afin d’assurer que l’institution compétente de l’État membre d’accueil enclenche cette procédure, et que ce n’est qu’après avoir constaté que l’institution émettrice s’est abstenue de procéder au réexamen de ces certificats et de prendre position, dans un délai raisonnable, sur les éléments qui lui étaient présentés, qu’il peut se prononcer de manière définitive sur l’existence d’une telle fraude et écarter ces certificats (CJUE, arrêt du 2 avril 2020, Vueling Airlines SA, n° C-370/17 et C-37/18).

11. La Cour de cassation en a tiré les conséquences et a retenu que le juge, saisi de poursuites pénales du chef de travail dissimulé, pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, ne peut écarter lesdits certificats que si, sur la base de l’examen des éléments concrets recueillis au cours de l’enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats avaient été obtenus ou invoqués frauduleusement et que l’institution émettrice saisie s’était abstenue de les prendre en compte, dans un délai raisonnable, il caractérise une fraude constituée, dans son élément objectif par l’absence de respect des conditions prévues à la disposition précitée et, dans son élément subjectif, par l’intention de la personne poursuivie de contourner ou d’éluder les conditions de délivrance dudit certificat pour obtenir l’avantage qui y est attaché (Crim., 18 septembre 2018, pourvoi n° 13-88.631, Bull. crim. 2018, n° 160).

12. Dans une procédure où les poursuites pour travail dissimulé n’avaient pas seulement été engagées pour défaut de déclarations aux organismes de protection sociale, mais également pour défaut de déclaration préalable à l’embauche (DPAE), la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle relative à l’incidence de ces certificats sur l’obligation de déclaration préalable à l’embauche et, partant, sur la portée desdits certificats sur l’application aux travailleurs concernés de la législation de l’État membre d’accueil en matière de droit du travail (Crim., 8 janvier 2019, pourvoi n° 17-82.553).

13. Dans la présente procédure, la chambre criminelle a sursis à statuer jusqu’à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

14. Répondant à cette question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 14 mai 2020, Bouygues travaux publics, C-17/19) a énoncé que les formulaires de détachement, dits certificats E101 et A1, s’imposent aux juridictions de l’Etat sur le territoire duquel les travailleurs exercent leurs activités uniquement en matière de sécurité sociale.

15. Elle a précisé que « les certificats E101 et A1, délivrés par l’institution compétente d’un État membre, ne lient l’institution compétente et les juridictions de l’État membre d’accueil qu’en ce qu’ils attestent que le travailleur concerné est soumis, en matière de sécurité sociale, à la législation du premier État membre pour l’octroi des prestations directement liées à l’une des branches et à l’un des régimes énumérés à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1408/71 ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 883/2004 » (§ 47) et conclu que « ces certificats ne produisent donc pas d’effet contraignant à l’égard des obligations imposées par le droit national dans des matières autres que la sécurité sociale, au sens de ces règlements, telles que, notamment, celles relatives à la relation de travail entre employeurs et travailleurs, en particulier, les conditions d’emploi et de travail de ces derniers » (§ 48).

16. S’agissant de l’analyse du droit national et en particulier de la portée de la DPAE, elle a précisé qu’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer la portée de cette obligation déclarative.

17. Il appartient donc à la chambre criminelle de déterminer si la DPAE « a pour unique objet d’assurer l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de sécurité sociale et, partant, à assurer le seul respect de la législation en la matière, auquel cas les certificats E101 et A1, délivrés par l’institution émettrice, feraient, en principe, obstacle à une telle obligation, ou, alternativement, si cette obligation vise également, fût-ce en partie, à garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi et de travail imposées par le droit du travail, auquel cas ces certificats n’auraient aucune incidence sur ladite obligation, étant entendu que celle-ci ne peut, en tout état de cause, entraîner l’affiliation des travailleurs concernés à l’une ou à l’autre branche du régime de sécurité sociale » (§ 53 de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne précité).

18. Il convient de rappeler que la formalité de la DPAE a été créée par la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991, à l’article L. 320 du code du travail, recodifié depuis lors, qui prévoyait que « l’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après la déclaration nominative effectuée par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet », formulation reprise dans toutes les versions successives de ce texte, puis à l’article L. 1221-10 du code du travail.

19. Les travaux parlementaires afférents à la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, qui a généralisé l’extension de l’obligation de procéder à la DPAE à l’ensemble du territoire national, la justifient par la considération que la lutte contre le travail clandestin est une nécessité sociale et économique (Sénat, rapport de M. Louis Souvet, n° 16, p. 56). Une circulaire d’application du 16 septembre 1993 relative à la mise en oeuvre de la déclaration préalable à l’embauche (JO du 23 octobre 1993, page 14733) expose encore que « la déclaration préalable à l’embauche s’insère dans le dispositif de lutte contre les différentes formes de travail et d’emploi irréguliers » et que celle-ci, qui remplace l’attestation d’embauche alors en vigueur, « tend à rendre cette information plus fiable puisqu’un tiers, en l’occurrence un organisme de protection sociale, en est le destinataire et le détenteur ».

20. Or, la lutte contre le travail dissimulé recouvre plusieurs finalités qui ne la limitent pas au financement des différentes branches de la sécurité sociale, puisqu’elle permet en outre de faciliter la lutte contre la fraude fiscale, une société qui procède à une DPAE étant tenue de s’identifier, ainsi que d’assurer une concurrence non faussée entre les entreprises.

21. C’est ainsi qu’en vertu de l’article L. 1221-10 du code du travail susvisé, l’existence d’une DPAE fait présumer l’existence d’un contrat de travail qui ouvre au salarié le bénéfice de l’ensemble des droits et obligations prévus par le code du travail. Cette déclaration tend ainsi à favoriser les contrôles opérés par l’inspection du travail sur le respect desdits droits et obligations, l’employeur devant s’il conteste l’existence d’un tel contrat de travail en établir le caractère fictif.

22. D’ailleurs, en vertu de l’article R. 1221-2 du code du travail, dans sa version applicable aux faits, la DPAE permet à l’employeur, non seulement, d’accomplir les déclarations et demandes tendant aux immatriculations et affiliations à divers régimes de sécurité sociale (assurance maladie et assurance chômage), mais également la demande de l’examen médical d’embauche, prévu à l’article R. 4624-10 dudit code, ou, s’il s’agit d’un salarié agricole, à l’article R. 717-14 du code rural et de la pêche maritime.

23. Il résulte de l’article R. 4624-11 du code du travail, dans sa version applicable à la date des faits, que l’examen médical d’embauche a notamment pour finalité de s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter, de lui proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes, et de l’informer sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire.

24. Obligatoire avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai, cet examen médical doit être réalisé par le médecin du travail. Il assure ainsi l’efficacité du contrôle par la médecine du travail des règles destinées à préserver la santé des travailleurs. 25. Il résulte de ces considérations que la DPAE vise, au moins en partie, à garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi et de travail imposées par le droit du travail.

26. Dès lors, il y a lieu d’en conclure que l’existence de certificats E101 et A1 ne fait pas obstacle à une condamnation du chef de travail dissimulé pour omission de procéder à la DPAE.

27. Le grief ne saurait donc être admis.

Sur le premier moyen pris en ses deuxième et troisième branches

28. Pour rejeter le moyen tiré de l’existence d’un détachement de salariés, l’arrêt énonce que, des éléments de preuve contradictoirement débattus, il résulte que l’activité de la société portugaise Euveo était habituelle, stable et continue en France, où elle a prospecté et recherché une clientèle.

29. Les juges ajoutent que, sur la période de prévention, cette société n’a embauché des salariés, près de cent-quarante, que pour les employer en France et s’est chargée de leur logement et de leur encadrement sur les chantiers.

30. Ils en déduisent que son activité en France ne relevant pas des règles du détachement, elle devait y créer un établissement, en sollicitant son immatriculation au répertoire des métiers ou des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés et en procédant à la déclaration nominative préalable à l’embauche.

31. En l’état de ces constatations et énonciations, et dès lors que l’élément matériel du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité, par suite d’un défaut d’immatriculation ainsi que de déclarations attachées à l’exercice d’une activité économique en France, est caractérisé lorsque se développe sur le territoire national une telle activité de manière habituelle, stable et continue, relevant à ce titre des règles relatives au droit d’établissement et non de la liberté de prestation de services, la cour d’appel a justifié sa décision.

32. Ainsi, le moyen doit être rejeté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

33. Le moyen est pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382 ancien du code civil, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale.

34. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l’Urssaf d’Aquitaine et a condamné M. X... à lui régler une indemnité de 1 000 euros, alors « que l’action n’est recevable que si la personne qui l’exerce a souffert personnellement du dommage directement causé par l’infraction ; qu’en ayant accueilli la constitution de partie civile de l’Urssaf d’Aquitaine, au simple motif qu’elle avait engagé un contrôle contre le prévenu et avait poursuivi des démarches judiciaires, quand il ne s’agissait que de la mission qui lui a été confiée, la cour d’appel a violé les textes susvisés et insuffisamment motivé son arrêt. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 2 du code de procédure pénale :

35. Il résulte de ce texte que l’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

36. Pour déclarer recevable la constitution de partie civile de l’URSSAF d’Aquitaine et condamner le prévenu à lui verser des dommages-intérêts, l’arrêt retient que celle-ci a subi un préjudice résultant de l’ampleur de sa mission de contrôle et des démarches judiciaires qu’elle a dû engager.

37. En prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 38. En effet, les organismes de protection sociale nationaux ne sauraient prétendre avoir subi un préjudice lorsque, comme en l’espèce, la validité du certificat ne peut être contestée, faute de retrait dudit certificat par l’organisme qui l’a émis, ou faute d’établissement de la preuve d’une fraude conformément à la doctrine de la Cour de justice de l’Union européenne, telle qu’elle a été notamment fixée par l’arrêt du 6 février 2018, Ömer Altun, n° C-359/16, et rappelée par la chambre criminelle par plusieurs arrêts du 18 septembre 2018 (pourvoi n° 13-88.631, Bull. crim. 2018, n° 160, notamment), et qu’en conséquence les salariés concernés ne peuvent qu’être regardés comme régulièrement affiliés au régime de sécurité sociale de l’Etat ayant émis le certificat. Cette solution se déduit également de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 avril 2020, Vueling Airlines SA, n° C-370/17 et C-37/18, §§ 97 et 98.

39. La cassation est par suite encourue sur les seuls intérêts civils.

40. N’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE irrecevable le pourvoi formé le 23 octobre 2018 ; CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 17 octobre 2018, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur les intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DÉCLARE irrecevable la constitution de partie civile de l’Urssaf d’Aquitaine ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Président : M. Soulard
Rapporteur : M. Barbier, conseiller référendaire
Avocat général : M. Lemoine
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer - SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol