ETT Monaco - prêt illicite de main-d’oeuvre

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 juin 1999

N° de pourvoi : 98-83063

Non publié au bulletin

Rejet

Président : M. GOMEZ, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

 X... Robert,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 26 février 1998, qui, pour prêt illicite de main-d’oeuvre, l’a condamné à 20 00 francs d’amende ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 11 mai 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GERONIMI ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3 du Code civil, L. 152-3 et L. 125-3 du Code du travail, 1 et 3 de la Convention Franco-Monégasque du 28 février 1952, 55 de la Constitution, 121-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Robert X... coupable de prêt de main-d’oeuvre à des fins lucratives hors du cadre légal du travail temporaire ;

”aux motifs que l’entreprise BOSS étant sous statut monégasque, puisque inscrite au registre du commerce de Monaco et cotisant à la caisse de compensation des services monégasques, ne peut, du fait de son implantation hors du territoire français, satisfaire aux prescriptions des articles L. 124, L. 124-11, R. 124-1 et R. 124-4 du Code du travail dans la mesure où aucune autorité française ne peut être destinataire des documents dont la communication est rendue obligatoire par ces dispositions ;

”qu’il s’avère de ce fait que cette entreprise n’a pas exercé son activité conformément aux dispositions précitées relatives au travail temporaire ;

”que le prévenu ne saurait valablement invoquer la Convention bilatérale Franco-Monégasque signée à Paris le 28 février 1952 alors que celle-ci, intitulée “Convention sur la sécurité sociale” concerne l’affiliation aux caisses de sécurité sociale et n’a aucun rapport avec les textes du Code du travail réglementant la mise à disposition de main-d’oeuvre ;

”que le prévenu fait vainement état d’un jugement rendu par le tribunal correctionnel de Grasse le 25 mars 1994 prononçant sa relaxe alors que, outre le fait que la Cour ne saurait être liée par un jugement fût-il définitif, le jugement ne précise ni les circonstances de la cause ni même les motifs de la relaxe ;

”que le prévenu ne saurait valablement justifier l’intervention de l’entreprise BOSS en alléguant qu’elle est conforme aux usages et en invoquant les relations nouées, entre l’entreprise et diverses Administrations françaises, ces usages et ces relations demeurant sans effet sur la nécessité de respecter les dispositions du Code du travail ;

”alors que, d’une part, en application de l’article 3 du Code civil, une entreprise de travail temporaire monégasque n’est pas en principe soumise aux prescriptions du Code du travail français ; qu’il n’en va différemment que si, conformément aux dispositions de l’article 3 de la Convention Franco-Monégasque sur la sécurité sociale du 28 février 1952, une telle entreprise occupe un ou plusieurs de ses salariés en France pendant plus de six mois, ledit texte n’opérant aucune distinction entre les législations relatives à la sécurité sociale ou au droit du travail des Etats signataires puisqu’il vise globalement les législations en vigueur dans chacun de ces pays ; que dès lors en l’espèce où, pour entrer en voie de condamnation à l’encontre du prévenu qui dirige une entreprise de travail temporaire située à Monaco, les juges du fond qui ont seulement constaté que l’intéressé avait mis quatre ouvriers à la disposition d’une entreprise exploitant un chantier de construction situé en France, en relevant que son entreprise de travail temporaire ne pouvait en raison du lieu de son implantation, satisfaire aux prescriptions du Code du travail français, ont violé le texte précité et se sont mis en contradiction avec leurs constatations, en raisonnant comme si la seule mise à disposition de salariés sur un chantier en France impliquait nécessairement l’application des dispositions du Code du travail français à une telle entreprise de travail temporaire monégasque ;

”alors, d’autre part, que le prévenu ayant dans ces conclusions, invoqué la relaxe dont il avait bénéficié à la suite de poursuites identiques à celles faisant l’objet de la présente instance, ainsi que les relations qu’il entretenait avec la Direction Départementale du Travail et de l’Emploi et l’ASSEDIC en raison du détachement en France de certains membres de son personnel, la Cour qui a reconnu la réalité de ces éléments de fait de nature à exclure toute intention coupable du prévenu, a violé l’article 121-3 du Code pénal en entrant néanmoins en voie de condamnation” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que les 16 décembre 1991 et 26 février 1992, des fonctionnaires de la Direction du Travail et de l’Emploi ont constaté la présence, sur des chantiers de construction, de travailleurs mis à la disposition de deux entrepreneurs par une société de travail temporaire de droit monégasque ayant son siège à Monaco, dirigée par Robert X... ;

Attendu que, saisie des poursuites exercées contre celui-ci du chef de prêt illicite de main-d’oeuvre, faute par l’entreprise qu’il dirige de satisfaire, du fait de son implantation hors du territoire français, aux dispositions légales et réglementaires applicables en matière de travail temporaire, la cour d’appel, pour déclarer le prévenu coupable, se prononce par les motifs partiellement reproduits au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, l’arrêt n’encourt pas les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen, inopérant, doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE 7ème chambre , du 26 février 1998