élément intentionnel oui

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 6 avril 1993

N° de pourvoi : 92-84846

Non publié au bulletin

Rejet

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me BLONDEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GALAND ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

 F... André, contre l’arrêt de la cour d’appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 3 juillet 1992 qui, pour travail clandestin, l’a condamné à une amende de trente mille francs ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 462 et 486 du Code de procédure pénale, ensemble violation des règles et principes qui gouvernent le délibéré et méconnaissance des exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’étaient présents et siégeaient le 3 juillet 1992 la décision ayant été rendue à l’audience même à laquelle ont eu lieu les débats-, M. Mahieux, conseiller faisant fonction de président en l’absence du titulaire empêché, M. A... et M. Raffejeaud, conseillers, en présence de Mme D..., substitut général, sans que l’on puisse déterminer à partir de l’arrêt qui doit à cet égard se suffire à lui-même si Mme D..., substitut général, a ou non participé au délibéré, et ce nonobstant le principe que le représentant du ministère public ne peut en aucun cas y assister à quelque titre que ce soit” ;

Attendu qu’il résulte des mentions de l’arrêt attaqué que la cour d’appel, à l’audience publique du 3 juillet 1992, a entendu le rapport du président, le prévenu en son interrogatoire, son conseil en ses conclusions et plaidoirie et le ministère public en ses réquisitions, le prévenu ayant eu la parole le dernier ; qu’après en avoir délibéré, elle a rendu l’arrêt attaqué ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer que le ministère public n’était pas présent lors du délibéré ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 324-9, L. 324-10, L. 363-3 du Code du travail, ensemble violation des articles L. 620-3, L. 143-5 et L. 143-3 du même Code, et méconnaissance des exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable des infractions prévues et réprimées par les articles L. 324-9, L. 324-10 et L. 362-3 du Code du travail et l’a en répression condamné à une amende de 30 000 francs, ensemble à la publication par extraits de la décision dans le journal “L’UNION” en précisant cependant que le coût de publication ne devrait pas dépasser la somme de 2 500 francs ;

”aux motifs adoptés que lors d’un contrôle le 22 décembre 1988 au siège de l’exploitation de André F..., l’inspecteur du travail a relevé qu’il faisait faire ses vendanges en partie par des “entreprises de cueillette de raisin” depuis plusieurs années, notamment en 1986, 1987 et 1988 ; que s’il est possible légalement de confier les tâches agricoles à

des entreprises, encore faut-il que certaines conditions soient remplies tant du côté de l’entrepreneur que de l’employeur pour que l’on puisse admettre qu’il ne s’agit pas de l’emploi de salariés sans avoir effectué les formalités prévues par les articles L. 620-3, L. 143-5, L. 143-3 du Code du travail ; que André F... produit à l’appui de sa demande de relaxe des contrats ne figurant pas à la procédure ; qu’il s’agit de contrats-type concernant la cueillette de raisin à tâche ou en entreprise, qu’il apparaît qu’aucun d’entre eux ne remplit les conditions d’un contrat ;

”et aux motifs encore que celui portant la mention “Z... Carlos” 1986 n’indique pas de date d’intervention, n’est pas daté, ne porte pas la mention manuscrite lu et approuvé, ne précise pas si “Y...” a agi comme salarié ou entrepreneur et ne porte pas l’identité de l’entrepreneur ; Y... apparaît nettement insuffisant d’autant qu’il en existe au moins deux de concernés, B... et Robert ; que le contrat sous le nom de M. Antoine C... (1986) présente les mêmes anomalies ; que les trois contrats de l’année 1987 également, étant de plus souligné que ceux attribués aux consorts Y... et C... ne sont pas signés par André F... ; que le contrat de 1988 sous le nom de “Vinterstrein” porte une signature totalement différente de ce patronyme et présente les mêmes anomalies que relevées s’agissant de celui portant la mention “Z... Carlos” 1986, et qu’aucun contrat n’est produit en ce qui concerne MM. X... et Pernin que André F... ne conteste pas avoir employés ;

”et aux motifs que la seule inscription au registre du commerce ne saurait établir qu’il y a contrat d’entreprise, aucun de ces “entrepreneurs” n’étant immatriculé auprès de la Caisse de mutualité sociale agricole de la Marne ou d’ailleurs, l’objet de l’entreprise de M. Victor G... (seule inscription au registre du commerce produite) : la vente de copies d’étain étant sans rapport avec l’activité agricole ; que le montant des sommes versées n’est pas non plus suffisant à lui seul pour écarter l’existence d’un contrat de travail, si bien qu’il résulte de la procédure que “l’entreprise” n’avait aucune initiative dans la réalisation du travail qui était réalisé conformément aux ordres donnés par André F..., avec le matériel qu’il fournissait ; que lesdites entreprises n’apportaient donc que leur force de travail, si bien que MM. B... et Robert Y..., Antoine C..., Victor G..., X..., Gino E... et Winterstein doivent bien être considérés comme des salariés et non des entrepreneurs, en sorte que l’infraction est constituée ;

”alors qu’est réputé clandestin l’exercice à but lucratif spécialement de prestations de service par toute personne physique qui s’est soustraite intentionnellement en cas d’emploi de salariés à l’obligation d’effectuer au moins deux des formalités prévues aux articles L. 143-3, L. 143-5 et L. 620-3 du Code du travail ;

”qu’en ne constatant pas un manquement précis à telle ou telle

des formalités prévues aux articles précités, la Cour qui se contente de considérations générales prive son arrêt de base légale au regard des textes visés au moyen ;

”qu’en ne constatant pas davantage l’élément intentionnel de l’infraction, la Cour prive derechef son arrêt de base légale au regard des textes cités au moyen” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’inspecteur du travail, base de la poursuite, que l’exploitant agricole André F... a employé des ouvriers agricoles qu’il n’a pas inscrits sur le registre du personnel et auxquels il n’a pas remis de bulletins de paie ; qu’il a été poursuivi, en application de l’article L. 324-10, alinéa 2, 3° du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 27 janvier 1987, du chef de travail clandestin pour avoir, en septembre et octobre 1986, septembre et octobre 1987 et septembre et octobre 1988, employé des salariés sans effectuer au moins deux des formalités prévues aux articles L. 143-3, L. 143-5 et L. 620-3 dudit Code ;

Attendu que, pour critiquer les motifs du jugement l’ayant déclaré coupable, le prévenu n’a pas contesté l’inexécution des formalités relevée par le fonctionnaire du travail, mais s’est borné à soutenir qu’il avait eu recours non à des salariés mais à des entrepreneurs de cueillette de raisin ; Attendu qu’en rejetant cette argumentation et en confirmant le jugement entrepris, la cour d’appel n’a pas encouru les griefs allégués ; qu’en l’absence de contestation du prévenu à cet égard, elle n’était pas tenue de rappeler les formalités précisées par le procès-verbal et qu’il avait omis de remplir ; qu’en constatant que les “contrats d’entreprise” conclus entre le prévenu et les prétendus entrepreneurs dissimulaient en réalité des contrats de travail, elle a suffisamment caractérisé le caractère volontaire de cette omission ;

Attendu que si les faits commis en 1986 n’étaient pas susceptibles de sanctions pénales, la peine est cependant justifiée par les faits commis en 1987 et 1988 ;

D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Zambeaux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Guerder, Roman conseillers de la chambre, Mme Batut conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de

chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Reims du 3 juillet 1992

Titrages et résumés : TRAVAIL - Travail clandestin - Eléments constitutifs - Ouvriers agricoles chargés de la cueillette du raisin - Non inscription sur le registre du personnel, non délivrance de bulletins de paie - Constatations suffisantes.

Textes appliqués :
• Code du travail L143-3, L143-5, L620-3, L324-10 al. 2, 3°