Fausse psi - faux détachement - emploi direct

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 22 février 2012

N° de pourvoi : 11-82952

Non publié au bulletin

Rejet

M. Louvel (président), président

Me Spinosi, SCP Delvolvé, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

 M. Laurent X...,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 1er février 2011, qui, pour faux, usage, travail dissimulé, défaut de déclaration d’affectation d’un local à hébergement collectif et emploi illégal de travailleurs étrangers, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, cinq amendes de 2 000 euros, a ordonné l’affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 4, alinéa 1, 1, 2, de la loi 73-548 du 27 juin 1973, 2 du décret 75-59 du 20 janvier 1975, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8251-1, L. 8256-2 du code du travail, 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant déclaré le prévenu coupable de faits d’usage de faux en écriture commis courant 2006, de non déclaration de l’affectation d’un local à l’hébergement collectif commis de courant 2006 au 21 juillet 2006, d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié commis de courant mars 2006 au 21 juillet 2006, d’exécution d’un travail dissimulé commis pendant la période antérieure et postérieure à celle du 23 octobre 2006 au 22 juillet 2007 et de faux par altération frauduleuse de la vérité dans un écrit commis courant 2006 ;
” aux motifs propres qu’en des énonciations suffisantes auxquelles la cour se réfère expressément, le tribunal a fait un exposé complet des faits de la cause ; que, par des motifs qu’il y a lieu d’adopter et dont le débat d’appel n’a pas modifié la pertinence, il a justement considéré que les infractions reprochées étaient établies à l’encontre du prévenu à l’exception du délit du travail dissimulé pour la période comprise entre le 23 octobre 2006 et le 22 juillet 2007 ;
” et aux motifs adoptés des premiers juges qu’en ce qui concerne la période allant du mois de mars 2006 au 21 juillet 2006, il résulte des déclarations des frères D...et de M. Y..., de la pièce saisie au domicile de M. X...comportant une liste de prénoms qu’il attribue à MM. Z..., A..., B...et aux frères C..., accompagnée de sommes d’argent depuis le 18 mars 2006, pièce sur laquelle M. X...ne s’explique pas, de l’examen des passeports de MM. Z...et A...qui confirme leur entrée dans l’espace Schengen en mars 2006, du procès-verbal de la Direction départementale du travail établi le 13 juillet 2006, du fait que MM. Z..., A..., B...et les frères C...logeaient sur place dans des conditions non conformes, que les délits sont constitués en ce que M. X...n’a pas remis un bulletin de paie lors du paiement de la rémunération et qu’il a omis délibérément de procéder à la déclaration nominative préalable à l’embauche des salariés, qu’il a directement ou par personne interposée, engagé, conservé à son service ou employé pour cette durée les mêmes personnes, étrangers non munis d’un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, et enfin, qu’il a omis de déclarer au préfet l’affectation d’un local à l’hébergement collectif de ces travailleurs roumains ; que, pour la période ultérieure, du 21 juillet 2006 au 2 juin 2008, il est reproché le seul délit de travail dissimulé par dissimulation des mêmes salariés, par la non remise des bulletins de paye et par la non déclaration préalable à l’embauche ; que le prévenu prétend que, par l’intermédiaire de la SARL Egetra devenue CRD dont il est le gérant, il a sous traité ses chantiers à Timlux, et que ces démarches ne lui incombaient donc pas ; que c’est M. X...qui, en sa qualité de gérant de Egetra ou de CRD ou en son nom, demande les autorisations provisoires de travail en vertu d’un « pouvoir » donné par l’entreprise Timlux, prend en charge les dépenses d’hébergement et de nourriture et parfois des avances à d’autres membres de la famille de M. C..., les virements qu’il opère sur les comptes de Timlux en Roumanie étant affectés par le comptable de cette entreprise au règlement des salaires des salariés, qui achète de fait tous les matériaux et fournit matériel et outillage de M. C..., n’ayant acquis quelques matériels (échafaudage notamment) qu’à une période récente ; que, c’est avec la carte bancaire d’Egetra que M. C...achète les fournitures dont il a besoin, que l’entreprise Timlux est déclarée en Roumanie mais n’a pas dans ce pays de réelle activité (quatre à cinq chantiers par an selon M. C...), l’activité principale étant la « sous-traitance » pour le compte de M. X... ; que les devis et les tarifs sont réalisés ensemble entre M. X...et M. C... ; qu’il manque donc à Timlux l’autonomie et l’existence propre qui en feraient une véritable entreprise sous-traitante, laquelle convient avec l’entrepreneur principal d’une tâche à accomplir, du délai dans lequel elle devra l’être, et du prix qu’elle fera payer l’exécution de cette tâche, mais qui ensuite gère pleinement les moyens en personnel, en outillage et en matériaux qu’elle consacrera à l’exécution de cette tâche ; qu’en l’espèce, l’intervention constante du prévenu à tous les stades (organisation du travail, mise à disposition des matériaux et de l’outillage, obtention des documents administratifs et enfin règlement de la main d’oeuvre), démontrent l’existence d’un lien de subordination direct entre les salariés de l’entreprise Timlux et le prévenu, M. C..., se comportant de fait comme un chef d’équipe, de sorte que c’était à M. X...qu’il incombait de faire en France les démarches exigées pour l’emploi de salariés, en particulier, remise de bulletin de paie et déclaration préalable à l’embauche et qu’en s’en abstenant sciemment, il a commis le délit reproché pendant cette deuxième période à l’exception toutefois de la période comprise entre le 23 octobre 2006 et le 22 juillet 2007 pendant laquelle les travailleurs roumains ont été déclarés et reconnus par la DDT et l’URSSAF comme stagiaires professionnels de droit commun directement attachés à l’entreprise gérée par M. X... ; qu’il convient donc de relaxer le prévenu du chef de travail dissimulé par dissimulation de salariés pour la période du 23 octobre 2006 au 22 juillet 2007 mais de le déclarer coupable de ce même délit pour la période antérieure et postérieure ; qu’enfin, le prévenu ne conteste pas avoir procédé à la reproduction pure et simple du document élaboré par l’architecte pour un autre projet de construction finalement non réalisé, et de la signature de celui-ci afin d’obtenir un permis de construire, ce qui constitue le faux et l’usage de faux qui lui sont reprochés, le fait que l’architecte aurait, selon lui, donné son accord a posteriori sur le document ainsi élaboré n’étant pas de nature à faire disparaître l’infraction ;
” 1) alors que l’exigence d’une motivation suffisante des décisions de justice est l’une des composantes du droit à un procès équitable ; qu’en se bornant à adopter les motifs des premiers juges, sans déduire de motifs montrant qu’elle a elle-même réellement examiné les questions qui lui étaient soumises, la cour d’appel a, en méconnaissance des dispositions des l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, méconnu l’obligation de motivation qui s’impose à toute juridiction “ ;
” 2) alors que si, concernant l’infraction de travail dissimulé, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3 du code pénal, encore faut-il que le prévenu ait eu conscience que les démarches exigées pour l’emploi de salariés lui incombaient ; qu’en l’espèce, M. X...avait précisément fait valoir, relativement à la période du 21 juillet 2006 au 2 juin 2008 qu’ayant, par l’intermédiaire de la SARL Egetra devenue CRD dont il est le gérant, sous-traité ses chantiers à la société Timlux, les démarches concernant les salariés visés à la prévention ne lui incombaient pas ; qu’en se bornant, pour rejeter ce moyen et déclarer le prévenu coupable de travail dissimulé relativement à la période susvisée, à relever que, la société Timlux n’étant pas une véritable entreprise sous-traitante, les démarches exigées pour l’emploi de salariés incombaient au prévenu, et à affirmer qu’il se serait « sciemment » abstenu de faire ces démarches, sans rechercher s’il avait conscience qu’elles lui incombaient, la cour d’appel a privé sa décision de base légale “ ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme, mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en résultant ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que M. Laurent X...devra payer à l’URSSAF de la Dordogne sur le fondement de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Décision attaquée : Cour d’appel de Bordeaux du 1 février 2011